L’Essentiel : Dans l’affaire de la copropriété située à [Adresse 2], Mme [M] a acquis un appartement en 1981. En 2020, elle a signé une promesse de vente, mais l’annexion des parties communes n’avait pas été autorisée. Malgré une proposition de résolution pour créer de nouveaux lots, celle-ci a été rejetée. Les consorts [T] ont contesté la régularité d’une assemblée générale extraordinaire, entraînant une procédure judiciaire. Le tribunal a finalement reconnu la prescription acquisitive de Mme [M] sur les parties communes, rejetant les demandes des consorts [T] et confirmant sa position de propriétaire.
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Contexte de la copropriétéL’immeuble situé à [Adresse 2] [Localité 7] est régi par un règlement de copropriété établi le 25 mars 1958, comprenant cinq copropriétaires et un bâtiment de six étages avec 21 lots. Mme [M] est devenue propriétaire d’un appartement au 5ème étage suite à une donation-partage de sa mère en 1981, incluant les lots 9, 10 et 11. Les consorts [T], M. [R] et son fils [W], détiennent respectivement l’usufruit et la nue-propriété d’un commerce et d’autres lots dans l’immeuble. Promesse de vente et autorisations manquantesLe 16 septembre 2020, Mme [M] a signé une promesse de vente de son appartement aux époux [Z], stipulant que l’annexion des parties communes aux lots 9, 10 et 11 n’avait pas été autorisée par l’assemblée générale des copropriétaires. La promesse de vente prévoyait la création d’un nouveau lot pour les parties communes annexées, devant être vendu avec les autres lots. Assemblées générales et résolutionsMme [M] a proposé une résolution lors de l’assemblée générale du 20 octobre 2020 pour supprimer le droit d’usage des WC communs et créer de nouveaux lots, mais la résolution n’a pas été adoptée en raison d’un vote contre des consorts [T]. Une assemblée générale extraordinaire a été convoquée le 25 janvier 2021 pour soumettre des résolutions similaires, mais les consorts [T] ont contesté la régularité de cette assemblée et ont demandé son annulation. Procédures judiciairesLes consorts [T] ont assigné le syndicat des copropriétaires pour annuler l’assemblée générale extraordinaire, ce qui a été jugé fondé par le tribunal de Paris le 3 septembre 2024. Par la suite, Mme [M] a assigné le syndicat pour obtenir la propriété des parties communes par prescription acquisitive, soutenant avoir occupé ces parties depuis 1981. Arguments des partiesMme [M] a affirmé avoir acquis la propriété des parties communes par prescription, tandis que les consorts [T] ont contesté cette acquisition, arguant que l’occupation était équivoque et que Mme [M] n’avait pas agi comme une propriétaire. Ils ont également demandé le paiement des charges de copropriété pour l’occupation des parties communes. Décision du tribunalLe tribunal a reconnu la prescription acquisitive de Mme [M] sur les parties communes, ordonnant la publication du jugement. Les demandes des consorts [T] pour le paiement des charges ont été rejetées, tout comme la demande de Mme [M] pour procédure abusive. Les consorts [T] ont été condamnés aux dépens et à verser une somme à Mme [M] pour les frais non compris dans les dépens. ConclusionLe tribunal a statué en faveur de Mme [M], lui attribuant la propriété des parties communes et rejetant les demandes des consorts [T]. L’exécution provisoire de la décision a été ordonnée, confirmant ainsi la position de Mme [M] dans cette affaire complexe de copropriété. |
Q/R juridiques soulevées :
Sur la recevabilité de l’intervention volontaire des consorts [T]La question de la recevabilité de l’intervention volontaire des consorts [T] se pose dans le cadre de leur action en justice pour contester la demande de Mme [M] concernant l’usucapion des parties communes. Selon l’article 789 du Code de procédure civile, « Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : (…) 6° Statuer sur les fins de non-recevoir. (…) » Il est établi que les consorts [T] n’ont pas soulevé leur fin de non-recevoir devant le juge de la mise en état, ce qui les rend irrecevables à se prévaloir de cette fin devant le tribunal. Ainsi, la fin de non-recevoir soulevée par Mme [M] sera rejetée, et l’intervention des consorts [T] sera déclarée recevable. Sur la demande principale tendant à l’établissement d’un usucapion sur les parties communes au profit de Mme [M]La demande de Mme [M] repose sur l’article 2261 du Code civil, qui stipule que « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. » Mme [M] soutient avoir occupé les parties communes annexées à son appartement depuis 1981, ce qui, selon elle, lui confère un droit de propriété par prescription acquisitive. Les consorts [T] contestent cette demande en invoquant l’article 2270 du Code civil, qui précise qu’« On ne peut pas prescrire contre son titre. » Ils affirment que Mme [M] ne peut pas revendiquer la propriété des parties communes, car elle a toujours reconnu leur statut de parties communes dans le règlement de copropriété. Cependant, la jurisprudence admet qu’un copropriétaire peut revendiquer l’usucapion d’une partie commune, à condition de ne pas prescrire contre son titre. En l’espèce, Mme [M] ne cherche pas à prescrire contre son titre, mais à faire valoir ses droits contre les autres copropriétaires. Ainsi, la demande de Mme [M] sera accueillie, car elle a démontré une possession paisible et non équivoque des parties communes depuis plus de trente ans. Sur la demande reconventionnelle en paiement des charges de copropriétéLes consorts [T] demandent le paiement des charges de copropriété, en se fondant sur l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, qui dispose que « La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile. » Cet article précise que le syndicat est responsable de l’administration des parties communes et que les actions en recouvrement de charges communes relèvent de sa compétence exclusive. En conséquence, les consorts [T] ne peuvent pas agir en paiement des charges de copropriété en lieu et place du syndicat, car ils n’ont pas qualité pour le faire. La demande des consorts [T] sera donc rejetée, car elle ne peut être formulée que par le syndicat des copropriétaires. Sur la demande d’indemnité au titre de la procédure abusiveMme [M] sollicite des dommages et intérêts pour procédure abusive, en se fondant sur l’article 30 du Code de procédure civile, qui permet de condamner une partie à des amendes civiles en cas d’action dilatoire ou abusive. Pour obtenir réparation, il incombe à Mme [M] de prouver l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux, conformément à l’article 1240 du Code civil, qui stipule que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer. » Les consorts [T] soutiennent qu’ils n’ont pas commis de faute dans le cadre de leur action en justice, car ils ont agi pour défendre leurs droits en tant que copropriétaires. En l’absence de preuve d’une malice ou d’une mauvaise foi de la part des consorts [T], la demande de Mme [M] sera rejetée, car elle ne parvient pas à établir les éléments constitutifs de la procédure abusive. Sur les demandes accessoiresConcernant les dépens, l’article 696 du Code de procédure civile stipule que « la partie perdante est condamnée aux dépens. » En l’espèce, les consorts [T] seront condamnés à payer les dépens de l’instance. Pour ce qui est des frais non compris dans les dépens, l’article 700 du Code de procédure civile prévoit que le juge peut condamner la partie perdante à payer à l’autre partie une somme déterminée pour les frais exposés. Les consorts [T] seront également condamnés à verser à Mme [M] la somme de 4.000 euros à ce titre. Enfin, l’exécution provisoire est de droit, conformément aux articles 514 et suivants du Code de procédure civile, et ne sera pas écartée en raison de la nature des condamnations prononcées et de l’ancienneté du litige. |
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
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Copies certifiées conformes délivrées le :
à Me BAUDASSE, Me KIRAT et Me BRASIER PORTERIE
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8ème chambre
1ère section
N° RG 21/06661 –
N° Portalis 352J-W-B7F-CUNOB
N° MINUTE :
Assignation du :
12 Mai 2021
JUGEMENT
rendu le 14 Janvier 2025
DEMANDERESSE
Madame [N] [K] épouse [M]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Maître Véronique BAUDASSE de la SELARL CB AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0639
DÉFENDEUR
Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] – [Localité 7], représenté par son syndic en exercice, la S.A.S. CABINET PG LANCE & CIE, elle-même représentée par
la société SDPF SAS, Président élu à cette fonction le 15 novembre 2019, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 8]
représenté par Maître Margaux KIRAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0554
PARTIES INTERVENANTES
Monsieur [W] [T]
[Adresse 6]
[Localité 9]
Monsieur [R] [T]
[Adresse 11]
[Localité 10]
représentés par Maître Géraldine BRASIER PORTERIE de la SELARL BARO ALTO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0020
Décision du 14 Janvier 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 21/06661 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUNOB
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge
assistés de Madame Maïssam KHALIL, Greffière,
DÉBATS
A l’audience du 18 Septembre 2024 tenue en audience publique devant Madame JOSSELIN-GALL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
L’immeuble sis [Adresse 2] [Localité 7] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis par règlement de copropriété en date du 25 mars 1958 ; la copropriété est constituée de cinq copropriétaires, le bâtiment est composé de 6 étages répartis en 21 lots.
Mme [N] [K] épouse [M] (ci-après « Mme [M] »), après acte de donation-partage de sa mère en date du 28 décembre 1981, est devenue propriétaire d’un appartement au 5ème étage de cet immeuble, qui comprend les lots 9, 10 et 11 de l’état descriptif de division.
M. [R] (père) et [W] (fils) [T] (ci-après « les consorts [T] ») sont respectivement usufruitier et nu-propriétaire d’un commerce situé au rez-de-chaussée, d’un appartement au 1er étage et d’une chambre de service au 6ème étage de cet immeuble.
Par acte authentique en date du 16 septembre 2020, Mme [M] a conclu une promesse de vente de son bien immobilier aux époux [Z]; cet acte précise que la réunion des lots 9, 10 et 11 avec annexion des parties communes n’a pas fait l’objet d’une autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires.
La promesse de vente stipule en conséquence que l’entrée et les WC, constitutifs des parties communes annexées aux lots n°9, 10 et 11, doivent faire l’objet de la création d’un nouveau lot de copropriété, qui sera acquis par le promettant, pour ensuite être vendu au bénéficiaire de la promesse avec les lots n°9, 10 et 11.
Mme [M] a donc demandé l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires en date du 20 octobre 2020 la résolution n°18 dont l’objet était :
– La suppression du droit à l’usage du WC commun du 5ème étage, sans indemnité (18-1) ;
– La création d’un nouveau lot n°22 au 5ème étage, comportant les 11 m² (18-2) ;
– La vente du lot n°22 ainsi créé à Mme [M] (18-3) ;
– La création d’un nouveau lot n°23, issu de la réunion des lots n°9, 10 et 11 au nouveau lot n°22 (18-4).
M. [W] [T] a voté contre la résolution 18-1, qui n’a pas été adoptée, faute de l’unanimité nécessaire à l’aliénation de parties communes ; les résolutions 18-2 à 18-4 sont devenues sans objet compte tenu du vote négatif de la résolution 18-1.
Mme [M] a en conséquence demandé la convocation d’une assemblée générale extraordinaire le 25 janvier 2021, aux fins de soumettre quatre projets de résolutions (n°3, 4, 5 et 6) organisant la vente des parties communes du cinquième étage et la création d’un lot unique au bénéfice de Mme [M], les termes de ces résolutions étant identiques à ceux proposés à l’assemblée générale précédente.
Par exploit du 23 mars 2021, les consorts [T] ont assigné devant le tribunal de céans le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] [Localité 7] aux fins d’annulation de l’assemblée générale extraordinaire en date du 25 janvier 2021 en son entier pour convocation irrégulière, défaut de justification des modalités de vote exclusivement par correspondance, et l’annulation de certaines résolutions adoptées pour non-respect des règles de majorité et abus de majorité.
L’affaire, enregistrée sous le numéro de RG 21/06269, a fait l’objet d’un jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 3 septembre 2024, qui a annulé l’assemblée générale des copropriétaires du 25 janvier 2021 du syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 2] [Localité 7].
Par exploit du 12 mai 2021, Mme [M] a assigné le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] [Localité 7] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de se voir attribuer la propriété, en application d’une prescription acquisitive, des partie communes incluses dans l’appartement du 5ème étage lors de sa réhabilitation en 1978.
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2023, Mme [M] demande au tribunal de :
« Vu les articles 2258 et suivant du Code Civil,
Vu les articles 30 et suivants du CPC,
In limine litis,
JUGER les consorts [T] irrecevables en leurs demandes ;
DEBOUTER les consorts [T] de leurs demandes ;
Sur le fond,
RECEVOIR Madame [N] [M] née [K] en son action en prescription acquisitive du couloir commun d’accès aux lots numéros 9, 10 et 11 et le water-closet situés au 5ème étage et les 17/1017èmes des parties communes générales, consistant en des parties communes ;
JUGER que Madame [N] [M] née [K] a acquis la propriété par prescription acquisitive du couloir commun d’accès aux lots numéros 9, 10 et 11 et le water-closet situés au 5ème étage et les 17/1017èmes des parties communes générales, de l’immeuble du [Adresse 2] [Localité 7], cadastré section AQ n°[Cadastre 4] ;
ORDONNER la publication du présent jugement au Service de la Publicité Foncière de PARIS 1 à la diligence de Madame [N] [M] née [K];
DEBOUTER les consorts [T] de leurs demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER les consorts [T] solidairement à payer à Madame [M] la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNER les consorts [T] à régler à Madame [M] la somme de 10.000€ au titre de l’article 700 du CPC, outre les dépens.
ORDONNER l’exécution provisoire de droit, conformément à l’article 514 du CPC, nonobstant l’appel et sans constitution de garantie ».
Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 septembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] [Localité 7] a acquiescé à la demande de Mme [M] et demande au tribunal de :
« – JUGER recevables et bien fondées les demandes de Madame [N] [M] telles formulées dans son assignation en date du 12 mai 2021 :
* Tant en ce qui concerne la prescription acquisitive du couloir commun d’accès aux lots n°9, 10, 11 dont elle est propriétaire ainsi que sur le water-closet du 5ème étage et les 17/1017 èmes des parties communes générales ;
* Qu’en ce qui concerne la publication du présent jugement au service de la Publicité Foncière de Paris 1er.
– Juger que chacune des parties conservera la charge des dépens engagés ».
Par ordonnance en date du 22 septembre 2021, le juge de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction et a fixé l’audience de plaidoiries au 7 septembre 2022.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 juillet 2022, les consorts [T] sont intervenus volontairement à la procédure et ont sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture.
A l’audience du 7 septembre 2022, le tribunal a révoqué l’ordonnance de clôture.
Par leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2023, les consorts [T] demandent au tribunal de :
« Vu les articles 328 et suivants du Code de procédure civile,
Vu les articles 2258 et suivants du Code civil,
Vu les articles 2272 et suivants du Code civil,
Vu l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965,
– JUGER recevable l’intervention volontaire de Messieurs [T],
– DEBOUTER Madame [M] de ses demandes,
– CONDAMNER Madame [M] au paiement des loyers et charges correspondant à l’occupation indue des parties communes du 5ème étage sur les dix dernières années,
En tout état de cause :
– CONDAMNER Madame [N] [M] et le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic en exercice à payer à Messieurs [T] la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ».
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’affaire a été close par ordonnance du 16 octobre 2023, et fixée à l’audience du 18 septembre 2024, puis mise en délibéré au 3 décembre 2024 (prorogé au 14 janvier 2025) date à laquelle il a été mis à disposition au greffe.
Un message RPVA a été adressée aux parties le 9 janvier 2025, pour solliciter leurs observations sur les moyens d’irrecevabilité soulevés devant le tribunal alors que le juge de la mise en état n’en a pas été saisi avant l’ordonnance de clôture, conformément aux dispositions de l’article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2019.1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020 et dans sa version applicable au litige.
Mme [M] a communiqué ses observations par une note en délibéré adressée au tribunal par RPVA le 10 janvier 2025, et a indiqué ne plus soutenir in limine litis les moyens d’irrecevabilité initialement soulevés, et sollicitant désormais que le tribunal se prononce uniquement sur le fond du litige, son contradicteur la lisant en copie.
1- Sur la recevabilité de l’intervention volontaire des consorts [T]
Mme [M] expose que les consorts [T] sont irrecevables à agir en intervention volontaire car ils ne peuvent exercer seuls l’action portant sur ses lots et qu’ils ne peuvent prétendre agir en défense de l’intérêt collectif des copropriétaires, au soudain motif d’une atteinte aux parties communes pour des travaux effectués il y a plus de 40 ans, dont ils n’ont jamais ignoré l’existence.
Mme [M] soutient en outre que la demande des consorts [T] ayant pour objet sa condamnation au paiement des loyers et charges correspondant à l’occupation des parties communes du 5ème étage sur les dix dernières années doit, de plus, être déclarée irrecevable car elle relève de l’action exclusive du syndicat des copropriétaires, elle est en outre prescrite et non chiffrée.
Les consorts [T] opposent qu’ils ont un intérêt à agir dans la présente procédure en usucapion car il s’agit notamment d’une atteinte aux parties communes, et chaque copropriétaire, propriétaire indivis d’une quote-part des parties communes, peut demander la cessation d’une atteinte portée aux parties communes, sans avoir à justifier d’un intérêt à agir.
Ils excipent que l’absence d’opposition du syndicat des copropriétaires à une décision contraire à l’intérêt collectif est en outre de nature à constituer un abus de majorité, l’intérêt collectif des copropriétaires ne se confondant pas avec l’intérêt de la famille [M], comme le soutient à tort la demanderesse.
Ils précisent que le syndicat des copropriétaires étant dans la cause au moment de leur intervention volontaire, ils n’ont pas besoin de démontrer l’existence d’un préjudice personnel pour avoir qualité à agir dans le cadre de la présente procédure, que ce soit en restitution des parties communes ou en paiement des charges et loyers afférentes à ces dernières.
Les consorts [T] n’ont pas communiqué leurs observations en délibéré sur ces fins de non-recevoir soulevées pour la première fois devant le tribunal sans avoir été soumises au juge de la mise en état par conclusions distinctes.
******************
Selon l’article 789 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n°2024-673 du 03 juillet 2024, en vigueur entre le 1er septembre 2020 et le 1er septembre 2024, applicable au présent litige, « Le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
(…)
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.(…) ».
Il ressort des éléments au débat que la fin de non-recevoir dont se prévaut Mme [M] n’a pas été utilement soulevée devant le juge de la mise en état, par des conclusions distinctes de celles adressées au tribunal.
Par conséquent elle n’est pas recevable à se prévaloir de cette fin de non-recevoir devant le tribunal, non valablement saisi, qui n’a donc pas à l’examiner.
Lesdites fins de non-recevoir seront donc rejetées en l’état.
2- Sur la demande principale tendant à l’établissement d’un usucapion sur les parties communes au profit de Mme [M]
Mme [M] expose qu’elle a reçu en donation par sa mère, [P] [K], les lots 9, 10 et 11 de l’état descriptif de division, sis au 5ème étage de l’immeuble, en 1981.
Décision du 14 Janvier 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 21/06661 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUNOB
Elle précise que cette dernière était devenue propriétaire des lots en question en exécution d’un acte de partage dressé par notaire le 25 novembre 1963, tels que décrits dans le règlement de copropriété en date du 25 mars 1958, consistant en deux logements distincts constituant les lots 9 à 11, avec entrée commune et droit aux WC communs du 5ème étage.
Elle soutient qu’en application du règlement de copropriété les deux propriétaires des lots en question avaient la charge exclusive pour moitié chacun des frais d’entretien, réparations et remplacement de l’entrée et des toilettes communes dont ils avaient la jouissance exclusive.
Mme [M] reconnait que lors des travaux de réhabilitation du cinquième étage réalisés par ses parents sous la maîtrise d’ouvrage d’un architecte en 1978, ce dernier a établi un plan restructurant les lots 9 à 11 et que le couloir commun d’accès aux lots n°9, 10 et 11 depuis le palier et le water-closet commun de l’étage ont été supprimés, pour être inclus dans le nouvel appartement, aux fins de créer une cuisine.
Elle explique qu’elle a ensuite vécu dans cet appartement de septembre 1979 au 1er octobre 1982, puis l’a ensuite donné à bail jusqu’à sa décision de le mettre en vente en 2020, ce qui atteste d’une possession continue, non-interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire des parties communes incluses dans la reconfiguration du 5ème étage depuis plus de trente ans.
En réponse au moyen des consorts [T] s’agissant de l’impossibilité de prescrire des parties communes à usage exclusif en raison d’une occupation équivoque, puisque l’on ne peut prescrire contre son titre en application de l’article 2270 du code civil, Mme [M] soutient qu’elle ne se prévaut pas de l’usucapion d’un droit de jouissance exclusif, dont elle était déjà titulaire en application du règlement de copropriété, mais d’une prescription acquisitive portant sur la propriété de ces parties communes.
Elle réfute les arguments des intervenants volontaires qui exposent qu’elle ne s’est pas comportée comme un propriétaire en laissant payer la copropriété les charges sur ces parties communes, puisque les titulaires des lots 9, 10 et 11 doivent justement s’acquitter des charges sur ces dernières en application du règlement de copropriété, car ils en ont la jouissance exclusive.
Elle dénie également leur assertion selon laquelle elle n’aurait jamais annexé les parties communes soutenant que les pièces qu’elle verse aux débats sont de nature à caractériser cette annexion, notamment les plans avant et après travaux et les baux d’habitation décrivant la composition de l’appartement, qui démontrent que les travaux effectués ont fait du 5ème étage un seul et unique appartement, occupé depuis Mme [M] depuis plus de trente ans.
Elle souligne la contradiction entre les écritures des défendeurs, qui concluent à la non annexion des parties communes, et leur insistance à obtenir l’inscription à l’ordre du jour d’une assemblée générale des copropriétaires le vote d’une résolution autorisant le syndic à agir contre elle en justice pour restitution de ces parties communes et remise en état à ses frais exclusifs, excipant en outre de leur non-participation à l’assemblée générale qui a procédé au vote, négatif, de cette résolution.
Elle réfute enfin un quelconque caractère signifiant au non établissement d’un acte de notoriété, l’instance actuelle se justifiant par l’opposition soudaine et systématique des consorts [T] à une résolution paisible du litige.
Les consorts [T] soutiennent l’impossibilité de prescrire des parties communes à usage exclusif en raison du caractère équivoque d’une telle occupation, en application de l’article 2270 qui empêche de prescrire contre son titre.
Ils soulignent qu’en l’espèce le règlement de copropriété confère un droit de jouissance exclusif sur les parties communes que Mme [M] a annexées, et en déduisent que le jeu de la prescription acquisitive ne peut intervenir.
Ils arguent qu’en outre Mme [M] ne démontre pas occuper à titre de propriétaire ces parties communes depuis plus de trente ans ni que leur occupation a été continue, paisible, publique et non équivoque puisque:
– Elle a laissé la copropriété payer les charges afférentes à ces parties communes, et ne s’est donc pas comportée en copropriétaire ;
– Les plans fournis aux débats par Mme [M] ne permettent pas de démontrer la réunion des lots et l’annexion des parties communes ;
– Les baux d’habitation conclu en 1994 et 2002 qui contiennent la description du bien loué ne sont pas non plus de nature à démontrer l’annexion des parties communes ;
– Les attestations fournies sont imprécises en ne démontrant pas davantage l’occupation du couloir et des toilettes communes du 5ème étage ainsi que l’aménagement de l’espace en un unique appartement constitué desdites parties communes et des lots 9, 10 et 11.
– Aucun des documents versés aux débats par Mme [M] ne permet d’établir une annexion des parties communes du 5ème étage depuis plus de trente ans, parce qu’ils n’ont aucun lien avec ladite annexion, s’agissant de factures de mobilier d’aménagement intérieur, de photographies de l’appartement vide, d’un certificat d’assurance de perte de clés, de la carte de la mutuelle nationale des étudiants de France, d’un contrat de gestion locative, d’états établis par un administrateur de bien entre 1987 et 1989 permettant la déclaration des revenus, d’un compte-rendu de gérance.
En réponse au moyen de Mme [M] qui souligne leur contradiction à lui dénier l’annexion des parties communes, tout en sollicitant l’inscription à l’ordre du jour d’une assemblée générale des copropriétaires le vote d’une résolution autorisant le syndic à agir en justice pour en demander la restitution, ils excipent que leur requête ne signifie nullement qu’ils considèrent que Mme [M] a annexé ces parties communes dans le cadre d’un usucapion, mais que cette occupation est illégale et s’est faite au détriment des autres copropriétaires.
Les consorts [T] font également valoir que Mme [M] elle-même a reconnu ne pas être propriétaire des parties communes, puisque les clauses contractuelles stipulées dans la promesse de vente de son bien font état de son obligation de rachat des parties communes lors d’une assemblée générale des copropriétaires à venir, pour en rétrocéder ensuite la propriété aux bénéficiaires de la promesse. Ils soulignent, qu’elle a ensuite sollicité le rachat de ces parties communes lors des assemblées générales des 20 octobre 2020 et 17 janvier 2023; cette attitude est exclusive d’une possession paisible à titre de propriétaire.
Ils soulignent enfin qu’elle n’a jamais fait établir un acte de notoriété publique par notaire pour justifier de cette possession utile.
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L’article 3 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : « Sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l’usage ou à l’utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d’entre eux.
Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputés parties communes :
– Le sol, les cours, les parcs et jardins, les voies d’accès ;
– Le gros œuvre des bâtiments, les éléments d’équipement commun, y compris les parties de canalisations y afférentes qui traversent les locaux privatifs ;
– Les coffres, gaines et têtes de cheminée ;
– Les locaux des services communs ;
– Les passages et corridors ;
– Tout élément incorporé dans les parties communes.(…) »
Aux termes de l’article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965 : « Les parties communes à jouissance privative sont les parties communes affectées à l’usage ou à l’utilité exclusifs d’un lot. Elles appartiennent indivisément à tous les copropriétaires.
Le droit de jouissance privative est nécessairement accessoire au lot de copropriété auquel il est attaché. Il ne peut en aucun cas constituer la partie privative d’un lot.
Le règlement de copropriété précise, le cas échéant, les charges que le titulaire de ce droit de jouissance privative supporte ».
Le droit de jouissance privatif n’affecte pas la qualification des parties communes et ne peut constituer la partie privative d’un lot de copropriété (Civ. 3ème, 6 juin 2007, n°06-13.477) ; aucune quote-part de copropriété ne peut lui être affectée (Civ. 3ème, 6 nov. 2002, n°01-03.436). En conséquence les quotes-parts dont il peut être assorti sont des quotes-parts de charges de conservation, d’administration ou d’entretien des parties communes sur lesquelles il porte et que son exercice utilise (Civ. 3ème, 19 décembre 1990, n°89-12.526 ; Civ. 3ème, 4 mai 1995, n° 93-11.121 ; Civ. 3ème, 27 mars 2008, n°07-11.801).
L’article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que « L’existence des parties communes spéciales et de celles à jouissance privative est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété».
Aux termes de l’article 2261 du code civil, « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».
L’article 2262 dispose que « Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription ».
Aux termes de l’article 2270 du code civil, « On ne peut pas prescrire contre son titre, en ce sens que l’on ne peut point se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession ».
L’article 2272 dispose que « Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.
Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans ».
En application de ces textes, un copropriétaire peut se prévaloir de l’usucapion d’une cour, partie commune, sans qu’il soit nécessaire de constater une interversion de titre, dès lors qu’il n’entend pas prescrire contre son titre mais contre les droits des autres membres du syndicat des copropriétaires, l’article 2270 du code civil n’étant donc pas applicable (Civ. 3ème, 11 juil. 2019, n°18-17.771).
Le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement est présumé posséder dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire (Civ. 3ème, 22 oct. 2020, n°18-23.534).
Sur ce
Mme [M] a acquis la propriété des lots n°9, 10 et 11 en 1981, ce qui n’est pas contesté par les défendeurs et est attesté par l’acte de donation partage de sa mère, Mme [K] née [V], au profit de ses enfants, versé aux débats.
Mme [M] fournit également aux débats le règlement de copropriété et l’état descriptif de division en date du 28 juin 1958, qui établit ainsi la consistance initiale des lots 9, 10 et 11 sis au 5ème étage de l’immeuble.
– le lot n°9 est situé au 5ème étage à droite dans l’entrée commune, il est décrit comme comportant « une entrée commune avec lot 10, une pièce sur rue, une pièce sur cour, cuisine sur cour, droit aux W.C. communs du 5ème étage » ;
– le lot n°10, situé au 5ème étage face dans l’entrée commune, est décrit comme comportant une « entrée commune avec lot 9 – une pièce sur rue, cuisine sans jour, droit W.C. communs du 5ème étage » ;
– le lot n°11, situé au 5ème étage couloir gauche et droite au fond est désigné comme « un cabinet ».
L’article 12 de ce règlement, relatif aux charges communes aux co-propriétaires de certains lots, dont celles relatives aux lots n°9 et 10, stipule en son alinéa 4 et 5 que : « Tous les frais de réparations, entretien et remplacement ou autre de l’entrée commune aux lots n°9 et 10 seront supportés par les propriétaires des lots n°9 et n°10, chacun pour moitié.
Tous les frais de réparations, entretien et remplacement ou autres des water-closets communs du cinquième étage, seront supportés par les propriétaires des lots n°9 et 10 chacun par moitié, tant que le lot n°11 et le lot n°9 seront occupés par la même personne. Au cas où le lot n°11 serait occupé par une autre personne que l’occupant du lot n°9, tous ces frais seront supportés par les propriétaires des lots n°9, 10 et 11, chacun pour un tiers ».
Il résulte en conséquence du règlement de copropriété que le couloir d’accès aux appartements des lots n°9 et n°10 et les waters-closets situés au 5ème étage sont des parties communes à jouissance privative, et que les quotes-parts dont ces parties communes sont assorties sont des quotes-parts de charges de conservation, d’administration ou d’entretien de ces dernières, qui ont été imputées aux seuls copropriétaires des lots n°9, 10 et 11, en contrepartie de leurs droits de jouissance exclusifs sur lesdites parties communes.
Contrairement à ce que soutiennent les défendeurs, en sollicitant le bénéfice de l’usucapion sur le couloir d’accès à ses lots ainsi que le water-closet du 5ème étage, Mme [M] n’entend pas prescrire contre son titre mais contre les droits des autres membres du syndicat des copropriétaires, dès lors qu’il s’agit de parties communes.
Le moyen tenant à une prétendue prescription contraire à son titre est donc inopérant.
Dès lors la prétention de Mme [M] sera accueillie à la condition qu’elle démontre le premier acte matériel de possession de ces parties communes, et sauf preuve contraire durant le temps écoulé depuis lors.
Décision du 14 Janvier 2025
8ème chambre 1ère section
N° RG 21/06661 – N° Portalis 352J-W-B7F-CUNOB
Au soutien de la caractérisation de cette possession utile, Mme [M] verse aux débats :
– les plans du 5ème étage avant et après sa rénovation, dont il ressort que la configuration actuelle de l’appartement de Mme [M] résulte des travaux effectués en 1978 par ses parents, au terme desquels les lots 9 à 11, initialement deux logements distincts, sont devenus un seul et unique appartement ; ces travaux ont également annexé l’entrée commune et les WC communs du 5ème étage.
– les photographies attestant qu’il s’agit d’un appartement traversant clôturé par une porte qui donne sur le palier, le dégagement initial du palier sur deux appartements initialement distincts ayant disparu ;
– les éléments qui attestent de son installation et de sa domiciliation dans cet appartement depuis 1981, avant son déménagement vers son domicile actuel en Aveyron ; soit un certificat d’assurance et sa carte de mutuelle Mnef du 1er juillet 1981 attestant de ce domicile ;
– les contrats de baux locatifs successifs aux termes desquels elle a loué son bien immobilier, ainsi que les pièces justifiant des revenus qu’elle en a obtenus ;
– deux attestations de témoins qui corroborent les plans fournis s’agissant de la rénovation de l’appartement quant à l’inclusion des parties communes lors de sa restructuration, pour avoir constaté dès 1980 que l’entrée de l’appartement se faisait par la porte palière ouvrant directement sur une pièce de vie, certifiant l’absence de W.C. communs sur un pallier et attestant de l’existence d’un seul et unique appartement au 5ème étage.
Il s’évince de l’analyse combinée de ces éléments que le premier acte de possession à titre de propriétaire de Mme [M] doit être daté de son installation dans cet appartement rénové, comprenant l’inclusion des parties communes, à la date où sa mère lui en a fait donation, soit le 28 décembre 1981.
Depuis cette date, Mme [M] fournit aux débats la preuve d’actes de nature à caractériser une possession paisible, publique et non équivoque du dégagement et des W.C. communs, puisqu’elle a vécu dans cet appartement ainsi configuré et qu’elle a ensuite procédé à sa location jusqu’à sa mise en vente, le 16 septembre 2020, sans qu’aucun des copropriétaires ne conteste cette possession.
A l’inverse, les défendeurs ne produisent aucune pièce suffisamment probante de nature à venir contrarier le fait que cette possession a revêtu les caractères légaux durant la période trentenaire écoulée depuis le 28 décembre 1981, soit jusqu’au 28 décembre 2011.
Dans ces conditions, le fait allégué en défense pour Mme [M] d’avoir sollicité l’accord de l’assemblée générale pour le rachat des parties communes litigieuses puis engagé la présente action judiciaire est sans incidence dès lors que ces événements sont intervenus postérieurement à la période trentenaire précitée, d’une part, et se comprennent en toute hypothèse uniquement à l’aune de la vente immobilière des lots litigieux, d’autre part.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de Mme [M] tendant à la reconnaissance de son acquisition de la propriété par prescription acquisitive du couloir commun d’accès aux lots numéros 9, 10 et 11 et le water-closet situés au 5ème étage et les 17/1017èmes des parties communes générales, de l’immeuble du [Adresse 2] [Localité 7], cadastré section AQ n°[Cadastre 4].
Il sera également ordonné la publication du présent jugement au Service de la Publicité Foncière de Paris 1 à la diligence de Madame [N] [M] née [K].
3- Sur la demande reconventionnelle en paiement des charges de copropriété
Les consorts [T], aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions, demandent au tribunal de condamner Mme [M] au paiement des loyers et charges correspondant à l’occupation indue des parties communes du 5ème étage sur les dix dernières années.
En défense, Mme [M] souligne que leurs demandes sont infondées, prescrites et non chiffrées.
******************
L’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que : « La collectivité des copropriétaires est constituée en un syndicat qui a la personnalité civile.
Le syndicat peut revêtir la forme d’un syndicat coopératif régi par les dispositions de la présente loi.
Il établit, s’il y a lieu, et modifie le règlement de copropriété.
Il a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes.
Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ».
En application de ce texte, les actions en recouvrement de charges communes, pour lesquelles le syndic est dispensé d’obtenir l’autorisation de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires sont de la compétence exclusive du syndicat des copropriétaires.
Sur ce
En raison des développements qui précèdent, Mme [M] est irrecevable à soumettre sa prétention quant à la prescription alléguée, s’agissant d’une fin de non-recevoir qui n’a pas été soulevée devant le juge de la mise en état.
Au fond, les consorts [T] ne sont pas fondés à agir en paiement des charges de copropriété en lieu et place du syndicat des copropriétaires, nul ne plaidant par Procureur.
Il sera au surplus relevé que le syndicat des copropriétaires, partie à la présente instance, ne formule aucune demande à ce titre
En conséquence, la demande des consorts [T] de condamnation de Mme [M] en paiement d’un arriéré de charges de copropriété sera rejetée.
4- Sur la demande d’indemnité au titre de la procédure abusive
Mme [M] sollicite des dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement des articles 30 et suivants du code de procédure civile, dans la mesure où l’opposition systématique et sans fondement des consorts [T] à la régularisation de l’annexion des parties communes a conduit à l’impossibilité de la réalisation de la vente de son bien immobilier, qui avait fait l’objet d’une promesse de vente sous condition suspensive de l’acquisition des dites parties communes par une décision d’assemblée générale des copropriétaires.
Les consorts [T] soutiennent que Mme [M] échoue à démontrer une faute qui leur soit imputable dans le cadre de la mise en œuvre de leur action en justice.
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Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ».
Aux termes de l’article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer ».
Sur ce fondement, il incombe à la partie demanderesse de rapporter la triple preuve de l’existence, d’une faute d’un préjudice et d’un lien causal entre les deux.
L’article 1241 du code civil dispose que « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence ».
En application de ces textes, la condamnation à des dommages-intérêts pour procédure abusive relève du droit de la responsabilité civile pour faute au sens de l’article 1240 du code civil. Elle suppose, d’une part, que soit caractérisée la faute de la partie perdante faisant dégénérer en abus l’exercice du droit d’ester en justice, et, d’autre part, que soit démontré un lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi par la partie demanderesse des dommages et intérêts pour procédure abusive.
L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol. (Civ. 1ere, 18 juill. 1995, n°93-14.485 ; Civ. 3ème, 10 oct. 2012, n°11-15.473)
Sur ce
Mme [M], en concluant la promesse de vente de son appartement en se portant fort de l’obtention de l’accord de l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires quant à la régularisation de l’appropriation initiale des parties communes, sans autorisation de cette dernière lors des travaux en 1981, a pris le risque que cette régularisation ne puisse aboutir, faute de l’unanimité requise.
Les consorts [T] ont contesté cette régularisation en agissant en justice pour contester les diverses assemblées, ils sont par voie de conséquence logiquement intervenus volontairement à l’instance initiée par Mme [M] pour faire obstacle à l’usucapion immobilier sollicité par cette dernière sur ces parties communes.
Nonobstant le sens de cette décision, Mme [M] succombe à caractériser la malice, la mauvaise foi ou l’intention de nuire nécessaires à établir leur faute, support de l’action en procédure abusive.
En conséquence, Mme [M] sera déboutée de sa demande indemnitaire au titre de la condamnation des consorts [T] en procédure abusive.
5- Sur les demandes accessoires
– Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Les consorts [T] seront condamnés au paiement des entiers dépens de l’instance.
– Sur les frais non compris dans les dépens
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Tenus aux dépens, les consorts [T], seront en outre condamné à payer à Mme [M] la somme de 4.000 euros à ce titre.
– Sur l’exécution provisoire
Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’espèce, la nature des condamnations prononcées et l’ancienneté du litige justifient que l’exécution provisoire de droit ne soit pas écartée.
Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que leurs autres demandes plus amples ou contraires.
Le tribunal, par décision contradictoire et rendue en premier ressort par mise à disposition au greffe,
DECLARE le tribunal non valablement saisi des exceptions d’irrecevabilité soulevées par Mme [N] [K] épouse [M] ;
Les REJETTE en conséquence ;
DECLARE l’acquisition par Mme [N] [K] épouse [M] de la propriété par prescription acquisitive du couloir commun d’accès aux lots numéros 9, 10 et 11 et le water-closet situés au 5ème étage et les 17/1017èmes des parties communes générales, de l’immeuble du [Adresse 2] [Localité 7], cadastré section AQ n°[Cadastre 4] ;
ORDONNE la publication du présent jugement au Service de la Publicité Foncière de Paris 1 à la diligence de Madame [N] [K] épouse [M] ;
DEBOUTE M. [W] [T] et M. [R] [T] de leur demande reconventionnelle en condamnation de Mme [N] [K] épouse [M] en paiement d’un arriéré de charges de copropriété ;
DEBOUTE Mme [N] [K] épouse [M] de sa demande de condamnation de M. [W] [T] et M. [R] [T] pour procédure abusive ;
CONDAMNE M. [W] [T] et M. [R] [T] à payer à Mme [N] [K] épouse [M] la somme de 4.000 euros au titre l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [W] [T] et M. [R] [T] aux dépens ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
Fait et jugé à Paris le 14 Janvier 2025.
La Greffière La Présidente
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