L’Essentiel : Les consorts [R] et la SCI possédaient des immeubles commerciaux contigus à ceux de la SARL Commerciale des Galeries. En 2008, un projet d’agencement a été accepté pour permettre à la SAS Magasins du Périgord d’exploiter le fonds de commerce, mais un litige a éclaté concernant une cloison. Après des retards de paiement et une médiation, un accord a été trouvé en 2019. Cependant, des irrégularités ont été constatées, entraînant la suppression de la cloison par le juge. Les consorts ont ensuite assigné la SARL et la SAS pour obtenir des indemnités, mais leurs demandes ont été déclarées irrecevables pour cause de prescription.
|
Contexte de l’affaireLes consorts [R] et la SCI au [Adresse 12] possédaient des immeubles commerciaux contigus à un autre immeuble exploité par la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11]. Ces propriétés formaient un ensemble commercial exploité jusqu’en 2008 par la société des Galeries de [Localité 11]. En février 2008, la SAS Magasins du Périgord a proposé d’acquérir le fonds de commerce pour l’exploiter sous deux franchises, mais les consorts [R] et la SCI ont refusé le cloisonnement des immeubles. Développement du litigeAprès des échanges, un projet d’agencement a été accepté, permettant à la SAS Magasins du Périgord de réaliser des travaux. Cependant, un litige a surgi concernant le positionnement d’une cloison installée. La SAS a ensuite envisagé de céder son fonds de commerce à une autre entité, entraînant des retards de paiement de loyers et une médiation qui a abouti à un accord en 2019. Les consorts [R] ont alors saisi le juge des référés pour établir la ligne de séparation des immeubles. Constatations et décisions judiciairesUn huissier a constaté des irrégularités dans l’installation de la cloison, et les consorts [R] ont demandé la suppression de celle-ci. Le juge des référés a ordonné la suppression des cloisonnements et la libération des locaux. Parallèlement, la SAS Magasins du Périgord a été placée en liquidation judiciaire, et le liquidateur a décidé de ne pas poursuivre les baux commerciaux avec les consorts [R] et la SCI. Actions en justice et appelsLes consorts [R] ont assigné la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] et la SAS Magasins du Périgord pour obtenir des indemnités d’occupation. Le juge a ordonné une expertise pour déterminer la ligne séparative entre les immeubles. En 2024, les consorts ont fait appel d’une ordonnance qui avait déclaré certaines de leurs demandes irrecevables, notamment en raison de la vente de leurs biens. Arguments des partiesLes consorts [R] et la SCI ont demandé la réformation de l’ordonnance, arguant qu’ils avaient un intérêt à agir malgré la vente de leurs biens. De leur côté, la SARL Commerciale des Galeries a soutenu que les demandes étaient prescrites. Le liquidateur a également contesté la qualité des consorts à agir après la vente. Décision de la courLa cour a infirmé certaines décisions du juge de la mise en état, déclarant irrecevables les demandes des consorts [R] et de la SCI au titre de l’indemnité d’occupation pour cause de prescription. Elle a confirmé d’autres aspects de l’ordonnance, condamnant les consorts aux dépens et à verser des sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La cour a également précisé qu’il n’y avait pas lieu à évocation du litige. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la recevabilité des demandes des consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12] à l’encontre de la SELARL LGA, mandataire liquidateur de la SAS Magasins du Périgord ?Les consorts [R] et la SCI au [Adresse 12] soutiennent que leurs demandes d’indemnité d’occupation et de remboursement de la taxe sur les ordures ménagères sont recevables, car elles relèvent de préjudices personnels. Cependant, la SELARL LGA argue que, suite à la vente des immeubles le 13 janvier 2023, les consorts n’ont plus qualité à agir. L’article 31 du Code de procédure civile stipule que « l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention ». De plus, l’article 32 précise que « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir ». L’acte de vente mentionne que les droits et actions du vendeur sont subrogés au profit de l’acquéreur, ce qui implique que les consorts [R] et la SCI n’ont pas conservé le droit d’agir pour des préjudices liés à la propriété vendue. Ainsi, la cour a confirmé la décision du juge de la mise en état, déclarant irrecevables les demandes dirigées contre la SELARL LGA. Quelles sont les conséquences de la prescription sur les demandes des consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12] à l’encontre de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] ?La SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] a soulevé la prescription des actions des consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12]. Selon l’article 2224 du Code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Les consorts [R] et la SCI soutiennent que le point de départ de la prescription devrait être fixé à des dates ultérieures, comme le 6 août 2019, date à laquelle un huissier a constaté des faits, ou le 29 avril 2023, date du rapport d’expertise. Cependant, le juge de la mise en état a retenu que la connaissance des faits permettant d’agir remontait au 27 juillet 2010, date à laquelle les consorts avaient déjà connaissance de l’empiétement. Ainsi, les demandes au titre de la dépréciation des immeubles et du remboursement des cloisons manquantes ont été déclarées prescrites, confirmant la décision du juge de la mise en état. Comment la cour a-t-elle statué sur les demandes d’indemnité d’occupation et de préjudice moral ?Les consorts [R] et la SCI au [Adresse 12] ont demandé des indemnités d’occupation pour la période du 1er avril 2021 au 13 janvier 2023, ainsi qu’une réparation pour préjudice moral. La SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] a contesté ces demandes, arguant qu’elles étaient fondées sur un empiétement et donc prescrites. Le juge de la mise en état a initialement déclaré recevables les demandes d’indemnité d’occupation, mais la cour a infirmé cette décision, considérant que l’action était prescrite. En ce qui concerne le préjudice moral, la cour a retenu que cette demande était fondée sur le non-respect d’une ordonnance de référé, et a donc été jugée recevable. Ainsi, la cour a confirmé la décision du juge de la mise en état pour le préjudice moral, mais a infirmé celle relative à l’indemnité d’occupation, déclarant cette dernière irrecevable pour cause de prescription. Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?L’article 700 du Code de procédure civile stipule que « la partie perdante peut être condamnée à payer à l’autre partie une somme au titre des frais irrépétibles ». Dans cette affaire, la cour a condamné les consorts [R] et la SCI au [Adresse 12] à verser des sommes à la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] et à la SELARL LGA, en application de cet article. La cour a jugé que, étant donné que les consorts [R] et la SCI avaient succombé dans leurs demandes, il était juste de les condamner à payer des frais d’avocat à leurs adversaires. Ainsi, la cour a condamné les consorts à verser 5 000 euros à la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] et 3 000 euros à la SELARL LGA, représentant les frais irrépétibles de procédure. Cette décision souligne l’importance de l’article 700 dans le cadre des litiges, permettant de compenser les frais engagés par la partie qui a dû défendre ses droits en justice. |
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 25 NOVEMBRE 2024
N° RG 24/01978 – N° Portalis DBVJ-V-B7I-NXYT
Madame [N] [R]
Monsieur [O] [R]
Monsieur [I] [R]
Monsieur [X] [R]
Monsieur [K] [R]
S.C.I. AU [Adresse 12]
c/
S.A.R.L. COMMERCIALE DES GALERIES DE [Localité 11]
S.E.L.A.R.L. LGA
Nature de la décision : Appel ordonnance du Juge de la mise en état
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 08 avril 2024 (R.G. 21/01550) par le Juge de la mise en état du Tribunal Judiciaire de [Localité 11] suivant déclaration d’appel du 25 avril 2024
APPELANTS :
Madame [N] [R], née le 19 Octobre 1947 à [Localité 11] (24), de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Monsieur [O] [R], né le 11 Octobre 1948 à [Localité 11] (24), de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]
Monsieur [I] [R], né le 18 Mars 1974 à [Localité 11] (24), de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]
Monsieur [X] [R], né le 15 Juin 1976 à [Localité 11] (24), de nationalité Française, demeurant ‘[Adresse 10]
Monsieur [K] [R], né le 06 Août 1950 à [Localité 11] (24), de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
S.C.I. AU [Adresse 12], agissant en la personne de son gérant, M. [K] [R], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
Représentés par Maître Bruno BAYLAC, avocat au barreau de [Localité 11]
INTIMÉES :
S.A.R.L. COMMERCIALE DES GALERIES DE [Localité 11], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]
Représentée par Maître Olivier LALANDE, avocat au barreau de BORDEAUX
S.E.L.A.R.L. LGA, représentée par Maître [I] [L], agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MAGASINS DU PERIGORD, domiciliée en cette qualité [Adresse 13]
Représentée par Maître Guillaume DEGLANE de la SCP SOCIETE CIVILE PROFESSIONNELLE INTERBARREAUX LDJ-AVOCATS, avocat au barreau de [Localité 11]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 octobre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Sophie JARNEVIC, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Madame Anne-Sophie JARNEVIC,Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
[N], [O], [I] et [X] [R] (ci-après dénommés ‘Consorts [R]’) étaient propriétaires d’un immeuble à usage commercial sis [Adresse 6] à [Localité 11]. La SCI au [Adresse 12] était propriétaire d’un immeuble à usage commercial sis [Adresse 7] à [Localité 11]. Les deux immeubles sont contigus à un immeuble appartenant à la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] sis [Adresse 9] avec lequel ils forment un ensemble qui était jusqu’en 2008 exploité par la société des Galeries de [Localité 11] sous l’enseigne ‘Nouvelles Galeries’ en vertu de baux commerciaux conclus avec les époux [R] et la SCI au [Adresse 12].
En février 2008, la SAS Magasins du Périgord a proposé d’acquérir le fonds de commerce auprès de la société des Galeries de [Localité 11] afin de l’exploiter sous deux franchises distinctes, en l’espèce Benetton s’agissant des immeubles situés [Adresse 6] et [Adresse 7], et [F] [S] s’agissant de l’immeuble situé [Adresse 9]. Les consorts [R] et la SCI au [Adresse 12] ont refusé qu’il soit procédé au cloisonnement des immeubles par courrier du 19 février 2008.
Par courrier du 22 mai 2008, la SAS Magasins du Périgord a soumis un nouveau projet d’agencements de boutiques au rez-de-chaussée des immeubles qu’ils ont accepté. Les consorts [R] et la SCI au [Adresse 12] sont ainsi intervenus à l’acte de cession du fonds de commerce du 15 juillet 2008 pour autoriser la SAS Magasins du Périgord à réaliser les travaux d’aménagement ‘au concept Benetton’.
Après qu’un géomètre soit intervenu pour établir l’emplacement de la ligne divisoire et, in fine, de la cloison destinée à isoler le local situé [Adresse 9], une entreprise de maçonnerie a procédé à l’installation de la cloison. Un litige est cependant survenu quant au positionnement de la cloison installée.
La SAS Magasins du Périgord a ensuite fait part d’un projet de cession du fonds de commerce exploité [Adresse 9] sous l’enseigne [F] [S] à fin d’exploitation par une entité juridique distincte, la SAS Marvic, sous l’enseigne Brothers & Sons. Une médiation a été ordonnée entre la SAS Magasins du Périgord et les consorts [R] en raison de retard de paiement des loyers. Un accord a été homologué le 6 juin 2019, prévoyant une ‘séparation, établie de façon contradictoire, respectant les limites de propriétés, la séparation existante ne respectant pas à première vue la ligne divisoire des deux immeubles et ayant été réalisée de façon non-contradictoire ».
Les consorts [R] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de [Localité 11] et par du 28 juin 2019, un huissier de justice a été missionné aux fins de situer la ligne de séparation des immeubles sur la base des plans de constructions et de modifications desdits immeubles.
Le 6 août 2019, l’huissier a constaté qu’au sous-sol et au rez-de-chaussée avait été édifiée une ‘séparation approximative tenant compte non pas des mesures réelles mais des poteaux et éléments existant sur place sans prendre en compte les plans et lignes séparatives initiales’. L’huissier a ajouté qu’un poteau appartenant au bâtiment des époux [R] se trouvait désormais dans les locaux de stockage du [Adresse 9].
Par actes du 11 février 2021, les conorts [R] et la SCI au [Adresse 12] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de [Localité 11] aux fins d’obtenir la suppression de cette cloison. Par ordonnance du 29 juillet 2021, le juge des référés a notamment condamné la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] à supprimer les cloisonnements et rayonnages faisant office de cloisons séparatives entre, d’une part, les immeubles des [Adresse 6] et [Adresse 8] et, d’autre part, le [Adresse 9], au sous-sol et au rez-de-chaussée desdits immeuble, dans le délai de 120 jours à compter du jour suivant celui de la signification de l’ordonnance, sous peine d’astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard durant 90 jours. Cette ordonnance a également condamné conjointement et solidairement la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] et la SAS Magasins du Périgord à libérer les locaux de tous les mobiliers, matériels, matériaux et détritus décrits dans un procés-verbal d’huissier du 07 avril 2021.
Parallèlement, la SAS Magasins du Périgord a été placée en sauvegarde judiciaire le 31 mai 2011. Une résolution de son plan de sauvegarde a été prononcée le 30 juin 2020, avec ouverture d’un redressement judiciaire. Le 15 décembre 2020, cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire, la SCP LGA étant désignée en qualité de liquidateur.
Par ordonnance du 18 mars 2021, le juge commissaire du tribunal de commerce de [Localité 11] a autorisé la cession de gré à gré du matériel et du stock de vêtements de cette société. Par courrier du 31 mars 2021, le mandataire liquidateur a indiqué ne pas entendre poursuivre les baux commerciaux conclus avec les consorts [R] et avec la SCI au [Adresse 12].
Par courriers officiels des 07 septembre, 15 novembre et 02 décembre 2021, le conseil de la SAS Magasins du Périgord a proposé au conseil de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] de mandater un prestataire de service afin de procéder aux enlèvements exigés par l’ordonnance de référé du 11 février 2021. Un devis du 20 octobre 2021 a été établi à cette fin, suivi d’une facture du 30 janvier 2022.
Par actes du 17 novembre 2021, les époux [R] et la SCI au [Adresse 12] ont assigné la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] et la SAS Magasins du Périgord, représentée par son liquidateur la SELARL LGA, devant le tribunal judiciaire de [Localité 11], aux fins de solliciter notamment le paiement d’une indemnité d’occupation jusqu’à suppression complète des cloisonnements et évacuation des lieux.
Par ordonnance du 13 juin 2022, le juge de la mise en état a ordonné une expertise aux fins de rechercher la ligne séparative entre, d’une part, les immeubles situés au [Adresse 6] et au [Adresse 8], et d’autre part, les immeubles situés au [Adresse 6] et au [Adresse 9].
L’expert a déposé son rapport le 29 avril 2023.
En cours d’expertise, par acte du 13 janvier 2023, la SCI au [Adresse 12] ainsi que les consorts [R] ont vendu les deux immeubles à la SCI le Bateau.
Par conclusions signifiées le 02 novembre 2023, la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] et le mandataire des Magasins du Périgord ont saisi le juge de la mise en état d’incidents contre les consorts [R] et la SCI au [Adresse 12], estimant qu’ils n’avaient plus qualité à agir en raison de la vente de leurs fonds et qu’ils étaient prescrits en leurs demandes.
Par ordonnance du 08 avril 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de [Localité 11] a statué comme suit :
– Déclare irrecevables les demandes au fond formulées par les consorts [R] et la SCI au [Adresse 12] à l’encontre de Maître [L] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS Magasins du Périgord ;
– Les débouté de leurs demandes indemnitaires formées à l’encontre de la SELARL LGA ès qualité de mandataire liquidataur de la SAS Magasins du Périgord au titre d’une procédure abusive ;
– Déclare irrecevables les demandes des consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12] à l’encontre de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] au titre de :
– la dépréciation des immeubles
– du remboursement du coût des cloisons manquantes
– Déclare recevables les demandes des consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12] à l’encontre de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] au titre de :
– la fixation d’indemnités d’occupation pour la période du 1er avril 2021 au 13 janvier 2023
– du préjudice moral
– Condamne les consorts [R] et la SCI au [Adresse 12] aux dépens exposés par la SELARL LGA ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS Magasins du Périgord
– Condamne [N], [O], [I] et [X] [R] ainsi que la SCI au [Adresse 12] à payer à la SELARL LGA ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS Magasins du Périgord une indemnité de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Laisse provisoirement à la charge de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11], des consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12] les dépens par eux exposés au titre du présent incident,
– Dit n’y avoir lieu à condamnations à leur profit au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état virtuelle du 23 mai 2024 et fait injonction aux consorts [R], à la SCI au [Adresse 12] et à la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] de conclure pour cette date,
– Rappelle que l’exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit,
– Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Par déclaration au greffe du 25 avril 2024, Mme [N] [R], M. [O] [R], M. [I] [R], M. [X] [R], M. [K] [R], la SCI au [Adresse 12] ont relevé appel de l’ordonnance aux chefs expressément critiqués, intimant la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] et la SELARL LGA pris en qualité de liquidateur de la SAS Magasin du Périgord.
Une seconde déclaration a été enregistrée le 03 mai 2024 aux fins de régularisation de la première.
Le juge de la mise en état de [Localité 11] a sursis à statuer dans l’attente du dénouement de la procédure.
Par ordonnance du 17 mai 2024, l’affaire a été fixée à bref délai à l’audience du 14 octobre 2024.
Par décision du 17 mai 2024, l’affaire n° RG 24/02168 a été jointe au dossier n° RG 24/01978.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières écritures notifiées par message électronique le 06 septembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, les consorts [R] et la SCI au [Adresse 12] demandent à la cour de :
– Réformer l’ordonnance entreprise, en ce que :
‘ les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] ont été déclarés irrecevables en leurs demandes à l’encontre de la SELARL LGA es qualité de mandataire liquidateur de la SAS Magasins du Périgord, au titre de l’indemnité d’occupation des immeubles leur ayant appartenu et ont été condamnés à lui payer la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
‘ les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] ont été déclarés irrecevables en leurs demandes à l’encontre de la SARL commerciale des galeries de [Localité 11], comme prescrites, au titre de l’indemnisation de la dépréciation des immeubles leur ayant appartenu et au titre de l’indemnisation du coût d’édification des cloisons rendues nécessaires par le morcellement des locaux effectué par la dite société, au visa des articles 1303 et suivants du code civil ;
En conséquence,
– Accueillir les consorts [R] comme recevables en l’ensemble de leurs demandes.
Vu l’article 568 du code de procédure civile,
– Evoquer l’entier litige ;
En conséquence et statuant sur le fond,
I. Vu les articles 1240 et suivants du code civil, condamner la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] à payer :
‘ aux consorts [N] et [O] [R] la somme de 35’670 euros au titre de l’indemnité d’occupation de l’immeuble leur appartenant, sis [Adresse 6] à [Localité 11], pour la période du 1er avril 2021 au 15 janvier 2022, conjointement et solidairement avec la SELARL LGA es qualité de mandataire liquidateur de la SAS Magasins du Périgord ; et la somme de 44’649 euros, seule, au titre de l’indemnité d’occupation de l’immeuble dont s’agit pour la période du 16 janvier 2022 au 13 janvier 2023 ; soit au total, la somme de 80’319 euros ‘ à la SCI Au [Adresse 12] la somme de 41’180 euros au titre de l’indemnité d’occupation de l’immeuble lui appartenant, sis [Adresse 8] à [Localité 11], pour la période du 1er avril 2021 au 15 janvier 2022, conjointement et solidairement avec la SELARL LGA es qualité de mandataire liquidateur de la SAS Magasins du Périgord ; et la somme de 51’546 euros seule, au titre de l’indemnité d’occupation de l’immeuble dont s’agit pour la période du 16 janvier 2022 au 13 janvier 2023 ; soit au total, la somme de 92’726 euros
‘ aux consorts [N], [O], [I] et [X] [R], à la SCI Au [Adresse 12], ensemble, la somme de 154’000 euros en réparation du préjudice de dépréciation des immeubles leur appartenant., sis [Adresse 6] et [Adresse 8] à [Localité 11], en raison des diminutions des surfaces par empiétement ;
– Condamner la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] à payer, respectivement à Mme [N], Mrs. [O], [K], [I] et [X] [R] la somme de 5’000 euros en réparation du préjudice moral subi par chacun d’eux
II. Vu les articles 1303 et suivants du code civil, subsidiairement, vu les articles 1240 et suivants du même code,
– Condamner la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] à payer aux consorts
[N] et [O] [R] et à la SCI Au [Adresse 12], ensemble, la somme de 15’169,75 euros en remboursement du coût des cloisons manquantes ;
III. Vu les baux commerciaux du 10 août 2013, condamner la SELARL LGA es qualité de mandataire liquidateur de la SAS Magasins du Périgord à payer respectivement,
‘ aux consorts [N] et [O] [R], la somme de 282,16 euros
‘ à la SCI Au [Adresse 12], la somme de 221,73 euros en paiement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères du 1er trimestre 2021.
IV. Vu l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] à payer aux consorts [N] et [O] [R] et à la SCI Au [Adresse 12], ensemble, la somme de 12’208 euros
‘ Condamner la SELARL LGA es qualité de mandataire liquidateur de la SAS Magasins du Périgord, à payer aux consorts [N] et [O] [R] et à la SCI Au [Adresse 12], ensemble la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de procédure dont ils ont dû faire l’avance.
Les condamner aux entiers dépens de la procédure, en ce compris les frais d’expertise, et frais d’exécution.
Subsidiairement
Si la Cour devait estimer ne pas devoir évoquer l’affaire sur le fond,
– Condamner la SELARL LGA es qualité de mandataire liquidateur de la SAS Magasins du Périgord à payer aux consorts [N] et [O] [R] et à la SCI Au [Adresse 12], ensemble, la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– Condamner la SARL Commerciale de galeries de [Localité 11] à payer aux consorts
[N] et [O] [R] et à la SCI Au [Adresse 12], ensemble, la somme de
3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
– Les condamner solidairement aux entiers dépens et frais d’exécution.
Par dernières écritures notifiées par message électronique le 26 septembre 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] demande à la cour de :
Vu les articles 122 et 789 du code de procédure civile
Vu l’article 2224 du code civil
Confirmer l’ordonnance attaquée en ce qu’elle :
Déclare irrecevables les demandes des consorts [R] et de la Sci au [Adresse 12] à l’encontre de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] au titre de :
– La dépréciation des immeubles
– Du remboursement du coût des cloisons manquantes
Statuant sur appel incident :
– Infirmer l’ordonnance attaquée en ce qu’elle :
Déclare recevables les demandes des consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12] à l’encontre de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] au titre de :
– La fixation d’indemnités d’occupation pour la période du 1 avril 2021 au 13 janvier 2023
– Du préjudice moral
Laisse provisoirement à la charge de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11], des consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12] les dépens par eux exposés au titre du présent incident.
– La reformer
Statuant à nouveau :
– Juger que l’ensemble des demandes formulées par les consorts [R] et la SCI
Au [Adresse 12] sont irrecevables car étant prescrites
– Déclarer irrecevables les demandes des consorts [R] et de la Sci au [Adresse 12] à l’encontre de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] au titre de la dépréciation des immeubles et du remboursement du coût des cloisons manquantes, mais aussi :
La fixation d’indemnités d’occupation pour la période du 1 avril 2021 au 13 janvier 2023
De tout préjudice moral ou autre, fondé sur les empiètements allégués
Y ajoutant :
– Condammner solidairement les consorts [R] et la SCI au [Adresse 12] à verser à la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] la somme de 10’500 au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise.
Sur l’évocation
Vu l’article 568 du code de procédure civile
– Juger n’y avoir lieu à évoquer
A défaut :
– Mettre les parties en mesure de conclure sur le fond
En tout état de cause :
– Débouter les consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12] de l’ensemble de leurs demandes
Par dernières écritures notifiées par message électronique le 02 juillet 2024, auxquelles la cour se réfère expressément, la SELARL LGA représentée par Me [I] [L] demande à la cour de :
Vu les articles 31,32 et 122 du code de procédure civile,
Vu l’ensemble des pièces versées au débat,
Vu les articles 562, 568 du code de procédure civile
Vu l’acte de vente notarié du 13 janvier 2023 (pièce 21),
– Confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de [Localité 11] en date du 08 avril 2024,
– Juger que Madame [N] [R] , Monsieur [O] [R] , [I] [R] , [X] [R] et la SCI Au [Adresse 12] n’ont plus qualité et intérêt à agir au titre de leurs demandes dirigées à l’encontre de la SELARL LGA représentée par Maître [I] [L] agissant es-qualité de mandataire judiciaire chargé de la liquidation judiciaire de la SAS Magasins du Périgord ,
En conséquence,
– Juger que l’ensemble des demandes de Madame [N] [R] , Monsieur [O] [R] , [I] [R] , [X] [R] et la SCI Au [Adresse 12] dirigées contre SELARL LGA représentée par Maître [I] [L] agissant es-qualité de mandataire judiciaire chargé de la liquidation judiciaire de la SAS Magasins du Périgord sont irrecevables.
– Rejeter l’ensemble des demandes de Madame [N] [R] , Monsieur [O] [R] , [I] [R] , [X] [R] et la SCI Au [Adresse 12] dirigées contre SELARL LGA représentée par Maître [I] [L] agissant es-qualité de mandataire judiciaire chargé de la liquidation judiciaire de la SAS Magasins du Périgord .
– Condamner solidairement Madame [N] [R] , Monsieur [O] [R] , [I] [R] , [X] [R] et la SCI Au [Adresse 12] à payer la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la SELARL LGA représentée par Maître [I] [L] agissant es-qualité de mandataire judiciaire chargé de la liquidation judiciaire de la SAS Magasins du Périgord .
– Mettre les dépens à la charge de Madame [N] [R] , Monsieur [K] [R] , Monsieur [O] [R] , Monsieur [I] [R] , Monsieur [X] [R] et la SCI Au [Adresse 12] .
A titre subsidiaire, et si par impossible la Cour venait à infirmer ou réformer l’ordonnance du juge de la mise en état,
– Renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de [Localité 11] pour qu’il soit statué sur le fond,
A titre infiniment subsidiaire,
Et si la Cour venait à évoquer le fond du litige,
– Inviter l’ensemble des parties à conclure sur le fond.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 septembre 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.
Sur les fins de non-recevoir
– Sur la recevabilité des demandes des consorts [R] et de la SCI Au [Adresse 12] formées à l’encontre de Maître [L], es-qualité de liquidateur de la SAS Magasins du Périgord, au titre de l’indemnité d’occupation et de la taxe sur les ordures ménagères
1 – Les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] font valoir que les préjudices dont il est demandé réparation sont strictement personnels et qu’il n’y avait pas lieu d’insérer une clause de réserve du droit d’agir dans l’acte de vente. Le vendeur conserve son droit d’agir pour les créances nées avant la vente résultant des manquements aux obligations du bail. L’indemnité d’occupation et la taxe sur les ordures ménagères ne sont pas des accessoires de l’immeuble.
2 – La société LGA réplique que les appelants n’ont plus qualité à agir depuis la vente de l’immeuble intervenue le 13 janvier 2023. Toute vente immobilière implique un mécanisme de subrogation au bénéfice de l’acquéreur et l’acte de vente ne comprend pas de clause contraire. Le préjudice allégué n’est pas un préjudice personnel mais une indemnité d’occupation, accessoire de la propriété de l’immeuble. Les demandes sont irrecevables pour défaut d’intérêt à agir.
Sur ce
3 – L’article 31 du code de procédure civile dispose : ‘L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.’
L’article 32 du code de procédure civile dispose : ‘Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.’
L’article 122 du code de procédure civile dispose : ‘Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.’
4 – Il est indiqué en page 8 de l’acte de vente du 13 janvier 2023: ‘ Le notaire attire l’attention des parties sur le fait que la présente vente en l’état entraîne une subrogation des droits et actions du vendeur au profit de l’acquéreur sur le bien vendu.
A la demande du vendeur, il est ici déclaré par ce dernier ‘vouloir se réserver et faire son affaire de tous droits et actions de toutes natures à caractère personnel exclusivement sur le litige en cours résumé dans l’exposé qui précède contre la Société des Galeries de [Localité 11].’
5 – Il est constant en droit que sauf clause contraire, les acquéreurs d’un immeuble ont qualité à agir, même pour les dommages nés antérieurement à la vente. Ainsi, pour être recevable, l’action des vendeurs doit présenter un intérêt direct et certain et ceux-ci doivent invoquer un préjudice personnel
6 – En l’espèce, d’une part les appelants formulent des demandes relatives à une indemnité d’occupation et au paiement de la taxe sur les ordures ménagères, elle-même intégrée à la taxe foncière.
D’autre part, dans l’acte de vente, ils se sont réservés les droits et actions à caractère personnel dans le litige les opposant à la société Galerie de [Localité 11] et non à la SAS Magasins du Périgord.
Dès lors, au regard de l’ensemble de ces éléments, il apparaît que l’action en justice des appelants est inhérente au droit de propriété et qu’il ne ressort pas de l’acte de vente qu’ils aient entendu se réserver ce type d’action.
La décision du juge de la mise en état sera confirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevable les demandes dirigées à l’encontre du mandataire liquidateur au titre de l’indemnité d’occupation des immeubles et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères.
– Sur la recevabilité des demandes des consorts [R] et de la SCI Au [Adresse 12] formées à l’encontre de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11]
7 – La société Commerciale des Galeries de [Localité 11] relève la prescription des actions des consorts [R] et de la SCI Au [Adresse 12].
8 – L’article 2224 du code civil dispose : ‘Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. ‘
Au titre de la dépréciation des immeubles
9 – La société Commerciale des Galeries de [Localité 11] fait valoir que les demandes formées au titre au titre de la dépréciation des immeubles sont des actions personnelles et mobilières se prescrivant par 5 ans et que le fait générateur est l’empiétement allégué. Celui-ci est connu des consorts [R] et de la SCI Au [Adresse 12] avec certitude depuis le 15 juillet 2008 donc l’action est prescrite depuis le 16 juillet 2013. Dans l’hypothèse où le fait générateur serait fixé au 27 juillet 2010, l’action est également prescrite.
10 – Les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] répliquent que la prescription de l’action en responsabilité commence à compter de la manifestation du dommage, qui doit être réalisé, et que le titulaire du droit doit avoir connaissance de l’auteur et du lien de causalité entre le fait générateur et le dommage. Les cloisonnements s’inscrivaient dans le cadre de travaux d’agencement de la boutique Benetton. Doit être retenue comme point de départ du délai de prescription le 6 août 2019, date du procès-verbal de constat de l’huissier de justice dans le cadre de la médiation judiciaire, ou le 29 avril 2023, date du dépôt du rapport de l’expert judiciaire, ou le 13 janvier 2023, le jour de l’acte de vente des immeubles.
Sur ce
11 – Il n’est pas contesté que l’action mise en oeuvre par les appelants au titre de la dépréciation des immeubles en raison des cloisons érigées est une action personnelle et mobilière se prescrivant par cinq ans. Aucune interruption ni suspension de la prescription n’est alléguée ni ne ressort du dossier.
12 – S’agissant du point de départ du délai de prescription, la date du 15 juillet 2008 avancée par la société Commerciale des Galeries de [Localité 11] correspond à l’acte notarié de vente du fonds de commerce au profit de la SAS Magasins du Périgord, autorisant le cessionnaire à réaliser tous travaux nécessaires à l’exercice de son activité au concept Benetton.
Le juge de la mise en état a retenu comme point de départ du délai de prescription un courrier en date du 27 juillet 2010, adressé par M. [K] [R], gérant de la SCI Au [Adresse 12], à la société des galeries de [Localité 11], évoquant la nécessité de déterminer ‘la ligne divisoire’ en raison du ‘cloisonnement’ mis en oeuvre. M. [K] [R] précise : ‘vous m’aviez indiqué, au moment de vos opérations, que la situation ainsi créée ne serait que provisoire et que très rapidement (moins d’un an) votre repreneur occuperait les étages et réunirait à nouveau l’ensemble’.
Ce courrier est à mettre en lien avec celui du 19 février 2008 dans lequel M. [K] [R] évoque un projet de séparation en vue de créer deux surfaces commerciales distinctes et avec celui du 26 mai 2018 auquel était joint une copie du plan des travaux adressé pour accord à [K] [R] par la SAS Magasins du Périgord.
Le terme de ‘cloisonnement’ est explicite et ne saurait être confondu avec de simples aménagement décoratifs.
Dès lors, à compter du 27 juillet 2010, les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] ne pouvaient soutenir qu’ils n’avaient pas connaissance de la mise en oeuvre de cloisons séparatives des immeubles. L’empiétement, fait générateur d’un éventuel préjudice, est nécessairement connu des appelants à compter de cette date. Leur ignorance ne peut être considérée comme légitime et c’est à bon droit que le juge de la mise en état a considéré que les demandes formées au titre de la déprécation de l’immeuble était prescrite. La décision du juge de la mise en état sera confirmée en ce qu’elle a déclaré la demande irrecevable.
Au titre du coût de réalisation de cloisons séparatives rendues nécessaires par le morcellement des locaux
13 – Les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] indiquent que le délai de prescription commence le jour où le titulaire du droit engage la dépense caractérisant son appauvrissement, soit le 13 janvier 2023.
14 – La société Commerciale des Galeries de [Localité 11] relève que l’acte de vente du fonds de commerce mentionne l’édification de murs afin de délimiter matériellement le bien vendu, sans que l’accord de la société Galeries de [Localité 11] ait été obtenu. Elle sollicite la confirmation de l’ordonnance du juge de la mise en état.
Sur ce
15 – La demande des consorts [R] et de la SCI Au [Adresse 12] au titre de l’édification de cloisons séparatives est en lien avec l’empiétement litigieux. En retenant la date du 27 juillet 2010 comme point de départ du délai de prescription, leur action est prescrite et leur demande est irrecevable.
Dès lors, il convient de confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état de ce chef.
Au titre d’une indemnité d’occupation en raison des mobiliers et matériels maintenus sans droit ni titre
16 – La société Commerciale des Galeries de [Localité 11] fait valoir que cette demande est fondée sur l’existence de l’empiétement allégué et qu’elle est donc prescrite.
Sur ce
17 – C’est à bon droit que le juge de la mise en état a retenu que la demande relative à une indemnité d’occupation liée aux meubles et matériels entreposés dans les locaux et formée pour la première fois dans le cadre de l’assignation délivrée le 17 novembre 2021, était la conséquence de l’ordonnance de référé du 29 juillet 2021, condamnant la société Magasins du Périgord et la société commerciale des Galeries de [Localité 11] ‘à libérer les locaux de tous les mobiliers, matériels, matériaux et détritus décrits dans un procès-verbal d’huissier du 7 avril 2021″.
L’ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée en ce qu’elle a déclaré la demande recevable.
Au titre de la fixation d’indemnités d’occupation pour la période du 1er avril 2021 au 13 janvier 2023
18 – La société Commerciale des Galeries de [Localité 11] fait valoir que le juge de la mise en état a confondu l’action immobilière tendant à faire cesser un empiétement et l’action en réparation des préjudices causés par l’empiétement, la seconde étant soumise à une prescription quinquennale et non à une prescription glissante.
Sur ce
19 – Les actions indemnitaires fondées sur l’existence d’un empiétement se prescrivent par 5 ans courant à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, c’est à dire à la date de la connaissance de l’empiétement.
En l’espèce, l’empiétement est le fait générateur d’un éventuel préjudice et l’action court à compter de la date de la connaissance de l’empiétement, soit le 27 juillet 2010 . C’est donc à tort que le juge de la mise en état a considéré que l’action prend naissance à la date des occupations invoquées.
Dès lors, l’action est prescrite et la demande est irrecevable. La décision du juge de la mise en état sera infirmée de ce chef.
Au titre d’un préjudice moral
20 – La société Commerciale des Galeries de [Localité 11] fait valoir que la demande de préjudice moral fondée sur l’empiétement est irrecevable, l’action étant prescrite.
Sur ce
21 – Les appelants fondent notamment leur demande d’indemnisation du préjudice moral sur le non-respect de l’ordonnance rendue par le juge des référés le 29 juillet 2021. L’assignation au fond est intervenue le 17 novembre 2021.
Dès lors, il convient de confirmer la décision du juge de la mise en état en ce qu’elle a considéré que l’action, qui était soumise à une prescription quinquennale, n’était pas prescrite et a déclaré la demande recevable.
Sur la demande d’évocation
22 – Les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] demandent à la cour d’exercer son pouvoir d’évocation sur l’entier litige au motif que l’ordonnance du juge de la mise en état, ayant mis fin à l’instance quant aux demandes irrecevables, doit s’entendre comme un jugement mettant fin à l’instance au sens de l’article 568 du code de procédure civile.
23 – La société LGA indique que la cour ne peut statuer sur le fond du litige, lequel est toujours pendant devant le tribunal judiciaire de [Localité 11], qui a rendu une décision de sursis à statuer. La dévolution ne s’opère que sur la question de l’irrecevabilité des demandes présentées par les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12]
24 – La société Commerciale des Galeries de [Localité 11] relève que l’ordonnance attaquée ne met pas fin à l’instance et n’a pas statué sur une exception de procédure.
Sur ce
25 – Selon l’article 568 du code de procédure civile : ‘Lorsque la cour d’appel infirme ou annule un jugement qui a ordonné une mesure d’instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l’instance, elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.’
26 – Le pouvoir d’évocation ne concerne que les jugements. En l’espèce, les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] ont fait appel d’une ordonnance du juge de la mise en état.
Dès lors, les conditions légales posées par l’article 568 du code de procédure civile ne sont pas réunies et il n’y a pas lieu à évoquer l’entier litige.
Sur les demandes accessoires
27 – Parties succombantes, les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] seront condamnés aux dépens d’appel, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
28 – Il convient également de les condamner in solidum à payer la somme de 5 000 euros à la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] et à payer la somme de 3 000 euros à la SELARL LGA représentée par Maître [L], es-qualité de mandataire judiciaire, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme la décision du juge de la mise en état de [Localité 11] en date du 8 avril 2024 en ce qu’elle a déclaré recevable la demande des consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12] à l’encontre de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] au titre de la fixation d’une indemnité d’occupation pour la période du 1er avril 2021 au 13 janvier 2023,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable, pour cause de prescription, la demande des consorts [R] et de la SCI au [Adresse 12] à l’encontre de la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] au titre de la fixation d’une indemnité d’occupation pour la période du 1er avril 2021 au 13 janvier 2023,
Confirme l’ordonnance pour le surplus de ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à évocation,
Condamne in solidum les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] à payer la somme de 5 000 euros à la SARL Commerciale des Galeries de [Localité 11] et la somme de 3 000 euros à la SELARL LGA représentée par Maître [L], es-qualité de mandataire judiciaire, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne les consorts [R] et la SCI Au [Adresse 12] aux dépens d’appel, en ce compris les frais d’expertise.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
Laisser un commentaire