Proportionalité et régularité des mesures d’isolement en milieu psychiatrique

·

·

Proportionalité et régularité des mesures d’isolement en milieu psychiatrique

L’Essentiel : Monsieur [J] [H] a été hospitalisé au Centre hospitalier [1] depuis le 29 août 2024. Depuis le 14 novembre 2024, il est soumis à une mesure d’isolement, justifiée par l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique. Le tribunal a examiné la demande de prolongation de cette mesure, mais a constaté que les motifs avancés n’étaient pas suffisamment étayés. En conséquence, il a ordonné la mainlevée de l’isolement, stipulant qu’aucune nouvelle mesure ne pourrait être mise en place dans les 48 heures, sauf en cas d’élément nouveau. La décision a été rendue le 26 novembre 2024.

Hospitalisation de Monsieur [J] [H]

Monsieur [J] [H] a été hospitalisé au Centre hospitalier [1] depuis le 29 août 2024.

Mesure d’isolement

Depuis le 14 novembre 2024 à 18h55, Monsieur [J] [H] est soumis à une mesure d’isolement, fondée sur l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique. Le directeur de l’établissement psychiatrique a saisi le juge pour obtenir la prolongation de cette mesure.

Position du Ministère public

Le Ministère public a choisi de s’en remettre à l’appréciation de la juridiction concernant la demande de prolongation de la mesure d’isolement.

Arguments de la défense

Me Caroline VARIN, représentant Monsieur [J] [H], a soutenu que la procédure était irrégulière, que l’isolement n’était pas proportionné à l’état du patient et qu’il y avait un défaut d’information à son égard.

Motifs de la décision

Le tribunal a décidé de statuer selon la procédure écrite. Il a constaté que les conditions pour prolonger la mesure d’isolement n’étaient pas suffisamment motivées, en vertu de l’article L3222-1-5 du code de la santé publique. La mention de « Délirant avec risque de passage à l’acte hétéroagressif » dans la décision de prolongation n’était pas étayée par des éléments concrets, ne justifiant pas l’isolement comme étant adapté, nécessaire et proportionné.

Ordonnance du tribunal

Le tribunal a ordonné la mainlevée de la mesure d’isolement, constatant son irrégularité. Il a également précisé qu’une nouvelle mesure d’isolement ne pourrait être mise en place dans les 48 heures suivantes, sauf en cas d’élément nouveau. Les dépens ont été laissés à la charge de l’État.

Conclusion

La décision a été rendue par le juge Henry MAPEL, Vice-président, à Évry le 26 novembre 2024 à 16 heures 12.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de mise en œuvre de l’isolement selon le Code de la santé publique ?

L’article L.3222-5-1 du Code de la santé publique précise les conditions dans lesquelles une mesure d’isolement peut être appliquée.

Cette disposition stipule que l’isolement ne peut être ordonné que si la personne présente un danger immédiat pour elle-même ou pour autrui.

Il est également mentionné que cette mesure doit être proportionnée à l’état de la personne et que toutes les alternatives doivent avoir été envisagées.

En outre, l’article L.3222-1-5 impose que la décision de prolongation de l’isolement soit motivée par des éléments circonstanciés,

ce qui signifie que le juge doit justifier la nécessité de cette mesure par des faits précis et vérifiables.

Ainsi, l’isolement est considéré comme une mesure de dernier recours,

et son application doit être strictement encadrée pour éviter toute atteinte injustifiée aux droits des patients.

Quels sont les droits du patient en matière d’information et de contestation de la mesure d’isolement ?

Le Code de la santé publique, notamment à travers l’article L.3211-2, garantit aux patients le droit d’être informés sur leur état de santé et les traitements qui leur sont proposés.

Cela inclut le droit de comprendre les raisons qui justifient une mesure d’isolement.

Le patient doit être informé de manière claire et compréhensible,

et il a le droit de contester cette mesure devant le juge.

L’article L.3222-5-1 précise également que le patient doit être informé de la possibilité de faire appel de la décision d’isolement,

ce qui renforce son droit à la défense et à un recours effectif.

En cas de non-respect de ces droits, la mesure d’isolement peut être déclarée irrégulière,

comme cela a été constaté dans l’affaire de Monsieur [J] [H], où le défaut d’information a été soulevé.

Quelles sont les conséquences d’une irrégularité dans la procédure d’isolement ?

Lorsqu’une irrégularité est constatée dans la procédure d’isolement, comme le stipule l’article L.3222-5-1,

cela peut entraîner la nullité de la mesure.

Dans le cas de Monsieur [J] [H], le tribunal a constaté que les conditions de prolongation de l’isolement n’étaient pas suffisamment motivées,

ce qui a conduit à l’ordonnance de mainlevée de la mesure.

L’irrégularité peut également avoir des conséquences sur la responsabilité de l’établissement de santé,

qui pourrait être tenu de réparer le préjudice causé au patient par une mesure illégale.

De plus, le juge peut rappeler que toute nouvelle mesure d’isolement ne peut être ordonnée dans un délai de 48 heures,

sauf si des éléments nouveaux justifient une telle décision.

Cela vise à protéger les droits des patients et à garantir que les mesures privatives de liberté soient appliquées de manière juste et légale.

T R I B U N A L
JUDICIAIRE
D’EVRY

Cabinet du magistrat du siège du tribunal judiciaire

Henry MAPEL, Vice président

N° dossier: N° RG 24/03592 – N° Portalis DB3Q-W-B7I-QRWO

MINUTE N°

NAC : 14T

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE MESURE EN

MATIÈRE d’isoleement

Article L. 3222-5-1 du code de la santé publique

Rendue le 26 Novembre 2024
Henry MAPEL, Vice président, magistrat du siège du tribunal judiciaire d’ÉVRY – COURCOURONNES chargé du contrôle des mesures privatives et restriction de liberté prévues par le code de la santé publique statuant sans audience selon la procédure écrite de principe prévue aux articles L3211-12-2 et L3222-5-1 du Code de la santé publique;

Vu l’article 17 de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, modifiant notamment l’article L3222-5-1 du Code de la santé publique ;

Vu le décret n° 2022-419 du 23 mars 2022 modifiant la procédure applicable devant le magristrat du siège du tribunal judiciaire d’ÉVRY – COURCOURONNES chargé du contrôle des mesures privatives et restriction de liberté prévues par le code de la santé publique en matière d’isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques ;

Vu la décision de M. LE PRÉFET DE L’ESSONNE en date du 29 août 2024 plaçant en hospitalisation sous contrainte,

Monsieur [J] [H]
né le 04 Février 1998 à INCONNU
représenté par Me Caroline VARIN, avocat au barreau d’ESSONNE ;

Vu la décision médicale motivée du docteur [R] [N] [Y]en date du 14 novembre 2024 plaçant en mesure d’isoleement Monsieur [J] [H] à compter du 14 novembre 2024 à 18h55;

Vu l’ordonnance du juge du tribunal judiciaire d’Evry autorisant la prolongation de la mesure d’isoleementde Monsieur [J] [H] en date du 20 novembre 2024;

Vu la demande du directeur de l’établissement psychatrique acceuillant le patient, enregistrée par le greffe le 26 Novembre 2024 par laquelle il sollicite l’autorisation de poursuivre la mesure d’isoleement de Monsieur [J] [H] ;

Vu la décision médicale motivée du docteur M. [F] du 26 novembre 2024 selon lequel la mesure d’isoleement de Monsieur [J] [H] doit être prolongée

Vu les réquisitions du MINISTÈRE PUBLIC déposées le 26 novembre 2024 ;

Vu les conclusions de Me Caroline VARIN, pour Monsieur [J] [H];

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [J] [H] a fait l’objet d’une hospitalisation complète au Centre hospitalier [1], depuis le 29 août 2024.

Monsieur [J] [H] est soumis(e) à une mesure d’isoleement sur le fondement de l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique depuis le 14 novembre 2024 à 18h55.
Le directeur de l’établissement psychatrique acceuillant le patient a saisi le juge aux fins de statuer en faveur de la poursuite de la mesure d’isoleement de l’intéressé.

Dans ses réquisitions, le Ministère public s’en rapporte à l’appréciation de la juridiction.

Dans ses conclusions, Me Caroline VARIN représentant Monsieur [J] [H] soutient que la procédure est irrégulière et que l’isolement n’est pas proportionné à l’état du patient ainsi que le défaut d’information du patient.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de statuer selon la procédure écrite.

Sur le fond:

Il résulte des éléments de la procédure que les conditions d’une nouvelle prolongation de la mesure sont insuffisamment motivées conformément aux exigences de l’article L3222-1-5 du code de la santé publique, en ce que la décision de prolongation de la mesure d’isolement établie le 26 novembre 2024 à 11H00 par le docteur [F] [U] mentionne « Délirant avec risque de passage à l’acte hétéroagressif ». Cette mention qui n’est pas étayée par des éléments circonstanciés ne peut suffire à caractériser l’existence d’un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui auquel seul l’isolement, pratique de dernier recours, serait de nature à mettre fin ou à prévenir. Par conséquent, il n’est pas établi que la mesure d’isolement soit adaptée, nécessaire et proportionnée à la situation de la personne faisant l’objet de soins et il convient de constater son irrégularité, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens de l’appelant.
Il convient d’ordonner la mainlevée de la mesure d’isoleement ;

PAR CES MOTIFS

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire d’ÉVRY – COURCOURONNES chargé du contrôle des mesures privatives et restriction de liberté prévues par le code de la santé publique, statuant sans audience selon la procédure écrite, par décision mise à disposition au greffe, susceptible d’appel devant le Premier Président de la Cour d’appel de Paris,

CONSTATONS l’irrégularité de la procédure ;

ORDONNONS LA MAINLEVÉE de la mesure d’isoleement ;

RAPPELONS qu’une nouvelle mesure d’isoleement ne peut intervenir dans les 48 prochaines heures, sauf élément nouveau.

Laissons les dépens de la présente à la charge de l’Etat ;

Ainsi fait et jugé à Evry le 26 Novembre 2024 à 16 heures 12.

Le juge
Henry MAPEL, Vice président

Vu au parquet le
le procureur de la République


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon