Proportionalité et motivation des mesures d’isolement en milieu psychiatrique

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Proportionalité et motivation des mesures d’isolement en milieu psychiatrique

L’Essentiel : Monsieur [R] [C] a été hospitalisé au Centre hospitalier [1] depuis le 19 avril 2024. Le 22 novembre 2024, il a été placé sous mesure d’isolement. Le directeur de l’établissement a demandé au juge de prolonger cette mesure, tandis que le Ministère public a laissé la décision à la juridiction. La défense a contesté la régularité de la procédure et l’adéquation de l’isolement. Le tribunal a conclu que la mesure n’était ni adaptée ni proportionnée, entraînant son annulation. Il a ordonné la mainlevée de l’isolement, avec des dépens à la charge de l’État.

Hospitalisation de Monsieur [R] [C]

Monsieur [R] [C] a été hospitalisé au Centre hospitalier [1] depuis le 19 avril 2024.

Mesure d’isolement

Depuis le 22 novembre 2024 à 14h28, il est soumis à une mesure d’isolement en vertu de l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique.

Demande de prolongation de l’isolement

Le directeur de l’établissement psychiatrique a saisi le juge pour obtenir la poursuite de cette mesure d’isolement.

Position du Ministère public

Le Ministère public a choisi de s’en remettre à l’appréciation de la juridiction concernant cette demande.

Arguments de la défense

Me Karine TILLY, représentant Monsieur [R] [C], a soutenu que la procédure était irrégulière et que l’isolement n’était pas proportionné à l’état du patient.

Motifs de la décision

La décision de prolongation de l’isolement, établie le 25 novembre 2024, mentionne des « troubles du comportement autistiques » sans éléments circonstanciés, ce qui ne suffit pas à justifier un dommage immédiat ou imminent.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a constaté que la mesure d’isolement n’était pas adaptée, nécessaire ou proportionnée, entraînant son irrégularité.

Ordonnance de mainlevée

Le tribunal a ordonné la mainlevée de la mesure d’isolement et a précisé qu’une nouvelle mesure ne pourrait être prise dans les 48 heures suivantes, sauf élément nouveau.

Dépens à la charge de l’État

Les dépens de la procédure ont été laissés à la charge de l’État.

Date et signature

La décision a été rendue à Évry le 25 novembre 2024 à 18 heures 30 par le juge Nicolas REVEL, Vice-président.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la mesure d’isolement selon le Code de la santé publique ?

La mesure d’isolement est régie par l’article L.3222-5-1 du Code de la santé publique, qui stipule que :

« La mesure d’isolement ne peut être décidée que si elle est nécessaire pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui. »

Cette disposition souligne que l’isolement doit être une mesure de dernier recours, justifiée par des circonstances précises et urgentes.

De plus, l’article L.3222-1-5 précise que :

« La décision de prolongation de la mesure d’isolement doit être motivée et fondée sur des éléments circonstanciés. »

Il est donc impératif que la décision de prolongation soit étayée par des preuves tangibles de la nécessité de l’isolement, ce qui n’a pas été le cas dans l’affaire de Monsieur [R] [C].

Quels sont les droits du patient en matière de contestation de la mesure d’isolement ?

Le droit du patient à contester une mesure d’isolement est garanti par l’article L.3222-5 du Code de la santé publique, qui dispose que :

« Toute personne faisant l’objet d’une mesure d’isolement peut demander à être entendue par le juge. »

Cela signifie que le patient a le droit de faire valoir ses arguments et de contester la légitimité de la mesure qui le concerne.

En outre, l’article L.3222-5-2 précise que :

« Le juge doit statuer dans un délai de 12 heures à compter de la saisine. »

Ce délai est crucial pour garantir que les droits du patient soient respectés et que la mesure d’isolement ne soit pas prolongée indéfiniment sans justification adéquate.

Quelles sont les conséquences d’une irrégularité dans la procédure d’isolement ?

L’irrégularité dans la procédure d’isolement peut entraîner la nullité de la mesure, comme le stipule l’article L.3222-5-3 du Code de la santé publique :

« En cas d’irrégularité, la mesure d’isolement doit être levée. »

Dans le cas de Monsieur [R] [C], le tribunal a constaté que la décision de prolongation de l’isolement n’était pas suffisamment motivée, ce qui a conduit à l’ordonnance de mainlevée de la mesure.

Cette décision souligne l’importance d’une procédure rigoureuse et respectueuse des droits des patients, garantissant ainsi que les mesures privatives de liberté soient justifiées et proportionnées.

T R I B U N A L
JUDICIAIRE
D’EVRY

Cabinet du magistrat du siège du tribunal judiciaire

Nicolas REVEL, Vice-président

N° dossier: N° RG 24/03581 – N° Portalis DB3Q-W-B7I-QRTM

MINUTE N°

NAC : 14T

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE MESURE EN

MATIÈRE d’isolement

Article L. 3222-5-1 du code de la santé publique

Rendue le 25 Novembre 2024

Nicolas REVEL, Vice-président, magistrat du siège du tribunal judiciaire d’ÉVRY – COURCOURONNES chargé du contrôle des mesures privatives et restriction de liberté prévues par le code de la santé publique statuant sans audience selon la procédure écrite de principe prévue aux articles L3211-12-2 et L3222-5-1 du Code de la santé publique;

Vu l’article 17 de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, modifiant notamment l’article L3222-5-1 du Code de la santé publique ;

Vu le décret n° 2022-419 du 23 mars 2022 modifiant la procédure applicable devant le magristrat du siège du tribunal judiciaire d’ÉVRY – COURCOURONNES chargé du contrôle des mesures privatives et restriction de liberté prévues par le code de la santé publique en matière d’isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques ;

Vu la décision de M. LE DIRECTEUR DU CENTRE HOSPITALIER [1] en date du 19 avril 2024 plaçant en hospitalisation sous contrainte,

Monsieur [R] [C]
né le 24 Septembre 2005 à
représenté par Me Karine TILLY, avocat au barreau d’ESSONNE ;

Vu la décision médicale motivée du docteur [M] [F]en date du 22 novembre 2024 plaçant en mesure d’isolement Monsieur [R] [C] à compter du 22 novembre 2024 à 14h28;

Vu la demande du directeur de l’établissement psychatrique accueillant le patient, enregistrée par le greffe le 25 Novembre 2024 par laquelle il sollicite l’autorisation de poursuivre la mesure d’isolement de Monsieur [R] [C] ;

Vu la décision médicale motivée du docteur [U] [H] du 25 novembre 2024 selon lequel la mesure d’isolement de Monsieur [R] [C] doit être prolongée;

Vu les réquisitions du MINISTÈRE PUBLIC déposées le 25 novembre 2024 ;

Vu les conclusions de Me Karine TILLY, pour Monsieur [R] [C];

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [R] [C] a fait l’objet d’une hospitalisation complète au Centre hospitalier [1], depuis le 19 avril 2024.

Monsieur [R] [C] est soumis(e) à une mesure d’isolement sur le fondement de l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique depuis le 22 novembre 2024 à 14h28.

Le directeur de l’établissement psychatrique acceuillant le patient a saisi le juge aux fins de statuer en faveur de la poursuite de la mesure d’isolement de l’intéressé.

Dans ses réquisitions, le Ministère public s’en rapporte à l’appréciation de la juridiction.

Dans ses conclusions, Me Karine TILLY représentant Monsieur [R] [C] soutient que la procédure est irrégulière et que l’isolement n’est pas proportionné à l’état du patient.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de statuer selon la procédure écrite.

Sur le fond:

Il résulte des éléments de la procédure que les conditions d’une nouvelle prolongation de la mesure sont insuffisamment motivées conformément aux exigences de l’article L3222-1-5 du code de la santé publique, en ce que la décision de prolongation de la mesure d’isolement établie le 25 novembre 2024 à 11h46 par le docteur [H] [X] mentionne  » Troubles du comportement autistiques ». Cette mention qui n’est pas étayée par des éléments circonstanciés ne peut suffire à caractériser l’existence d’un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui auquel seul l’isolement, pratique de dernier recours, serait de nature à mettre fin ou à prévenir.
Par conséquent, il n’est pas établi que la mesure d’isolement soit adaptée, nécessaire et proportionnée à la situation de la personne faisant l’objet de soins et il convient de constater son irrégularité, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens de l’appelant.

Il convient d’ordonner la mainlevée de la mesure d’isolement ;

PAR CES MOTIFS

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire d’ÉVRY – COURCOURONNES chargé du contrôle des mesures privatives et restriction de liberté prévues par le code de la santé publique, statuant sans audience selon la procédure écrite, par décision mise à disposition au greffe, susceptible d’appel devant le Premier Président de la Cour d’appel de Paris,

CONSTATONS l’irrégularité de la procédure ;

ORDONNONS LA MAINLEVÉE de la mesure d’isolement ;

RAPPELONS qu’une nouvelle mesure d’isolement ne peut intervenir dans les 48 prochaines heures, sauf élément nouveau.

Laissons les dépens de la présente à la charge de l’Etat ;

Ainsi fait et jugé à Evry le 25 Novembre 2024 à 18 heures 30 ;

Le juge
Nicolas REVEL, Vice-président

Vu au parquet le
le procureur de la République


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