Proportionalité et garanties de représentation dans le cadre de la rétention administrative

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Proportionalité et garanties de représentation dans le cadre de la rétention administrative

L’Essentiel : Le 24 novembre 2024, le juge des libertés a rejeté une demande de prolongation de rétention administrative d’un ressortissant marocain, invoquant une erreur manifeste d’appréciation. En réponse, le préfet du Tarn a interjeté appel, arguant que cette décision portait atteinte à la vie familiale de l’intéressé. Le ministère public a soutenu cet appel, demandant l’infirmation de la décision. Malgré les contestations sur la régularité de l’arrêté de rétention, la cour a jugé que la prolongation était justifiée pour garantir le départ de l’intéressé, ordonnant ainsi une nouvelle rétention de 26 jours.

Contexte juridique

Les faits se déroulent dans le cadre des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et du CESEDA, qui régissent la rétention administrative des étrangers en France.

Décision du juge des libertés

Le 24 novembre 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a rejeté une requête visant à prolonger la mesure de rétention administrative de l’intéressé de 26 jours, en invoquant une erreur manifeste d’appréciation de l’autorité préfectorale.

Appel du préfet

Monsieur le préfet du Tarn a interjeté appel de cette décision, son courrier ayant été reçu au greffe de la cour le 25 novembre 2024. L’appel se fonde sur l’argument que la décision du juge porte atteinte de manière disproportionnée à la vie de famille de l’intéressé.

Position du ministère public

Le ministère public a également soutenu l’appel du préfet, souscrivant aux motifs avancés par la préfecture et demandant l’infirmation de la décision du juge des libertés, ainsi que la prolongation de la mesure de rétention administrative.

Régularité de l’arrêté de rétention

L’appelant conteste la régularité de l’arrêté de placement en rétention, arguant qu’il est insuffisamment motivé. Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables et énonce les circonstances justifiant la rétention, notamment l’absence de documents de voyage et la déclaration de l’intéressé de ne pas vouloir quitter le territoire.

Situation personnelle de l’intéressé

L’intéressé, un ressortissant marocain, a été placé en garde à vue pour vol par effraction et a fait l’objet d’une mesure d’éloignement avec interdiction de retour. Il ne justifie pas d’une résidence stable et n’a pas signalé de vulnérabilité qui empêcherait sa rétention.

Évaluation de la vie familiale

Le premier juge a erronément considéré que la situation familiale de l’intéressé constituait une erreur manifeste d’appréciation. Bien que l’intéressé ait des enfants, ceux-ci sont placés par les services sociaux, et il ne vit pas avec eux, ce qui limite l’impact de la rétention sur sa vie familiale.

Prolongation de la rétention

Conformément à l’article L741-3, la prolongation de la rétention est justifiée par la nécessité de garantir le départ de l’intéressé, l’administration ayant déjà engagé des démarches auprès des autorités consulaires marocaines.

Conclusion de la cour

La cour a déclaré recevable l’appel du préfet, infirmé l’ordonnance du juge des libertés, et ordonné la prolongation de la rétention de l’intéressé pour une durée de 26 jours, notifiant cette décision aux parties concernées.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la régularité de l’arrêté de placement en rétention administrative ?

L’article L741-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule que l’autorité administrative peut placer un étranger en rétention pour une durée de quatre jours, dans les cas prévus à l’article L. 731-1, lorsque cet étranger ne présente pas de garanties de représentation effectives.

Ces garanties doivent prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement. L’appréciation de ce risque se fait selon les critères de l’article L. 612-3, qui énumère plusieurs situations où le risque est présumé établi.

En l’espèce, l’arrêté de placement en rétention a été contesté par l’appelant, qui soutient qu’il est insuffisamment motivé ou entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables et énonce les circonstances de fait justifiant l’application de ces dispositions.

Il est précisé que l’intéressé a fait l’objet d’une mesure d’éloignement, a été placé en garde à vue pour des faits de vol, et ne justifie pas d’une résidence effective. De plus, il a déclaré ne pas vouloir exécuter la mesure d’éloignement.

Ainsi, la décision de placement en rétention est fondée sur des éléments concrets et pertinents, et le premier juge a erronément retenu une erreur manifeste d’appréciation en raison de la situation familiale de l’intéressé.

Quelles sont les implications de la prolongation de la rétention administrative ?

L’article L741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Dans le cas présent, l’administration a justifié la prolongation de la rétention par la saisine des autorités consulaires marocaines, intervenue le 19 novembre 2024. Cela démontre que l’administration agit dans le respect des délais et des procédures nécessaires pour assurer le départ de l’intéressé.

La prolongation de la rétention administrative est donc considérée comme justifiée, car elle répond à l’exigence de nécessité et de proportionnalité. La décision de prolongation a été prise après un examen attentif de la situation de l’étranger, conformément aux exigences légales.

En conséquence, la décision déférée a été infirmée, et la prolongation de la rétention de Monsieur [F] [S] a été ordonnée pour une durée de vingt-six jours, ce qui est conforme aux dispositions légales en vigueur.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/1243

N° RG 24/01237 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QUCH

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 26 novembre à 11H00

Nous P. ROMANELLO, Conseiller magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 16 Septembre 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L. 342-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Vu l’ordonnance rendue le 24 Novembre 2024 à 11H52 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la mise en liberté de :

[F] [S]

né le 06 Janvier 1992 à [Localité 1] (MAROC)

de nationalité Marocaine

Vu l’appel formé le 25 novembre 2024 à 11 h 09 par mail, par la PREFECTURE DU TARN.

A l’audience publique du 25 novembre 2024 à 16h00, assisté de C. KEMPENAR, adjointe administrative faisant fonction de greffier,avons entendu:

PREFECTURE DU TARN représentée par [G] [I]

Me Lisa JOULIE, avocat au barreau de TOULOUSE, représentant [F] [S], non comparant

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Exposé des faits

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,

Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 24 novembre 2024 qui a rejeté la requête en prolongation de 26 jours de la mesure de rétention administrative de l’intéressé au motif d’une erreur manifeste d’appréciation par l’autorité préfectorale,

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Vu l’appel interjeté par Monsieur le préfet du Tarn par courrier reçu au greffe de la cour le 25 novembre 2024, auquel il convient de se référer en application de l’article 455 :

—————————

Entendu les explications du conseil de Monsieur [F] [S] qui, en l’absence de ce dernier, sollicite confirmation de la décision déférée au motif d’une erreur manifeste d’appréciation qui porte une atteinte disproportionnée à la vie de famille de l’intéressé

———————————

Vu les conclusions du 25 novembre 2024 par lesquelles le ministère public souscrit aux entiers motifs soulevés et exposés par la préfecture et requiert l’infirmation de la décision du juge des libertés et de la détention, et la prolongation de la mesure de rétention administrative.

SUR CE :

L’appel est recevable pour avoir été formé dans les délais et formes requis.

Sur la régularité de l’arrêté de placement en rétention administrative

En application de l’article L741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3.

Aux termes de ce dernier article le risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;

7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;

8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

En l’espèce, l’appelant soutient que l’arrêté de placement en rétention est insuffisamment motivé ou entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

Cependant, la décision critiquée cite les textes applicables à la situation de l’intéressé et énonce les circonstances de fait qui justifient l’application de ces dispositions.

Elle précise en effet notamment que l’intéressé :

– a fait l’objet d’une mesure d’éloignement prise le 18 novembre 2024 avec interdiction de retour de 36 mois,

– a été placé en garde à vue le 17 novembre 2024 pour des faits de vol par effraction,

– ressortissant marocain il est dépourvu de documents de voyage et a déclaré ne pas vouloir exécuter la mesure d’éloignement,

– il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale,

– il n’a pas signalé un trouble de santé invalidant ou une vulnérabilité qui ferait obstacle au placement en rétention,

– il est âgé de 32 ans et il se dit marié. Il a trois enfants placés par jugement d’assistance éducative. Il est sans emploi ni ressources et il ne justifie pas d’une atteinte disproportionnée au droit et au respect de sa vie privée.

C’est par des motifs erronés que le premier juge a retenu une erreur manifeste d’appréciation en raison de la situation familiale de l’intéressé.

En effet, si le jugement d’assistance éducative versé au dossier prévoit une visite médiatisée du père à raison d’une fois par mois en présence des travailleurs sociaux, il convient toutefois de rappeler que cette même décision maintient le placement des enfants de Monsieur auprès des services de l’aide sociale à l’enfance du Tarn.

Monsieur [F] [S] ne vit donc pas aux côtés de ses enfants et n’est pas privé d’un droit à la vie de famille.

En outre, l’atteinte à la vie privée et familiale de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dont il se plaint est inopérante puisqu’elle ne résulte pas du placement en rétention administrative mais de la décision d’éloignement qui ne relève pas de la compétence de la présente juridiction, étant au surplus souligné qu’il n’était pas présent devant le juge des enfants pour l’audience d’assistance éducative, ce qui conforte l’absence réelle de communauté de vie régulière avec ses enfants.

Le préfet a tiré toutes les conséquences de droit de la situation qu’il a relevée dans son arrêté. Le grief tiré d’une erreur de droit et manifeste d’appréciation doit donc être écarté.

Compte tenu de ce qui précède, Monsieur [F] [S] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu’il se soustraie à l’obligation de quitter le territoire.

C’est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l’étranger que la décision de placement en rétention a été prise.

Sur la prolongation de la rétention

En application de l’article L741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.

En l’espèce, l’administration justifie de la saisine des autorités consulaires marocaines en date du 19 novembre 2024.

La prolongation de la rétention administrative est donc justifiée.

La décision déférée sera en conséquence infirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l’appel interjeté par la préfecture du Tarn à l’encontre de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse en date du 24 novembre 2024,

Infirmons ladite ordonnance,

Statuant à nouveau,

Prononçons la jonction de la requête en contestation du placement en rétention et de la requête en prolongation de la rétention administrative,

Ordonnons la prolongation de la rétention de Monsieur [F] [S] pour une durée de VINGT SIX JOURS,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DU TARN, service des étrangers, à [F] [S], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

C. KEMPENAR, P. ROMANELLO,Conseiller

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