Prolongation de rétention administrative : obligations et diligences de l’autorité préfectorale.

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Prolongation de rétention administrative : obligations et diligences de l’autorité préfectorale.

L’Essentiel : Le 05 juin 2024, [U] [S] a reçu une obligation de quitter le territoire français, suivie d’un placement en rétention administrative le 19 décembre 2024. Le juge a prolongé cette rétention pour vingt-six jours, puis une nouvelle demande de prolongation a été faite le 17 janvier 2025. Malgré l’appel de [U] [S], arguant d’un manque de mesures pour son départ, la préfecture a soutenu avoir agi avec diligence. Finalement, l’appel a été jugé recevable, mais rejeté, confirmant la prolongation de la rétention, considérée conforme aux exigences légales du CESEDA.

Notification de l’obligation de quitter le territoire

Le 05 juin 2024, [U] [S] a reçu une obligation de quitter le territoire français sans délai, émise par le préfet de l’Ardèche.

Placement en rétention administrative

Le 19 décembre 2024, l’autorité administrative a décidé de placer [U] [S] en rétention dans des locaux non pénitentiaires pour faciliter l’exécution de la mesure d’éloignement.

Prolongation de la rétention

Le juge a prolongé la rétention administrative de [U] [S] pour une durée de vingt-six jours par ordonnance du 22 décembre 2024, confirmée en appel le 24 décembre 2024.

Nouvelle demande de prolongation

Le 17 janvier 2025, le préfet du Rhône a demandé au tribunal judiciaire de Lyon une nouvelle prolongation de la rétention pour trente jours, requête à laquelle le juge a accédé le 18 janvier 2024.

Appel de [U] [S]

Le même jour, [U] [S] a interjeté appel de cette ordonnance, arguant que le préfet n’avait pas pris les mesures nécessaires pour organiser son départ durant le premier mois de sa rétention.

Observations des parties

Le 19 janvier 2024, les parties ont été informées que le magistrat envisageait d’appliquer les dispositions du CESEDA concernant l’absence de circonstances nouvelles justifiant la prolongation de la rétention.

Arguments de la préfecture

L’avocat de la préfecture a soutenu que des diligences avaient été effectuées pour organiser l’éloignement de [U] [S], tandis que ce dernier n’a pas formulé d’observations en réponse.

Recevabilité de l’appel

L’appel de [U] [S] a été jugé recevable, conformément aux formes et délais légaux.

Obligations de l’autorité administrative

L’article L. 741-3 du CESEDA stipule que la rétention ne peut excéder le temps strictement nécessaire à l’éloignement, et que l’administration doit agir avec diligence.

Conditions de prolongation de la rétention

Le juge peut prolonger la rétention au-delà de trente jours dans des cas spécifiques, tels que l’urgence ou l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement.

Absence de moyens en première instance

[U] [S] n’a pas soulevé de carence de l’autorité administrative lors de la première instance, ce qui a été avancé pour la première fois en appel.

Justification des diligences

La préfecture a justifié avoir pris toutes les mesures nécessaires pour organiser l’éloignement, y compris la demande de réadmission auprès des autorités italiennes.

Conclusion de l’appel

Les éléments fournis par [U] [S] n’ont pas permis de justifier la fin de sa rétention, et son appel a été rejeté sans audience, confirmant l’ordonnance initiale.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?

La rétention administrative est régie par plusieurs articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

L’article L. 741-3 du CESEDA stipule que :

« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet. »

Cette disposition souligne que la rétention ne doit pas être prolongée au-delà de ce qui est nécessaire pour organiser le départ de l’étranger.

De plus, l’article L. 742-4 précise les conditions dans lesquelles le juge peut prolonger la rétention au-delà de trente jours.

Il énonce que :

« Le juge peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport. »

Ces articles établissent un cadre strict pour la rétention administrative, en insistant sur la nécessité d’agir rapidement et efficacement pour organiser le départ de l’étranger.

Quels sont les droits de l’étranger en matière de rétention administrative ?

Les droits de l’étranger en matière de rétention administrative sont également encadrés par le CESEDA.

L’article L. 743-23, notamment son alinéa 2, précise que :

« Le premier président ou son délégué peut, lorsqu’il est saisi d’un appel contre une décision rendue par le juge dans les cas prévus aux articles L. 741-10 et L. 742-8, rejeter la déclaration d’appel sans avoir préalablement convoqué les parties s’il apparaît qu’aucune circonstance nouvelle de fait ou de droit n’est intervenue depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement, ou que les éléments fournis à l’appui de la demande ne permettent manifestement pas de justifier qu’il soit mis fin à la rétention. »

Cela signifie que l’étranger a le droit de contester la prolongation de sa rétention, mais il doit démontrer qu’il existe des circonstances nouvelles ou des éléments justifiant la fin de sa rétention.

En outre, l’article L. 741-3 impose à l’administration de justifier de ses diligences pour organiser le départ de l’étranger, ce qui renforce les droits de ce dernier en matière de transparence et de respect des procédures.

Comment la jurisprudence interprète-t-elle les obligations de l’administration en matière de rétention ?

La jurisprudence a précisé que l’obligation de diligences qui incombe à l’autorité préfectorale, selon l’article L. 741-3 du CESEDA, est une obligation de moyen et non de résultat.

Cela signifie que l’administration doit faire preuve de diligence dans ses efforts pour organiser le départ de l’étranger, mais elle n’est pas tenue d’assurer que ce départ ait lieu dans un délai précis.

Dans le cas présent, il a été établi que la préfecture avait engagé des démarches pour organiser le départ de [U] [S], notamment en sollicitant un vol et en vérifiant la possibilité de réadmission en Italie.

Les éléments fournis par l’autorité préfectorale, tels que la demande de réadmission et la disponibilité d’un vol, ont été jugés suffisants pour justifier la prolongation de la rétention.

Ainsi, la jurisprudence confirme que tant que l’administration démontre qu’elle a pris des mesures raisonnables pour organiser le départ, elle respecte ses obligations légales.

Quelles sont les conséquences d’un appel contre une décision de rétention ?

L’appel contre une décision de rétention administrative a des conséquences importantes, notamment en ce qui concerne la procédure et le traitement de la demande.

Selon l’article L. 743-23, le juge peut rejeter l’appel sans audience si aucune circonstance nouvelle n’est présentée.

Cela signifie que l’étranger doit être en mesure de démontrer des éléments nouveaux ou des raisons valables pour contester la décision de rétention.

Dans le cas de [U] [S], son appel a été rejeté car il n’a pas fourni de nouveaux éléments depuis son placement en rétention.

Le tribunal a confirmé que les diligences de l’administration étaient suffisantes et que l’appel ne reposait que sur des arguments déjà présentés, ce qui ne justifiait pas une mise en liberté.

Ainsi, l’absence de nouveaux éléments peut conduire à un rejet rapide de l’appel, soulignant l’importance pour l’étranger de bien préparer sa défense et de fournir des preuves concrètes pour contester la rétention.

N° RG 25/00442 – N° Portalis DBVX-V-B7J-QD6H

Nom du ressortissant :

[U] [S]

[S]

C/

Mme LA PREFETE DU RHONE

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 20 JANVIER 2025

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Isabelle OUDOT, conseillère à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 2 janvier 2025 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Ynes LAATER, greffière,

En l’absence du ministère public,

Statuant en notre cabinet dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [U] [S]

né le 03 Décembre 1974 à [Localité 2] (MAROC)

de nationalité Marocaine

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [3] 2

Ayant pour conseil Maître Seda AMIRA, avocate au barreau de LYON, commise d’office

ET

INTIME :

Mme LA PREFETE DU RHONE

[Adresse 4]

[Localité 1]

Ayant pour avocat Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

Avons mis l’affaire en délibéré au 20 Janvier 2025 à 11heures 45 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit:

FAITS ET PROCÉDURE

Le 05 juin 2024, une obligation de quitter le territoire français sans délai a été notifiée à [U] [S] par le préfet de l’Ardèche.

Par décision en date du 19 décembre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [U] [S] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire afin de permettre l’exécution de la mesure d’éloignement.

Par ordonnance du 22 décembre 2024, confirmée en appel le 24 décembre 2024, le juge a prolongé la rétention administrative de [U] [S] pour une durée de vingt-six jours.

Suivant requête du 17 janvier 2025, reçue le jour même à 14 heures 55, le préfet du Rhône a saisi le juge du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation de la rétention pour une durée de trente jours.

Dans son ordonnance du 18 janvier 2024 à 12 heures le juge du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à cette requête.

Par déclaration au greffe le 18 janvier 2024 à 17 heures 34, [U] [S] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l’infirmation outre sa mise en liberté au visa de l’article L 741-3 du CESEDA, [U] [S] et motive sa requête d’appel comme suit : « J’estime que M. le Préfet du Rhône n’a pas effectue les diligences nécessaires afin d’organiser mon départ pendant le premier mois de ma rétention. » . Il soutient que l’autorité administrative dispose de son passeport et ne s’explique pas sur la nécessité d’obtenir un laissez-passer.

Par courriel adressé le 19 janvier 2024 à 09 heures 36 les parties ont été informées que le magistrat délégué par le premier président envisageait de faire application des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 743-23  du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et les a invitées à faire part, le 20 janvier 2024 à 9 heures au plus tard, de leurs observations éventuelles sur l’absence de circonstance nouvelle de fait ou de droit depuis le placement en rétention administrative, ou sur l’absence d’éléments fournis à l’appui de la requête d’appel permettant de justifier qu’il soit mis fin à la rétention.

Vu les observations de l’avocat de la préfecture reçues par courriel le 19 janvier 2024 2025 à 11 heures 14 tendant à la confirmation de la décision entreprise compte tenu des diligences déjà accomplies et justifiées.

Vu l’absence d’observations formées par l’avocat de la personne retenue.

MOTIVATION

Attendu que l’appel de [U] [S] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; 

Attendu que l’article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet ;

Attendu que l’article L. 742-4 du même code dispose que «Le juge peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.»;

Attendu qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article L. 743-23 du CESEDA, le premier président ou son délégué peut, lorsqu’il est saisi d’un appel contre une décision rendue par le juge dans les cas prévus aux articles L. 741-10 et L. 742-8, rejeter la déclaration d’appel sans avoir préalablement convoqué les parties s’il apparaît qu’aucune circonstance nouvelle de fait ou de droit n’est intervenue depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement, ou que les éléments fournis à l’appui de la demande ne permettent manifestement pas de justifier qu’il soit mis fin à la rétention ;

Attendu qu’en l’espèce devant le premier juge [U] [S] n’a fait valoir aucun moyen relatif à une carence de l’autorité administrative dans les diligences faites pour organiser son éloignement pendant le premier mois de sa rétention ; Que ce moyen est soutenu pour la première fois en appel pour solliciter sa mise en liberté ;

Attendu que l’obligation de diligences qui incombe à l’autorité préfectorale en application des dispositions de l’article L. 741-3 du CESEDA est une obligation de moyen et non une obligation de résultat, étant précisé que la préfecture ne dispose d’aucun pouvoir de coercition où de contrainte à l’égard des autorités consulaires ;

Attendu que dans sa requête en prolongation de la rétention de [U] [S], l’autorité préfectorale fait valoir notamment que :

– l’intéressé est titulaire d’un passeport marocain en cours de validité,

– [U] [S] a transmis par le biais de Forum Réfugiés des documents italiens aux termes desquels il serait titulaire d’un titre de séjour en Italie,

– le 14 janvier 2025 une demande de réadmission a été adressée aux autorités italiennes,

– le 16 janvier 2024 l’Italie a rejeté la demande de réadmission,

– un routing a été sollicité et un vol prévu pour le 21 janvier 2025 ;

– le comportement d el’intéressé représente une menace pour l’ordre public au regard de son parcours pénal ;

Que contrairement à ce qui est soutenu par l’appelant, la préfecture n’est pas dans l’attente du laissez-passer mais fonde sa demande sur la disponibilité d’un vol ; Qu’il est justifié qu’elle a formé une demande de routing et obtenu un vol très proche pour le Maroc, soit demain 21 janvier 2024 ; Qu’elle a par ailleurs engagé toutes les diligences nécessaires au préalable afin de vérifier si une réadmission pour l’Italie était possible ;

Que la réalité de ces diligences, justifiés par les pièces de la procédure, n’est pas contestée et que de surcroît [U] [S] ne précise pas d’autres diligences utiles susceptibles d’être engagées par l’autorité administrative ; Qu’il est caractérisé que la préfecture du Rhône a accompli les diligences nécessaires et suffisantes pour permettre l’exécution de la mesure d’éloignement ;

Qu’il en résulte que le moyen tiré de l’absence de diligences ainsi que la prétention qui lui est associée tendent uniquement à solliciter une mise en liberté et à obtenir de manière claire la mainlevée de la rétention administrative ce qui relève manifestement des prévisions de l’article L. 743-23 alinéa 2 du CESEDA ;

Qu’il y a lieu de considérer que les éléments invoqués par [U] [S] ne permettent pas de justifier qu’il soit mis à sa rétention administrative tandis qu’il n’invoque ni ne justifie d’aucune circonstance nouvelle de droit ou de fait depuis son placement en rétention ;

Attendu que son appel doit dès lors être rejeté sans audience et l’ordonnance entreprise est confirmée ;

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l’appel formé par [U] [S],

Confirmons l’ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Ynes LAATER Isabelle OUDOT


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