L’Essentiel : Mme [M] [L], ressortissante marocaine, a été placée en rétention administrative après un arrêté d’obligation de quitter le territoire français. Le tribunal a autorisé plusieurs prolongations de sa rétention, mais Mme [M] [L] a interjeté appel, contestant la légitimité de ces décisions. Son appel a été jugé recevable, et le tribunal a noté que la requête du préfet pour une seconde prolongation n’était pas correctement motivée. En conséquence, le tribunal a infirmé la prolongation de la rétention et ordonné la mise en liberté de Mme [M] [L].
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Identité et situation de Mme [M] [L]Mme [M] [L] est une ressortissante marocaine qui a été soumise à un arrêté d’obligation de quitter le territoire français le 19 décembre 2024. Ce même jour, elle a été placée en rétention administrative à l’issue d’une garde à vue. Prolongation de la rétention administrativeLe 24 décembre 2024, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de la rétention administrative de Mme [M] [L]. Cette décision a été confirmée le 27 décembre 2024 par un magistrat suppléant. Une seconde prolongation a été accordée le 19 janvier 2025, ce qui a conduit Mme [M] [L] à interjeter appel de cette décision. Arguments de l’appel de Mme [M] [L]Dans son appel, Mme [M] [L] a soulevé plusieurs points, notamment l’irrecevabilité de la requête pour cause de tardiveté et de manque de motivation, ainsi que l’absence de diligences dans le traitement de son dossier. Réactions des parties impliquéesLe parquet général a requis la confirmation de l’ordonnance par des conclusions écrites non motivées. Lors de l’audience, le conseil de Mme [M] [L] a réitéré les arguments de l’appel, tandis que le préfet du Val d’Oise a plaidé pour la confirmation de l’ordonnance. Recevabilité de l’appelLe tribunal a jugé que l’appel interjeté par Mme [M] [L] était recevable, en se basant sur les éléments présentés précédemment. Examen de la requête du préfetConcernant la requête du préfet pour prolonger la rétention, le tribunal a noté que celle-ci devait être faite avant la fin de la période initiale. La requête du préfet, reçue le 18 janvier 2024, a été jugée recevable. Motivation de la requêteLe tribunal a examiné la motivation de la requête du préfet, stipulant que celle-ci devait être datée et signée. Il a constaté que la requête pour la seconde prolongation n’était pas correctement motivée, ce qui a conduit à son irrecevabilité. Décision finale du tribunalLe tribunal a déclaré recevable l’appel de Mme [M] [L] et a infirmé la décision de prolongation de la rétention. Il a également déclaré irrecevable la requête du préfet pour la seconde prolongation et a ordonné la mise en liberté de Mme [M] [L]. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la recevabilité de l’appel interjeté par Mme [M] [L] ?L’appel interjeté par Mme [M] [L] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 19 janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est déclaré recevable. Cette décision repose sur le principe selon lequel un appel est recevable tant qu’il est formé dans les délais impartis et respecte les conditions de forme requises. En l’espèce, il a été établi que l’appel a été interjeté dans le respect des délais légaux, ce qui le rend recevable. Il est important de noter que l’article 901 du Code de procédure civile stipule que « l’appel est formé par une déclaration au greffe de la cour d’appel ». Ainsi, la procédure a été respectée, et l’appel de Mme [M] [L] est donc recevable. Quelles sont les conditions de la prolongation de la rétention administrative ?La prolongation de la rétention administrative est régie par les articles L551-1 et L552-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, devenus les articles L742-1 et suivants. Ces articles précisent que la rétention administrative d’un étranger ne peut être prolongée que sous certaines conditions. En particulier, l’article L552-7 stipule que « la prolongation de la rétention administrative doit être demandée avant l’expiration de la période initiale ». Il est également précisé que la demande doit être motivée et accompagnée des pièces justificatives nécessaires, conformément à l’article R.743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Dans le cas présent, la requête du préfet pour la prolongation de la rétention de Mme [M] [L] a été jugée irrecevable en raison de l’absence de motivation adéquate, ce qui constitue une violation des exigences légales. Quels sont les effets de l’irrecevabilité de la requête du préfet ?L’irrecevabilité de la requête du préfet a des conséquences directes sur la situation de Mme [M] [L]. En effet, selon l’article R.743-2, une requête non motivée est déclarée irrecevable, ce qui entraîne l’invalidation de la décision de prolongation de la rétention. Dans ce cas, l’ordonnance du magistrat du tribunal judiciaire de Rouen, qui avait prolongé la rétention administrative, a été infirmée. Cela signifie que la mesure de rétention ne peut plus être appliquée, et Mme [M] [L] doit être mise en liberté. Cette décision est conforme aux principes de droit qui garantissent le respect des droits des étrangers et la nécessité d’une procédure régulière. Ainsi, l’irrecevabilité de la requête a conduit à la libération immédiate de Mme [M] [L], conformément aux dispositions légales en vigueur. |
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 22 JANVIER 2025
Brigitte HOUZET, Conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Mme VESPIER, Greffière lors des débats et de Mme DEMANNEVILLE, greffière lors du délibéré;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu la requête du préfet du Val d’Oise tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de trente jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise le 19 décembre 2024 à l’égard de Mme [M] [L], née le 01 Novembre 1999 au MAROC ;
Vu l’ordonnance rendue le 19 Janvier 2025 à 14h20 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen autorisant le maintien en rétention de Mme [M] [L] pour une durée supplémentaire de trente jours à compter du 18 janvier 2025 à 15h30 jusqu’au 17 février 2025 à la même heure ;
Vu l’appel interjeté par Mme [M] [L], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 20 janvier 2025 à 14h34 ;
Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :
– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],
– à l’intéressé,
– au préfet du Val d’Oise,
– à Me Chloé PIAUD-PEREZ, avocat au barreau de ROUEN, choisie en vertu de son droit de suite,
Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;
Vu la demande de comparution présentée par Mme [M] [L] ;
Vu l’avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en présence de Me Diana CAPUANO, avocat au barreau du Val de Marne, représentant le préfet du Val d’Oise et en l’absence du ministère public ;
Vu la comparution de Mme [M] [L] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;
Me Chloé PIAUD-PEREZ, avocat au barreau de ROUEN étant présent au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
L’appelant et son conseil et le conseil du préfet ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
Mme [M] [L] déclare être ressortissante marocaine.
Elle a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français le 19 décembre 2024.
Elle a été placée en rétention administrative le même 19 décembre 2024, à l’issue d’une mesure de garde à vue.
Par ordonnance du 24 décembre 2024, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de la rétention administrative de Mme [M] [L], décision confirmée par le magistrat désigné par la première présidente de la cour d’appel de Rouen pour la suppléer le 27 décembre 2024.
Par ordonnance du 19 janvier 2025, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé une seconde prolongation de la rétention adminsitrative de Mme [M] [L].
Mme [M] [L] a interjeté appel de cette décision.
Au soutien de son appel, elle fait valoir:
-l’irrecevabilité de la requête comme tardive et non motivée
-l’absence de diligences
Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 20 janvier 2025, a requis la confirmation de l’ordonnance.
A l’audience, le conseil de Mme [M] [L] a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel.
Le préfet du Val d’Oise, représenté par son conseil, a conclu à la confirmation de l’ordonnance.
Mme [M] [L] a été entendue en ses observations.
Sur la recevabilité de l’appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par Mme [M] [L] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 19 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.
Sur le fond
Sur la recevabilité de la requête du préfet:
sur le délai de saisine du juge:
Il est constant que le magistrat du siège du tribunal judiciaire doit être saisi de la demande d’autorisation de la prolongation de la rétention avant la fin de la période initiale ou de prolongation précédente. Depuis la loi du 26 janvier 2024, toutes ces périodes sont exprimées en jours.
La Cour de cassation a confirmé, s’agissant de la rétention administrative d’un étranger, qu’un délai exprimé en jours ne se compute pas d’heure à heure (17 octobre 2012 n° 12-85082), et a considéré, dans une décision rendue au visa des les articles L551-1 et L552-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, devenus les articles L 742-1 et suivants visés ci-dessus, qu’à l’expiration du délai initial de quarante huit heures, le délai de rétention, dès lors qu’il est exprimé en jours, expire le dernier jour à vingt-quatre heures (Cour de cassation 22 janvier 2020 n° 19-84160) et ce, nonobstant le délai fixé à l’ordonnance du juge des libertés et de la détention: ch crim 22 jan 2020 (n°19-84160, 1e civ 14 juin 2023 n°22-16780).
En l’espèce, la première prolongation de la rétention administrative de Mme [M] [L], d’une durée de vingt-six jours, expirait le 18 janvier 2024 à 24h00. La requête du préfet, reçue au greffe du tribunal judiciaire de Rouen le 18 janvier 2024 à 17h03, dans le délai légal, est recevable.
Le moyen de ce chef sera donc rejeté.
Sur la motivation de la requête:
L’article R.743-2 du ceseda, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2024, dispose’:
«A peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l’étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l’administration. Il en est de même, sur la demande du magistrat du siège du tribunal judiciaire, de la copie du registre.’
En l’espèce, la requête du préfet aux fins d’autorisation de seconde prolongation de la rétention administrative de Mme [M] [L] comprend deux parties, toutes adressées par un même courriel, la première partie comprenant les éléments afférents à la première prolongation, la seconde partie les éléments ultérieurs à la première prolongation, dont la requête aux fins d’autorisation de la seconde prolongation. La requête aux fins d’autorisation de la première prolongation, datée du 23 décembre 2024, a été extraite de la première partie pour être présentée en tête de l’entier dossier, suivie de la page numérotée 1 et la requête aux fins d’autorisation de la seconde prolongation, en date du 18 janvier 2025 a été incluse dans la seconde partie, (p 94/126). Cette dernière ne peut par conséquent s’analyser comme constituant l’acte de saisine du magistrat lui-même, mais comme une pièce venant à l’appui de cet acte.
Le magistrat, auquel s’impose l’acte de saisine sans qu’il puisse en modifier les termes, a donc été saisi d’une requête motivée aux fins d’autorisation de première prolongation et non aux fins d’autorisation de seconde prolongation.
Non motivée, la requête aux fins d’autorisation de seconde prolongation sera déclarée irrecevable et l’ordonnance déferée devra être infirmée.
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l’appel interjeté par Mme [M] [L] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 19 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen, prolongeant la mesure de rétention administrative le concernant pour une durée supplémentaire de trente jours ;
Infirme la décision entreprise
Statuant à nouveau, déclare irrecevable la requête du préfet du Val d’Oise aux fins d’autorisation de seconde prolongation de la rétention de Mme [M] [L] et ordonne la mise en liberté de cette dernière.
Fait à Rouen, le 22 Janvier 2025 à 09h30.
LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
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