Prolongation de la rétention administrative : exigences de diligence et responsabilité de l’étranger.

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Prolongation de la rétention administrative : exigences de diligence et responsabilité de l’étranger.

L’Essentiel : M. [Y] [B] [K], de nationalité guinéenne, est actuellement retenu au centre de rétention [3]. Son avocat, Me Malik Ait Ali, a interjeté appel de la prolongation de sa rétention, ordonnée par un magistrat pour 30 jours supplémentaires. Le préfet de police, représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza, a plaidé pour la confirmation de cette décision. La Cour a jugé que les diligences de l’administration étaient suffisantes, malgré l’absence de passeport de M. [Y] [B] [K], ce qui a retardé l’exécution de la décision d’éloignement. L’ordonnance a été confirmée, avec possibilité de pourvoi en cassation.

Identité de l’Appelant

M. [Y] [B] [K], né le 28 juillet 1983 à [Localité 2], de nationalité guinéenne, réside à [Adresse 1]. Il est actuellement retenu au centre de rétention [3] et est assisté par Me Malik Ait Ali, avocat au barreau de Paris.

Parties en Présence

L’intimé dans cette affaire est le Préfet de police, représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza, avocat au barreau de Val-de-Marne. Le ministère public a également été avisé de la date et de l’heure de l’audience.

Contexte Juridique

L’ordonnance a été prononcée en audience publique, conformément au décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024, qui vise à contrôler l’immigration et à améliorer l’intégration. Il a été constaté qu’aucune salle d’audience spécialement aménagée n’était disponible pour l’audience de ce jour.

Prolongation de la Rétention

Le 17 janvier 2025, un magistrat a ordonné la prolongation du maintien de M. [Y] [B] [K] pour une durée maximale de 30 jours, à compter du 16 janvier 2025. L’appel motivé a été interjeté le même jour, suivi de pièces complémentaires reçues le 20 janvier 2025.

Observations des Parties

M. [Y] [B] [K], assisté de son avocat, a demandé l’infirmation de l’ordonnance, tandis que le conseil du préfet de police a plaidé pour sa confirmation.

Contrôle des Diligences

Selon l’article L.742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, le juge peut prolonger la rétention au-delà de 30 jours dans des cas spécifiques, tels que l’urgence ou l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement. L’absence de passeport est considérée comme une perte de documents de voyage.

Arguments de la Défense

Le conseil de M. [Y] [B] [K] a soutenu qu’il n’y avait pas eu de diligences suffisantes de la part de l’administration durant les 30 premiers jours, ce qui justifierait l’infirmation de l’ordonnance et la mise en liberté de son client.

Diligences de l’Administration

L’administration a saisi le consul de Guinée le 19 décembre 2024, avec une relance le 15 janvier 2025. La Cour a noté que M. [Y] [B] [K] n’avait pas remis son passeport, ce qui a retardé le processus.

Décision de la Cour

La Cour a conclu que les diligences effectuées par l’administration étaient suffisantes et a confirmé la prolongation de la rétention, considérant que la décision d’éloignement n’avait pas pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage.

Conclusion

L’ordonnance a été confirmée, et il a été ordonné la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance. Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon l’article L.742-4 ?

L’article L.742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de trente jours.

Cet article énonce que :

« Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport. »

Il est important de noter que l’absence de passeport est considérée comme une perte ou une destruction de documents de voyage, ce qui peut justifier une prolongation de la rétention.

Comment le juge contrôle-t-il les diligences de l’administration en matière de rétention ?

Le contrôle des diligences de l’administration est fondamental pour garantir que la rétention administrative ne dure que le temps strictement nécessaire à l’éloignement de l’étranger.

L’article L.741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule que :

« Le maintien en rétention administrative doit être aussi bref que possible et ne se justifie qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. »

De plus, l’article 15.1 alinéa 4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 renforce cette exigence de diligence.

Il appartient donc au juge de vérifier concrètement les efforts déployés par l’administration pour permettre l’éloignement de l’étranger. Cela implique que dès le placement en rétention, les services compétents doivent être saisis pour faciliter le retour de l’étranger.

Dans le cas présent, il a été établi que le consul de Guinée a été contacté le 19 décembre 2024, avec une relance le 15 janvier 2025, ce qui démontre que l’administration a agi avec diligence.

Quelles sont les conséquences de l’absence de passeport sur la rétention ?

L’absence de passeport a des implications significatives sur la procédure de rétention.

Comme mentionné précédemment, l’article L.742-4 considère que l’absence de documents de voyage équivaut à une perte ou à une destruction de ces documents. Cela signifie que l’individu concerné peut être maintenu en rétention même si cela dépasse la période initiale de trente jours.

Dans le cas de M. [Y] [B] [K], le fait qu’il ne remette pas son passeport à l’autorité préfectorale complique le processus d’éloignement.

Cela entraîne des délais supplémentaires, car l’administration doit naviguer dans des procédures diplomatiques pour obtenir les documents nécessaires à l’éloignement.

Ainsi, l’absence de coopération de l’individu peut justifier la prolongation de la rétention, car elle ne permet pas à l’administration d’agir efficacement pour exécuter la décision d’éloignement.

Quelles sont les voies de recours contre l’ordonnance de prolongation de la rétention ?

L’ordonnance de prolongation de la rétention administrative n’est pas susceptible d’opposition, mais elle ouvre la voie à un pourvoi en cassation.

Selon les dispositions applicables, le pourvoi en cassation peut être exercé par l’étranger, l’autorité administrative ayant prononcé le maintien en rétention, ou le ministère public.

Le délai pour former ce pourvoi est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance.

Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Ces dispositions garantissent que les droits de l’individu en rétention sont respectés et qu’il a la possibilité de contester la légalité de la prolongation de sa rétention.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 20 JANVIER 2025

(1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/00290 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKUP3

Décision déférée : ordonnance rendue le 17 janvier 2025, à 12h21, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Pascal Latournald, magistrat à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Ophanie Kerloc’h, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANT

M. [Y] [B] [K]

né le 28 juillet 1983 à [Localité 2], de nationalité guinéenne

demeurant : [Adresse 1]

RETENU au centre de rétention : [3]

assisté de Me Malik Ait Ali, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ

LE PREFET DE POLICE

représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza, du cabinet Actis, avocat au barreau de Val-de-Marne

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience

ORDONNANCE :

– contradictoire

– prononcée en audience publique

– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;

– Vu l’ordonnance du 17 janvier 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris ordonnant la prolongation du maintien de M. [Y] [B] [K] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de 30 jours, soit à compter du 16 janvier 2025 jusqu’au 15 février 2025 ;

– Vu l’appel motivé interjeté le 17 janvier 2025, à 17h40, par M. [Y] [B] [K] ;

– Vu les pièces complémentaires reçues le 20 janvier 2025 à 09h54 par le conseil de M. [Y] [B] [K] ;

– Après avoir entendu les observations :

– de M. [Y] [B] [K], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;

SUR QUOI,

Sur le contrôle des diligences

L’article L.742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose :  » Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours « .

Il convient de préciser que l’absence de passeport équivaut à la perte ou à la destruction de documents de voyage au sens de l’article L 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Le conseil en défense, régulièrement entendu, conclut sur le défaut de diligences pendant les 30 premiers jours estimant ainsi que le Préfet ne peut obtenir une nouvelle prolongation sur le fondement de l’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, estimant qu’il n’apparaît aucune diligence de l’administration de nature à démontrer la possibilité d’un éloignement du territoire français ni même qu’il ne résulte aucune perspective d’éloignement dans un délai convenable. Il sollicite donc l’infirmation de l’ordonnance du premier juge avec mise en liberté du retenu.

Sur ce,

Sur les diligences de l’administration

Il résulte de l’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qu’une deuxième prolongation de la rétention pour une durée de 30 jours peut intervenir notamment lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat (art. 742-4, 3°).

Il résulte des dispositions de l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des termes de l’article 15.1 alinéa 4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 qu’un maintien en rétention administrative doit être aussi bref que possible et ne se justifie qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

Il appartient au juge en application des dispositions précitées de contrôler concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour.

Si En l’espèce il n’est pas contesté que le consul de Guinée a été saisi le 19 décembre 2024 et qu’une relance est intervenue le 15 janvier 2025.

Ainsi, l’autorité administrative a effectué des diligences nécessaires et suffisantes, et a répondu à l’obligation de moyens lui incombant en vertu des dispositions de l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et de l’article 15.1 alinéa 4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008.

La Cour relève à cet égard que M. [Y] [B] [K] s’est abstenu de remettre son passeport à l’autorité préfectorale, ce ne qui ne facilite pas le travail de cette administration et y ajoute des délais.

Le temps critiqué, difficilement compressible, correspond donc aux diligences nécessaires pour accomplir les actes procéduraux de façon régulière d’autant que ceux-ci relèvent dorénavant de la diplomatie et non plus du prisme juridique.

Dans la mesure où la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et en l’absence de carence dans les diligences de l’administration, il sera fait droit à la deuxième demande de prolongation de la rétention administrative.

Il y a lieu donc lieu de confirmer l’ordonnance critiquée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l’ordonnance,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 20 janvier 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’intéressé L’avocat de l’intéressé


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