L’Essentiel : M. [D] [H] a été placé en rétention administrative le 12 novembre 2024, suite à une obligation de quitter le territoire français. Le 11 janvier 2025, il a déposé une déclaration d’appel pour contester cette mesure, arguant qu’elle viole l’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Cependant, son passé judiciaire, marqué par des condamnations pour des infractions graves, soulève des inquiétudes quant à sa menace pour l’ordre public. L’administration a justifié la prolongation de sa rétention en raison de ces éléments, confirmant ainsi l’ordonnance initiale tout en déclarant l’appel recevable.
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Exposé du LitigeM. X, se présentant sous le nom de [D] [H] et utilisant plusieurs alias, a été placé en rétention administrative par le préfet de l’Aisne le 12 novembre 2024. Cette mesure fait suite à une obligation de quitter le territoire français, assortie d’une interdiction de retour de deux ans, prononcée par le préfet du Var le 14 mars 2023. Déclaration d’AppelLe 11 janvier 2025, M. [D] [H] a déposé une déclaration d’appel à 16h01, demandant la levée de sa rétention administrative. Il soutient que cette mesure viole l’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, arguant qu’il n’existe pas de menace à l’ordre public. Motifs de la DécisionLe magistrat peut prolonger la rétention administrative au-delà de la durée maximale si certaines conditions sont remplies, notamment en cas d’obstruction à l’éloignement ou de menace pour l’ordre public. La menace doit être fondée sur des actes antérieurs et évaluer le risque de dangerosité future, sans se limiter à la commission d’une infraction pénale. Analyse de la SituationM. [D] [H] a été condamné en mars 2023 pour des faits liés à la détention et à la cession de stupéfiants, ainsi qu’à la rébellion, ce qui a entraîné une interdiction de territoire de cinq ans. Malgré sa condamnation, il n’a pas démontré d’efforts d’insertion et a été interpellé pour tentative de vol le 12 novembre 2024, avec des substances illicites trouvées dans son véhicule. Son comportement et son passé judiciaire soulèvent des préoccupations quant à sa menace pour l’ordre public. Conclusion de la DécisionL’administration a prouvé l’existence d’une menace pour l’ordre public, justifiant ainsi la prolongation de la rétention de M. [D] [H] en attendant la délivrance de son laissez-passer consulaire pour son retour en Tunisie, prévu pour le 21 janvier 2025. L’appel a été déclaré recevable, mais l’ordonnance initiale a été confirmée. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la base légale pour la prolongation de la rétention administrative ?La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule que la durée maximale de rétention est de 45 jours, mais il prévoit des exceptions. En effet, le magistrat du siège peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de cette durée maximale dans certaines situations, notamment : 1° Lorsque l’étranger a fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement ; 2° Lorsqu’il a présenté une demande de protection contre l’éloignement ou une demande d’asile ; 3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat. Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. Il est important de noter que la menace pour l’ordre public doit être appréciée au regard du comportement global de l’intéressé, et non seulement sur la base d’infractions passées. Quelles sont les conditions pour établir une menace à l’ordre public ?L’article L. 742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise les conditions nécessaires pour établir une menace à l’ordre public. Il est stipulé que la réalité de la menace doit répondre à des critères de réalité et d’actualité. Le juge doit apprécier cette menace en tenant compte du comportement global de l’étranger. La simple commission d’une infraction pénale ne suffit pas à établir une menace pour l’ordre public. Le juge doit considérer plusieurs éléments, tels que : – La réalité et la gravité des faits ; Ces critères permettent d’évaluer si la remise en liberté de l’étranger constituerait une menace pour l’ordre public. Comment la jurisprudence influence-t-elle l’appréciation de la menace à l’ordre public ?La jurisprudence, notamment les décisions du Conseil d’État, a établi des principes clairs concernant l’appréciation de la menace à l’ordre public. Dans l’arrêt du 16 mars 2005 (n° 269313) et celui du 12 février 2014 (n° 365644), il a été précisé que la menace doit être fondée sur des éléments concrets et actuels, et non sur des suppositions. Le juge doit donc examiner le comportement de l’étranger dans son ensemble, y compris ses antécédents judiciaires et son attitude actuelle. Dans le cas présent, la condamnation de M [D] [H] pour des faits de détention et d’offre de stupéfiants, ainsi que son comportement lors de son interpellation, ont été des éléments déterminants pour établir la menace à l’ordre public. Quelles sont les voies de recours possibles contre l’ordonnance de prolongation de la rétention ?L’article 612 et suivants du Code de procédure civile, ainsi que l’article R. 743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, prévoient les voies de recours contre l’ordonnance de prolongation de la rétention. L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, mais un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en rétention, ainsi qu’au ministère public. Le délai pour former un pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance. Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au greffe de la Cour de cassation par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation. Ces dispositions garantissent un contrôle juridictionnel sur les décisions de rétention administrative, permettant ainsi de protéger les droits des étrangers concernés. |
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 25/00071 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6V4
N° de Minute : 80
Ordonnance du dimanche 12 janvier 2025
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
x se disant M. [D] [H] et alias se disant à l’audience [R] [T] [O]
né le 25 Juillet 2006 à [Localité 1] (TUNISIE)se disant à l’audience né en 2000
de nationalité Tunisienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Anne sophie AUDEGOND-PRUD’HOMME, avocat au barreau de DOUAI, Avocate commise d’office et de M. [J] [C] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour
INTIMÉ
M. LE PREFET DE L’AISNE
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d’appel de Douai : non comparant
MAGISTRATE DELEGUEE : Agnès MARQUANT, présidente de chambre à la Cour d’Appel de Douai désignéé par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assistée de Harmony POYTEAU, Greffière
DÉBATS : à l’audience publique du dimanche 12 janvier 2025 à 14 h 00
Les parties comparantes ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le dimanche 12 janvier 2025 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l’aricle L 743-8 et L 922-3 al 1 à 4 du CESEDA ;
Vu l’ordonnance du juge du tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER en date du 11 janvier 2025 à 11h28 notifiée à 11h45 à M. [D] [H] prolongeant sa rétention administrative ;
Vu l’appel interjeté par M. [D] [H] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 11 janvier 2025 à 16h01 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l’audition des parties, les moyens de la déclaration d’appel et les débats de l’audience ;
M X se disant [D] [H] et alias a fait l’objet d’un placement en rétention administrative ordonné par M le préfet de l’ Aisne le 12 novembre 2024 en exécution d’une mesure portant obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour durant deux ans du 14 mars 2023 de M le préfet du Var .
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance du magistrat du siège du Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 11 janvier 2025 à 11h28 et 11h45, ordonnant une première prolongation exceptionnelle du placement en rétention administrative de M [D] [H] pour une durée de 15 jours,
Vu la déclaration d’appel de M [D] [H] du 11 janvier 2025 à 16h01 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.
Au soutien de sa déclaration d’appel , M [D] [H] reprend le moyen développé devant le premier juge tiré de la violation de l’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et l’absence de menace à l’ordre public.
Sur la prolongation de la rétention
A titre exceptionnel, le magistrat du siège du Tribunal Judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
A la différence de l’obstruction, la menace est une situation qui peut se fonder sur des actes antérieurs, aux fins d’apprécier le risque de dangerosité future. Il ne s’agit donc pas de rechercher si un trouble à l’ordre public nouveau, causé par un acte distinct des précédents, est intervenu récemment. La recherche porte sur la réalité de la menace pour l’avenir.
La réalité de la menace pour l’ordre public doit répondre a minima aux critères de réalité et d’actualité, que le juge apprécie au regard du comportement global de l’intéressé.
La seule commission d’une infraction pénale ne suffit pas à établir une menace pour l’ordre public (CE, 16 mars 2005, n° 269313, CE, 12 février 2014, ministre de l’Intérieur, n° 365644, A). Le juge prend en considération la réalité et la gravité des faits, la récurrence ou la réitération des faits, l’ancienneté des actes reprochés, ainsi que l’attitude positive de l’étranger dont il déduit, le cas échéant, l’actualité de la menace.
A l’appui de son recours , l’appelant fait valoir que malgré sa condamnation en 2023, la menace à l’ordre public n’est pas justifiée, ayant purgé sa peine.
En l’espèce,il convient d’adopter la motivation pertinente de l’ ordonnance querellée prenant en considération sa condamnation du 14 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Toulon pour des faits du 13 mars 2023 de détention, d’offre et cession de stupéfiants , du cannabis et de la cocaïne et rébellion, à six mois d’emprisonnement avec sursis cette juridiction ayant également prononcé une interdiction du territoire français durant 5 ans . Il a également fait usage de 4 alias résultant de la consultation du FAED et s’est prétendu mineur . En outre, l’appelant ne justifie pas de démarches d’insertion, sa rétention faisant suite à une garde à vue après une interpellation en flagrant délit pour tentative de vol le 12 novembre 2024. La police découvrait dans le véhicule un sachet contenant 16, 5 grammes d’herbe de cannabis laissés dans cette voiture lors de son intervention ainsi qu’un téléphone et un bob n’appartenant pas à la victime. L’étranger admettait dans son audition par la police être entré dans ce véhicule. Il a indiqué lors de son examen médical en garde à vue avoir consommé du cannabis dont l’autre individu interpellé admettait être propriétaire. Il est également connu pour violation de domicile le 4 février 2023. Dans son audition du 12 novembre 2024 à 15 h15 , il indique avoir fait l’objet d’une procédure pour vol en Allemagne pour laquelle il a purgé une peine de 11 mois d’emprisonnement et être revenu la veille en France , se trouvant à la rue. Cette absence de condamnation en France depuis 2023 s’explique donc par son départ du territoire national plutôt que par un arrêt de la délinquance.
L’administration est fondée en sa demande puisqu’elle rapporte la preuve, qu’exige expressément l’article L 742-5 précité, d’une situation de menace pour l’ordre public, l’exécution de sa condamnation de 2023 n’étant pas de nature à faire disparaître la menace pour l’ordre public que constitue la remise en liberté de l’étranger et son maintien sur le territoire national.
La prolongation exceptionnelle est donc justifiée dans l’attente de la délivrance du laissez-passer consulaire tunisien , avant le vol vers son pays d’origine prévu le 21 janvier 2025.
Il convient, en conséquence, de rejeter le moyen et de confirmer l’ordonnance dont appel.
DÉCLARONS l’appel recevable ;
CONFIRMONS l’ordonnance entreprise ;
DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à x se disant M. [D] [H] et alias par l’intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d’un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l’autorité administrative ;
LAISSONS les dépens à la charge de l’État.
Harmony POYTEAU, Greffière
Agnès MARQUANT, présidente de chambre
A l’attention du centre de rétention, le dimanche 12 janvier 2025
Bien vouloir procéder à la notification de l’ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l’interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : M. [J] [C]
Le greffier
N° RG 25/00071 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6V4
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE DU 12 Janvier 2025 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l’intéressé au greffe de la cour d’appel de Douai par courriel – [Courriel 3]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Pour information :
L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
– M. [D] [H]
– par truchement téléphonique d’un interprète en tant que de besoin
– nom de l’interprète (à renseigner) :
– décision transmise par courriel au centre de rétention de [Localité 2] pour notification à M. [D] [H] le dimanche 12 janvier 2025
– décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DE L’AISNE et à Maître Anne sophie AUDEGOND-PRUD’HOMME le dimanche 12 janvier 2025
– décision communiquée au tribunal administratif de Lille
– décision communiquée à M. le procureur général
– copie au tribunal judiciaire
Le greffier, le dimanche 12 janvier 2025
N° RG 25/00071 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6V4
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