Prolongation de la rétention administrative : évaluation des diligences administratives et perspectives d’éloignement.

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Prolongation de la rétention administrative : évaluation des diligences administratives et perspectives d’éloignement.

L’Essentiel : X, né le 5 août 1999 en Tunisie, est non documenté et a été identifié sous plusieurs alias. Il est entré irrégulièrement en France en 2020 par l’Italie, sans visa, et a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Placé en rétention administrative le 14 décembre 2024, sa situation a été examinée par le juge des libertés, qui a prolongé sa rétention pour 26 jours, puis pour 30 jours supplémentaires. La défense a contesté la diligence des autorités consulaires, mais le juge a jugé les mesures administratives suffisantes pour envisager un éloignement.

Identité et antécédents de X

X, se présentant sous le nom de [B] [L], est né le 5 août 1999 à [Localité 3] en Tunisie. Il est non documenté et a déjà été identifié sous deux autres alias, [B] [L] et [C] [L], avec des nationalités marocaines. Il a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) le 11 août 2020.

Entrée irrégulière et projet de départ

X déclare être entré irrégulièrement en France en 2020 par l’Italie, sans documents ni visas. Il n’a pas demandé de titre de séjour et envisage de partir pour le Portugal afin de se marier. Il a été interpellé lors d’un contrôle d’identité et placé en retenue administrative.

Placement en rétention administrative

Le 14 décembre 2024, le préfet de l’Aude a pris un arrêté de placement en rétention administrative, notifié le même jour. Cet arrêté était en exécution d’une nouvelle OQTF sans délai, interdisant le retour pendant trois ans.

Prolongation de la rétention

Le juge des libertés et de la détention a ordonné le 19 décembre 2024 la prolongation de la rétention de X pour 26 jours, décision confirmée par la cour d’appel le 23 décembre 2024. Le préfet a ensuite demandé une nouvelle prolongation de 30 jours le 10 janvier 2025.

Arguments de la défense et de l’administration

Lors de l’audience du 13 janvier 2025, la préfecture a soutenu sa demande de prolongation, tandis que la défense a plaidé un défaut de diligence envers les autorités consulaires marocaines, arguant que les relances n’avaient été faites qu’à l’égard des autorités tunisiennes.

Évaluation des diligences administratives

Le juge a examiné si les mesures de rétention étaient justifiées par des perspectives raisonnables d’éloignement. Il a constaté que les autorités consulaires avaient été sollicitées rapidement et valablement, et que les diligences de l’administration étaient suffisantes pour envisager un éloignement dans le délai légal.

Décision finale

Le juge a conclu que les conditions légales pour une seconde prolongation de la rétention étaient réunies. Il a ordonné la prolongation de la rétention de X pour une durée de 30 jours, à compter de l’expiration de la période précédente. La décision a été notifiée aux parties concernées, avec indication des possibilités de recours.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le CESEDA ?

La rétention administrative d’un étranger est régie par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Selon l’article L741-3 du CESEDA :

« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. »

Cet article souligne que la rétention ne doit pas excéder le temps nécessaire pour organiser le départ de l’étranger.

De plus, l’article L742-4 précise les conditions dans lesquelles un magistrat peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de trente jours.

Il énonce que :

« Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport. »

Ainsi, la prolongation de la rétention est soumise à des conditions strictes, et le juge doit apprécier si les diligences de l’administration sont suffisantes pour justifier cette prolongation.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de diligence pour la rétention ?

L’administration a l’obligation d’exercer toute diligence pour assurer le départ de l’étranger en rétention.

L’article L741-3 du CESEDA stipule que :

« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. »

Cela implique que l’administration doit prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter l’éloignement de l’étranger dans les meilleurs délais.

En cas de prolongation de la rétention, l’article L742-4 précise que le juge doit vérifier si les diligences effectuées par l’administration sont suffisantes.

Il est important de noter que :

« Les diligences de l’administration doivent présenter un caractère suffisant. »

Dans le cas présent, la défense a soutenu un défaut de diligence à destination des autorités consulaires marocaines. Cependant, il a été établi que les autorités consulaires tunisiennes avaient été sollicitées rapidement et que des réponses avaient été obtenues dans un délai raisonnable.

Ainsi, les diligences effectuées par l’administration ont été jugées utiles et suffisantes pour justifier la prolongation de la rétention.

Quels sont les droits de l’étranger en matière de recours contre la décision de rétention ?

L’étranger en rétention a des droits spécifiques concernant les recours contre les décisions le concernant.

La décision de prolongation de la rétention doit être notifiée à l’étranger, qui doit être informé de ses droits.

Il est stipulé que :

« Cette décision est susceptible d’appel dans un délai de 24 heures à compter de son prononcé par déclaration motivée transmise par tous moyens au greffe de la Cour d’appel. »

Cela signifie que l’étranger a la possibilité de contester la décision de prolongation de sa rétention dans un délai très court, ce qui est essentiel pour garantir ses droits.

De plus, l’article L742-2 du CESEDA précise que l’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues par la loi, ce qui renforce son droit à un recours effectif.

Ainsi, l’étranger a la possibilité de faire appel de la décision de prolongation de sa rétention, ce qui lui permet de contester la légalité de cette mesure.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE

Vice-président

ORDONNANCE PRISE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CODE D’ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ETRANGERS
(demande de 2ème prolongation)
_______________________________________________________________________________________
N° de MINUTE N° RG 25/00100 – N° Portalis DBX4-W-B7J-TV2E

le 13 Janvier 2025

Nous, Marion STRICKER,vice-président désigné par le président du tribunal judiciaire de TOULOUSE, assistée de Claude MORICE-CATROS, greffier ;

En présence de Monsieur [K] [D] [Z], interprète en arabe, assermenté ;

Statuant en audience publique ;

Vu les articles L742-1 à L742-3, L742-4, R743-1 à R743-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu notre saisine par requête de M. LE PREFET DE L’AUDE reçue le 12 Janvier 2025 à 9 heures 58, concernant Monsieur X se disant [B] [L] né le 05 Août 1999 à [Localité 3] (TUNISIE) de nationalité Tunisienne

Vu la précédente ordonnance du Vice-président du Tribunal judiciaire territorialement compétent en date du 19 décembre 2024 ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé confirmée par ordonnance de la cour d’appel le 23 décembre 2024 ;
Vu l’ensemble des pièces de la procédure ;
Monsieur le Préfet sus-désigné ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Le conseil de l’intéressé ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Attendu que l’intéressé et son conseil ont pu prendre connaissance de la requête et de ses pièces annexes ;

************

Ouï les observations du représentant de la Préfecture qui a sollicité la prolongation de la mesure de rétention administrative ;
Ouï les observations de l’intéressé ;
Ouï les observations de Me Lisa JOULIE, avocat au barreau de TOULOUSE ;

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SUR CE :

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

X se disant [B] [L], né le 5 août 1999 à [Localité 3] (Tunisie), non documenté, se déclarant de nationalité tunisienne, est connu sous deux autres alias sous lesquels il a fait l’objet de précédentes mesures d’éloignement prises par le préfet des Alpes-Maritimes : [B] [L], né le 8 août 1999 à [Localité 1], de nationalité marocaine, et [C] [L], né le 3 mai 2001 à [Localité 4], de nationalité marocaine. Sous son identité actuelle [B] [L], né le 5 août 1999 à [Localité 3] en Tunisie, de nationalité tunisienne, il a déjà fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) du préfet des Alpes-Maritimes le 11 août 2020.

X se disant [B] [L] déclare être entré irrégulièrement sur le territoire français en 2020 via l’Italie. Il était dépourvu des documents et visas nécessaires et n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour. Il indique ce jour avoir pour projet de partir au Portugal et se marier avec sa compagne. Il a été interpellé pour un contrôle d’identité sur le fondement de l’article 78-2 alinéa 9 du code de procédure pénale, puis placé en retenue administrative.

Il a fait l’objet d’un arrêté portant placement en rétention administrative par arrêté du préfet de l’Aude daté du 14 décembre 2024, régulièrement notifié le jour même à 16h50, en exécution d’une nouvelle décision portant OQTF sans délai, avec interdiction de retour pendant 3 ans du préfet de l’Aude daté du 14 décembre 2024, régulièrement notifiée le jour même à 16h40.

Par ordonnance rendue le 19 décembre 2024 à 16h16, le juge des libertés et de la détention de Toulouse a ordonné la prolongation de la rétention de X se disant [B] [L], pour une durée de vingt-six jours, décision confirmée par le magistrat délégué à la cour d’appel de Toulouse par ordonnance rendue le 23 décembre 2024 à 9h30.

Par requête datée du 10 janvier 2025, enregistrée au greffe le 12 janvier 2025 à 9h58, le préfet de l’Aude a demandé la prolongation de la rétention de X se disant [B] [L] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 30 jours (deuxième prolongation).

A l’audience du 13 janvier 2025, le représentant de la préfecture soutient la demande de prolongation faisant valoir l’ensemble des démarches entreprises par l’administration.

Le conseil de X se disant [B] [L] plaide uniquement le fond et fait valoir un défaut de diligence à destination des autorités consulaires marocaines, les relances ayant eu lieu uniquement à destination des autorités consulaires tunisiennes envers lesquelles il est soutenu par ailleurs un défaut de célérité entre le 19 décembre 2024 et le 2 janvier 2025.

La décision a été mise en délibéré au jour même.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est constaté que la défense ne soutient pas de fin de non-recevoir.

Sur le fond : la prolongation de la rétention

Aux termes de l’article L741-3 du CESEDA : « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet ».

Aux termes de l’article L. 742-4 du CESEDA, « le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport.
L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours ».

Il appartient au juge judiciaire d’apprécier concrètement au regard des données de chaque situation à la date où il statue, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement, étant précisé que ces perspectives doivent s’entendre comme celles qui peuvent être réalisées dans le délai maximal de rétention applicable à l’intéressé, soit 90 jours, la démonstration par l’administration d’un éloignement à bref délai n’étant exigée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention. Les diligences de l’administration doivent présenter un caractère suffisant.

En l’espèce, la défense soutient un défaut de diligence à destination des autorités consulaires marocaines, les relances de l’administration ayant eu lieu uniquement à destination des autorités consulaires tunisiennes envers lesquelles il est soutenu par ailleurs un défaut de célérité entre le 19 décembre 2024 et le 2 janvier 2025.

Il ressort de la lecture des pièces au soutien de la requête du préfet de l’Aude que X se disant [B] [L], se déclarant de nationalité tunisienne, a été placé en rétention par décision notifiée le 14 décembre 2024. Il n’est pas contesté par la défense que les autorités consulaires étrangères ont été saisies en vue d’une demande d’identification et de laissez-passer suffisamment rapidement (le 16 décembre 2024) et valablement (à la fois les autorités consulaires tunisiennes puisque l’étranger se prévaut de cette nationalité, mais aussi les autorités consulaires marocaines compte-tenu de ses alias connus reliés à la nationalité marocaine).

Suite à la décision judiciaire du 19 décembre 2024, confirmée en appel le 23 décembre 2024, il est inexact de soutenir que l’administration a manqué de célérité dans ses diligences, alors que les autorités consulaires tunisiennes ont été répondu aux sollicitations françaises le 19 décembre 2024, avec retour des documents demandés quelques jours plus tard le 26 décembre 2024 et une relance le 2 janvier 2025. Dans ces conditions, les diligences effectuées peuvent être qualifiées d’utiles et suffisantes au stade d’une deuxième prolongation.

Enfin, l’intéressé ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude pour venir soutenir que les autorités consulaires marocaines n’ont pas été relancées, alors même qu’il se déclare de nationalité tunisienne et soutient encore ce jour à l’audience être de nationalité tunisienne, les autorités consulaires marocaines ayant été sollicitées à l’initiative de l’administration en raison des alias de l’intéressé, et alors qu’au surplus, l’autorité administrative ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités étrangères. Le défaut de relances des autorités consulaires marocaines ne saurait donc s’analyser en un défaut de diligence.

Ainsi, dans la mesure où – contrairement à ce que soutient la défense – les diligences effectuées par l’administration sont valables et pertinentes, permettant d’envisager un éloignement avant la fin du délai maximal prévu par la loi, les conditions légales d’une seconde prolongation sont réunies et il sera fait droit à la requête aux fins de prolongation de la rétention de X se disant [B] [L], pour une durée de 30 jours.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

ORDONNONS la prolongation de la rétention de X se disant [B] [L], pour une durée de trente jours à l’expiration du précédent délai de vingt-six jours imparti par l’ordonnance prise le 19 décembre 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire territorialement compétent, confirmée par la décision de la cour d’appel du 23 décembre 2024.

Le greffier
Le 13 Janvier 2025 à
Le Vice-président

Les parties soussignées ont reçu notification de la présente décision.
Disons avoir informé l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.
Rappelons que cette décision est susceptible d’appel dans un délai de 24 heures à compter de son prononcé par déclaration motivée transmise par tous moyens au greffe de la Cour d’appel de Toulouse et de manière privilégiée sur la boîte structurelle [Courriel 2] en l’absence de télécopieur disponible.

L’intéressé L’interprète

la présente ordonnance a été notifiée par voie électronique ce jour au représentant de la préfecture et au conseil du retenu
le greffier


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