Prolongation de la rétention administrative : enjeux de sécurité et d’ordre public.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de sécurité et d’ordre public.

L’Essentiel : Monsieur [O] [N], ressortissant tunisien, a été soumis à une interdiction de territoire français de cinq ans après une condamnation liée aux stupéfiants. Le 6 janvier 2025, le Préfet du Nord a demandé une prolongation de sa rétention administrative, justifiant cette mesure par une menace à l’ordre public. Malgré les déclarations de Monsieur [N] et de son avocat plaidant pour sa libération, le juge a conclu que la gravité des faits justifiait la prolongation de la rétention pour quinze jours supplémentaires, à compter du 7 janvier 2025, en raison de l’absence de garanties pour une reconduite à la frontière.

Contexte Juridique

L’affaire concerne Monsieur [O] [N], un ressortissant tunisien, qui a été soumis à une interdiction de territoire français de cinq ans suite à une condamnation pour des faits liés aux stupéfiants. Cette interdiction a été prononcée par le Président du Tribunal judiciaire de Valenciennes le 22 septembre 2023. En outre, il a été placé en rétention administrative pour une durée initiale de quatre jours par le Préfet du Nord, le 24 octobre 2024.

Prolongation de la Rétention Administrative

Le 6 janvier 2025, le Préfet du Nord a demandé une prolongation de la rétention administrative de Monsieur [N] au-delà des quatre jours initiaux, justifiant cette demande par la nécessité de maintenir l’intéressé en raison de la menace qu’il représente pour l’ordre public, en lien avec sa condamnation. Cette prolongation a été sollicitée pour une durée maximale de quinze jours, avec plusieurs prolongations antérieures ayant déjà été accordées.

Déclarations de l’Intéressé et de son Avocat

Monsieur [N] a exprimé son souhait d’être assisté par un avocat et a plaidé pour sa remise en liberté, soulignant ses problèmes de santé et sa volonté de quitter la France de son propre chef. Son avocat, Me Hervé KRYCH, a également demandé la libération de son client, arguant que la menace à l’ordre public n’était plus présente.

Évaluation de la Menace à l’Ordre Public

Le juge a examiné la situation en se basant sur les articles du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile. Il a conclu que la condamnation de Monsieur [N] à une interdiction de territoire de cinq ans justifiait une évaluation de la menace qu’il représente pour l’ordre public. Le juge a noté que la menace pouvait être fondée sur des actes antérieurs, sans nécessiter la preuve d’un trouble récent.

Décision du Juge

En raison de la gravité des faits ayant conduit à la condamnation de Monsieur [N] et de l’absence de garanties suffisantes pour assurer l’exécution de la mesure de reconduite à la frontière, le juge a décidé d’autoriser la prolongation de la rétention administrative pour une durée maximale de quinze jours, à compter du 7 janvier 2025. L’ordonnance a été notifiée à l’intéressé, qui a été informé de ses droits de recours.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cet article stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L. 742-4, lorsque certaines conditions sont remplies.

Ces conditions incluent :

1. **Obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement** : Si l’étranger a fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement, cela peut justifier une prolongation.

2. **Demande de protection** : Si l’étranger a présenté une demande de protection contre l’éloignement ou une demande d’asile dans le but de faire échec à la décision d’éloignement, cela peut également justifier une prolongation.

3. **Documents de voyage** : Si la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat, cela peut également être un motif de prolongation.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

La durée de la prolongation ne peut excéder quinze jours et peut être renouvelée une fois si les circonstances le justifient, sans dépasser un total de quatre-vingt-dix jours de rétention.

Comment la menace à l’ordre public est-elle appréciée dans le cadre de la rétention administrative ?

L’appréciation de la menace à l’ordre public dans le cadre de la rétention administrative repose sur l’article L. 742-5 du CESEDA. Cet article précise que la menace pour l’ordre public peut être fondée sur des actes antérieurs, permettant ainsi au juge d’évaluer le risque de dangerosité future de l’individu.

En effet, le juge n’a pas besoin de prouver qu’un nouvel acte troublant l’ordre public a eu lieu durant la période de rétention. Il peut se baser sur des condamnations antérieures, comme une interdiction du territoire français, pour conclure à une menace persistante.

Dans le cas de Monsieur [N], sa condamnation à une peine d’interdiction du territoire français de cinq ans pour des faits de transport et détention de stupéfiants a été considérée comme une menace pour l’ordre public.

Ainsi, même si l’individu ne commet pas de nouveaux actes troublants, la gravité de ses actes passés peut justifier la prolongation de sa rétention administrative.

Quels sont les droits de l’étranger pendant la rétention administrative ?

Les droits de l’étranger pendant la rétention administrative sont énoncés dans les articles L. 743-9 et L. 743-24 du CESEDA. Ces articles stipulent que l’étranger a le droit d’être informé de ses droits pendant la rétention, notamment :

– **Droit à l’assistance d’un avocat** : L’étranger a le droit d’être assisté par un avocat de son choix ou, si nécessaire, d’un avocat commis d’office.

– **Droit à l’information** : L’étranger doit être informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.

– **Droit d’exprimer ses observations** : L’étranger a le droit d’être entendu et de faire valoir ses observations concernant sa situation.

Ces droits sont essentiels pour garantir que l’étranger puisse contester la légalité de sa rétention et faire valoir ses arguments devant le juge.

Il est également important de noter que l’étranger doit être informé de la possibilité de faire appel de la décision de prolongation de sa rétention dans un délai de vingt-quatre heures, ce qui lui permet de contester la décision devant le Premier Président de la Cour d’Appel.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE PROLONGATION DE RETENTION

MINUTE: 25/35
Appel des causes le 07 Janvier 2025 à 10h00 en visioconférence
Divétrangers
N° étrN° RG 25/00043 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76CUX

Nous, Madame DESWARTE Anne, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER, juge chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de libertés en droit des étrangers, assistée de Mme Samira CHAIB, Greffier, statuant en application des articles L.742-1, L.743-4, L.743-6 à L.743-8, L. 743-20 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile;

Vu l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire ;

En présence de [D] [Z], interprète en langue arabe, serment préalablement prêté ;

En présence de Maître Roxane GRIZON représentant de M. PREFET DU NORD ;

Vu le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile notamment en ses articles L. 741-1 et suivants ;

Monsieur [O] [N]
de nationalité Tunisienne
né le 16 Avril 1999 à [Localité 3] (TUNISIE), a fait l’objet :

– d’une interdiction du territoire français d’une durée de cinq ans prononcée par ordonnance d’homologation de peine sur CRPC du Président du Tribunal judiciaire de Valenciennes le 22 septembre 2023.
– d’un arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quatre jours, prononcé le 24 octobre 2024 par M. PREFET DU NORD , qui lui a été notifié le 24 octobre 2024 à 10 heures 00 .

Par requête du 06 Janvier 2025, arrivée par courrier électronique à 10 heures 11 M. PREFET DU NORD invoquant devoir maintenir l’intéressé au-delà de QUATRE JOURS, prolongé par un délai de VINGT-SIX JOURS selon l’ordonnance du 28 octobre 2024, prolongé par un délai de TRENTE JOURS selon l’ordonnance du 23 novembre 2024, prolongé par un délai de QUINZE JOURS selon l’ordonnance du 23 décembre 2024, demande l’autorisation de prolonger ce délai pour une durée de QUINZE JOURS maximum.

En application des articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile il a été rappelé à l’intéressé, assisté de Me Hervé KRYCH, avocat au Barreau de BOULOGNE-SUR-MER et commis d’office, les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; qu’il a été entendu en ses observations

L’intéressé déclare : Je souhaite être assisté d’un avocat.

L’avocat de la Préfecture entendu en ses observations ; sollicite la prolongation de la rétention administrative de l’intéressé notamment sur la menace à l’ordre public avec la condamnation dont il a fait l’objet avec une ITF de cinq ans. Les diligences de l’administration ont été effectuées.

Me Hervé KRYCH entendu en ses observations : je vous demande la remise en liberté de Monsieur [N]. Sa place est à l’extérieur pour pouvoir se soigner. Vous devez vous demander si la menace à l’ordre public est toujours présente. Je vous demande de ne pas prolonger Monsieur [N].

L’intéressé : Je suis allé en prison. J’ai fait une erreur. J’ai mon fils. Ça fait deux mois et demi que je suis ici et je souffre. Je dois sortir pour faire un scanner et me faire opérer. Je vais quitter la France par mes propres moyens.

Mise en délibéré.

MOTIFS

Selon l’article L. 742-5 du CESEDA, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours:
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

En l’espèce, il résulte de la procédure que Monsieur [N] a été condamné par le président du tribunal judiciaire de Valenciennes le 22 septembre 2023 à une peine de 18 mois d’emprisonnement ainsi qu’à une interdiction du territoire français pendant cinq ans pour des faits de transport, détention de stupéfiants.

Au regard de la gravité des faits commis et ayant justifié d’une peine d’interdiction du territoire français de cinq ans, il y a lieu de juger que Monsieur [N] constitue une menace persistante pour l’ordre public, étant rappelé qu’à la différence de l’obstruction, la menace qui procède d’une logique préventive est une situation qui peut se fonder sur des actes antérieurs aux fins d’apprécier le risque de dangerosité future de sorte qu’il n’y a pas lieu de rechercher si un trouble à l’ordre public nouveau est intervenu au cours de la dernière période de rétention.

En effet, ce n’est pas l’acte troublant l’ordre public qui est recherché mais la réalité de la menace pour l’avenir. Le juge peut apprécier qu’une menace pour l’ordre public survient ou persiste dans les quinze derniers jours en se fondant sur des faits antérieurs telle qu’une condamnation à une peine d’interdiction définitive du territoire français comme en l’espèce.

L’intéressé ne présente pas de garanties suffisantes pour la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière, des mesures de surveillance sont nécessaires.

Eu égard aux nécessités invoquées par Monsieur le Préfet, il convient d’accorder la prorogation demandée.

PAR CES MOTIFS

Autorisons l’autorité administrative à retenir Monsieur [O] [N] dans les locaux ne relevant pas de l’Administration pénitentiaire pour une prolongation de rétention administrative d’une durée maximale de QUINZE JOURS à compter du 07 janvier 2025

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par mail au CRA pour remise à l’intéressé qui, en émargeant ci-après, atteste avoir reçu copie et avisons l’intéressé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt quatre heures de son prononcé ; l’informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 2] ) au greffe de la Cour d’Appel de DOUAI (numéro de FAX du greffe de la Cour d’Appel: [XXXXXXXX01].) ; lui indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’avocat de la Préfecture, L’avocat, Le Greffier, Le Juge,

décision rendue à 11h30
Ordonnance transmise ce jour à M. PREFET DU NORD
Ordonnance transmise au Tribunal administratif de LILLE
N° étrN° RG 25/00043 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76CUX

Décision notifiée à …h…

L’intéressé, L’interprète,


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