L’Essentiel : Le 27 octobre 2024, l’autorité administrative a décidé de placer [L] [V] en rétention. Cette mesure a été prolongée par le juge des libertés et de la détention à plusieurs reprises, jusqu’à une demande de prolongation exceptionnelle le 9 janvier 2025. Le 10 janvier, le juge a déclaré la requête recevable mais a refusé la prolongation. Le procureur a interjeté appel, arguant que [L] [V] représentait une menace à l’ordre public. Lors de l’audience du 12 janvier, le ministère public a souligné l’absence de titre d’identité et l’obstruction à la reconduite, entraînant l’infirmation de l’ordonnance initiale.
|
Placement en rétentionPar décision du 27 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [L] [V] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Prolongations de rétentionLe juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [L] [V] par ordonnances successives les 31 octobre, 26 novembre et 26 décembre 2024, pour des durées de vingt-six, trente et quinze jours. Demande de prolongation exceptionnelleLe 9 janvier 2025, le préfet de l’ISERE a saisi le juge des libertés et de la détention pour demander une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention pour quinze jours. Décision du jugeDans son ordonnance du 10 janvier 2025, le juge a déclaré la requête recevable mais a refusé d’ordonner la prolongation de la rétention. Appel du procureurLe procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance le 11 janvier 2025, soutenant que [L] [V] représentait une menace à l’ordre public et avait fait obstruction à sa reconduite. Audience du 12 janvier 2025Les parties ont été convoquées à l’audience du 12 janvier 2025, où [L] [V] était non comparant mais représenté par son conseil. Le ministère public et le préfet ont demandé l’infirmation de l’ordonnance. Motivation de l’appelLe ministère public a soutenu que [L] [V] était dépourvu de titre d’identité et avait déjà été condamné pour des infractions, justifiant ainsi la prolongation de sa rétention. Obstruction à la reconduiteIl a été établi que [L] [V] avait fait obstruction à sa reconduite en refusant d’être entendu par les autorités algériennes et de comparaître devant le juge. Décision finaleL’ordonnance entreprise a été infirmée, et la prolongation exceptionnelle du maintien en rétention de [L] [V] a été ordonnée pour une durée de quinze jours. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la base légale pour le placement en rétention administrative d’un étranger ?La base légale pour le placement en rétention administrative d’un étranger est principalement régie par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). L’article L. 741-3 du CESEDA stipule que : « Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet. » Cet article souligne l’importance de la proportionnalité et de la nécessité dans le maintien en rétention, ce qui implique que la rétention ne doit pas être prolongée au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le départ de l’étranger. De plus, l’article L. 742-5 précise les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de la durée maximale. Il énonce que : « À titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : […] » Ces dispositions légales encadrent strictement le recours à la rétention administrative, garantissant ainsi les droits des étrangers tout en permettant à l’administration de procéder à leur éloignement. Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative ?Les conditions de prolongation de la rétention administrative sont clairement définies par l’article L. 742-5 du CESEDA. Cet article énonce que : « À titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ; 2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement : a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ; b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ; 3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. » Il est également précisé que le juge peut être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. Ainsi, la prolongation de la rétention est conditionnée par des éléments concrets, tels que l’obstruction à la reconduite ou des circonstances exceptionnelles, garantissant ainsi un équilibre entre la sécurité publique et les droits des étrangers. Comment le juge des libertés et de la détention évalue-t-il la menace à l’ordre public ?L’évaluation de la menace à l’ordre public par le juge des libertés et de la détention repose sur plusieurs critères, notamment le comportement de l’étranger et son historique judiciaire. Dans le cas présent, le juge a pris en compte plusieurs éléments, tels que : – L’absence de titre d’identité valide de [L] [V], L’article L. 742-5 mentionne que le juge peut être saisi en cas de menace pour l’ordre public. Cela signifie que le juge doit examiner si la présence de l’étranger sur le territoire constitue un risque pour la sécurité publique. Dans cette affaire, le ministère public a soutenu que [L] [V] représentait une menace en raison de son comportement et de ses antécédents, ce qui a conduit à la décision de prolonger sa rétention. Ainsi, le juge doit analyser les faits et les circonstances entourant chaque cas pour déterminer si la prolongation de la rétention est justifiée au regard de la sécurité publique. |
Nom du ressortissant :
[L] [V]
PREFET DE L’ISERE
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
C/
[V]
PREFET DE L’ISERE
COUR D’APPEL DE LYON
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND
EN DATE DU 12 JANVIER 2025
statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers
Nous, Anne DU BESSET, conseiller à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 02 Janvier 2025 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,
Assistée de Céline DESPLANCHES, greffier,
En présence du ministère public, représenté par Amélie CLADIERE, substitut général, près la cour d’appel de Lyon,
En audience publique du 12 Janvier 2025 dans la procédure suivie entre :
APPELANT :
Monsieur le Procureur de la République
près le tribunal de judiciaire de Lyon
représenté par le parquet général de Lyon
ET
INTIMES :
M. [L] [V]
né le 07 Mai 1994 à [Localité 3]
de nationalité Algérienne
Actuellement retenu au CRA 2
ABSENT – Ayant refusé de comparaitre
Représenté par Maître IMBERT MINNI Julie, avocate au barreau de LYON, de permanence et avec le concours de Mme [B] [F], interprète en langue Arabe, inscrite sur la liste des experts près la Cour d’Appel de LYON
M. PREFET DE L’ISERE
[Adresse 1]
BP 1046
[Localité 2]
Ayant pour avocat Maître Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,
Avons mis l’affaire en délibéré au 12 Janvier 2025 à 15h00 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :
Par décision du 27 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [L] [V] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Par ordonnances des 31 octobre, 26 novembre et 26 décembre 2024 (confirmée en appel pour la première), le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [L] [V] pour des durées successives de vingt-six, trente et quinze jours.
Suivant requête du 9 janvier 2025, le préfet de l’ISERE a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 10 janvier 2025 à 17h20, a déclaré la requête recevable et la procédure régulière, mais dit n’y avoir lieu à ordonner la prolongation de la rétention.
Le procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance avec demande d’effet suspensif par déclaration au greffe le 11 janvier 2025 à 9h29, appel déclaré recevable et suspensif par ordonnance du 11 janvier 2025 à 14h, en faisant valoir notamment que le retenu n’a pas de document d’identité valide, ni de garanties de représentation, qu’il représente une menace à l’ordre public (ayant été signalisé à de nombreuses reprises, condamné une fois pour infractions à la législation sur les stupéfiants et étant convoqué deux fois devant le tribunal correctionnel) et qu’il a fait obstruction à sa reconduite ayant refusé deux fois de se rendre aux convocations devant les autorités algériennes, ainsi que de comparaître devant le juge des libertés et de la détention (obstruction qui constituait d’ailleurs le motif de sa 3ème prolongation).
Le procureur de la République a demandé l’infirmation de l’ordonnance déférée et qu’il soit fait droit à la requête en dernière prolongation de la préfecture.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 12 janvier 2025 à 10 heures 30.
[L] [V] était non comparant mais représenté par son conseil, ayant refusé de se présenter.
Le ministère public a été entendu en ses réquisitions aux fins de soutenir son appel.
Le préfet de l’ISERE, représenté par son conseil, a demandé l’infirmation de l’ordonnance déférée et qu’il soit fait droit à sa requête en 4ème prolongation.
Le conseil de [L] [V] a été entendu en sa plaidoirie aux fins de confirmation de l’ordonnance et que le retenu soit remis en liberté.
Sur la recevabilité de l’appel
Attendu que l’appel du ministère public a déjà été déclaré recevable ;
Sur le bien-fondé de l’appel
Attendu que l’article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet ;
Attendu que l’article L. 742-5 du même code dispose que :
«A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
(…)
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.»
Attendu qu’il est soutenu à bon droit par le ministère public et la préfecture que [L] [V] représente une menace à l’ordre public étant dépourvu de titre d’identité, de domicile stable et de garanties de représentation et ayant déjà été condamné à deux reprises par le tribunal correctionnel Toulouse, le 5 février 2024 à 300 € d’amende pour vol et le 2 août 2024 à 10 mois d’emprisonnement avec sursis et à une interdiction de séjour pour détention de stupéfiants, et au surplus ayant déjà été signalisé et étant convoqué le 13 février 2025 deux fois devant le tribunal correctionnel de Grenoble pour vols aggravés commis en mars et octobre 2024 ;
Attendu que le retenu a fait obstruction à sa reconduite ayant refusé deux fois (les 29 novembre et 13 décembre 2024) d’être entendu par les autorités algériennes, ainsi au surplus que de comparaître devant le juge des libertés et de la détention et à la présente audience d’appel ;
Attendu que l’administration qui n’est tenue qu’à une obligation de moyens justifie de ses démarches et relances notamment le 30 décembre 2024 et le 6 janvier 2025 aux fins de reconduite ; que nonobstant l’absence de réponse des autorités algériennes sur lesquelles elle ne dispose d’aucun pouvoir coercitif, il est établi que dans ces conditions la délivrance d’un laissez-passer pourra intervenir à bref délai ;
Qu’en conséquence, l’ordonnance entreprise est infirmée et il sera fait droit à la requête de la préfecture ;
Vu l’ordonnance déclarant l’appel du ministère public recevable et suspensif ;
Infirmons l’ordonnance déférée,
Statuant de nouveau,
Ordonnons la prolongation exceptionnelle du maintien en rétention de [L] [V] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de quinze jours ;
Le greffier, Le conseiller délégué,
Céline DESPLANCHES Anne DU BESSET
Laisser un commentaire