Prolongation de la rétention administrative : enjeux de sécurité et de droits des étrangers.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de sécurité et de droits des étrangers.

L’Essentiel : Monsieur [O] [U], ressortissant libyen, a été soumis à une interdiction judiciaire du territoire français pour dix ans et placé en rétention administrative le 5 novembre 2024. Le 3 janvier 2025, le préfet de l’Oise a demandé une prolongation de cette rétention, accordée pour quinze jours supplémentaires. L’avocate de Monsieur [U] a contesté la qualification de menace à l’ordre public et a soulevé des préoccupations concernant l’absence de soins médicaux pour son client. Malgré ces arguments, le juge a jugé que les antécédents criminels de Monsieur [U] justifiaient la prolongation de sa rétention.

Contexte Juridique

L’affaire concerne Monsieur [O] [U], un ressortissant libyen né le 19 septembre 1997, qui a été soumis à une interdiction judiciaire du territoire français pour une durée de dix ans par le tribunal judiciaire de Lille le 12 mars 2024. En outre, il a été placé en rétention administrative pour une période initiale de quatre jours par le préfet de l’Oise, le 5 novembre 2024.

Prolongation de la Rétention Administrative

Le 3 janvier 2025, le préfet de l’Oise a demandé une prolongation de la rétention de Monsieur [U] au-delà de la période initiale, justifiant cette demande par la nécessité de maintenir l’intéressé en rétention. Cette prolongation a été accordée par ordonnance, permettant un maintien supplémentaire de quinze jours, à compter du 4 janvier 2025.

Observations de l’Avocat

L’avocate de Monsieur [U], Maître [N] PLICHARD, a soulevé des préoccupations concernant la clarté de la délivrance du laissez-passer consulaire et a contesté la qualification de menace à l’ordre public, arguant que les infractions de son client ne justifiaient pas une telle évaluation. Elle a également mentionné l’absence de soins médicaux appropriés pour son client, qui souffre d’un kyste au genou.

Éléments de la Procédure

Monsieur [U] a été placé en rétention le 5 novembre 2024, avec des prolongations successives confirmées par la cour d’appel de Douai. Les autorités algériennes et libyennes n’ayant pas répondu aux demandes de laissez-passer, il a été établi qu’aucun élément ne permettait de prévoir une délivrance rapide de ces documents.

Décision du Juge

Le juge a constaté que Monsieur [U] avait été condamné à un an de prison pour vol et qu’il sortait de détention au moment de son placement en rétention. Ces éléments ont été jugés suffisants pour constituer une menace pour l’ordre public, justifiant ainsi la prolongation de la rétention. De plus, l’état de santé de Monsieur [U] n’a pas été considéré comme incompatible avec la mesure de rétention.

Conclusion de l’Ordonnance

L’ordonnance a autorisé la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [O] [U] pour une durée maximale de quinze jours, à compter du 4 janvier 2025. L’intéressé a été informé de ses droits, y compris la possibilité de faire appel de cette décision dans les vingt-quatre heures suivant son prononcé.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cet article stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L. 742-4, lorsque certaines conditions sont remplies dans les quinze derniers jours.

Ces conditions incluent :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté une demande de protection contre l’éloignement ou une demande d’asile dans le but de faire échec à la décision d’éloignement ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat, et il est établi que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Si le juge ordonne la prolongation, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période maximale de quinze jours.

Il est important de noter que si l’une des circonstances mentionnées survient au cours de la prolongation, celle-ci peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions, sans que la durée maximale de la rétention n’excède quatre-vingt-dix jours.

Quels sont les droits de l’étranger en rétention administrative ?

Les droits de l’étranger en rétention administrative sont précisés dans les articles L. 743-9 et L. 743-24 du CESEDA. Ces articles stipulent que l’étranger a le droit d’être informé de ses droits pendant la rétention, ainsi que des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.

L’article L. 743-9 précise que l’étranger doit être assisté d’un avocat, et qu’il doit être informé de ses droits, notamment :

– Le droit de contester la mesure de rétention ;
– Le droit d’être assisté par un avocat de son choix ou, à défaut, d’un avocat commis d’office.

L’article L. 743-24 renforce cette protection en indiquant que l’étranger doit être informé de la possibilité de faire appel de la décision de prolongation de la rétention dans un délai de vingt-quatre heures.

Il est également stipulé que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen, y compris par courrier électronique.

Quelles sont les implications de la santé de l’étranger sur la rétention administrative ?

L’état de santé de l’étranger en rétention administrative peut avoir des implications sur la décision de prolongation de la rétention. Selon la jurisprudence, si l’état de santé de l’étranger est incompatible avec la mesure de rétention, cela peut justifier une remise en liberté.

Dans le cas de M. [U], il a été mentionné qu’il souffrait d’un kyste au genou et qu’il n’avait pas pu consulter un médecin depuis son placement en rétention.

Cependant, il a été constaté qu’aucun élément médical ne permettait de dire que son état de santé était incompatible avec la mesure de rétention.

Ainsi, même si des préoccupations médicales ont été soulevées, elles n’ont pas été jugées suffisantes pour remettre en question la légalité de la prolongation de la rétention.

Comment la menace à l’ordre public est-elle évaluée dans le cadre de la rétention administrative ?

L’évaluation de la menace à l’ordre public dans le cadre de la rétention administrative repose sur l’article L. 742-5 du CESEDA, qui permet la prolongation de la rétention si l’étranger constitue une menace pour l’ordre public.

Dans le cas de M. [U], il a été condamné à une peine d’emprisonnement d’un an pour des faits de vol, ce qui a été considéré comme une menace pour l’ordre public.

Le juge a donc estimé que les conditions pour une troisième prolongation de la mesure de rétention étaient réunies, en raison de la nature des infractions commises par l’intéressé.

Il est essentiel que l’autorité administrative justifie la menace à l’ordre public par des éléments concrets, tels que des condamnations pénales antérieures, pour que la prolongation de la rétention soit légale et conforme aux droits de l’étranger.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE PROLONGATION DE RETENTION

MINUTE: 25/22
Appel des causes le 04 Janvier 2025 à 10h00 en visioconférence
Divétrangers
N° étrN° RG 25/00026 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76CUE

Nous, Madame METTEAU Pascale, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER, juge chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de libertés en droit des étrangers, assistée de Madame ACCART Mendy, Greffier, statuant en application des articles L.742-1, L.743-4, L.743-6 à L.743-8, L. 743-20 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile;

Vu l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire ;

En présence de Madame [V] [H], interprète en langue arabe, serment préalablement prêté ;

Vu le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile notamment en ses articles L. 741-1 et suivants ;

Monsieur [O] [U]
de nationalité Libyenne
né le 19 Septembre 1997 à [Localité 3] (LIBYE), a fait l’objet :

– d’une interdiction judiciaire du territoire français pou une durée de 10 ans, prononcée le 12 mars 2024 par le tribunal judiciaire de Lille
– d’un arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quatre jours, prononcée le 05 novembre 2024 par M. PREFET DE L’OISE , qui lui a été notifié le 05 novembre 2024 à 08 heures 22 .

Par requête du 03 Janvier 2025, arrivée par courrier électronique à 11 heures 15 M. PREFET DE L’OISE invoquant devoir maintenir l’intéressé au-delà de QUATRE JOURS, prolongé par un délai de VINGT-SIX JOURS selon l’ordonnance du 09 novembre 2024, prolongé par un délai de TRENTE JOURS selon l’ordonnance du 05 décembre 2024, demande l’autorisation de prolonger ce délai pour une durée de QUINZE JOURS maximum.

En application des articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile il a été rappelé à l’intéressé, assisté de Maître [N] PLICHARD, avocate au Barreau de BOULOGNE-SUR-MER et commis d’office, les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; qu’il a été entendu en ses observations

L’intéressé déclare : Je souhaite être assisté d’un avocat. Je confirme mon identité ainsi que ma date et mon lieu de naissance. J’ai une double nationalité, algérienne et libyenne.

Maître [N] PLICHARD entendue en ses observations : Il y a un manque de clarté sur la délivrance à bref délai du laissez passer consulaire. Ensuite, sur la menace à l’ordre public, vous avez un pouvoir d’appréciation, pour moi les infractions de monsieur ne sont pas suffisantes pour caractériser cette menace.
Enfin, monsieur a un kyste au genou et n’a pu voir de médecin depuis sa mise en rétention, il a juste vu des infirmières qui lui ont donné du paracétamol. Le dernier JLD avait parlé d’une remise en liberté si monsieur ne voyait pas un médecin.

Audience suspendue et mise en délibéré à 10h37.

MOTIFS

Selon l’article L. 742-5 du CESEDA, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours:
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

M. [U] a été placé en rétention administrative le 5 novembre 2024. La mesure a été prolongée le 9 novembre 2024 (décision confirmée par la cour d’appel de Douai le 11 novembre 2024) puis le 5 décembre 2024.

M. [U] étant dépourvu de son passeport les autorités algériennes et libyennes ont été saisies d’une demande de laissez passer. Malgré des relances et une demande d’audition auprès des autorités algérienne, aucune réponse n’a été apportée par les autorités consulaires. Aucun élément ne permet de dire que la délivrance du laissez passer interviendra à bref délai.
Il n’est pas invoqué d’obstruction de M. [U] à la mesure d’éloignement.

Cependant, il ressort des éléments de la procédure que M. [U] a été condamné par le tribunal correctionnel de Lille le 12 mars 2024 à une peine d’emprisonnement d’un an pour des faits de vol. Il était, lors de son placement en rétention sortant de détention. Au regard de ces faits, il constitue une menace pour l’ordre publique, de sorte que les conditions pour une troisième prolongation de la mesure de rétention sont réunies.

Aucun élément médical ne permet de dire que l’état de santé de M. [U] est incompatible avec la mesure de rétention.

L’intéressé ne présente pas de garanties suffisantes pour la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière, des mesures de surveillance sont nécessaires.

Eu égard aux nécessités invoquées par Monsieur le Préfet, il convient d’accorder la prorogation demandée.

PAR CES MOTIFS

AUTORISONS l’autorité administrative à retenir Monsieur [O] [U] dans les locaux ne relevant pas de l’Administration pénitentiaire pour une prolongation de rétention administrative d’une durée maximale de QUINZE JOURS à compter du 4 janvier 2025

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par mail au CRA pour remise à l’intéressé qui, en émargeant ci-après, atteste avoir reçu copie et avisons l’intéressé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt quatre heures de son prononcé ; l’informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 2] ) au greffe de la Cour d’Appel de DOUAI (numéro de FAX du greffe de la Cour d’Appel: [XXXXXXXX01]) ; lui indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’avocat, Le Greffier, Le Juge,

décision rendue à 10h40
Ordonnance transmise ce jour à M. PREFET DE L’OISE
Ordonnance transmise au Tribunal administratif de LILLE
N° étrN° RG 25/00026 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76CUE

Décision notifiée à …h…

L’intéressé, L’interprète,


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