Prolongation de la rétention administrative : enjeux de reconnaissance et de diligence administrative

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de reconnaissance et de diligence administrative

L’Essentiel : Monsieur [A] [Y] est en rétention administrative depuis le 7 décembre 2024, prolongée par le tribunal d’Orléans pour 26 jours. La préfecture du Loiret a contacté les autorités consulaires de la Côte d’Ivoire et de Sierra Leone, sans réponse satisfaisante. La demande de prolongation a été justifiée par l’absence de documents de voyage. Le juge a noté que l’administration n’est pas obligée d’agir sans effectivité. Finalement, le juge a accordé une prolongation de 30 jours, à compter du 6 janvier 2025, avec notification des droits de Monsieur [Y] concernant l’assistance et la communication avec son consulat.

Contexte de la Rétention Administrative

L’intéressé, Monsieur [A] [Y], est en rétention administrative depuis le 7 décembre 2024. Cette mesure a été prolongée par une ordonnance du juge du tribunal judiciaire d’Orléans, confirmée par la Cour d’appel d’Orléans, pour une durée de 26 jours. La préfecture du Loiret a saisi les autorités consulaires de la Côte d’Ivoire et de Sierra Leone concernant la situation de Monsieur [Y], sans obtenir de réponse satisfaisante.

Diligences et Prolongation de la Rétention

La préfecture a justifié sa demande de prolongation de la rétention en raison de l’absence de documents de voyage nécessaires à l’éloignement de l’intéressé. Les autorités consulaires n’ayant pas reconnu Monsieur [Y] comme ressortissant, la préfecture a relancé ces autorités par courriel à la fin décembre 2024. Le juge a noté que l’administration n’est pas tenue d’effectuer des actes sans réelle effectivité, comme des relances, en raison de l’absence de pouvoir de contrainte sur les consulats.

Évaluation des Perspectives d’Éloignement

Le juge a également souligné que la requête pour une deuxième prolongation ne nécessite pas de justifications d’accomplissement de diligences pour un éloignement imminent. De plus, le moyen tiré du défaut de perspectives d’éloignement a été jugé inopérant, car l’identité et la nationalité de l’intéressé n’étaient pas établies. Les atermoiements des autorités consulaires et les déclarations contradictoires de Monsieur [Y] sur ses origines ont été pris en compte.

Décision Finale

En conséquence, le juge a décidé d’accorder la demande de prolongation de la rétention de Monsieur [Y] pour une période supplémentaire de 30 jours, à compter du 6 janvier 2025. La décision a été rendue en audience publique le 5 janvier 2025, avec notification des droits de l’intéressé concernant l’assistance d’un interprète, d’un médecin, et la possibilité de communiquer avec son consulat.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L.742-4 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile. Cet article stipule que :

“Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.”

Ainsi, la prolongation de la rétention est possible dans des situations spécifiques, notamment lorsque l’exécution de la décision d’éloignement est entravée par des facteurs indépendants de la volonté de l’administration.

Quels sont les droits de l’étranger en rétention administrative ?

Les droits de l’étranger en rétention administrative sont précisés dans plusieurs articles du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers. En particulier, l’article L.741-3 stipule que :

“Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet.”

Cela signifie que la rétention ne doit pas être prolongée au-delà de ce qui est nécessaire pour organiser l’éloignement de l’étranger.

De plus, l’article L.751-9 précise que :

“L’étranger a le droit d’être assisté par un avocat, de demander l’assistance d’un interprète, d’un médecin, et de communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix.”

Ces dispositions garantissent que l’étranger en rétention a accès à une assistance juridique et à des services essentiels, ce qui est crucial pour assurer le respect de ses droits fondamentaux pendant la période de rétention.

Comment la préfecture justifie-t-elle la prolongation de la rétention dans ce cas précis ?

Dans le cas présent, la préfecture justifie la prolongation de la rétention administrative en se basant sur l’article L.742-4, qui permet de prolonger la rétention lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison de l’absence de délivrance des documents de voyage par le consulat.

La préfecture a saisi les autorités consulaires de la Côte d’Ivoire et de la Sierra Leone, mais n’a pas reçu de réponse. Elle a également effectué des relances par courriel, ce qui démontre une diligence dans le suivi de la situation.

Il est important de noter que, selon la jurisprudence, l’administration n’est pas tenue d’effectuer des actes sans réelle effectivité, tels que des relances, car elle n’a pas de pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires.

Ainsi, le juge a considéré que la préfecture avait agi conformément aux exigences légales et que la prolongation de la rétention était justifiée, compte tenu des circonstances entourant l’identité et la nationalité de l’intéressé.

Quelles sont les implications de la non-reconnaissance de l’identité de l’intéressé par les autorités consulaires ?

La non-reconnaissance de l’identité de l’intéressé par les autorités consulaires a des implications significatives sur la procédure de rétention. En effet, l’article L.742-4 mentionne que la prolongation de la rétention peut être justifiée par l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement, notamment en raison de la non-délivrance des documents de voyage.

Dans ce cas, l’intéressé a affirmé avoir menti sur sa nationalité, ce qui complique davantage la situation. La préfecture a dû faire face à des atermoiements de la part des autorités consulaires, ce qui a retardé le processus d’éloignement.

Le juge a souligné que la nationalité et l’identité de l’intéressé n’étant pas établies, cela ne constitue pas un motif suffisant pour contester la prolongation de la rétention.

Les autorités administratives françaises n’ayant pas de pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, le temps de réponse de ces dernières ne peut être imputé à l’administration française.

Ainsi, la situation de non-reconnaissance par les autorités consulaires est un facteur qui justifie la prolongation de la rétention, tant que les démarches administratives sont effectuées de manière diligente.

COUR D’APPEL
D’ORLEANS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’ORLEANS

Rétention administrative

N° RG 25/00032 – N° Portalis DBYV-W-B7J-G7PH
Minute N°25/00024

ORDONNANCE
statuant sur la seconde prolongation d’une mesure de rétention administrative

rendue le 05 Janvier 2025

Le 05 Janvier 2025

Devant Nous, Alexandra SCATIZZI, Juge au Tribunal judiciaire d’ORLEANS,

Assistée de Olivier GALLON, Greffier,

Etant en audience publique, au Palais de Justice,

Vu la requête motivée du représentant de 45 – PREFECTURE DU LOIRET en date du 04 Janvier 2025, reçue le 04 Janvier 2025 à 15h54 au greffe du Tribunal,

Vu l’ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire d’Orléans en date du ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé.

Vu les avis donnés à Monsieur [A] [Y], à la PREFECTURE DU LOIRET, au Procureur de la République, à Me Chloé BEAUFRETON, avocat choisi ou de permanence,

Vu notre note d’audience de ce jour,

COMPARAIT CE JOUR :

Monsieur [A] [Y]
né le 06 Juin 2003 à [Localité 3] (COTE D’IVOIRE)
de nationalité Ivoirienne

Assisté de Me Chloé BEAUFRETON, avocat commis d’office, qui a pu consulter la procédure, ainsi que l’intéressé.

En l’absence de la PREFECTURE DU LOIRET, dûment convoquée.

Mentionnons que Monsieur [A] [Y] n’a pas souhaité avoir recours à un interprète

En l’absence du Procureur de la République, avisé ;

Mentionnons que la PREFECTURE DU LOIRET, le Procureur de la République dudit tribunal, l’intéressé et son conseil ont été avisés, dès réception de la requête, de la date et l’heure de la présente audience par le greffier.

Mentionnons que les pièces de la procédure ont été mises à la disposition de l’intéressé et du conseil.

Vu les dispositions des articles L.741-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile

Après avoir entendu :

Me Chloé BEAUFRETON en ses observations.

M. [A] [Y] en ses explications.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu la requête motivée du représentant de la Préfecture du Loiret en date du 4 janvier 2025, reçue le 4 janvier 2025 à 15h54 au greffe du tribunal;

Vu l’ordonnance du juge du tribunal judiciaire d’Orléans en date du 11 décembre 2024, confirmée par la Cour d’appel d’Orléans par décision rendue le 13 décembre 2024, prolongeant le maintien en rétention administrative de l’intéressé pour 26 jours;

Vu les avis donnés à Monsieur [Y] [A], à la Préfecture du Loiret, au Procureur de la République et à Maître BEAUFRETON, avocat choisi;

Vu notre procès-verbal de ce jour;

L’intéressé est actuellement en rétention dans les locaux non pénitentiaires depuis le 7 décembre 2024 à 9h24.

Le juge du tribunal judiciaire d’Orléans a, par ordonnance en date du 11 décembre 2024, confirmée par décision de la Cour d’appel d’Orléans en date du 13 suivant, autorisé la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 26 jours.

Sur les diligences effectuées aux fins de mise à exécution de la mesure d’éloignement

Selon l’article L.742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, “le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport.
L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 7422.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours”.

Les articles L741-3 et L751-9 disposent qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration devant exercer toute diligence à cet effet.

Au regard des pièces fournies, il apparaît que, après que les autorités consulaires de la Côte d’Ivoire ne l’ait pas reconnu, compte tenu des déclarations de Monsieur [Y] évoquant sa naissance en Sierra Leone, la Préfecture du Loiret avait, le 22 novembre 2024, soit en amont de son placement en rétention administrative, saisi tant les autorités consulaires de ce pays que l’UCI. Sans réponse de leur part, les autorités consulaires de Sierra Leone et l’UCI ont toutes deux été relancées par mails du 31 décembre 2024, envoyés respectivement à 9h34 et à 9h36.

Ainsi, la préfecture justifie des diligences et se trouve dans une des situations prévues par les dispositions susvisées permettant de faire droit à une deuxième demande de prolongation de la rétention, à savoir que la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé.
Avec la difficulté de la non-reconnaissance de l’intéressé par les autorités consulaires du pays dont il se dit pourtant ressortissant, ce qu’il a réaffirmé à l’audience en précisant avoir menti quant à sa naissance en Sierra Leone.
Si le conseil du retenu estime que le délai entre la saisine des autorités consulaires de Sierra Leone et la relance est trop important, caractérisant des diligences manquant de sérieux/ de suivi, il sera rappelé que l’administration n’est pas tenue que d’effectuer des actes sans réelle effectivité, tels que des relances auprès des consulats, dès lors que celle-ci ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (voir en ce sens, Civ. 1ère, 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165).
En revanche, le juge est tenu de vérifier que les autorités étrangères ont été requises de manière effective (voir en ce sens, CA d’Orléans, 5 décembre 2024, n° 24/03262).
Dès lors, il ne saurait lui être fait grief du temps de réponse des dites autorités dès lors que le préfet a régulièrement saisi les autorités consulaires.

Il sera rappelé également que la requête en vue d’une 2ème prolongation n’impose pas de justifier d’accomplissement de diligences pour un éloignement à bref délai, tel que cela est en revanche le cas pour les demandes de 3ème et 4ème prolongations.
Par ailleurs, le moyen tiré du défaut de perspectives d’éloignement est inopérant ici dans la mesure où la nationalité et l’identité du retenu ne sont pas établies, faute pour les autorités consulaires de Sierra Leone d’avoir encore donné leur réponse à la demande de reconnaissance.
Les autorités administratives françaises n’ont aucun moyen de contrainte sur les autorités consulaires étrangères et l’incidence à la fois de la non-reconnaissance par celles de la Côte d’Ivoire et des atermoiements voire mensonges de Monsieur [Y] sur ses origines sera à apprécier lors de l’éventuelle prochaine demande de prolongation.

En l’état, il sera fait droit à la demande de prolongation de la rétention de l’intéressé pour une période de 30 jours supplémentaires.

PAR CES MOTIFS

Faisons droit à la demande de 2ème prolongation;

Ordonnons la prolongation du maintien de Monsieur [Y] [A] à compléter dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 30 jours à compter du 6 janvier 2025 ;

Notifions que la présente décision est susceptible d’être contestée par la voie de l’appel interjeté dans les 24 heures du prononcé de la présente ordonnance, devant le Premier Président de la Cour d’Appel d’ORLEANS ([Courriel 1]), et par requête motivée.

Rappelons à Monsieur [A] [Y] que dès le début du maintien en rétention, il peut demander l’assistance d’un interprète, d’un médecin, d’un conseil et peut, s’il le désire, communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix.

Décision rendue en audience publique le 05 Janvier 2025 à

Le Greffier Le Juge

Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 05 Janvier 2025 à ‘ORLEANS

L’INTERESSE L’AVOCAT

Copie de la présente décision est transmise par courriel au procureur de la République, au Tribunal Administratif d’Orléans, à la Préfecture de45 – PREFECTURE DU LOIRET et au CRA d’[Localité 2].


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