Prolongation de la rétention administrative : enjeux de la protection des droits individuels et des obligations de l’administration.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de la protection des droits individuels et des obligations de l’administration.

L’Essentiel : Monsieur [D] [C], de nationalité marocaine, a été soumis à une obligation de quitter le territoire français, avec interdiction de retour. Le 22 octobre 2024, un arrêté de placement en rétention administrative a été prononcé pour quatre jours. Le 20 novembre, le préfet a demandé une prolongation de cette rétention pour une durée maximale de trente jours, justifiée par l’attente d’un laissez-passer consulaire. Malgré les arguments de son avocat concernant la violation de la vie privée, le tribunal a jugé irrecevable cette demande et a autorisé la prolongation, notifiant l’intéressé de son droit d’appel.

Contexte de l’affaire

Monsieur [D] [C], de nationalité marocaine, né le 17 août 1996, a été soumis à une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, avec interdiction de retour, par le préfet de [Localité 2]. Cette décision a été notifiée à une date non précisée. En parallèle, un arrêté de placement en rétention administrative a été prononcé le 22 octobre 2024, pour une durée initiale de quatre jours.

Demande de prolongation de la rétention

Le 20 novembre 2024, le préfet a demandé par voie électronique une prolongation de la rétention administrative, initialement fixée à quatre jours, pour une durée maximale de trente jours. Cette demande a été motivée par la nécessité de maintenir l’intéressé en rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.

Assistance juridique et observations

Monsieur [D] [C] a exprimé le souhait d’être assisté par un avocat, Me Guillaume Baillard, qui a soulevé des arguments concernant la violation de la vie privée et familiale de son client, ainsi qu’un prétendu manquement de l’administration à ses obligations de diligence. Il a également demandé la remise en liberté de l’intéressé.

Décision du tribunal

Le tribunal a jugé irrecevable le moyen fondé sur l’atteinte à la vie privée, car cet argument avait déjà été soulevé lors d’une audience précédente. Concernant le manquement à l’obligation de diligence, le tribunal a estimé que la préfecture avait agi conformément aux exigences légales en joignant les documents nécessaires à sa demande de laissez-passer consulaire.

Prolongation de la rétention

Le tribunal a conclu que les conditions pour prolonger la rétention étaient réunies, notamment en raison de l’attente d’un laissez-passer consulaire. Il a autorisé la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [D] [C] pour une durée maximale de trente jours, à compter du 21 novembre 2024.

Notification et recours

L’ordonnance a été notifiée à l’intéressé, qui a été informé de son droit de faire appel dans les vingt-quatre heures suivant le prononcé de la décision. Les modalités de déclaration d’appel ont également été précisées, permettant à l’intéressé de contester la décision devant la Cour d’Appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L. 742-4 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cet article stipule que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

Il est également précisé que si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours.

La durée maximale de la rétention ne doit pas excéder soixante jours.

Quels sont les droits de l’intéressé pendant la rétention administrative ?

Les droits de l’intéressé pendant la rétention administrative sont énoncés dans les articles L. 743-9 et L. 743-24 du CESEDA. Ces articles stipulent que l’étranger en rétention a le droit d’être assisté par un avocat et d’être informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.

L’article L. 743-9 précise que l’étranger doit être informé de ses droits, notamment :

– Le droit d’être assisté d’un avocat ;
– Le droit d’être informé des motifs de sa rétention ;
– Le droit de faire valoir ses observations.

De plus, l’article L. 743-24 souligne que l’administration doit veiller à ce que l’étranger puisse exercer ses droits de manière effective, ce qui inclut la possibilité de contester la légalité de sa rétention.

Quelles sont les implications de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dans le cadre de la rétention administrative ?

L’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. Dans le cadre de la rétention administrative, cet article est souvent invoqué pour contester la légalité de la mesure, notamment lorsque l’intéressé a des liens familiaux en France.

La jurisprudence a établi que toute ingérence dans le droit au respect de la vie privée et familiale doit être justifiée par des raisons pertinentes et suffisantes. Dans le cas présent, la défense a soulevé que le maintien en rétention de Monsieur [D] [C] constitue une atteinte à sa vie familiale, étant donné qu’il a deux enfants dont il s’occupe.

Cependant, le tribunal a jugé que ce moyen était irrecevable à ce stade de la procédure, car il avait déjà été soulevé lors d’une audience précédente. Cela souligne l’importance de la procédure et des délais dans le cadre des recours en matière de rétention administrative.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de diligences dans le cadre de la rétention administrative ?

L’article L. 741-3 du CESEDA impose à l’administration une obligation de diligences dans le traitement des demandes relatives à la rétention administrative. Cet article stipule que l’administration doit agir rapidement et efficacement pour permettre l’exécution des décisions d’éloignement.

Dans le cas présent, la défense a soulevé un manquement à cette obligation, arguant que l’administration n’a pas répondu rapidement à la demande de laissez-passer adressée au consulat du Maroc. Cependant, le tribunal a constaté qu’il n’y avait pas de manquement, car l’administration avait joint les documents nécessaires à sa demande dès le début.

Cela démontre que l’administration doit justifier ses actions et que les délais de réponse peuvent être pris en compte pour évaluer la conformité aux obligations de diligence.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE PROLONGATION DE RETENTION

MINUTE: 24/1849
Appel des causes le 21 Novembre 2024 à 10h00 en visioconférence
Divétrangers
N° étrN° RG 24/05235 – N° Portalis DBZ3-W-B7I-76BI4

Nous, Monsieur MARLIERE Maurice, Premier Vice-Président au Tribunal judiciaire de BOULOGNE SUR MER, juge chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de libertés en droit des étrangers, assisté de Mme Samira CHAIB, Greffier, statuant en application des articles L.742-1, L.743-4, L.743-6 à L.743-8, L. 743-20 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile;

Vu l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire ;

Vu le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile notamment en ses articles L. 741-1 et suivants ;

Monsieur [D] [C]
de nationalité Marocaine
né le 17 Août 1996 à [Localité 4] (MAROC),
a fait l’objet :

– d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français prononcée le (date illisible) par le PREFET DE [Localité 2] qui lui a été notifié (AR non communiqué)
– d’un arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quatre jours, prononcé le 22 octobre 2024 par M. PREFET DE [Localité 2] , qui lui a été notifié le 22 octobre 2024 à 18h15 .

Par requête du 20 Novembre 2024, arrivée par courrier électronique à 10h08 M. PREFET DE [Localité 2] invoquant devoir maintenir l’intéressé au-delà de QUATRE JOURS, prolongé par un délai de VINGT-SIX JOURS selon l’ordonnance du 26 octobre 2024, demande l’autorisation de prolonger ce délai pour une durée de TRENTE JOURS maximum.

En application des articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile il a été rappelé à l’intéressé, assisté de Me Guillaume BAILLARD, avocat au Barreau de BOULOGNE-SUR-MER et commis d’office, les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; qu’il a été entendu en ses observations

L’intéressé déclare : Je souhaite être assisté d’un avocat. Je n’ai rien à dire

Me Guillaume BAILLARD entendu en ses observations : je soulève le moyen de la violation de la vie privée et familiale de l’intéressé. Le maintenir en rétention c’est le priver de sa vie privée et familiale. Il a deux enfants dont il s’occupe.
Je soulève un défaut de diligences de l’administration : il y a eu un échange de mail entre l’administration et le consulat (page 8 de la procédure). Une copie du passeport marocain permet d’accéler la procédure. La préfecture n’a répondu que le 14 novembre. Cela n’a pas été fait immédiatement. Or, cela n’a fait que retarder la procédure et il y a eu une atteinte à ses droits.
Je vous demande sa remise en liberté.

Audience suspendue et mise en délibéré.

MOTIFS

Sur le moyen fondé sur l’atteinte portée à l’article 8 de la CESDH par la mesure de rétention administrative:

Attendu que ce moyen est irrecevable à ce stade de la procédure et qu’en tout état de cause il a déjà été soulevé lors de la première présentation de l’intéressé à un magistrat à l’audience du 26 octobre dernier, étant précisé que l’argumentation développée par la défense de l’intéressé a été rejetée ;

Sur le moyen fondé sur un prétendu manquement à l’obligation de diligences pesant sur l’autorité préfectorale en application de l’article L 741-3 du CESEDA :

Attendu que la critique élevée par la défense n’apparaît pas pertinente dès lors qu’il est établi par le mail du 23 octobre 2024 à 14h35 que dès la demande de laissez-passer adressée au consulat du Maroc la préfecture de [Localité 2] a joint à sa demande un certain nombre de documents parmi lesquels figure la copie du passeport de l’intéressé ;

Qu’ainsi aucun manquement à l’obligation de diligences qui pèse sur l’autorité administrative en application du texte susvisé n’est établi ;

Selon l’article L. 742-4 du CESEDA, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Les conditions d’application de l’article susvisé sont réunies dès lors que l’administration est dans l’attente d’un laissez-passer consulaire des autorités marocaines pour permettre l’exécution forcée de la mesure d’éloignement dont fait l’objet l’intéressé.

L’intéressé ne présente pas de garanties suffisantes pour la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière, des mesures de surveillance sont nécessaires.

Eu égard aux nécessités invoquées par Monsieur le Préfet, il convient d’accorder la prorogation demandée.

PAR CES MOTIFS

Autorisons l’autorité administrative à retenir Monsieur [D] [C] dans les locaux ne relevant pas de l’Administration pénitentiaire pour une prolongation de rétention administrative d’une durée maximale de TRENTE JOURS à compter du 21 novembre 2024

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par mail au CRA pour remise à l’intéressé qui, en émargeant ci-après, atteste avoir reçu copie et avisons l’intéressé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt quatre heures de son prononcé ; l’informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 3] ) au greffe de la Cour d’Appel de DOUAI (numéro de FAX du greffe de la Cour d’Appel: [XXXXXXXX01]) ; lui indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’avocat, Le Greffier, Le Juge,
En visio

décision rendue à 11h57
Ordonnance transmise ce jour à M. PREFET DE [Localité 2]
Ordonnance transmise au Tribunal administratif de LILLE
N° étrN° RG 24/05235 – N° Portalis DBZ3-W-B7I-76BI4
Décision notifiée à …h…

L’intéressé,


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