Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’ordre public et perspectives d’éloignement.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’ordre public et perspectives d’éloignement.

L’Essentiel : Le tribunal correctionnel de Lyon a condamné [X] [F] à 4 ans d’emprisonnement et une interdiction du territoire français de 10 ans. En octobre 2024, il a été placé en rétention administrative, prolongée par le juge des libertés. Le 31 décembre 2024, le préfet a demandé une prolongation exceptionnelle, acceptée le 2 janvier 2025. [X] [F] a interjeté appel, arguant l’absence de perspectives d’éloignement. Lors de l’audience du 4 janvier, son avocat a plaidé pour sa libération, tandis que le préfet a soutenu la prolongation. Finalement, le juge a confirmé la rétention, considérant la menace pour l’ordre public.

Condamnation de [X] [F]

Le tribunal correctionnel de Lyon a condamné [X] [F] le 22 décembre 2020 à une peine de 4 ans d’emprisonnement, accompagnée d’une interdiction du territoire français pour une durée de 10 ans. Cette décision a été assortie d’une exécution provisoire.

Placement en rétention administrative

Le 19 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [X] [F] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Par la suite, le juge des libertés et de la détention a prolongé cette rétention à plusieurs reprises, pour des durées de vingt-huit, trente et quinze jours.

Demande de prolongation exceptionnelle

Le 31 décembre 2024, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention pour demander une prolongation exceptionnelle de la rétention de [X] [F] pour une durée de quinze jours. Cette requête a été acceptée par le juge le 2 janvier 2025.

Appel de [X] [F]

Le 3 janvier 2025, [X] [F] a interjeté appel de l’ordonnance de prolongation, arguant qu’il n’existait pas de perspectives raisonnables d’éloignement et que la seule menace à l’ordre public ne suffisait pas à justifier sa rétention. Il a demandé l’infirmation de l’ordonnance et sa remise en liberté.

Audience et plaidoiries

Les parties ont été convoquées à l’audience du 4 janvier 2025. [X] [F] a comparu avec un interprète et son avocat. Le conseil de [X] [F] a plaidé en faveur de la requête d’appel, tandis que le préfet du Rhône a demandé la confirmation de l’ordonnance de prolongation.

Recevabilité de l’appel

L’appel de [X] [F] a été déclaré recevable, conformément aux dispositions légales en vigueur.

Analyse du bien-fondé de la requête

Le juge a examiné les conditions de prolongation de la rétention administrative, soulignant que celle-ci ne peut être maintenue que le temps strictement nécessaire à l’éloignement. Il a noté que la menace pour l’ordre public constitue un critère autonome pour prolonger la rétention.

Comportement de [X] [F]

L’autorité administrative a mis en avant le comportement de [X] [F], qui s’est maintenu en situation irrégulière et a déjà fait preuve d’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement. Ses condamnations antérieures ont également été prises en compte pour établir une menace pour l’ordre public.

Perspectives d’éloignement

Le juge a conclu qu’il existait une perspective raisonnable d’éloignement, en raison des démarches entreprises pour obtenir les documents de voyage nécessaires. Malgré l’absence de délivrance de ces documents jusqu’à présent, la reconnaissance de nationalité par les autorités algériennes a été confirmée.

Confirmation de l’ordonnance

En conséquence, le juge a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention administrative de [X] [F], considérant que les conditions légales étaient remplies et que la menace pour l’ordre public justifiait cette décision.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel de [X] [F] a été jugé recevable conformément aux dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Ces articles précisent les conditions dans lesquelles un étranger peut interjeter appel d’une décision de rétention administrative.

L’article L. 743-21 stipule que « l’étranger peut faire appel de la décision de placement en rétention ou de prolongation de la rétention dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision ».

Les articles R. 743-10 et R. 743-11 précisent les modalités de cette procédure d’appel, notamment en ce qui concerne les délais et les formes à respecter.

Ainsi, l’appel de [X] [F] a été effectué dans les délais et formes légales, ce qui le rend recevable.

Sur le bien-fondé de la requête

L’article L. 741-3 du CESEDA stipule qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Cet article souligne l’importance de la proportionnalité et de la nécessité dans le maintien en rétention d’un étranger.

De plus, l’article L. 742-5 précise que « à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4 ».

Les conditions de prolongation incluent des situations telles que l’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement ou l’absence de délivrance des documents de voyage.

Dans le cas présent, le conseil de [X] [F] a soutenu que les conditions de prolongation n’étaient pas réunies, arguant que la seule menace à l’ordre public ne suffisait pas en l’absence de perspectives raisonnables d’éloignement.

Cependant, l’autorité administrative a démontré que [X] [F] avait un comportement délinquant et qu’il se maintenait en situation irrégulière, ce qui justifie la prolongation de sa rétention.

L’absence de délivrance des documents de voyage a été reconnue, mais il a été établi qu’une perspective raisonnable d’éloignement existait, ce qui a conduit à la confirmation de l’ordonnance de prolongation de la rétention.

N° RG 25/00035 – N° Portalis DBVX-V-B7J-QDA4

Nom du ressortissant :

[X] [F]

[F]

C/

Mme LA PREFETE DU RHONE

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 04 JANVIER 2025

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Florence PAPIN,présidente de chambre à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 16 Décembre 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Morgane ZULIANI, greffier,

En l’absence du ministère public,

En audience publique du 04 Janvier 2025 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [X] [F]

né le 04 Juin 1994 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 2] [3]

comparant à l’audience assisté de Me Anne-julie HMAIDA, commise d’office

avec le concours de Madame [K] [O], interprète en langue Arabe, inscrite sur la liste des experts près la Cour d’appel de LYON

ET

INTIME :

Mme LA PREFETE DU RHONE

Non comparante, régulièrement avisée, représentée par Maître Manon VIALLE, avocat au barreau de L’AIN, substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

Avons mis l’affaire en délibéré au 04 Janvier 2025 à 17h00 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit:

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement en date du 22 décembre 2020, le tribunal correctionnel de Lyon a condamné [X] [F] à la peine de 4 ans d’emprisonnement assortie d’une interdiction du territoire français pendant 10 ans, mesure assortie de l’exécution provisoire.

Par décision en date du 19 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [X] [F] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire à compter du 19 octobre 2024.

Par ordonnances des 23 octobre 2024, 18 novembre 2024 et 18 décembre 2024, cette dernière confirmée en appel le 20 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [X] [F] pour des durées successives de vingt-huit, trente et quinze jours.

Suivant requête du 31 décembre 2024, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 2 janvier 2025 à 17h 02 a fait droit à cette requête.

[X] [F] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 3 janvier 2025 à 9 heures 59 en faisant valoir l’absence de perspectives raisonnables d’éloignement et que la seule menace à l’ordre public ne suffit pas.

[X] [F] a demandé l’infirmation de l’ordonnance déférée et sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 4 janvier 2025 à 10 heures 30.

[X] [F] a comparu et a été assisté d’un interprète Mme [O] [K] et de son avocat Me Anne-Julie Hmaida.

Le conseil de [X] [F] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d’appel.

Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l’ordonnance déférée.

[X] [F] a eu la parole en dernier.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l’appel

Attendu que l’appel de [X] [F] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) est déclaré recevable ;

Sur le bien-fondé de la requête

Attendu que l’article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet ;

Attendu que l’article L. 742-5 du même code dispose que  » A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

(…)

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.  »

Attendu que le conseil de [X] [F] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond pas aux conditions de la quatrième prolongation la seule menace à l’ordre public ne pouvant suffire en l’absence de perspectives raisonnables d’éloignement d’autant que les condamnations pénales dont il a été l’objet ne caractérisent pas un comportement actuel, réel et suffisamment grave pour démontrer une menace à l’ordre public ;

Attendu que l’autorité administrative fait valoir dans sa requête que :

– [X] [F] se maintient en situation irrégulière en toute connaissance de cause n’ayant déjà pas respecté une assignation à résidence en date du 26 juin 2024 en ne pointant pas,

-[X] [F] a été condamné à deux reprises par le tribunal correctionnel de Lyon le 14 novembre 2018 à la peine de 2 mois d’emprisonnement pour des faits de port d’arme blanche et d’usage de stupéfiants, et le 22 septembre 2020 à la peine de 4 ans d’emprisonnement assortie d’une Interdiction du Territoire National de 10 ans suite à laquelle son placement en rétention a été ordonné,

-il ne justifie pas de son domicile en France son adresse variant,

-il est dépourvu de documents de voyage mais reconnu par les autorités algériennes,

-une demande de routing a été effectuée dès son arrivée au centre de rétention, annulée en l’absence de laissez-passer consulaire puis renouvelée pour la dernière fois le 26 décembre 2024, demandes transmises en copie aux autorités algériennes,

Attendu que comme l’a retenu le délégué du premier président dans son ordonnance du 20 décembre 2024, le comportement de [X] [F] s’inscrit dans la délinquance dans le temps et la durée ce qui caractérise une menace pour l’ordre public ainsi qu’il résulte notamment des peines prononcées le 22 septembre 2020, comportant une interdiction du territoire national de 10 ans suffisant à consacrer l’existence d’une telle menace,

Attendu que la menace pour l’ordre public constitue un critère autonome de prolongation de la rétention administrative,

Attendu que l’absence d’exécution de l’éloignement résulte en l’espèce d’une absence de délivrance des documents de voyage dans le cadre des trois premières prolongations,

Attendu qu’en raison des diligences ci-dessus rappelées et justifiées, la délivrance des documents de voyage est susceptible d’intervenir dans le délai de la prolongation exceptionnelle à bref délai, la reconnaissance de nationalité étant acquise selon courrier du 19 janvier 2024 du consulat général d’Algérie, alors les autorités consulaires concernées n’ont sollicité depuis aucune pièce complémentaire ni n’ont rejeté la demande ; que seule l’ absence de fourniture jusqu’alors du laissez-passer consulaire n’a pas permis l’éloignement ;

Attendu que ces différents éléments permettent d’établir qu’il demeure une perspective raisonnable d’éloignement ;

Attendu qu’assigné à résidence le 26 juin 2024, l’intéressé ne s’était pas présenté au service interdépartemental des frontières afin de pointer, comme cela résulte du procès-verbal de carence en date du 11 juillet 2024 ni n’avait mis à profit cette assignation pour quitter le territoire national de son propre gré,

Qu’en conséquence, l’ordonnance entreprise est confirmée ;

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l’appel formé par [X] [F],

Confirmons l’ordonnance déférée.

La greffière, La présidente déléguée,

Morgane ZULIANI Florence PAPIN


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