Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’ordre public et des droits individuels.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’ordre public et des droits individuels.

L’Essentiel : Le 30 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement en rétention de [O] [A] [P], né en Libye, dans des locaux non pénitentiaires. Le 3 novembre, le juge des libertés a prolongé cette rétention pour vingt-six jours, décision confirmée par la Cour d’appel de Douai. Le 29 décembre, une nouvelle demande de prolongation de quinze jours a été faite, contestée par le conseil de l’intéressé. Le juge a justifié la prolongation par une menace pour l’ordre public, en raison de la condamnation de l’intéressé et de son absence d’attaches en France. Le tribunal a ordonné une seconde prorogation.

Placement en rétention

Par décision du 30 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [O] [A] [P] alias [S] [V] [W] [U], né le 6 avril 1996 en Libye, en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Prolongation de la rétention

Le 3 novembre 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille a prolongé la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-six jours, décision confirmée par la Cour d’appel de Douai le 5 novembre 2024. Le 30 novembre 2024, une nouvelle prolongation de trente jours a été ordonnée.

Nouvelle demande de prolongation

Le 29 décembre 2024, l’autorité administrative a saisi le juge des libertés pour une prolongation supplémentaire de quinze jours, invoquant une peine complémentaire d’interdiction du territoire prononcée en 2021 et des démarches effectuées sans réponse. Le conseil de l’intéressé a contesté cette prolongation, soulignant l’absence de perspective d’éloignement et des doutes sur son origine.

Motifs de la décision

Le juge a rappelé que la prolongation de la rétention peut être ordonnée en cas de menace pour l’ordre public ou d’absence de délivrance des documents de voyage. L’intéressé, sans attache personnelle en France et condamné pour des faits graves, représente une menace pour l’ordre public. La demande de l’administration a été jugée justifiée.

Décision finale

Le 30 décembre 2024, le tribunal a déclaré recevable la requête en prorogation exceptionnelle de la rétention et a ordonné une seconde prorogation de quinze jours à compter du 29 décembre 2024 à 19h00. L’ordonnance a été notifiée aux parties, leur permettant de faire appel dans les vingt-quatre heures.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon l’article L742-5 ?

L’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger la rétention administrative.

Cet article stipule que, à titre exceptionnel, le juge peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L742-4, dans les cas suivants :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Comment la menace pour l’ordre public justifie-t-elle la prolongation de la rétention ?

La jurisprudence indique que la menace pour l’ordre public peut justifier la prolongation de la rétention administrative. Dans le cas présent, l’intéressé, M. [O] [A] [P], a été condamné à une peine d’emprisonnement pour des faits graves, ce qui constitue un élément significatif pour évaluer le risque qu’il représente.

L’article L742-5 mentionne que le juge peut être saisi en cas de menace pour l’ordre public. En l’espèce, il a été établi que l’intéressé n’avait pas d’attaches personnelles en France, qu’il n’avait pas de résidence stable et qu’il était connu sous divers alias.

De plus, sa condamnation à une peine complémentaire d’interdiction définitive du territoire français renforce l’argument selon lequel il représente une menace pour l’ordre public.

Ainsi, la décision de prolonger la rétention est justifiée par la nécessité de protéger l’ordre public, compte tenu des antécédents judiciaires de l’intéressé et de son comportement.

Quelles sont les implications de la décision de prolongation de la rétention administrative ?

La décision de prolongation de la rétention administrative a plusieurs implications pour l’intéressé. Tout d’abord, elle prolonge la période durant laquelle M. [O] [A] [P] peut être maintenu en rétention, ce qui limite sa liberté de mouvement et son accès à des recours juridiques.

Selon l’article L742-5, si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Cela signifie que l’intéressé sera maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué sur la situation, ce qui peut engendrer un sentiment d’incertitude et d’angoisse.

De plus, la notification de l’ordonnance informe l’intéressé de ses droits, notamment la possibilité de faire appel de la décision dans les vingt-quatre heures suivant son prononcé.

Il est également précisé que durant la période de rétention, l’intéressé peut contacter son avocat, rencontrer un médecin et s’alimenter, ce qui est essentiel pour garantir ses droits fondamentaux pendant cette période de privation de liberté.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
___________________

Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire

NOTE D’AUDIENCE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Audience publique

DATE D’AUDIENCE : 30 Décembre 2024

DOSSIER : N° RG 24/02768 – N° Portalis DBZS-W-B7I-ZDFA – M. LE PREFET DE L’OISE / M.

MAGISTRAT : Juliette BEUSCHAERT
GREFFIER : Virginie DECROUILLE

DEMANDEUR :
M. LE PREFET DE L’OISE
Représenté par M. [R] [N]

DEFENDEUR :
M. [O] [A] [P]
Assisté de Maître Jean Pierre GLINKOWSKI avocat commis d’office,
En présence de M [M] [X] interprète en langue arabe ,
__________________________________________________________________________

DÉROULEMENT DES DÉBATS

L’intéressé déclare : monsieur nous donne son identité.

Le juge explique l’objet de l’audience de ce jour et reprend la procédure.

Le représentant de l’administration, entendu en ses observations ;
OQTF prononcée en complément d’une peine pénale.
Les autorités consulaires ont été saisies.
On va me soulever l’absence de perspective d’éloignement à bref délai mais je maintiens mon moyen autonome des menaces à l’ordre public. Condamnation le 18.05.21

L’avocat soulève le moyen suivant : absence de perspective d’éloignement à bref délai. Quid de sa nationalité, égyptien ou libyen.
Il déjà fait deux mois de rétention.
In ne sait pas s’il a déjà été entendu par les autorités, on se ne sait pas s’il va pouvoir partir rapidement. Demande de rejeter la demande

Le représentant de l’administration répond à l’avocat ;

L’intéressé entendu en dernier déclare : je veux une dernière chance et je veux quitter la France.

DÉCISION

Sur la demande de maintien en rétention :
o RECEVABLE o IRRECEVABLE
o 2nde PROROGATION EXCEPTIONNELLE o REJET o ASSIGNATION A RÉSID.

Le greffier Le magistrat délégué

Virginie DECROUILLE Juliette BEUSCHAERT

COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
──────────
Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire
────

Dossier n° N° RG 24/02768 – N° Portalis DBZS-W-B7I-ZDFA

ORDONNANCE STATUANT SUR LA SECONDE PROROGATION EXCEPTIONNELLE D’UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Nous, Juliette BEUSCHAERT, magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire de LILLE, assisté de Virginie DECROUILLE, greffier ;

Vu les dispositions des articles suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :
– L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20
– L. 741-1, L.741-4, L.741-5, L.741-7, L.744-1, L.751-9, L.751-10
– L. 743-14, L.743-15, L.743-17
– L. 743-19, L. 743-25
– R. 741-3
– R.742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 30/10/2024 par M. LE PREFET DE L’OISE;

Vu l’ordonnance de prorogation rendue par le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire de LILLE en date du 03/11/2024 et prononçant la prorogation de la rétention pour une durée de vingt-six jours;

Vu l’ordonnance de première prorogation exceptionnelle rendue par le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judicaire de LILLE en date du 30/11/2024 et prononçant une prorogation exceptionnelle de trente jours;

Vu la seconde requête en prorogation exceptionnelle de l’autorité administrative en date du 29/12/2024 reçue et enregistrée le 29/12/2024 11H14 (cf. Timbre du greffe) tendant à la prorogation de la rétention de M. [O] [A] [P] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de quinze jours ;

Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;

PARTIES

AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION

M. LE PREFET DE L’OISE
préalablement avisé, représenté par Monsieur [R] [N], représentant de l’administration

PERSONNE RETENUE
M. [O] [A] [P]
né le 06 Avril 1996 à [Localité 3] (LYBIE)
de nationalité Libyenne
actuellement maintenu en rétention administrative
préalablement avisé et présent à l’audience,
assisté de Maître Jean Pierre GLINKOWSKI, avocat choisi,
en présence de M [M] [X], interprète en langue arabe,

LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE, préalablement avisé n’est pas présent à l’audience.

DÉROULEMENT DES DÉBATS

A l’audience publique, le magistrat délégué a procédé au rappel de l’identité des parties ;

Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;

L’intéressé a été entendu en ses explications ;

Le représentant du préfet a été entendu en ses observations ;

L’avocat a été entendu en sa plaidoirie ;

Le représentant du préfet ayant répondu à l’avocat ;

L’étranger ayant eu la parole en dernier ;

EXPOSE DU LITIGE

Par décision en date du 30 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [O] [A] [P] alias [S] [V] [W] [U] né le 6 avril 1996 à [Localité 3] en Libye alias [S] [V] [T], en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Par décision en date du 3 novembre 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille a ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-six jours.
Le 5 novembre 2024, la Cour d’appel de DOUAI a confirmé l’ordonnance.

Par décision en date du 30 novembre 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille a ordonné la prolongation de la rétention administrative de l’intéressé pour une durée maximale trente jours.

Par requête en date du 29 décembre 2024, reçue au greffe le même jour à 11h14, l’autorité administrative a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée supplémentaire de quinze jours.

L’administration maintient sa demande à l’audience en se prévalant de la peine complémentaire d’interdiction du territoire prononcée en 2021 ; des diligences effectuées; de l’absence de réponse à ces demandes ; et sur l’absence de perspective de délai, du fait qu’elle se prévaut du trouble à l’ordre publicque représente l’intéressé du fait de sa condamnation.

Le conseil de l’intéressé sollicite le rejet de la prolongation de la rétention sur l’absence de perspective d’éloignement à bref délai, soulignant le doute existant quant à son origine libyenne ou égyptienne.

MOTIFS DE LA DÉCISION

PROLONGATION DE LA RÉTENTION

L’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose :
“A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.”

Il résulte de ce texte que la prolongation de la mesure peut être prononcée à titre exceptionnel pour 15 jours en raison de l’absence de délivrance des documents de voyage s’il est établi que cette délivrance doit intervenir à bref délai, mais également en cas de menace pour l’ordre public ; qu’en l’espèce, l’intéressé est sans attache personnelle en France, sans résidence stable et connu sous divers alias et notamment [W] [U] [Y], lequel a été condamné le 10 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Pontoise à la peine de deux ans d’emprisonnement avec maintien en détention, pour des faits de vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d’habitation aggravé par une autre circonstance et vol en réunion, outre la peine complémentaire d’interdiction définitive du territoire français ; qu’il est ainsi suffisamment justifié de la menace pour l’ordre public que représente l’intéressé.

En conséquence, la demande de l’administration qui justifie par ailleurs de ses démarches est justifiée et il convient d’y faire droit.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

DÉCLARONS recevable la requête en prorogation exceptionnelle de la rétention administrative ;

ORDONNONS LA SECONDE PROROGATION EXCEPTIONNELLE DE LA RETENTION de M. [O] [A] [P] pour une durée de quinze jours à compter du 29/12/2024 à 19h00 ;

Fait à LILLE, le 30 Décembre 2024

Notifié ce jour à h mn

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES

DOSSIER : N° RG 24/02768 – N° Portalis DBZS-W-B7I-ZDFA –
M. LE PREFET DE L’OISE / M. [O] [A] [P]
DATE DE L’ORDONNANCE : 30 Décembre 2024

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance aux parties, qui en émargeant ci-après, attestent en avoir reçu copie et les avisons de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; les informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 2]; leur indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.

Information est donnée à M. [O] [A] [P] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence. Durant cette période, l’intéressé peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

Traduction orale faite par l’interprète.

LE REPRESENTANT DU PREFET L’INTERESSE
par e mail Par visio conférence

L’INTERPRETE LE GREFFIER

L’AVOCAT
par e mail

______________________________________________________________________________

RÉCÉPISSÉ

M. [O] [A] [P]

retenu au Centre de Rétention de [Localité 1]

reconnait avoir reçu notification de ladite ordonnance en date du 30 Décembre 2024

date de remise de l’ordonnance :
le :

signature de l’intéressé


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