Prolongation de la rétention administrative : enjeux de légalité et d’ordre public.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de légalité et d’ordre public.

L’Essentiel : M. X, alias [B] [X], a été placé en rétention administrative. Lors de l’audience, ses droits ont été rappelés, avec la présence de deux avocats. Le conseil de M. X a soulevé une irrecevabilité liée à un arrêté de 2018, mais le tribunal a jugé que le registre mentionnait déjà le report d’audition. Le juge a ensuite confirmé la légalité de la rétention, soulignant que M. X avait été informé de ses droits. En raison de 23 signalements et d’une condamnation pour proxénétisme aggravé, la prolongation de sa rétention a été accordée pour quinze jours supplémentaires.

Contexte de la rétention

La personne retenue, M. X se disant [G] [P] alias [B] [X], a été placée en rétention administrative. Lors de l’audience publique, ses droits ont été rappelés conformément au Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Deux avocats ont été présents : Me Bogos BOGHOSSIAN, désigné d’office pour assister M. X, et Me Nicolas RANNOU, représentant le Préfet de la Seine-Saint-Denis.

Irrecevabilité de la requête

Le conseil de M. X a soulevé un moyen d’irrecevabilité basé sur un arrêté du 6 mars 2018, arguant que le registre des auditions ne contenait pas suffisamment d’informations concernant un report d’audition. Cependant, le tribunal a jugé que l’arrêté ne visait pas à définir les mentions du registre, mais à garantir le droit de rectification des données. Le registre mentionnait déjà le report, rendant ainsi le moyen irrecevable.

Prolongation de la rétention

Le juge a examiné la légalité de la rétention, notant que la procédure était régulière. Selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers, aucune irrégularité antérieure ne pouvait être soulevée lors de cette audience. M. X avait été informé de ses droits et avait eu l’opportunité de les faire valoir depuis son placement.

Conditions de la prolongation

Le juge a précisé que la prolongation de la rétention pouvait être demandée en cas de menace pour l’ordre public. M. X avait fait l’objet de 23 signalements et avait été condamné à trois ans d’emprisonnement pour proxénétisme aggravé, ce qui a été considéré comme une menace pour l’ordre public. La gravité et l’actualité de cette menace justifiaient la demande de prolongation.

Décision finale

Le tribunal a décidé d’accueillir la requête préfectorale pour une quatrième prolongation de la rétention de M. X pour une durée de quinze jours, à compter du 20 novembre 2024. La décision a été prononcée publiquement au palais de justice du Mesnil-Amelot, et des informations sur les voies de recours ont été fournies à la personne retenue.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de recevabilité d’une demande de prolongation de rétention administrative ?

La recevabilité d’une demande de prolongation de rétention administrative est régie par l’article L. 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule que, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la quatrième prolongation.

Ainsi, pour qu’une demande de prolongation soit recevable, il est impératif que toutes les irrégularités aient été soulevées lors des audiences précédentes.

De plus, l’article L. 742-5 précise que le magistrat peut être saisi pour une quatrième prolongation de quinze jours de la rétention dans des cas spécifiques, tels que l’obstruction à l’exécution de la mesure d’éloignement ou des demandes d’asile présentées dans le but de faire échec à cette mesure.

Il est donc essentiel que la demande de prolongation soit fondée sur des éléments concrets et que les conditions énoncées par la loi soient respectées pour garantir sa recevabilité.

Quels sont les droits de la personne retenue en matière de rétention administrative ?

La personne retenue bénéficie de plusieurs droits, conformément aux dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Pendant toute la durée de sa rétention, elle a le droit de demander l’assistance d’un interprète, d’un avocat, ainsi que d’un médecin.

Elle peut également communiquer avec son consulat ou toute personne de son choix. Ces droits sont essentiels pour garantir que la personne retenue puisse exercer ses droits de manière effective et avoir accès à une assistance juridique.

En outre, le retenu a le droit de contacter des organisations et instances nationales, internationales ou non gouvernementales compétentes pour visiter les lieux de rétention. Cela inclut des organismes tels que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et le Défenseur des droits.

Ces droits visent à assurer que la personne retenue soit informée de sa situation et puisse bénéficier d’un soutien adéquat tout au long de la procédure de rétention.

Comment est appréciée la menace à l’ordre public dans le cadre d’une prolongation de rétention ?

L’appréciation de la menace à l’ordre public dans le cadre d’une prolongation de rétention est une question complexe qui doit être examinée in concreto. Selon la jurisprudence, notamment les décisions du Conseil d’État, la menace doit être évaluée en tenant compte de la réalité des faits allégués, de leur gravité, de leur récurrence ou de leur réitération, ainsi que de l’actualité de la menace que constitue le comportement personnel de l’étranger.

Il est important de noter que la commission d’une infraction pénale, à elle seule, ne suffit pas à établir que le comportement de l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public.

L’article L. 742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise que le juge peut être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public, mais les conditions ne sont pas cumulatives.

Ainsi, l’administration doit fournir des éléments concrets et probants pour justifier la prolongation de la rétention sur la base d’une menace à l’ordre public, en tenant compte des risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière pourrait faire peser sur celui-ci.

Annexe TJ Meaux – (rétentions administratives)
N° RG 24/03042 Page
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX
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CONTENTIEUX DE LA RETENTION ADMINISTRATIVE
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Annexe du palais de Justice de Meaux – [Adresse 12]

Ordonnance statuant sur la quatrième prolongation
d’une mesure de rétention administrative

Ordonnance du 21 Novembre 2024
Dossier N° RG 24/03042

Nous, Virginie BARRAUD, magistrat du siège au tribunal judiciaire de Meaux, assisté de Romane HUAN, greffier ;

Vu les articles L 742-2, L 742-5, R 741-1, R 741-2, R 742-1 à R 743-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le jugement rendu le 24 juin 2020 par la 7e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Lille prononçant à l’encontre de M. X se disant [G] [P] alias [B] [X] une interdiction du territoire français pour une durée de définitive, à titre de peine complémentaire ;

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 06 septembre 2024 par le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS à l’encontre de M. X se disant [G] [P] alias [B] [X], notifiée à l’intéressé le 06 septembre 2024 à 11h10 ;

Vu l’ordonnance rendue le 06 novembre 2024 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux prolongeant la rétention administrative de M. X se disant [G] [P] alias [B] [X] pour une durée de quinze jours à compter du 05 novembre 2024 ;

Vu la requête du PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS datée du 20 novembre 2024, reçue et enregistrée le 20 novembre 2024 à 08h56 au greffe du tribunal, tendant à la quatrième prolongation pour une durée de quinze jours supplémentaires, à compter du 20 novembre 2024, la rétention administrative de :

Monsieur X se disant [G] [P] alias [B] [X], né le 17 Décembre 2000 à [Localité 18] (MAROC), de nationalité Marocaine

Vu l’extrait individualisé du registre prévu par l’article L. 744-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

En l’absence du procureur de la République régulièrement avisé par le greffier, dès réception de la requête, de la date, de l’heure, du lieu et de l’objet de la présente audience ;

Après avoir, en audience publique, rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, puis entendu en leurs observations, moyens et arguments :
– Me Bogos BOGHOSSIAN, avocat de permanence au barreau de Meaux désigné d’office à la demande de la personne retenue pour l’assister ;
– Me Nicolas RANNOU (cabinet CENTAURE), avocat représentant le PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ;
– M. X se disant [G] [P] alias [B] [X];

Annexe TJ Meaux – (rétentions administratives)
N° RG 24/03042 Page

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE MOYEN D’IRRECEVABILITE

Attendu que se fondant sur un arrêté du 6 mars 2018 relatif à l’application au logiciel LOGICRA des dispositions relatives à la loi informatique et liberté et en particulier au droit d’accès et de rectification sur les données personnelles, le conseil du retenu soutient que les mention du registre produit aux débats ne seraient pas suffisante en ce que s’agissant de l’audition consulaire du 16 octobre 2024, le motif de report ne serait pas précisé ; que cette imprécision rendrait registre non conforme et la requête irrecevable pour défaut de pièce justificative utile ;

Mais attendu que l’arrêté visé par le conseil du retenu n’a pas pour objet de fixer les mentions qui doivent figurer au registre mais d’assurer le droit de rectification aux données saisies dans le logiciel LOGICRA ; qu’il fait référence expressément à la loi informatique et liberté dont il précise l’application ; qu’il ne saurait dès lors être tiré un quelconque argument de ce texte réglementaire ; qu’en toute hypothèse le registre est renseigné sur le sort réservé à la tentative d’audition du 16 octobre puisque la mention “report” y a été portée ; que dans ces conditions le moyen ne sera pas accueilli ;

SUR LA DEMANDE DE PROLONGATION

Attendu qu’indépendamment de tout recours contre la décision de placement, le juge doit se prononcer en tant que gardien de la liberté individuelle sur la légalité de la rétention;

Attendu qu’après examen des éléments du dossier tels que complétés ou éclairés à l’audience contradictoirement, la procédure contrôlée est recevable et régulière ;

Attendu que selon l’article L. 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à l’audience relative à la première prolongation de la rétention ne peut être soulevée lors de l’audience relative à la quatrième prolongation ;

Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces jointes à la requête et des mentions figurant au registre prévu à l’article L. 744-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la personne retenue, pleinement informée de ses droits lors la notification de son placement, n’a cessé d’être placée en état de les faire valoir depuis de son arrivée au lieu de rétention ;

Attendu qu’en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, c’est au juge administratif qu’il revient d’apprécier la légalité et l’opportunité, ou la nécessité, pour l’administration d’éloigner de France un étranger et de le placer à cette fin en rétention, y compris lorsque celui-ci invoque une situation personnelle ou familiale présentée comme incompatible avec son départ en regard de dispositions légales ou conventionnelles ;

Attendu que le conseil du retenu soutient que les conditions de la quatrième prolongation ne sont pas réunies et notamment que le refus d’audition n’est pas intervenu dans les 15 derniers jours ;

Attendu qu’aux termes de l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le magistrat du siège peut à titre exceptionnel être à nouveau saisi pour une quatrième prolongation de quinze jours de la rétention lorsque dans les quinze derniers jours, l’étranger, soit a fait obstruction à l’exécution d’office de la mesure d’éloignement, soit a présenté dans le seul but de faire échec à la mesure d’éloignement, une demande d’asile, ou une demande visant à voir constater que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité et qu’il ne pourra bénéficier de soins appropriés dans son pays de renvoi, ou encore si la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai ; le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

Attendu que ces conditions ne sont pas cumulatives ;

Attendu que s’agissant de la menace à l’ordre public invoquée par l’administration pour fonder sa demande en quatrième prolongation exceptionnelle, cette qualification doit faire l’objet d’une appréciation in concreto tirée d’un ensemble d’éléments faisant ressortir la réalité des faits allégués, leur gravité, leur récurrence ou leur réitération ainsi que l’actualité de la menace que constitue le comportement personnel de l’étranger pour l’ordre public ;

Attendu que si la commission d’une infraction pénale n’est pas de nature à elle seule à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public (CE 16 mars 2005 n° 269313, CE 12 février 2014 n° 365644) et que l’appréciation de la menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE 7 mai 2015 n° 389959), il résulte en l’espèce des pièces de la procédure que M. X se disant [G] [P] alias [B] [X] a fait l’objet de 23 signalements et a fait l’objet d’une condamnation à 3 ans d’emprisonnement par le tribunal correctionnel de DOUAI le 24 juin 2024 pour des faits de proxénétisme aggravé sur victime mineur en récidive et proxénétisme aggravé sur pluralité de victimes et à une peine d’interdiction du territoire français pour une durée de 3 ans à titre de peine complémentaire ;

Qu’ainsi la réalité, la gravité et l’actualité de la menace que constitue le comportement personnel de l’étranger pour l’ordre public sont caractérisées et justifient que la requête préfectorale en quatrième prolongation de la rétention administrative soit accueillie ;

Qu’il convient de rappeler pour le surplus que les autorités consulaires algériennes ont été saisies concomitament au placement en rétention administrative, que l’intéressé a refusé à plusieurs reprises ses rendez-vous consulaires (02 et 6 novembre 2024) que depuis lors l’administration a sollicité une reconnaissance sur empreintes et par voie de dossier ;

Attendu que la quatrième prolongation de la rétention étant de nature à permettre l’exécution de la mesure d’éloignement, il convient, par conséquent, de faire droit à la requête et de prolonger la rétention de la personne retenue ;

PAR CES MOTIFS,

REJETONS les moyens ;

DÉCLARONS la requête recevable et la procédure régulière ;

ORDONNONS une quatrième prolongation de la rétention de M. X se disant [G] [P] alias [B] [X], au centre de rétention administrative n° 2 du [Localité 20] (77) ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de quinze jours à compter du 20 novembre 2024 ;

Prononcé publiquement au palais de justice du Mesnil-Amelot, le 21 Novembre 2024 à 12h15 .

Le greffier, Le juge,

qui ont signé l’original de l’ordonnance.

Pour information:

– La présente ordonnance est susceptible d’appel devant le premier président de la cour d’appel de Paris dans les 24 heures de sa notification. Le délai d’appel qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Le premier président est saisi par une déclaration écrite motivée, transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel de Paris (Service des étrangers – Pôle 1 Chambre 11), notamment par télécopie au [XXXXXXXX03] ou par courriel à l’adresse mail [Courriel 19] . Cet appel n’est pas suspensif. L’intéressé est maintenu à disposition de la justice jusqu’à l’audience qui se tiendra à la cour d’appel.
– Pendant toute la durée de sa rétention, le retenu peut demander l’assistance d’un interprète, d’un avocat ainsi que d’un médecin, et communiquer avec son consulat ou toute personne de votre choix.
– Le retenu bénéficie également du droit de contacter toute organisation et instance nationale, internationale ou non gouvernementale compétente pour visiter les lieux de rétention, notamment :
• le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ([Adresse 13] ; www.cglpl.fr ; tél. : [XXXXXXXX05] ; fax : [XXXXXXXX02]) ;
• le Défenseur des droits ([Adresse 16] ; tél. : [XXXXXXXX08]) ;
• France Terre d’Asile ([Adresse 14] ; tél. : [XXXXXXXX04]) ;
• Forum Réfugiés Cosi ([Adresse 15] ; tél. : [XXXXXXXX07]) ;
• Médecins sans frontières – MSF ([Adresse 17] ; tél. : [XXXXXXXX01]).
– La CIMADE, association indépendante de l’administration présente dans chacun des centres de rétention du Mesnil-Amelot (Tél. CIMADE CRA2 : [XXXXXXXX010] / [XXXXXXXX011] – Tél. CIMADE CRA 3 : [XXXXXXXX09] / [XXXXXXXX06]), est à la disposition des retenus, sans formalité, pour les aider dans l’exercice effectif de leurs droits, aux heures d’accueil précisées par le règlement intérieur.
– Chaque retenu est en droit de demander, à tout moment, qu’il soit mis fin à sa rétention par simple requête, motivée et signée, adressée au magistrat du siège par tout moyen, accompagnée de toutes les pièces justificatives.

Reçu, le 21 novembre 2024, dans une langue comprise, notification orale des motifs et du dispositif de la présente ordonnance, avec remise d’une copie intégrale, information des voies de recours et de leurs incidences, ainsi que rappel des droits pouvant être exercés pendant le maintien en rétention.
La personne retenue,

Reçu copie intégrale de la présente ordonnance le 21 novembre 2024.
L’avocat du PRÉFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS,

Reçu copie intégrale de la présente ordonnance le 21 novembre 2024.
L’avocat de la personne retenue,


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