Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’éloignement et des diligences préfectorales.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’éloignement et des diligences préfectorales.

L’Essentiel : Le 30 novembre 2024, M. le Préfet de la Haute Savoie a ordonné le placement de M. [K] [C] [T] en rétention administrative, en raison de son obligation de quitter le territoire français. Cette décision a été confirmée par le juge des libertés le 4 décembre, qui a prolongé la rétention de 26 jours. M. [K] [C] [T] a interjeté appel, arguant l’absence de perspectives d’éloignement, en raison du silence des autorités cubaines. Lors de l’audience du 1er janvier 2025, le tribunal a jugé l’appel recevable, mais a finalement confirmé la prolongation de la rétention pour 30 jours supplémentaires.

Placement en rétention

Le 30 novembre 2024, M. le Préfet de la Haute Savoie a ordonné le placement de M. [K] [C] [T] en rétention administrative, en raison de son obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire. Cette décision a été notifiée le même jour et a été assortie d’une interdiction de retour pendant cinq ans.

Prolongation de la rétention

Le 4 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lyon a confirmé la décision de placement en rétention et a ordonné une prolongation de 26 jours. Par la suite, le Préfet a demandé une nouvelle prolongation de la rétention pour une durée de 30 jours, ce qui a été accordé par le juge le 30 décembre 2024.

Appel de M. [K] [C] [T]

M. [K] [C] [T] a interjeté appel de l’ordonnance du 30 décembre 2024, demandant sa remise en liberté. Il a fait valoir l’absence de perspectives raisonnables d’éloignement, citant le silence des autorités cubaines concernant les demandes de laisser-passer, qui perdurait depuis plus de quatre mois.

Audience et plaidoirie

Lors de l’audience du 1er janvier 2025, M. [K] [C] [T] n’a pas comparu, mais son avocat a soutenu la requête d’appel, arguant que l’absence de perspectives d’éloignement rendait le placement en rétention injustifié. Le Préfet a, quant à lui, défendu la prolongation en soulignant l’absence de documents d’identité valides de M. [K] [C] [T] et le comportement de ce dernier, considéré comme une menace à l’ordre public.

Recevabilité de l’appel

L’appel a été jugé recevable, car la date et l’heure de notification de l’ordonnance attaquée n’étaient pas claires, ce qui n’avait pas permis le début du délai d’appel. La déclaration d’appel a été considérée comme motivée et conforme aux exigences légales.

Motivation de la décision

Le juge a rappelé que la rétention ne peut être maintenue que tant qu’il existe des perspectives d’éloignement. Bien que M. [K] [C] [T] ait déjà été retenu sans réponse des autorités cubaines, cet élément isolé n’était pas suffisant pour présumer d’une nouvelle absence de retour des autorités consulaires. Les diligences du Préfet, incluant des demandes de laisser-passer, ont été jugées suffisantes pour justifier la prolongation de la rétention.

Confirmation de la décision

En conclusion, le tribunal a confirmé l’ordonnance du 30 décembre 2024, ordonnant la prolongation de la rétention de M. [K] [C] [T] pour une durée supplémentaire de 30 jours, sans qu’il soit nécessaire d’examiner d’autres critères.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale du placement en rétention administrative d’un étranger ?

Le placement en rétention administrative d’un étranger est régi par l’article L.741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule :

« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet. »

Cet article souligne que la rétention ne doit pas être une mesure punitive, mais doit être justifiée par la nécessité d’organiser le départ de l’étranger.

Il est donc impératif que l’administration prouve qu’elle a mis en œuvre toutes les diligences nécessaires pour faciliter l’éloignement de l’étranger.

En l’espèce, le juge a constaté que les diligences préfectorales avaient été effectuées, ce qui a permis de justifier le placement en rétention de M. [K] [C] [T].

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative ?

Les conditions de prolongation de la rétention administrative sont définies par l’article L.742-4 du CESEDA, qui dispose :

« Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L.742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport. »

Dans le cas de M. [K] [C] [T], le juge a retenu que la prolongation était justifiée par le défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat cubain, ce qui répond aux critères de l’article L.742-4.

Comment évaluer l’absence de perspective d’éloignement dans le cadre de la rétention ?

L’évaluation de l’absence de perspective d’éloignement doit se faire en tenant compte des éléments de preuve fournis par l’administration.

Dans le cas présent, M. [K] [C] [T] a fait valoir qu’il n’y avait pas de réponse des autorités cubaines à ses demandes de laisser-passer, ce qui pourrait indiquer une absence de perspective d’éloignement.

Cependant, le juge a considéré que cet indice, bien qu’important, était isolé et insuffisant pour conclure à une absence totale de perspective d’éloignement.

Il a également noté que l’échec d’une précédente tentative d’éloignement pouvait résulter de circonstances conjoncturelles, et non d’une impossibilité systématique.

Ainsi, même si l’absence de réponse des autorités cubaines était préoccupante, elle ne suffisait pas à justifier la remise en liberté de M. [K] [C] [T].

Quelles sont les implications de l’absence de réponse des autorités consulaires sur la rétention ?

L’absence de réponse des autorités consulaires peut avoir des implications significatives sur la rétention d’un étranger.

Selon l’article L.742-4, la prolongation de la rétention peut être justifiée si la décision d’éloignement n’a pas pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat.

Dans le cas de M. [K] [C] [T], le juge a constaté que les diligences préfectorales avaient été effectuées, notamment une demande de laisser-passer consulaire et une relance, ce qui a permis de justifier la prolongation de la rétention.

Il est donc essentiel que l’administration démontre qu’elle a agi de manière proactive pour obtenir les documents nécessaires à l’éloignement, même en cas de silence des autorités consulaires.

Cela souligne l’importance de la coopération entre l’administration et les consulats pour faciliter les procédures d’éloignement.

N° RG 24/09941 – N° Portalis DBVX-V-B7I-QC6A

Nom du ressortissant :

[K] [C] [T]

[C] [T]

C/M. LE PREFET DE HAUTE SAVOIE

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 01 JANVIER 2025

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Véronique DRAHI, conseillère à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 16 décembre 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Ynes LAATER, greffière,

En l’absence du ministère public,

En audience publique du 01 Janvier 2025 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [K] [C] [T]

né le 26 Décembre 1997 à [Localité 4] (CUBA)

de nationalité Cubaine

Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [3]

Absent et représenté par Maître Cécile LEBEAUX, avocate au barreau de LYON, commise d’office

ET

INTIME :

M. LE PREFET DE HAUTE SAVOIE

[Adresse 2]

[Localité 1] (HAUTE-SAVOIE)

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Geoffroy GOIRAND, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l’affaire en délibéré au 01 Janvier 2025 à 13 heures et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 30 novembre 2024, M. le Préfet de la Haute Savoie a ordonné le placement de M. [K] [C] [T] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire afin de permettre l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et assortie d’une interdiction de retour pendant cinq ans prise et notifiée le même jour.

Suivant ordonnance du 4 décembre 2024, confirmée en appel le 9 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lyon a déclaré régulière la décision de placement en rétention de M. [K] [C] [T] et ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de 26 jours.

Suivant requête du 27 décembre 2024, enregistrée le 29 décembre 2014 à 15 heures, M. le Préfet de la Haute Savoie a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation de la rétention pour une durée de trente jours.

Dans son ordonnance du 30 décembre 2024 à 15 heures 30, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à cette requête. Il a retenu en substance’:

– que la réalité des diligences préfectorales auprès des autorités consulaires cubaines n’est pas contestée et que ce n’est qu’à raison d’un défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat que la décision d’éloignement n’a pas pu être exécutée’;

– qu’à ce stade de la procédure, l’absence d’aboutissement d’une précédente procédure de placement en rétention n’est pas susceptible de faire obstacle aux critères prévus par l’article L742-4 dès lors qu’elle ne présume pas d’une nouvelle absence de retour des autorités consulaires cubaines durant la nouvelle prolongation.

Par déclaration reçue au greffe le 31 décembre 2024 à 12 heures 09, M. [K] [C] [T] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l’infirmation, outre sa remise en liberté. Il fait valoir l’absence de perspective raisonnable d’éloignement du fait du silence absolu des autorités cubaines en réponse aux demandes de laisser passer, ce silence pouvant être apprécié sur déjà plus de quatre mois dès lors que, lors de son précédent placement au centre de rétention pendant 90 jours, les mêmes éléments d’informations avaient été transmis au consulat cubain, sans réponse de ce consulat.

Les parties ont régulièrement été convoquées à l’audience du 1er janvier 2025 à 10 heures 30.

A l’audience, M. [K] [C] [T] n’a pas comparu suite à un refus de sa part acté par un procès-verbal dressé par les services de police en résidence au centre de rétention et il a été représenté par son avocat.

Le conseil de M. [K] [C] [T] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d’appel, soulignant qu’en l’absence de perspectives d’éloignement, le placement au centre de rétention, ainsi que les diligences dont justifie l’administration, n’auraient pas de sens.

M. le Préfet de la Haute Savoie, représentée par son conseil, demande la confirmation de l’ordonnance déférée. Il se défend de ne pas avoir effectué suffisamment de diligences pour organiser l’éloignement du retenu, rappelant que celui-ci ne dispose d’aucun garantie de représentation, étant dépourvu de document d’identité et de voyage en cours de validité. Il rappelle ses demande et relance adressées au consulat cubain. Concernant l’absence de perspective raisonnable d’éloignement, il fait valoir que l’absence de réponse des autorités cubaines ne présume pas de l’absence de reconnaissance. Il estime que, même successives pour une même personne, deux mesures de placement au centre de rétention sont indépendantes l’une de l’autre et que ses diligences dans le cadre de la mesure en cours sont suffisantes à justifier la prolongation de la mesure. En tout état de cause, il souligne que le comportement du retenu constitue une menace à l’ordre public compte tenu de ses nombreuses et récentes condamnations.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l’appel’:

La date et l’heure auxquelles M. [K] [C] [T] s’est vu notifier l’ordonnance attaquée ne résultent pas du dossier de sorte que le délai d’appel n’a pas couru. La déclaration d’appel est motivée.

Dès lors, l’appel du retenu a été formé conformément aux prévisions des articles R.743-10 et R.743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et il convient de déclarer cet appel recevable.

Sur le bien fondé de l’appel’:

L’article L.741-3 du CESEDA rappelle qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Ce texte, autonome et de portée générale, s’applique à tous les stades de la rétention administrative et il en résulte que le placement et le maintien en rétention implique l’existence de perspectives de reconduite dans les délais de la rétention.

L’article L.742-4 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024, dispose’:

«’Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L.742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L.742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.’».

En l’espèce, M. [K] [C] [T] expose, sans être démenti, qu’il a fait l’objet d’un précédent placement au centre de rétention du 22 août 2024 au 22 novembre 2024, sans que les autorités cubaines n’aient apporté aucune réponse aux demandes de laisser-passer consulaire le concernant sur la base des mêmes éléments transmis par l’administration. L’existence de cette précédente mesure de rétention concernant M. [K] [C] [T], désormais retenu depuis le 30 novembre 2024, sans réponse des autorités consulaires pendant 90 jours, constitue assurément un indice objectif, s’agissant d’un fait avéré, et personnalisé, s’agissant d’une mesure concernant directement le retenu, d’absence de perspective d’éloignement.

Néanmoins, cet indice est en l’espèce isolé et il est dès lors insuffisant dans la mesure notamment où l’échec d’une précédente tentative d’éloignement peut parfaitement résulter de circonstance conjoncturelle.

Dès lors, si les perspectives d’éloignement doivent exister indépendamment des critères posés à l’article L.742-4, l’absence d’aboutissement de la précédente procédure de placement en rétention dont a fait l’objet M. [K] [C] [T] pour organiser son éloignement est insuffisante à faire présumer d’une nouvelle absence de retour des autorités consulaires cubaines durant la seconde prolongation sollicitée par M. le prfet de la Haute Savoie.

Les diligences de ce dernier, qui justifie d’une demande de laisser-passer consulaire adressée aux autorités cubaines le 2 décembre 2024, et d’une relance le 20 décembre 2024, établissent que la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage. Il est ainsi établi que les conditions de la deuxième prolongation prévues à l’article L.742-4 sont réunies.

Dès lors et sans qu’il soit besoin d’examiner le critère du trouble à l’ordre public, la décision attaquée, qui a ordonné la prolongation de la rétention de M. [K] [C] [T] pour une durée de 30 jours supplémentaires, est confirmée.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l’appel formé par M. [K] [C] [T],

Confirmons l’ordonnance du 30 décembre 2024 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Ynes LAATER Véronique DRAHI


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