Prolongation de la rétention administrative : enjeux de diligence et de régularité des procédures.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de diligence et de régularité des procédures.

L’Essentiel : M. [U] [F] [T], de nationalité nigériane, a été placé en rétention administrative le 5 décembre 2024 pour exécuter une décision d’éloignement. Le 7 décembre, le tribunal judiciaire de Lille a validé ce placement, prolongeant la rétention de 26 jours. Un recours a été jugé irrecevable par la cour d’appel de Douai. Le 4 janvier 2024, une seconde prolongation de 30 jours a été ordonnée. M. [U] a fait appel, arguant d’un défaut de diligence pour son éloignement. La cour a confirmé la prolongation, justifiant que l’administration avait entrepris les démarches nécessaires pour obtenir un laissez-passer consulaire.

Placement en rétention administrative

M. [U] [F] [T], de nationalité nigériane, a été placé en rétention administrative par le préfet du Nord le 5 décembre 2024 pour exécuter une décision d’éloignement.

Prolongation de la rétention

Le 7 décembre 2024, le tribunal judiciaire de Lille a validé ce placement et a ordonné une prolongation de 26 jours. Un recours contre cette décision a été jugé irrecevable par la cour d’appel de Douai le 9 décembre 2024.

Nouvelle demande de prolongation

Le 4 janvier 2024, le magistrat a ordonné une seconde prolongation de la rétention pour 30 jours. M. [U] [F] [T] a fait appel le 5 janvier 2024, demandant l’infirmation de cette ordonnance et la levée de sa rétention.

Arguments de l’appelant

L’appelant a soutenu qu’il y avait un défaut de diligence pour organiser son éloignement, ce qui aurait prolongé indûment sa rétention.

Analyse du moyen en appel

La cour a examiné le moyen tiré du défaut de diligences, en se référant à l’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers. Elle a précisé qu’il n’y avait pas d’obligation de « bref délai » pour lever les obstacles à l’éloignement.

Justification de la prolongation

La cour a constaté que l’administration avait effectué les démarches nécessaires pour obtenir un laissez-passer consulaire, document essentiel pour l’éloignement. En l’absence de ce document, la prolongation de la rétention a été jugée justifiée.

Décision de la cour

La cour a déclaré l’appel recevable et a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention. Elle a également ordonné la communication de cette décision au ministère public et aux parties concernées.

Notification de l’ordonnance

L’ordonnance a été notifiée à M. [U] [F] [T] et à son avocat le 6 janvier 2025, avec des copies envoyées aux autres parties impliquées dans l’affaire.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le cadre juridique de la rétention administrative selon l’article L. 742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?

L’article L. 742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de trente jours.

Cet article énonce que :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours.

La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de diligence pour organiser l’éloignement ?

L’administration doit effectuer toutes les diligences nécessaires à l’exécution de la mesure d’éloignement. Cela inclut notamment la demande de documents de voyage, tels que le laissez-passer consulaire, qui est indispensable pour procéder à l’éloignement.

Il est important de noter que le préfet, qui n’a aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, n’est pas tenu de relancer ces autorités si elles ont déjà été sollicitées.

La jurisprudence a établi que l’absence de délivrance d’un laissez-passer consulaire, document essentiel dans ce contexte, justifie la prolongation de la rétention administrative.

Ainsi, tant que l’administration a agi promptement et a fait preuve de diligence, la prolongation de la rétention peut être considérée comme justifiée, conformément à l’article L. 742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Quels sont les recours possibles contre une décision de prolongation de rétention administrative ?

Les recours possibles contre une décision de prolongation de rétention administrative sont encadrés par les articles 612 et suivants du Code de procédure civile ainsi que par l’article R. 743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’ordonnance de prolongation n’est pas susceptible d’opposition, mais le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention, ainsi qu’au ministère public.

Le délai pour former un pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de la décision.

Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Ces dispositions garantissent un cadre juridique pour contester les décisions de rétention administrative, tout en respectant les délais et les procédures établies.

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 25/00027 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6MX

N° de Minute :

Ordonnance du lundi 06 janvier 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [U] [F] [T]

né le 01 Mars 1989 à [Localité 1] (NIGERIA)

de nationalité Nigériane

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne

assisté de Me Anne sophie AUDEGOND-PRUD’HOMME, avocat au barreau de DOUAI, Avocat (e) commis (e) d’office

INTIMÉ

M.LE PREFET DU NORD

dûment avisé, absent non représenté

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la Cour d’Appel de Douai : non comparant

MAGISTRATE DELEGUÉE : Danielle THEBAUD, conseillère à la Cour d’Appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière

DÉBATS : à l’audience publique du lundi 06 janvier 2025 à 13 h 30

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le lundi 06 janvier 2025 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;

Vu l’ordonnance du juge du tribunal judiciaire de LILLE en date du 04 janvier 2025 à 15 h 30prolongeant la rétention administrative de M. [U] [F] [T] ;

Vu l’appel interjeté par M. [U] [F] [T] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 05 janvier 2025 à 15 h 50 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;

Vu l’audition des parties, les moyens de la déclaration d’appel et les débats de l’audience ;

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [F] [T], né le 1er mars 1989 à [Localité 1] (Nigéria), de nationalité négeriane a fait l’objet d’un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du Nord le 5 décembre 2024 à 14h00 pour l’exécution d’un éloignement.

Par décision en date du 7 décembre 2024 le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Lille a constaté la régularité du placement en rétention administrative et ordonné sa prolongation pour une durée de 26 jours, décision ayant fait l’objet d’un recours jugé irrecevable par la cour d’appel de Douai le 9 décembre 2024.

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

Vu l’ordonnance du magistrat du siège de tribunal judiciaire de Lille en date du 4 janvier 2024 à 15h30, ordonnant la seconde prolongation du placement en rétention administrative de l’appelant pour une durée de 30 jours,

Vu la déclaration d’appel de M. [U] [F] [T] du 5 janvier 2024 à 15h50 sollicitant l’infirmation de l’ordonnance dont appel et la main-levée du placement en rétention administrative.

Au soutien de sa déclaration d’appel l’appelant soutient le moyen en appel suivant :

– Défaut de diligence utiles pour organiser l’éloignement et réduire la durée de la rétention

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le moyen tiré du défaut de diligences pour organiser l’éloignement

L’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que : « Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours. »

Il convient de rappeler que lorsque la procédure se situe dans le cadre de l’article L.742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité et concerne une demande de seconde prolongation du placement en rétention administrative, il n’existe aucune obligation de « bref délai » concernant la levée des obstacles.

Ainsi, il suffit qu’il ait été décidé par la première décision judiciaire de prolongation de la rétention administrative, que l’administration avait effectué toutes les diligences nécessaires à l’exécution de la mesure d’éloignement, et qu’il soit démontré que ces diligences n’avaient pas encore reçu satisfaction de la part des autorités étrangères requises, et ce sans faute ou négligence de la part de l’état requérant, pour que l’autorité judiciaire autorise la seconde prolongation du placement en rétention administrative.

Il est constant que lorsque l’administration préfectorale a effectué promptement les diligences nécessaires pour obtenir la réadmission de l’étranger dans le pays objet du titre d’éloignement, notamment en sollicitant un laissez-passer consulaire, le préfet, qui n’a aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, n’a pas d’obligation de relancer les autorités étrangères déjà requises.

(Cour de cass 1ère civ 09.06.2010 n° 09-12.165 & 30.01.2019 n° 18-11.806)

Sur ce point et en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la juridiction d’appel estime que c’est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qu’il convient d’adopter au visa de l’article 955 du code de procédure civile que le premier juge a répondu à ce moyen et l’a rejeté.

En tout état de cause l’autorité préfectorale fonde sa requête sur l’article L. 742-4 3° a) relevant l’absence de délivrance d’un laissez-passer consulaire, document indispensable en l’espèce, l’intéressé étant démuni de tout document d’identité ou de voyage, de sorte que cette condition étant réalisée en l’espèce, en l’attente d’une réponse à ces diligences, utiles et suffisantes en l’espèce, la prolongation du placement en rétention administrative de l’intéressé est justifiée au regard de l’article L742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Conformément au droit communautaire, aucun moyen soulevé par les parties ou susceptible d’être relevé d’office ne paraît contraire à la prolongation de la rétention administrative.

Pour le surplus, la cour considère que c’est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l’article 955 du code de procédure civile, que le premier juge et a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS l’appel recevable ;

CONFIRMONS l’ordonnance entreprise.

DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l’appelant, à son conseil et à l’autorité administrative ;

LAISSONS les dépens à la charge de l’Etat.

Véronique THÉRY,

greffière

Danielle THEBAUD, conseillère

N° RG 25/00027 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6MX

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE DU 06 Janvier 2025 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le lundi 06 janvier 2025 :

– M. [U] [F] [T]

– l’interprète

– l’avocat de M. [U] [F] [T]

– l’avocat de M.LE PREFET DU NORD

– décision notifiée à M. [U] [F] [T] le lundi 06 janvier 2025

– décision transmise par courriel pour notification à M.LE PREFET DU NORD et à Maître Anne sophie AUDEGOND-PRUD’HOMME le lundi 06 janvier 2025

– décision communiquée au tribunal administratif de Lille

– décision communiquée à M. le procureur général :

– copie au juge du tribunal judiciaire de LILLE

Le greffier, le lundi 06 janvier 2025

N° RG 25/00027 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6MX


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