L’Essentiel : M. [O] [F], ressortissant tunisien, a été soumis à un arrêté d’obligation de quitter le territoire français le 17 mai 2024 et placé en rétention administrative le 20 novembre 2024. Après plusieurs prolongations validées par le tribunal, le juge a ordonné sa remise en liberté le 20 janvier 2025, rejetant la demande du préfet qui le considérait comme une menace pour l’ordre public. Le tribunal a conclu qu’aucune preuve de culpabilité n’avait été établie et que M. [O] [F] n’avait pas fait obstruction à son éloignement, confirmant ainsi l’ordonnance de remise en liberté.
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Identité et situation de M. [O] [F]M. [O] [F] est un ressortissant tunisien qui a été soumis à un arrêté d’obligation de quitter le territoire français le 17 mai 2024. Il a été placé en rétention administrative le 20 novembre 2024, à l’issue d’une garde à vue. Prolongations de la rétention administrativeLa prolongation de sa rétention a été validée par le juge du tribunal judiciaire de Rouen le 24 novembre 2024, puis confirmée par un magistrat délégué le 26 novembre 2024. Une seconde prolongation a été accordée le 21 décembre 2024, également confirmée par le magistrat délégué le 24 décembre 2024. Décision de remise en libertéLe 20 janvier 2025, le juge a rejeté la demande du préfet de la Sarthe pour une troisième prolongation de la rétention et a ordonné la remise en liberté de M. [O] [F]. Cette décision a été contestée par le préfet. Arguments du préfetLe préfet a soutenu que M. [O] [F] représentait une menace pour l’ordre public en raison de faits de violences sur concubin, bien qu’il n’ait jamais été condamné. Il a également mentionné que le processus d’identification par les autorités tunisiennes était en cours. Audience et conclusionsLors de l’audience, ni le préfet ni M. [O] [F] n’étaient présents, mais le conseil de M. [O] [F] a demandé la confirmation de l’ordonnance. Le parquet général a également déclaré s’en rapporter à la décision. Recevabilité de l’appelL’appel du préfet a été jugé recevable par le tribunal, qui a examiné les conditions de prolongation de la rétention administrative selon l’article L.742-5 du CESEDA. Analyse des motifs de prolongationLe tribunal a constaté qu’il n’y avait pas de preuves que M. [O] [F] ait fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement ou qu’il ait demandé une protection contre l’éloignement. De plus, il n’était pas établi que les documents de voyage pouvaient être délivrés rapidement. Menace pour l’ordre publicConcernant la menace pour l’ordre public, bien que M. [O] [F] ait été placé en garde à vue pour des violences intra-familiales, il n’a pas été condamné et aucune preuve de sa culpabilité n’a été fournie. Le tribunal a donc conclu que la menace n’était pas caractérisée. Confirmation de l’ordonnanceEn conséquence, le tribunal a confirmé l’ordonnance de remise en liberté de M. [O] [F], déclarant qu’il n’y avait pas lieu de prononcer d’autres mesures. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la recevabilité de l’appel interjeté par le Préfet de la Sarthe ?L’appel interjeté par le Préfet de la Sarthe à l’encontre de l’ordonnance rendue le 20 janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est déclaré recevable. Cette recevabilité est fondée sur le principe général du droit d’appel, qui permet à une partie de contester une décision rendue par une juridiction inférieure. En vertu de l’article 500 du Code de procédure civile, « toute décision rendue en premier ressort peut faire l’objet d’un appel, sauf disposition contraire ». Dans le cas présent, aucune disposition ne s’oppose à l’appel du Préfet, ce qui justifie la décision de recevabilité. Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le CESEDA ?L’article L.742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) précise les conditions dans lesquelles un magistrat peut être saisi pour prolonger la rétention administrative au-delà de la durée maximale. Cet article stipule que : « À titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement; 2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement : a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3; b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3; 3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. » Il est important de noter que le juge peut prolonger la rétention jusqu’à ce qu’il ait statué, et si la prolongation est ordonnée, elle court pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours. Comment la menace pour l’ordre public est-elle appréciée dans le cadre de la rétention administrative ?La menace pour l’ordre public est un critère essentiel pour justifier la prolongation de la rétention administrative, comme le souligne l’article L.742-5 du CESEDA. Dans le cas de M. [O] [F], il a été soutenu qu’il représentait une menace pour l’ordre public en raison de son interpellation pour des faits de violences intra-familiales. Cependant, le tribunal a relevé que les suites de cette interpellation n’étaient pas connues et qu’il n’existait pas d’extrait de casier judiciaire à son encontre. Ainsi, en l’absence de condamnation, la menace pour l’ordre public n’était pas caractérisée. Le tribunal a donc conclu que, sans éléments probants établissant la culpabilité de M. [O] [F], la prolongation de sa rétention ne pouvait être justifiée sur ce fondement. Quelles sont les conséquences de la décision de rejet de la prolongation de la rétention ?La décision de rejet de la prolongation de la rétention administrative a pour conséquence immédiate l’ordonnance de remise en liberté de M. [O] [F]. Conformément à l’article L.742-5 du CESEDA, si le juge ordonne la remise en liberté, cela signifie que les conditions de maintien en rétention ne sont pas remplies. Le tribunal a confirmé que, en l’absence de faits justifiant une prolongation, il n’y avait pas lieu de prononcer l’une quelconque des mesures prévues par le CESEDA. Ainsi, la décision du tribunal judiciaire de Rouen a été confirmée, et M. [O] [F] a été libéré, ce qui souligne l’importance de la protection des droits des étrangers dans le cadre des procédures de rétention administrative. |
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 22 JANVIER 2025
Nous, Brigitte HOUZET, Conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Mme VESPIER, Greffière lors des débats et de Mme DEMANNEVILLE, greffière lors du délibéré ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu l’arrêté du Préfet de la Sarthe en date du 17 mai 2024 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [O] [F] né le 08 Janvier 1988 à [Localité 2] (TUNISIE) de nationalité Tunisienne ;
Vu l’arrêté du Préfet de la Sarthe en date du 20 novembre 2024 de placement en rétention administrative de Monsieur [O] [F] ;
Vu la requête du Préfet de la Sarthe tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de quinze jours jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise à l’égard de Monsieur [O] [F] ;
Vu l’ordonnance rendue le 20 Janvier 2025 à 14h00 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen, disant n’y avoir lieu de prononcer l’une quelconque des mesures prévues par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et ordonnant la remise en liberté de Monsieur [O] [F] ;
Vu l’appel interjeté par le Préfet de la Sarthe, parvenu par mail au greffe de la cour d’appel de Rouen le 21 janvier 2025 à 11h43 ;
Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :
– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],
– à l’intéressé,
– au Préfet de la Sarthe,
– à Me Nejla BERRADIA, avocat au barreau de ROUEN, choisie en vertu de son droit de suite,
– à Mme [B] [E], interprète en langue arabe ;
Vu l’avis au ministère public ;
Vu les débats en audience publique, en l’absence du Préfet de la Sarthe ; de Monsieur [O] [F] et du ministère public ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Le conseil de l’appelant ayant été entendu ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
M. [O] [F] déclare être ressortissant tunisien.
Il a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français le 17 mai 2024.
Il a été placé en rétention administrative le 20 novembre 2024, à l’issue d’une mesure de garde à vue.
La prolongation de sa rétention administrative a été autorisée par ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Rouen du 24 novembre 2024, décision confirmée par le magistrat délégué par la première présidente de la cour d’appel de Rouen pour la suppléer le 26 novembre 2024.
Une seconde prolongation de sa rétention administrative a été autorisée par ordonnance du juge du tribunal judiciaire de Rouen du 21 décembre 2024, décision confirmée par le magistrat délégué par la première présidente de la cour d’appel de Rouen pour la suppléer le 24 décembre 2024.
Par ordonnance du 20 janvier 2025, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a rejeté la requête du préfet de la Sarthe aux fins d’autorisation d’une troisième prolongation de la rétention administrative de M. [O] [F] et ordonné la remise en liberté de ce dernier.
Le préfet de la Sarthe a interjeté appel de cette décision.
Au soutien de son appel, il fait valoir que M. [O] [F] , s’il n’a jamais été condamné, a été mis en cause pour des faits constitutifs de violences sur concubin et représente une menace pour l’ordre public, ce qui fonde son placement en rétention. Le préfet soutient également que le dossier étant en cours d’identification par les autorités tunisiennes et la nationalité de l’intéressé étant certaine, il n’est pas établi que le laissez-passer ne puisse être délivré à bref délai.
A l’audience, le préfet de la Sarthe n’a pas comparu.
M. [O] [F] n’a pas comparu. Son conseil a conclu à la confirmation de l’ordonnance.
Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par avis écrit du 21 janvier 2025, a déclaré s’en rapporter.
Sur la recevabilité de l’appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par Préfet de la Sarthe à l’encontre de l’ordonnance rendue le 20 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.
sur le fond
Sur la troisième prolongation’:
L’article L.742-5 du CESEDA, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2024, dispose que’:
«’A titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement:
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.’».
Ce texte n’exige pas que la circonstance prévue par le septième alinéa corresponde à des faits commis dans les quinze jours de la rétention, la menace à l’ordre public pouvant être révélée par des éléments antérieurs.
Ainsi que l’a justement relevé le premier juge, il n’apparaît pas démontré que M. [O] [F] ait fait, dans les quinze jours précédant la requête du préfet, obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ; il n’a pas présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement, une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3. Il n’est pas davantage établi que les documents de voyage puissent être délivrés à bref délai, le processus d’identification étant toujours en cours.
S’agissant de la menace pour l’ordre public, il est soutenu que M. [O] [F] a été interpellé puis placé en garde à vue pour des faits de violences intra-familiales.
Néanmoins, les suites données à cette mesure de garde à vue par le ministère public ne sont pas connues et il est constant que M. [O] [F] n’a pas été condamné.
Ainsi que l’a justement relevé le premier juge, il n’est pas versé au dossier d’extrait de casier judiciaire de l’intéressé. Par suite, en l’absence de toute certitude sur la culpabilité de l’intéressé, la menace que M. [O] [F] représenterait pour l’ordre public n’apparaît pas caractérisée.
Le moyen sera donc rejeté.
En conséquence, l’ordonnance entreprise sera confirmée.
Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l’appel interjeté par Préfet de la Sarthe à l’encontre de l’ordonnance rendue le 20 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen, disant n’y avoir lieu de prononcer l’une quelconque des mesures prévues par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et ordonnant la remise en liberté de Monsieur [O] [F];
Confirme l’ordonnance susvisée en toutes ses dispositions
Fait à Rouen, le 22 Janvier 2025 à xxxxxxxxxxxx.
LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
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