Prolongation de la rétention administrative : conditions et limites.

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Prolongation de la rétention administrative : conditions et limites.

L’Essentiel : M. [M] [R] [E], né le 30 septembre 1989 en Centrafrique, est retenu au centre de rétention de Mesnil Amelot 3. Il a interjeté appel après le rejet de sa demande de mise en liberté par le tribunal judiciaire de Meaux. Placé en rétention administrative en raison d’un arrêté d’expulsion, il a demandé la levée de cette mesure, arguant du non-examen de son recours dans le délai imparti. La cour a confirmé le rejet de sa demande, soulignant l’absence de sanction pour le non-respect du délai de 96 heures et l’absence de perspective sérieuse d’éloignement.

Identité de l’Appelant

M. [M] [R] [E], né le 30 septembre 1989 à [Localité 1] en Centrafrique, est retenu au centre de rétention de Mesnil Amelot 3. Il est assisté par Me Jean Ngafaounain, avocat au barreau de Versailles, qui plaide par visioconférence lors de l’audience de la Cour d’appel de Paris.

Parties en Présence

L’intimé dans cette affaire est le Préfet du Val d’Oise, représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza de la selarl Actis avocats, également présent par visioconférence. Le ministère public a été informé de la date et de l’heure de l’audience.

Ordonnance et Appel

L’ordonnance a été prononcée en audience publique et est contradictoire. Le 09 janvier 2025, le tribunal judiciaire de Meaux a rejeté la demande de mise en liberté de M. [M] [R] [E]. Ce dernier a interjeté appel le 10 janvier 2025, réitérant sa demande à plusieurs reprises.

Contexte de la Rétention

M. [M] [R] [E] a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral en date du 13 décembre 2024, en raison d’un arrêté d’expulsion. Cette mesure a été prolongée le 18 décembre 2024 par le magistrat en charge du contrôle des mesures restrictives.

Demande de Levée de la Rétention

Le 08 janvier 2025, M. [M] [R] [E] a demandé la levée immédiate de la mesure de rétention, arguant que le tribunal administratif n’avait pas examiné son recours contre l’éloignement dans le délai de 96 heures. Sa requête a été rejetée par ordonnance du 09 janvier 2025.

Arguments de la Cour

La cour a examiné l’absence de réponse des juridictions administratives et a noté qu’aucune sanction n’est attachée au non-respect du délai de 96 heures, sauf si l’administration omet d’informer le tribunal d’un changement de situation. Elle a également souligné que le juge ne peut se substituer à l’administration dans la recherche de solutions pour l’éloignement.

Diligences de l’Administration

L’administration a justifié avoir saisi les autorités consulaires dès le placement en rétention. Après 30 jours de rétention, la cour a conclu qu’il n’existait pas de perspective sérieuse d’éloignement, malgré la saisine effective des autorités consulaires.

Décision Finale

En conséquence, la cour a confirmé l’ordonnance de rejet de la demande de mise en liberté de M. [M] [R] [E]. L’ordonnance sera notifiée à l’intéressé avec traduction orale, et une expédition de la décision sera remise au procureur général. Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la légalité de la rétention administrative de M. [M] [R] [E] ?

La rétention administrative de M. [M] [R] [E] a été décidée sur la base d’un arrêté préfectoral d’expulsion en date du 13 décembre 2024.

Selon l’article L. 551-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :

« La rétention administrative d’un étranger peut être ordonnée par le préfet lorsque cet étranger fait l’objet d’une mesure d’éloignement. »

Il est donc légal de placer un étranger en rétention administrative lorsqu’il est sous le coup d’une mesure d’éloignement.

En l’espèce, M. [M] [R] [E] a été placé en rétention conformément à cette disposition légale.

De plus, l’article L. 741-3 du même code précise que :

« Le juge des libertés et de la détention vérifie que la rétention ne dépasse pas le temps strictement nécessaire à l’éloignement. »

Ainsi, la légalité de la rétention dépend de la durée et des conditions de son maintien, qui doivent être justifiées par l’administration.

Quelles sont les conséquences du non-respect du délai de 96 heures pour l’examen du recours ?

L’article L. 512-1 du CESEDA stipule que :

« Le tribunal administratif doit statuer dans un délai de 96 heures à compter de la notification de la décision de rétention. »

Cependant, la jurisprudence a établi qu’aucune sanction n’est attachée au non-respect de ce délai.

La cour a précisé que :

« Ce n’est que si l’administration omet d’informer le tribunal administratif d’un changement de situation de l’étranger que le juge judiciaire peut considérer qu’il y a un défaut de diligence. »

Dans le cas de M. [M] [R] [E], le tribunal a rejeté son recours en raison de l’absence de sanction pour le non-respect du délai de 96 heures.

Ainsi, même si le délai n’est pas respecté, cela ne conduit pas automatiquement à la levée de la mesure de rétention.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de rétention ?

L’article L. 741-3 du CESEDA impose à l’administration de :

« Rechercher concrètement les diligences accomplies pour que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. »

Cela signifie que l’administration doit agir rapidement et efficacement pour organiser l’éloignement de l’étranger.

Cependant, la cour a souligné que le juge ne peut pas se substituer à l’administration dans ses démarches, notamment vis-à-vis des autorités consulaires.

L’article L. 742-4 précise également que :

« Le juge peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de trente jours dans certains cas. »

En l’espèce, l’administration a justifié avoir saisi les autorités consulaires dès le placement en rétention, ce qui montre qu’elle a respecté ses obligations.

Quelles sont les voies de recours possibles contre l’ordonnance de maintien en rétention ?

L’ordonnance de maintien en rétention n’est pas susceptible d’opposition, mais le pourvoi en cassation est ouvert.

Selon l’article 1er de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000, le pourvoi en cassation peut être formé par :

« L’étranger, l’autorité administrative ayant prononcé la rétention, et le ministère public. »

Le délai pour former ce pourvoi est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance.

Le pourvoi doit être effectué par déclaration écrite remise au greffe de la Cour de cassation par un avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

Ainsi, M. [M] [R] [E] a la possibilité de contester la décision par cette voie, dans le respect des délais impartis.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 13 JANVIER 2025

(1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/00170 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTDH

Décision déférée : ordonnance rendue le 09 janvier 2025, à 17h40, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Roxanne Therasse, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANT :

M. [M] [R] [E]

né le 30 septembre 1989 à [Localité 1], de nationalité centrafricaine

RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot 3

assisté de Me Jean Ngafaounain, avocat au barreau de Versailles, présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris, plaidant par visioconférence

INTIMÉ :

LE PREFET DU VAL D’OISE

représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza de la selarl Actis avocats, avocats au barreau de Val-de-Marne présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris, plaidant par visioconférence

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience

ORDONNANCE :

– contradictoire

– prononcée en audience publique

– Vu l’ordonnance du 09 janvier 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux rejetant la dmeande de mise en liberté présentée par M. [M] [R] [E] ;

– Vu l’appel motivé interjeté le 10 janvier 2025 , à 17h07 réitéré à 17h51 et 17h52 , par M. [M] [R] [E] ;

– Vu les pièces versées par le conseil de M. [E] le 13 janvier 2025 à 10h00 ;

– Après avoir entendu les observations :

– par visioconférence, de M. [M] [R] [E], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil du préfet du Val-d’Oise tendant à la confirmation de l’ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [M] [R] [E], né le 30 septembre 1989 à [Localité 1] (Centrafrique) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 13 décembre 2024, sur la base d’arrêté préfectoral d’expulsion du même jour.

La mesure a été prolongée par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Meaux le 18 décembre 2024.

Le 08 janvier 2025, Monsieur [M] [R] [E] a saisi le juge aux fins de levée immédiate de la mesure au motif que le tribunal administratif n’a pas examiné son recours contre la mesure d’éloignement dans le délai de 96 heures.

La requête de Monsieur [M] [R] [E] a été rejetée par ordonnance du 09 janvier 2025.

Monsieur [M] [R] [E] a interjeté appel.

Réponse de la cour :

Sur l’absence de réponse des juridictions administratives

En cours d’instance, l’étranger ayant formé un recours à l’encontre de la mesure d’éloignement est placé en rétention administrative, le tribunal administratif statue dans un délai de 96 heures à compter de la date à laquelle cette décision lui est notifiée par l’autorité administrative.

Toutefois, comme l’a justement retenu le premier juge, il n’est attaché aucune sanction au non-respect de ce délai, et ce n’est que dans l’hypothèse où l’administration omet d’aviser le tribunal administratif du changement de situation de l’étranger le privant ainsi d’un examen rapide de son recours, que le juge judiciaire peut retenir un défaut de diligences faisant grief et conduisant à une levée de la mesure de rétention.

Dès lors, il convient de rejeter ce moyen.

Sur les diligences de l’administration

S’il appartient au juge des libertés et de la détention, en application de l’article L. 741-3 du même code, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour, en revanche le juge ne saurait se substituer à l’administration française, ni a fortiori aux autorités consulaires sur lesquelles elle ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165, Bull. 2010, I, n° 129), sauf à imposer à l’administration la réalisation d’acte sans véritable effectivité.

En vertu de l’article L.742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile « Le juge peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours. »

En l’espèce, l’administration justifie avoir saisi les autorités consulaires dès le placement en rétention et ne peut se voir reprocher, à ce stade, une absence de réponse de celles-ci, sur lesquelles elle ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte. Au regard des éléments du dossier, il ne peut être affirmé, après 30 jours de rétention, et en présence d’une saisine effective des autorités consulaires, qu’il n’existe aucune perspective sérieuse d’éloignement.

En conséquence, la décision sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l’ordonnance

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l’intéressé par l’intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction orale du dispositif de l’ordonnance dans la langue comprise par l’intéressé ),

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 13 janvier 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’avocat de l’intéressé


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