Prolongation de la rétention administrative : évaluation des garanties et des risques pour l’ordre public.

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Prolongation de la rétention administrative : évaluation des garanties et des risques pour l’ordre public.

L’Essentiel : Un étranger, de nationalité algérienne, a fait l’objet d’un arrêté d’obligation de quitter le territoire français émis par le préfet le 16 avril 2024. Un arrêté de placement en rétention a été pris à son encontre le 7 janvier 2025. Le juge des libertés et de la détention a prolongé cette rétention pour vingt-six jours, décision confirmée en appel. Lors de l’audience, l’étranger a fait valoir des garanties de représentation en France, tandis que le représentant de la préfecture a soutenu la demande de prolongation. Le juge a finalement ordonné la prolongation de la rétention pour trente jours supplémentaires.

Rappel des faits et de la procédure

Un étranger, de nationalité algérienne, a fait l’objet d’un arrêté d’obligation de quitter le territoire français émis par le préfet d’une localité française le 16 avril 2024. Par la suite, un arrêté de placement en rétention a été pris à son encontre le 7 janvier 2025, notifié lors de sa levée d’écrou. Le juge des libertés et de la détention a prolongé cette rétention pour une durée de vingt-six jours, décision confirmée en appel. Le 5 février 2025, le préfet a demandé une nouvelle prolongation de la rétention pour une durée de trente jours.

Arguments des parties

Lors de l’audience du 6 février 2025, l’étranger a fait valoir qu’il disposait de garanties de représentation en France, notamment par le biais de sa mère, de nationalité française. Il a exprimé son malaise face à la mesure de rétention. Le représentant de la préfecture a soutenu la demande de prolongation, tandis que le conseil de l’étranger a soulevé l’irrecevabilité de la requête pour défaut de pièces justificatives, arguant de l’absence de perspectives d’éloignement et de l’absence de menace pour l’ordre public.

Recevabilité de la requête

Le juge a examiné la recevabilité de la requête de prolongation de la rétention. Selon le code de l’entrée et du séjour des étrangers, la requête doit être accompagnée de pièces justificatives. Le conseil de l’étranger a contesté l’absence d’un avis au juge d’application des peines et d’une décision de remise en liberté d’une précédente procédure. Toutefois, le juge a considéré que les pièces nécessaires à l’appréciation de la situation étaient présentes, déclarant ainsi la requête recevable.

Prolongation de la rétention

Le juge a ensuite examiné les motifs de la prolongation de la rétention. La demande était fondée sur le défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat algérien et sur une menace pour l’ordre public. L’étranger avait un passé judiciaire chargé, avec plusieurs condamnations, dont des peines d’emprisonnement pour des actes violents. Le juge a noté que les démarches administratives pour obtenir les documents de voyage étaient suffisantes et que le retard dans le processus d’éloignement était imputable à l’étranger.

Décision finale

En conséquence, le juge a ordonné la prolongation de la rétention de l’étranger pour une durée de trente jours, à compter de l’expiration de la précédente période de rétention. La décision a été rendue publique et est susceptible d’appel dans un délai de 24 heures.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de la requête aux fins de prolongation de la rétention

La question de la recevabilité de la requête aux fins de prolongation de la rétention administrative est soulevée en vertu de l’article R.743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que, à peine d’irrecevabilité, la requête doit être motivée, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.

Le conseil de l’étranger soutient que la requête est irrecevable en raison de l’absence d’un avis au juge d’application des peines et de la décision de remise en liberté d’une précédente procédure de rétention.

Cependant, il est important de noter que les pièces justificatives utiles sont celles qui permettent au juge d’apprécier les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir. Les décisions de mise à exécution des mesures d’éloignement sont indépendantes, et les pièces relatives à une précédente mesure ne peuvent pas être considérées comme nécessaires pour la recevabilité de la requête actuelle.

Ainsi, la requête est déclarée recevable.

Sur la prolongation de la rétention

La prolongation de la rétention est régie par l’article L.741-3 du CESEDA, qui stipule qu’un étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit faire preuve de diligence à cet égard.

L’article L. 742-4 du CESEDA précise que le magistrat peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de trente jours dans certains cas, notamment en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Dans le cas présent, la demande de prolongation repose sur deux fondements : le défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat et la menace pour l’ordre public.

Le juge doit apprécier si la mesure de rétention est justifiée par des perspectives raisonnables d’éloignement. Les diligences de l’administration doivent être suffisantes. Dans cette affaire, les autorités consulaires algériennes ont été saisies, et bien que la réponse soit en attente, les démarches entreprises sont jugées suffisantes.

Concernant la menace pour l’ordre public, le bulletin numéro 2 de l’étranger révèle plusieurs condamnations, attestant d’un comportement délinquant. La préfecture a fourni des éléments concrets pour justifier la prolongation de la rétention, notamment des condamnations pour des faits graves.

En conséquence, la requête de prolongation de la rétention est acceptée pour une durée de trente jours, conformément aux dispositions légales.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE

Vice-président

ORDONNANCE PRISE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CODE D’ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ETRANGERS
(demande de 2ème prolongation)
_______________________________________________________________________________________
N° de MINUTE N° RG 25/00316 – N° Portalis DBX4-W-B7J-TYHB

Le 06 Février 2025

Nous, Matthieu COLOMAR,vice-président désigné par le président du tribunal judiciaire de TOULOUSE, assisté de Marine GUILLOU, greffier ;

Statuant en audience publique ;

Vu les articles L742-1 à L742-3, L742-4, R743-1 à R743-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu notre saisine par requête de M. LE PREFET DE [Localité 2] reçue le 05 Février 2025 à 10 heures 35, concernant Monsieur [R] [V] né le 02 Mai 1991 à [Localité 3] (ALGERIE) de nationalité Algérienne

Vu la précédente ordonnance du Vice-président du Tribunal judiciaire territorialement compétent en date du 12 janvier 2025 ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé confirmée par la décision de la cour d’appel de TOULOUSE en date du 14 janvier 2025 ;
Vu l’ensemble des pièces de la procédure ;
Monsieur le Préfet sus-désigné ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Le conseil de l’intéressé ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Attendu que l’intéressé et son conseil ont pu prendre connaissance de la requête et de ses pièces annexes ;

************

Ouï les observations du représentant de la Préfecture qui a sollicité la prolongation de la mesure de rétention administrative ;

Ouï les observations de l’intéressé ;

Ouï les observations de Me Majouba SAIHI, avocat au barreau de TOULOUSE ;

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RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Monsieur [R] [V], né le 2 mai 1991 à [Localité 3] (Algérie), de nationalité algérienne, a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français pris le 16 avril 2024 par le préfet de [Localité 2].

Par arrêté du 7 janvier 2025, le préfet de [Localité 2] a pris à son encontre un arrêté de placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, qui lui a été notifié à sa levée d’écrou.

Par ordonnance du 12 janvier 2025 à 18h08, le juge des libertés et de la détention de Toulouse a ordonné la prolongation de la rétention de [R] [V] pour une durée de vingt-six jours, décision confirmée en appel par ordonnance du 14 janvier 2025 à 11h00.

Par requête du 5 février 2025, reçue au greffe le même jour à 10h35, le préfet de [Localité 2] a demandé la prolongation de la rétention de [R] [V] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de trente jours (deuxième prolongation).

A l’audience du 6 février 2025, [R] [V] indique disposer de garanties de représentation en France, précisant que sa mère et française, et ajoute vivre très mal la mesure de rétention administrative prise à son endroit.

Le représentant de la préfecture, entendu, soutient la demande de prolongation du préfet de [Localité 2].

Le conseil de [R] [V] soulève l’irrecevabilité de la requête de la préfecture de [Localité 2], pour défaut de pièces utiles, en l’absence de communication d’un avis au juge d’application des peines et de transmission de la décision de remise en liberté d’avril 2024 intervenue das le cadre d’une précédente procédure de rétention administrative de son client. Au fond, il argue de l’absence de perspectives d’éloignement vers l’Algérie, et de l’absence de menace pour l’ordre public que représente son client.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I. Sur la recevabilité de la requête aux fins de prolongation de la rétention

L’article R.743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose qu’à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2 de ce même code.

Le conseil de [R] [V] soutient que la requête aux fins de prolongation de la rétention est irrecevable en ce qu’elle n’est pas accompagnée d’un avis au juge d’application des peines et de transmission de la décision de remise en liberté d’avril 2024 intervenue das le cadre d’une précédente procédure de rétention administrative de son client.

Pour autant, doivent être considérées des pièces justificatives utiles, dont la production conditionne la recevabilité de la requête, les pièces qui sont nécessaires à l’appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l’examen lui permet d’exercer son plein pouvoir. La mesure qui fonde le placement en rétention, l’ensemble des pièces relatives à la procédure de garde-à-vue ou de la retenue ou encore l’arrêté de placement en rétention et sa notification peuvent recevoir un tel qualificatif.

Sur le première pièce dont l’absence est alléguée, à savoir un avis au juge d’application des peines, le conseil de l’étranger soutient que celui-ci doit être informé, en vertu de l’article 132-44 du code pénal, de tout déplacement à étranger à l’étranger dans le cadre d’un sursis probatoire. Pour autant, outre le fait que [R] [V] n’est matériellement pas à l’étranger et qu’en toute hypothèse, un éloignement contraint vers son pays d’origine ne saurait juridiquement être regardé comme une violation de ses obligations, un tel avis de l’administration vers le juge d’application des peines, qui n’a juridiquement aucun fondement, ne constitue en aucun cas un pièce utile nécessaire au juge pour assurer son plein office.
Quant à la production d’un arrêt du 19 avril 2024 intervenu dans le cadre d’une précédents procédure de rétention administrative, il convient de rappeler que, dans la mesure où les décisions de mise à exécution des mesures d’éloignement sont indépendantes entre elles, les pièces relatives à une précédente mesure d’exécution ne peuvent être analysées comme des pièces justificatives utiles au sens de l’article pré-cité.

La requête sera en conséquence déclarée recevable.

II. Sur la prolongation de la rétention

Aux termes de l’article L741-3 du CESEDA un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.

Aux termes de l’article L. 742-4 du CESEDA, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport.
L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Au cas présent, la demande de prolongation est fondée sur le 3° de l’article L. 742-4 du CESEDA, à savoir le défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, mais également la menace pour l’ordre public qu’il représente prévu au 1° de l’article précité.

Sur le premier fondement, il appartient au juge judiciaire d’apprécier concrètement au regard des données de chaque situation à la date où il statue, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement, étant précisé que ces perspectives doivent s’entendre comme celles qui peuvent être réalisées dans le délai maximal de rétention applicable à l’intéressé, soit 90 jours, la démonstration par l’administration d’un éloignement à bref délai n’étant exigée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention. Les diligences de l’administration doivent présenter un caractère suffisant.

En l’espèce, [R] [V], de nationalité algérienne, a été placé en rétention par décision du Préfet de [Localité 2] le 7 janvier 2025. Il ressort de la procédure que les autorités consulaires algériennes ont été saisies le 18 janvier 2024, lesquelles ont fixé au 8 janvier 2025 un rendez-vous consulaire pour audition de l’étranger, intervenu à la date prévue. Le 20 janvier 2025 a procédé à une relance des autorités algériennes, restée à ce stade sans réponse. Ces diligences apparaissent ainsi suffisantes dès lors qu’il n’apparaît pas pertinent de les multiplier davantage pour espérer obtenir une réponse de l’autorité consulaire algérienne, à laquelle il appartient souverainement de choisir d’y apporter une réponse, avec la célérité qu’elle entend. Par ailleurs, la circonstance que l’audition consulaire n’ait pu avoir lieu étant uniquement imputable à l’étranger, il ne saurait être fait grief à l’administration du retard dans le processus d’éloignement qui en est nécessairement découlé.

Sur le second fondement tiré du trouble pour l’ordre public, il convient de relever que contrairement à ce qui est allégué, la préfecture de Haute-Garonne a particulièrement étayé son argumentaire, le bulletin numéro 2 de l’intéressé comportant 15 condamnations, dont plusieurs à des peines conséquentes et notamment :
chambre des appels correctionnels de Toulouse : 17 mars 2010 : 2 années d’emprisonnement pour vol avec violence et recel de vol en récidive
chambre des appels correctionnels d’Agen : 24 février 2014 : 1 an d’emprisonnement pour vol aggravé par deux circonstances en récidive
tribunal correctionnel de Toulouse : 3 décembre 2015 : 4 années d’emprisonnement pour vol avec violences aggravé par une autre circonstance en récidive
tribunal correctionnel de Toulouse : 16 février 2021 : 1 an d’emprisonnement pour port d’arme de catégorie B et D.

Par ailleurs, la récente condamnation de l’intéressé, figurant sur sa fiche pénale, à la peine de 12 mois d’emprisonnement dont 4 mois assortis du sursis probatoire pendant 2 ans pour port d’arme de catégrie D, outrage et menaces de mort sur personne dépositaire de l’autorité publique atteste de l’absence de reclassement de l’étranger, et ce d’autant qu’il apparaît que si l’intéressé avait fait l’objet d’un aménagement ab initio de la partie ferme de sa peine sous le forme du bracelet électronique, il a été réincarcéré le 5 décembre 2024 par le juge d’application des peines en charge de son suivi, attestant de nécessaires manquements à la mesure alternative à l’incarcération dont il avait bénéficié.

Enfin, il n’existe aucun élément de nature à permettre d’affirmer avec certitude que les autorités consulaires algériennes vont répondre défavorablement et que l’éloignement de [R] [V] ne pourra avoir lieu avant que soit épuisé l’ensemble de la durée légale maximale de la rétention administrative.

Il sera en conséquence fait droit à la requête aux fins de prolongation de la rétention de [R] [V] pour une durée de 30 jours.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

DÉCLARONS recevable la requête en prolongation de la rétention ;

ORDONNONS la prolongation de la rétention de [R] [V] pour une durée de TRENTE JOURS à l’expiration du précédent délai de vingt-six jours imparti par l’ordonnance prise le 12 janvier 2025 par le magistrat du siège désigné par le président du tribunal judiciaire territorialement compétent.

Le greffier
Le 06 Février 2025 à

Le Vice-président

Les parties soussignées ont reçu notification de la présente décision.
Disons avoir informé l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.
Rappelons que cette décision est susceptible d’appel dans un délai de 24 heures à compter de son prononcé par déclaration motivée transmise par tous moyens au greffe de la Cour d’appel de Toulouse et de manière privilégiée sur la boîte structurelle [Courriel 1] en l’absence de télécopieur disponible.

signature de l’intéressé

Préfecture avisée par mail

avocat avisé par mail


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