L’Essentiel : M. [E] [T], de nationalité guinéenne, a été placé en rétention administrative le 5 novembre 2024, suite à une obligation de quitter le territoire français. Le tribunal judiciaire de Lille a validé cette mesure et a prolongé la rétention à plusieurs reprises, malgré un recours irrecevable de M. [E] [T]. Ce dernier a demandé une levée de sa rétention, arguant d’une absence de menace pour l’ordre public et d’un besoin d’examen médical, mais sa demande a été rejetée. Le tribunal a confirmé l’ordonnance initiale, considérant que son comportement constituait une menace en raison d’une procédure en cours.
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Placement en rétention administrativeM. [E] [T], de nationalité guinéenne, a été placé en rétention administrative le 5 novembre 2024 par le préfet du Nord, en raison d’une obligation de quitter le territoire français notifiée le 25 avril 2024. Décisions judiciairesLe 7 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Lille a validé le placement en rétention et a prolongé cette mesure de 26 jours. Un recours de M. [E] [T] contre cette décision a été déclaré irrecevable le 9 novembre 2024. Le 5 décembre 2024, une nouvelle prolongation de 30 jours a été ordonnée. Prolongation exceptionnelle de la rétentionLe 4 janvier 2025, une prolongation exceptionnelle de 15 jours a été ordonnée. M. [E] [T] a fait appel le 5 janvier 2025, demandant la levée de sa rétention, en arguant d’une absence de menace pour l’ordre public et d’un besoin d’examen médical. Motifs de la décisionLe tribunal a rappelé que pour une prolongation exceptionnelle, l’administration doit prouver une obstruction à l’éloignement. En l’espèce, l’administration n’a pas démontré de manque de diligence, mais le comportement de M. [E] [T] a été jugé constitutif d’une menace pour l’ordre public, en raison d’une procédure en cours pour agression sexuelle. Demande d’examen médicalLa demande d’examen médical de compatibilité avec la rétention a été rejetée, M. [E] [T] n’ayant pas fourni d’éléments médicaux récents. Un examen antérieur avait confirmé que son état de santé était compatible avec la rétention. Conclusion de l’ordonnanceL’appel a été déclaré recevable, mais la demande d’examen médical a été rejetée. L’ordonnance initiale a été confirmée, et les dépens ont été laissés à la charge de l’État. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la base légale pour la prolongation de la rétention administrative ?La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L 742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule que : « A titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ; 2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement : a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ; b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ; 3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. » Il est également précisé que le juge peut être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. La prolongation de la rétention ne peut excéder une durée maximale de quinze jours, et si des circonstances justifiant une nouvelle prolongation surviennent, celle-ci peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. Quelles sont les conditions pour justifier une prolongation exceptionnelle de la rétention ?Pour qu’une prolongation exceptionnelle de la rétention soit justifiée, l’administration doit prouver l’une des situations énoncées à l’article L 742-5. En particulier : – Si l’étranger a fait obstruction à l’éloignement, par exemple en présentant des demandes dilatoires d’asile ou en refusant d’embarquer, cela peut justifier la prolongation. – Si aucune obstruction n’est constatée, l’administration doit démontrer que les obstacles à l’éloignement peuvent être levés « à bref délai ». Il est important de noter que l’article ne requiert pas que les faits justifiant la prolongation soient survenus dans les quinze jours précédents la demande. Ainsi, l’obstruction peut être constituée par des actes matériels, comme le fait de donner une fausse identité pour éviter la délivrance d’un laissez-passer consulaire. Comment la menace pour l’ordre public est-elle évaluée dans le cadre de la rétention ?La menace pour l’ordre public est évaluée en fonction des comportements de l’individu et des faits qui lui sont reprochés. Dans le cas présent, il a été constaté que M. [E] [T] avait été interpellé pour des faits d’agression sexuelle, ce qui constitue un élément significatif. L’article L 742-5 précise que le juge peut être saisi en cas de menace pour l’ordre public. Dans cette affaire, les mentions au fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et l’interpellation pour agression sexuelle sont des éléments qui justifient la rétention. Il est donc établi que le comportement de l’intéressé constitue une menace pour l’ordre public, ce qui permet à l’administration de justifier la prolongation de la rétention. Quelles sont les implications d’une demande d’examen médical de compatibilité avec la rétention ?La demande d’examen médical de compatibilité avec la rétention est un droit pour l’étranger, mais elle doit être justifiée par des éléments médicaux récents. Dans le cas de M. [E] [T], il n’a pas produit de tels éléments. L’administration a déjà fait réaliser un examen médical, qui a conclu que son état de santé était compatible avec la rétention. L’absence de nouveaux éléments médicaux justifiant une nouvelle demande entraîne le rejet de celle-ci. Ainsi, la demande d’examen médical est rejetée, et l’ordonnance confirmée, car l’intéressé n’a pas démontré la nécessité d’un nouvel examen médical. Quelles sont les voies de recours possibles après l’ordonnance de prolongation de la rétention ?Après l’ordonnance de prolongation de la rétention, plusieurs voies de recours sont ouvertes. Selon les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : – L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, mais un pourvoi en cassation est possible. – Le pourvoi en cassation peut être exercé par l’étranger, l’autorité administrative ayant prononcé la rétention, ou le ministère public. – Le délai pour former un pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance. – Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au greffe de la Cour de cassation par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation. Ces dispositions garantissent le droit à un recours effectif contre les décisions de prolongation de la rétention administrative. |
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 25/00025 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6MT
N° de Minute : 32
Ordonnance du lundi 06 janvier 2025
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [E] [T]
né le 15 Janvier 2001 à [Localité 1] (GUINEE)
de nationalité Guinéenne
Actuelement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Anne Sophie AUDEGOND-PRUD’HOMME, avocat au barreau de DOUAI, Avocat (e) commis (e) d’office
INTIMÉ
M.LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la Cour d’Appel de Douai : non comparant
MAGISTRATE DELEGUÉE : Danielle THEBAUD, conseillère à la Cour d’Appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l’audience publique du lundi 06 janvier 2025 à 13 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le lundi 06 janvier 2025 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et spécialement les articles R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l’ordonnance du juge du tribunal judiciaire de LILLE en date du 04 janvier 2025 à 15 H 38 prolongeant la rétention administrative de M. [E] [T] ;
Vu l’appel interjeté par Maître ZAIRI venant au soutien des intérêts de M. [E] [T] par déclaration reçue au greffe de la cour d’appel de ce siège le 05 janvier 2025 à 16 H 23 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l’audition des parties, les moyens de la déclaration d’appel et les débats de l’audience ;
M. [E] [T], né le 15 janvier 2001 à [Localité 1] (Guinée), de nationalité guinéenne, a fait l’objet d’un placement en rétention administrative ordonné par M. le préfet du Nord le 5 novembre 2024 à 11h25 pour l’exécution d’un éloignement vers pays de nationalité, sur la base d’une obligation de quitter le territoire français prononcée et notifiée à l’intéressé le 25 avril 2024 par le Préfet de Police de [Localité 4].
Par décision en date du 7 novembre 2024, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Lille a déclaré régulier le placement en rétention administrative et a ordonné la prolongation du placement en rétention administrative de l’appelant pour une durée de 26 jours. Par ordonnance du 9 novembre 2024, le recours de M. [E] [T] contre cette décision a été déclaré irrecevable.
Par décision rendue le 5 décembre 2024, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Lille a ordonné la prolongation du placement en rétention administrative de l’appelant pour une durée de 30 jours.
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Lille en date du 4 janvier 2025 à 15h38, ordonnant une première prolongation exceptionnelle du placement en rétention administrative de l’appelant pour une durée de 15 jours,
Vu la déclaration d’appel de M. [E] [T] du 5 janvier 2025 à 16h23 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative.
Au soutien de sa déclaration d’appel l’appelant soutient le moyen suivant :
– absence de menace caractérisée pour l’ordre public, l’administration ne fournit pas la preuve d’une arrivée à bref délai du laissez-passer consulaire,
– à titre subsidiaire d’ordonner un examen médical de compatibilité avec la rétention.
Sur la troisième prolongation sollicitée
L’article L 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile modifié par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 articles 37 et 40 dispose que :
» A titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »
Il convient de rappeler que lorsque la procédure se situe dans le cadre des articles précités et concerne une demande de troisième ou de quatrième prorogation exceptionnelle du placement en rétention administrative :
– Il n’existe aucune obligation de justification d’une arrivée à « bref délai » des documents et titres en attente pour exécuter l’éloignement dès lors que l’étranger a fait obstruction à la mesure d’éloignement, dans les 15 jours précédents la demande, notamment par des demandes dilatoires d’asile ou de protection.
– En revanche, lorsqu’aucune obstruction ne peut être invoquée à l’encontre de l’étranger, une troisième prorogation exceptionnelle du placement en rétention administrative ne peut être ordonnée que si l’administration française est en mesure de justifier que les obstacles administratifs à la mise en ‘uvre de l’éloignement peuvent être levés » à bref délai ».
– Le texte n’exige pas, pour la troisième prolongation, que la circonstance prévue par son septième aliéna corresponde à des faits commis dans les 15 derniers jours de la période précédente.
L’obstruction est constituée par tout acte matériel effectué par action ou par omission dans le seul but d’éviter l’exécution de l’éloignement.
Ainsi le fait de donner ou de maintenir une identité ou une nationalité fausse de manière à éviter la délivrance d’un laisser passer consulaire constitue un acte d’obstruction continue relevant de l’article L.742-5 1° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Constitue également une obstruction au sens de l’article L.742-5 1° du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le fait de refuser d’embarquer à destination du pays d’éloignement.
En l’espèce, il ne peut être reproché à l’administration un manque de diligence, ni un acte d’obstruction de la part de l’intéressé, et l’administration ne justifie pas de l’arrivée à bref délai du laissez-passer consulaire sollicité. En revanche, s’agissant du trouble à l’ordre public, si effectivement les seules mentions figurant au fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) pour des faits d’agression sexuelle et blessures involontaires avec incapacité n’excédant pas 3 mois par conducteur de véhicule terrestre, ne sont en soi pas suffisantes pour le caractériser, il résulte de la procédure que l’intéressé a été interpellé et placé en garde à vue le 4 novembre 2024 pour des faits d’agression sexuelle sur une responsable du foyer qui l’hébergeait à [Localité 5], et que cette procédure est actuellement pendante. Dès lors le comportement de l’intéressé est constitutif d’une menace pour l’ordre public.
L’ordonnance dont appel sera confirmée.
Sur la demande d’examen médical de compatibilité avec la rétention
L’intéressé ne produit aucun élément médical récent, justifiant une telle demande, alors même que l’administration a fait pratiquer à l’hôpital de [Localité 3], le 15 novembre 2024, un examen de compatibilité, suite à l’ordonnance du juge de première instance du 7 novembre 2024, examen réalisé par le docteur [M] qui a attesté que l’état de santé de M. [E] [T] était compatible avec son placement en rétention.
La demande est rejetée.
L’ordonnance dont appel sera confirmée.
DÉCLARONS l’appel recevable ;
REJETONS la demande d’examen médical ;
CONFIRMONS l’ordonnance entreprise.
DISONS que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l’appelant, à son conseil et à l’autorité administrative ;
LAISSONS les dépens à la charge de l’Etat.
Véronique THÉRY,
greffière
Danielle THEBAUD, conseillère
N° RG 25/00025 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6MT
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE DU 06 Janvier 2025 ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Pour information :
L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le lundi 06 janvier 2025 :
– M. [E] [T]
– l’interprète
– l’avocat de M. [E] [T]
– l’avocat de M.LE PREFET DU NORD
– décision notifiée à M. [E] [T] le lundi 06 janvier 2025
– décision transmise par courriel pour notification à M.LE PREFET DU NORD et à Maître Anne sophie AUDEGOND-PRUD’HOMME le lundi 06 janvier 2025
– décision communiquée au tribunal administratif de Lille
– décision communiquée à M. le procureur général :
– copie au juge du tribunal judiciaire de LILLE
Le greffier, le lundi 06 janvier 2025
N° RG 25/00025 – N° Portalis DBVT-V-B7J-V6MT
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