L’Essentiel : Le 26 octobre 2024, [D] [P], ressortissant irakien, a été placé en rétention administrative. Le 31 octobre, la Cour d’appel de DOUAI a prolongé cette rétention de vingt-six jours. Le conseil de [D] [P] a contesté cette décision, soulignant l’absence de réponse des autorités irakiennes concernant un laissez-passer, demandé depuis juillet. Malgré une condamnation pénale, [D] [P] souhaite retourner en Irak, craignant pour sa vie. Le juge a noté que les perspectives d’éloignement demeurent, et a finalement ordonné une prolongation de trente jours de la rétention, effective à partir du 25 novembre 2024.
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Placement en rétention administrativeLe 26 octobre 2024, l’autorité administrative a décidé de placer [D] [P], un ressortissant irakien né le 10 juillet 1982, en rétention dans des locaux non pénitentiaires. Cette décision a été notifiée le même jour à 11 heures 40. Prolongation de la rétentionLe 31 octobre 2024, le premier président de la Cour d’appel de DOUAI a prolongé la rétention administrative de [D] [P] pour une durée maximale de vingt-six jours. Par la suite, le 24 novembre 2024, l’autorité administrative a demandé une nouvelle prolongation de trente jours. Arguments du conseil de [D] [P]Le conseil de [D] [P] a contesté la prolongation, arguant qu’il n’existe pas de perspective d’éloignement. Bien qu’il y ait eu une condamnation pénale, aucune réponse n’a été reçue des autorités irakiennes concernant la demande de laissez-passer formulée depuis le 5 juillet 2024. Demande de l’administrationLe représentant de l’administration a soutenu la nécessité de proroger la mesure de rétention. [D] [P] a exprimé son souhait de retourner en Irak, affirmant qu’il risquait sa vie en raison d’un mandat d’arrêt émis contre lui dans son pays d’origine. Analyse de la situation d’éloignementLe conseil a souligné l’absence de réponse des autorités irakiennes, ce qui rend impossible la délivrance d’un laissez-passer. La jurisprudence stipule que la légalité du renvoi d’un étranger ne relève pas du juge judiciaire, mais du juge administratif. Malgré cela, le juge a noté que les perspectives d’éloignement ne sont pas totalement inexistantes. Décision sur la prolongation de la rétentionSelon l’article L742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, le magistrat peut prolonger la rétention dans certaines conditions. Les autorités irakiennes ont été contactées à plusieurs reprises, et l’administration a pris toutes les mesures nécessaires pour faciliter l’éloignement de [D] [P]. Conclusion de la décisionEn conséquence, la requête de l’administration a été acceptée. La prolongation de la rétention de [D] [P] a été ordonnée pour une durée de trente jours à compter du 25 novembre 2024 à 11 h 35. Notification de l’ordonnanceL’ordonnance a été notifiée aux parties concernées, leur permettant de faire appel dans les vingt-quatre heures suivant sa notification. [D] [P] a été informé de ses droits et des conditions de sa rétention. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la légalité de la prolongation de la rétention administrative ?La légalité de la prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule : “Le magistrat du siège peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants : 1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ; 2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ; 3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison : a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ; b) de l’absence de moyens de transport. L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.” Dans le cas présent, le magistrat a constaté que l’administration avait effectué toutes les diligences nécessaires pour assurer l’éloignement de [D] [P], notamment en sollicitant les autorités consulaires irakiennes à plusieurs reprises. Ainsi, la prolongation de la rétention a été jugée légale, car les conditions prévues par l’article L742-4 étaient remplies. Quelles sont les implications de l’absence de réponse des autorités irakiennes ?L’absence de réponse des autorités irakiennes soulève des questions sur la possibilité d’éloignement de l’intéressé. Cependant, la jurisprudence a établi que le juge judiciaire n’est pas compétent pour apprécier les diligences de l’administration concernant le choix du pays de renvoi. La décision de la Cour de cassation du 5 décembre 2018 (1re Civ., pourvoi n° 17-30.978) précise que : « La légalité de la possibilité ou de l’opportunité du renvoi d’un étranger vers le pays fixé par une décision administrative ne relève pas du juge judiciaire. » De plus, dans l’affaire du 23 novembre 2016 (Pourvoi n° 15-28.275), il a été rappelé que : « Il n’appartient pas au juge judiciaire d’apprécier les diligences de l’administration en fonction du choix de pays de renvoi opéré par l’administration. » Ainsi, même si les autorités irakiennes n’ont pas répondu, cela ne constitue pas un obstacle à la prolongation de la rétention, tant que l’administration a démontré qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour obtenir les documents de voyage requis. Comment le juge évalue-t-il la nécessité de la rétention ?Le juge évalue la nécessité de la rétention en se basant sur les éléments présentés par l’administration et sur les dispositions légales en vigueur. L’article L742-4, déjà cité, précise que la prolongation de la rétention peut être ordonnée dans des cas spécifiques, notamment en cas d’urgence ou de menace pour l’ordre public. Dans le cas de [D] [P], le juge a constaté que : « Les autorités consulaires irakiennes ont été saisies de la situation de [D] [P] le 5 juillet 2024 avec une relance le 23 octobre 2024 et une demande de routing a été effectuée le 25 octobre 2024. » Cela démontre que l’administration a agi de manière proactive pour faciliter l’éloignement de l’intéressé. Le juge a également noté qu’il n’est pas exigé à ce stade de preuve de la délivrance du document de voyage à bref délai, ce qui renforce la légitimité de la prolongation de la rétention. En conséquence, le juge a ordonné la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours, considérant que toutes les conditions légales étaient remplies. |
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Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire
NOTE D’AUDIENCE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA
Audience publique
DATE D’AUDIENCE : 25 Novembre 2024
DOSSIER : N° RG 24/02508 – N° Portalis DBZS-W-B7I-Y7HQ – M. PREFET DU PAS DE CALAIS / M. [P] [D]
MAGISTRAT : Aurore JEAN BAPTISTE
GREFFIER : Nicolas ERIPRET
DEMANDEUR :
M. PREFET DU PAS DE CALAIS
Représenté par M. [M] [H]
DEFENDEUR :
M. [P] [D]
Assisté de Maître Dorothée ASSAGA, avocat commis d’office,
En présence de M. [W] [T], interprète en langue kurde,
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DEROULEMENT DES DEBATS
L’intéressé déclare : Je vous confirme mon identité.
Le représentant de l’administration, entendu en ses observations ;
L’avocat soulève les moyens suivants :
– absence de perspective d’éloignement
Le représentant de l’administration répond à l’avocat ;
L’intéressé entendu en dernier déclare :La Préfecture m’a demandé si j’acceptais de retourner en Irak. Je ne veux pas rester en France. Mais je suis recherché au Kurdistan. Si je retourne en Irak, je suis condamné à mort. Laissez moi sortir, et je vais quitter la France, mais pas pour retourner en Irak.
DÉCISION
Sur la demande de maintien en rétention :
o RECEVABLE o IRRECEVABLE
o PROROGATION o REJET o ASSIGNATION A RÉSIDENCE
Le greffier Le magistrat délégué
Nicolas ERIPRET Aurore JEAN BAPTISTE
COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire
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Dossier RG 24/02508 – N° Portalis DBZS-W-B7I-Y7HQ
ORDONNANCE STATUANT SUR LA PROROGATION D’UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 CESEDA
Nous, Aurore JEAN BAPTISTE,, magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire de LILLE, assisté de Nicolas ERIPRET, greffier ;
Vu les dispositions des articles suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :
– L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20
– L. 741-1, L.741-4, L.741-5, L.741-7, L.744-1, L.751-9, L.751-10
– L. 743-14, L.743-15, L.743-17
– L. 743-19, L. 743-25
– R. 741-3
– R.742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21
Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 26 OCTOBRE 2024 par M. PREFET DU PAS DE CALAIS;
Vu l’ordonnance de maintien en rétention rendue par le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judicaire de LILLE, le 26 OCTOBRE 2024 ;
Vu la requête en prorogation de l’autorité administrative en date du 24 NOVEMBRE 2024 reçue et enregistrée le 24 NOVEMBRE 2024 à 09 H 37 (cf. Timbre du greffe) tendant à la prorogation de la rétention de M. [P] [D] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de trente jours;
Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L. 744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;
PARTIES
AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION
M. PREFET DU PAS DE CALAIS
préalablement avisé, représenté par Monsieur [M] [H], représentant de l’administration
PERSONNE RETENUE
M. [P] [D]
né le 10 Juillet 1982 à [Localité 1]
de nationalité Irakienne
actuellement maintenu en rétention administrative
préalablement avisé et présent à l’audience,
Assisté de Maître Dorothée ASSAGA, avocat commis d’office,
En présence de M. [W] [T], interprète en langue kurde,
LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE, préalablement avisé n’est pas présent à l’audience.
DÉROULEMENT DES DÉBATS
A l’audience publique, le magistrat délégué a procédé au rappel de l’identité des parties ;
Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;
L’intéressé a été entendu en ses explications ;
Le représentant du préfet a été entendu en ses observations ;
L’avocat a été entendu en sa plaidoirie ;
Le représentant du préfet ayant répondu à l’avocat ;
L’étranger ayant eu la parole en dernier ;
Par décision en date du 26 octobre 2024 notifiée le même jour à 11 heures 40, l’autorité administrative a ordonné le placement de [D] [P] né le 10 juillet 1982 à [Localité 1] (Irak) de nationalité irakienne en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Par décision rendue le 31 octobre 2024, le premier président de la Cour d’appel de DOUAI a ordonné la prolongation de la rétention administrative de [D] [P] pour une durée maximale de vingt six jours.
Par requête en date du 24 novembre 2024, reçue au greffe le même jour à 09h37, l’autorité administrative a saisi le magistrat du siège aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de trente jours.
Le conseil de [D] [P] sollicite le rejet de la prolongation de la rétention sur les moyens suivants :
– sur l’absence de perspective d’éloigement en ce que même si le trouble à l’ordre pblic est caractérisé par la condamnation pénale prononcée contre [D] [P], la demande de laissez-passer a été formulée depuis le 5 juillet 2024, avec de nombreuses relances. Il n’y a aucune réponse des autorités irakiennes.
Le représentant de l’administration demande la prorogation de la mesure.
[D] [P] demande une aide au retour. Il ne veut pas rester en France. Il dit risquer sa vie en Irak. Il était journaliste. Il y a un mandat d’arrêt émis contre lui en Irak.
Sur l’absence de perspective d’éloignement et l’inutilité de la prolongation de la rétention
Le conseil de [D] [P] soulève qu’il n’y a pas de perspective d’éloignement en ce que bien que relancées, les autorités irakiennes n’ont pas répondu aux demandes de l’administration. Il n’y aura donc pas de délivrance pas de délivrance de laissez-passer.
La jurisprudence a établi que la légalité de la possibilité ou de l’opportunité du renvoi d’un étranger vers le pays fixé par une decision administrative ne relève pas du juge judiciaire (1re Civ., 5 decembre 2018, pourvoi n 17-30.978, publié).
Par ailleurs, la question d’apprécier la destination de renvoi fixée par l’administration est une compétence du juge administratif. En effet dans sa décision du 23 novembre 2016 (Pourvoi n°15-28.275) la 1ère chambre civile de la cour de cassation a rappelé qu’il n’apppartient pas au juge judiciaire d’apprécier les diligences de l’administration en fonction du choix de pays de renvoi opéré par l’administration.
Même, si l’étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ il ne résulte pas de l’argumentation du conseil de [D] [P] que les perspectives d’éloignement du territoire français de l’intéressé sont à ce jour inexistantes.
En conséquence ce moyen sera rejeté.
Sur la prolongation de la rétention :
L’article L742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose :
“Le magistrat du siège peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1,
être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;
b) de l’absence de moyens de transport.
L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.”
En l’espèce, les autorités consulaires irakiennes ont été saisies de la situation de [D] [P] le 5 juillet 2024 avec une relance le 23 octobre 2024 et une demande de routing a été effectuée le 25 octobre 2024.
Il résulte de ces éléments que l’administration a effectué l’ensemble des diligences afin d’assurer l’exécution la plus rapide possible de l’éloignement de [D] [P] et de limiter le temps de privation de liberté que constitue la mesure de rétention. Il sera souligné qu’il n’est pas exigé à ce stade de preuve de la délivrance du document de voyage à bref délai.
Par conséquent, il sera fait droit à la requête de l’administration.
Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,
DÉCLARONS recevable la requête en prorogation de la rétention administrative
ORDONNONS LA PROROGATION DE LA RETENTION de M. [P] [D] pour une durée de trente jours à compter du 25 NOVEMBRE 2024 à 11 h 35 ;
Fait à LILLE, le 25 Novembre 2024
Notifié ce jour à h mn
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES
DOSSIER : N° RG 24/02508 – N° Portalis DBZS-W-B7I-Y7HQ –
M. PREFET DU PAS DE CALAIS / M. [P] [D]
DATE DE L’ORDONNANCE : 25 Novembre 2024
NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance aux parties, qui en émargeant ci-après, attestent en avoir reçu copie et les avisons de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; les informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 3]; leur indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.
Information est donnée à M. [P] [D] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence. Durant cette période, l’intéressé peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.
Traduction orale faite par l’interprète.
LE REPRESENTANT DU PREFET L’INTERESSE
Par mail En visioconférence
L’INTERPRETE LE GREFFIER
L’AVOCAT
Par mail
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RÉCÉPISSÉ
M. [P] [D]
retenu au Centre de Rétention de [Localité 2]
reconnait avoir reçu notification de ladite ordonnance en date du 25 Novembre 2024
date de remise de l’ordonnance :
le :
signature de l’intéressé
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