L’Essentiel : Monsieur [M] [U], de nationalité marocaine, a été placé en rétention administrative par le Préfet du Finistère en raison de l’absence de documents d’identité. Le 23 décembre 2024, une prolongation de sa rétention a été demandée et accordée par le juge. Cependant, Monsieur [U] a contesté cette décision, arguant d’un manque de diligence des autorités. La Cour d’Appel a confirmé la prolongation, mais a ensuite infirmé l’ordonnance du 18 janvier 2025, soulignant l’absence de démarches suffisantes pour établir son identité et condamnant le Préfet à verser 800 euros pour les frais d’avocat.
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Contexte de l’affaireMonsieur [M] [U], de nationalité marocaine, a été placé en rétention administrative par le Préfet du Finistère suite à un arrêté du 20 décembre 2024, en raison de son absence de documents d’identité et de voyage. Cette mesure a été prise dans le cadre d’une obligation de quitter le territoire français. Prolongation de la rétentionLe 23 décembre 2024, le Préfet a demandé au juge du contrôle des mesures privatives de liberté du tribunal judiciaire de Rennes une prolongation de la rétention. Le juge a prolongé cette rétention pour une durée maximale de 26 jours, décision que Monsieur [U] a contestée en appel, arguant d’un manque de diligence de la part des autorités. Décisions judiciaires successivesLe 27 décembre 2024, la Cour d’Appel a confirmé la prolongation de la rétention, considérant que des démarches supplémentaires étaient nécessaires pour établir l’identité de Monsieur [U]. Le 17 janvier 2025, le Préfet a de nouveau sollicité une prolongation, qui a été accordée par ordonnance du 18 janvier 2025, autorisant une nouvelle rétention de 30 jours. Arguments de l’appelantMonsieur [U] a formé appel de cette dernière décision, soutenant que les autorités marocaines ne l’avaient pas reconnu et que le Préfet n’avait pas fait preuve de diligence en ne sollicitant pas d’autres pays. Il a également demandé une indemnisation pour les frais d’avocat. Position du Procureur GénéralLe Procureur Général a plaidé pour l’infirmation de l’ordonnance, soulignant qu’il n’y avait pas de raison de solliciter à nouveau le Maroc, qui avait déjà refusé de reconnaître Monsieur [U]. Il a également noté l’absence de démarches auprès d’autres pays. Motifs de la décisionLa Cour a jugé que le Préfet n’avait pas fait preuve de diligence suffisante, n’ayant pas sollicité de réexamen de la situation par les autorités marocaines ni contacté d’autres pays. De plus, l’absence de perspectives raisonnables d’éloignement a conduit à l’infirmation de l’ordonnance de prolongation de la rétention. Conclusion de la CourLa Cour a déclaré l’appel recevable, a infirmé l’ordonnance du 18 janvier 2025, et a rejeté la demande de prolongation de la rétention. Elle a également condamné le Préfet du Finistère à verser 800 euros à l’avocat de Monsieur [U] au titre de l’aide juridictionnelle. |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le cadre juridique de la rétention administrative selon le CESEDA ?La rétention administrative est régie par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). L’article L741-3 du CESEDA stipule que : « L’étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration est tenue de faire toute diligence à cet effet. » Cet article impose une obligation de diligence à l’administration, ce qui signifie qu’elle doit agir rapidement et efficacement pour organiser le départ de l’étranger. Dans le cas présent, le Préfet du Finistère a saisi les autorités marocaines, mais sans solliciter un réexamen de la situation de M. [U], alors que ces autorités avaient déjà refusé de le reconnaître. Il est donc essentiel que l’administration prenne en compte les refus précédents et explore d’autres options pour respecter l’obligation de diligence. Quelles sont les implications de l’absence de perspectives d’éloignement ?L’absence de perspectives d’éloignement est également encadrée par la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008. L’article 15 §1 de cette directive précise que : « Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement, la rétention ne se justifie plus. » Dans le cas de M. [U], les autorités marocaines n’ont pas reconnu son identité et aucune autre autorité étrangère n’a été sollicitée depuis le 20 décembre 2024. Cela signifie qu’il n’existe pas de perspective raisonnable d’éloignement, ce qui justifie l’infirmation de l’ordonnance de prolongation de la rétention. Ainsi, la rétention ne peut être maintenue si les conditions d’éloignement ne sont pas remplies. Quelles sont les conséquences financières pour le Préfet en cas de non-respect des obligations légales ?En cas de non-respect des obligations légales, le Préfet peut être condamné à verser des indemnités. L’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle stipule que : « Les frais d’avocat sont à la charge de l’État lorsque la demande d’aide juridictionnelle est acceptée. » Dans cette affaire, le tribunal a condamné le Préfet du Finistère à payer 800,00 Euros à l’avocat de M. [U] en raison du non-respect des obligations de diligence et de l’absence de perspectives d’éloignement. Cette décision souligne la responsabilité financière de l’administration en cas de manquement à ses obligations légales. Comment la jurisprudence influence-t-elle les décisions administratives en matière de rétention ?La jurisprudence joue un rôle crucial dans l’interprétation et l’application des lois relatives à la rétention administrative. Les décisions des tribunaux, comme celle rendue dans le cas de M. [U], établissent des précédents qui obligent les autorités à respecter les normes de diligence et à justifier les prolongations de rétention. Les juges examinent attentivement les circonstances de chaque cas, notamment la reconnaissance de l’identité de l’étranger et les démarches entreprises par l’administration. Ainsi, la jurisprudence contribue à garantir que les droits des étrangers sont respectés et que les décisions administratives sont prises dans le cadre légal approprié. Cela renforce la nécessité pour les autorités de suivre des procédures rigoureuses et de justifier leurs actions. |
N° 25/22
N° RG 25/00037 – N° Portalis DBVL-V-B7J-VSGM
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,
M. [M] [U]
né le 11 Août 1997 à [Localité 1] (MAROC)
de nationalité Marocaine
ayant pour avocat Me Florian DOUARD, avocat au barreau de RENNES
d’une ordonnance rendue le 18 Janvier 2025 à 17H15 par le magistrat en charge des rétentions administratives du Tribunal judiciaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [M] [U] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de trente jours à compter du 19 Janvier 2025 à 24H00;
En présence de Mme [P] [T], membre du Pôle Régional Contentieux de la Préfecture d’Ille et Vilaine, représentant du préfet du Finistère, dûment convoqué,
En l’absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur FICHOT, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le 20 Janvier 2025 lequel a été mis à disposition des parties.
En présence de [M] [U], assisté de Me Florian DOUARD, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 21 Janvier 2025 à 10H30 l’appelant assisté de M. [R] [O], interprète en langue arabe, ayant préalablement prêté serment et son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,
Avons mis l’affaire en délibéré et ce jour, avons statué comme suit :
Monsieur [M] [U], dépourvu de document d’identité et de document de voyage, a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai pris le 20 décembre 2024 par le Préfet du Finistère.
Par arrêté du 20 décembre 2024 le Préfet du Finistère l’a placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Par requête motivée du 23 décembre 2024, reçue le 24 décembre, le Préfet du Finistère a saisi le juge du contrôle des mesures privatives et restrictives de liberté du tribunal judiciaire de Rennes d’une demande de prolongation de la rétention.
Par ordonnance du 25 décembre 2024, le juge a rejeté les exceptions de nullité, et prolongé la rétention de Monsieur [U] pour une durée maximale de 26 jours à compter du 24 décembre 2024 à 24 heures .
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 26 décembre 2024 Monsieur [U] a formé appel de cette ordonnance en soutenant notamment l’absence de diligence du Préfet pour que la rétention soit la plus courte possible.
Par ordonnance du 27 décembre 2024 le magistrat délégué par le Premier Président de la Cour d’Appel a confirmé l’ordonnance attaquée. S’agissant du défaut de diligence, il a retenu que même si les autorités marocaines n’avaient pas reconnu Monsieur [U], comme ressortissant lors de précédentes mesures de placement, le premier juge avait justement considéré que de nouvelles démarches étaient nécessaires dans la mesure où l’intéressé fait valoir une nouvelle identité.
Par requête du 17 janvier 2025 le Préfet du Finistère a saisi le juge du contrôle des mesures privatives et restrictives de liberté du tribunal judiciaire de Rennes d’une demande de seconde prolongation de la rétention.
Par ordonnance du 18 janvier 2025 le juge a dit que le Préfet avait fait diligence pour que la rétention soit la plus courte possible, a dit qu’il existait des perspectives raisonnables d’éloignement et a autorisé la prolongation de la rétention poyr une durée de trente jours à compter du 19 janvier 2025 à 24 h.
Par déclaration de son Avocat du 20 janvier 2025 Monsieur [U] a formé appel de cette décision.
Il rappelle que les autorités marocaines ne l’ont pas reconnu et soutient que le Préfet du Finistère n’est donc pas en attente d’une réponse de ce pays et qu’il n’existe donc pas de perspective raisonnable d’éloignement. Il fait valoir en outre que le Préfet s’est abstenu de saisir d’autres autorités étrangères et qu’il n’a donc pas fait diligence pour que la rétention soit la plus courte possible.
Il conclut à la condamnation du Préfet du Finistère à payer la somme de 800,00 Euros à son Avocat au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle.
A l’audience, Monsieur [U], assisté de son Avocat, fait développer les termes de sa déclaration d’appel.
Selon avis du 20 janvier 2025 le Procureur Général a sollicité l’infirmation de l’ordonnance attaquée. Il souligne qu’il n’existait le 21 décembre 2024 aucun motif de solliciter à nouveau les autorités marocaines aux fins de reconnaissance de Monsieur [U] puisque celles -ci avaient déjà répondu au préfet du Finistère le 5 septembre 2024 que l’intéressé était inconnu sur leur base documentaire d’empreintes digitales, peu importe que l’intéressé fasse usage de nombreux alias. Il fait valoir en outre que dans le cadre de cette deuxième demande de prolongation de rétention administrative, il n’existe pas (a priori) dans les nom reuses pièces adressées par la préfecture du Finistère reprenant tout l’historique de la situation de Monsieur [U], de document attestant que l’ALGERIE-la LYBIE-la TUNISIE- l’EGYPTE, déjà interrogés en septembre 2024 aient répondu d’une quelconque façon aux sollicitations de la préfecture du Finistère et encore moins que ces pays ou d’autres aient été sollicités depuis. Il soutient en conséquence que dans ces conditions il n’existe aucune perspective raisonnable permettant de penser qu’un de ces pays pourrait répondre, alors même que Monsieur [U] a toujours revendiqué être marocain.
Le Préfet du Finistère rappelle que lors de la première prolongation le bien fondé de la saisine du Maroc avait été reconnu. Il soutient d’une part que le Maroc est encore susceptible de reconnaître Monsieur [U] et d’autre part qu’il n’avait pas à saisir les autres pays puisque l’intéressé s’est toujours déclaré marocain.
L’appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.
Sur le défaut de diligence,
L’article L741-3 du CESEDA dispose que l’étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration est tenue de faire toute diligence à cet effet.
Il résulte des pièces de la procédure débattues contradictoirement que le Préfet du Finistère a saisi les autorités marocaines le 21décembre 2024 en communiquant notamment les empreintes de l’intéressé, mais sans solliciter de réexamen de sa situation, alors que ces mêmes autorités avaient déjà répondu dans une autre procédure que les empreintes communiquées ne correspondaient pas à leur base de données et par ailleurs, comme le souligne le Procureur Général, aucune autre autorité étrangère n’a été saisie depuis le 20 décembre 2024.
Il en résulte que la saisine des autorités marocaines sans rappel de la précédente demande et de leur refus de reconnaissance et le défaut de saisine d’autres pays, caractérisent un défaut de diligence au sens de l’article L741-3 du CESEDA.
Sur les perspectives d’éloignement,
L’article 15 §1 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 prévoit que lorsqu’il apparraît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement, la rétention ne se justifie plus.
Les pièces de la procédure débattues contradictoirement montrent qu’à défaut de nouvelle saisine des autorités marocaines de façon circonstanciée, alors que ces dernières n’ont pas reconnu Monsieur [U], et de saisine d’autres pays, il n’existe aucune perspective raisonnable de reconnaissance de Monsieur [U], de délivrance d’un laisser-passer et d’éloignement.
L’ordonnance attaquée sera infirmée, la requête en seconde prolongation de la rétention, rejetée et il sera fait droit à la demande indemnitaire au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionelle.
Déclarons l’appel recevable,
Infirmons l’ordonnance du magistrat chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de liberté du tribunal judiciaire de Rennes du 18 janvier 2025 et statuant à nouveau rejetons la requête du Préfet du Finistère aux fins de prolongation de la rétention de Monsieur [M] [U],
Rappelons à Monsieur [M] [U] qu’il a obligation de quitter le térritoire français,
Condamnons le Préfet du Finistère à payer à Maître Florian DOUARD la somme de 800,00 Euros au titre des dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle,
Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi jugé le 21 janvier 2025 à 15 heures
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
Jean-Denis BRUN
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [M] [U], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier
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