Prolongation de l’hospitalisation sous contrainte : enjeux de consentement et évaluation médicale.

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Prolongation de l’hospitalisation sous contrainte : enjeux de consentement et évaluation médicale.

L’Essentiel : [M] [D] a été admise en hospitalisation complète le 25 décembre 2024 à l’EPSM du CHU de [Localité 4] suite à une demande d’urgence de sa sœur. Le 28 décembre, une évaluation médicale a conduit à prolonger son hospitalisation. Le ministère public a soutenu cette mesure, tandis que le conseil de [M] [D] a exprimé son souhait de rester à l’hôpital. L’évaluation a révélé des troubles mentaux graves, incluant des idées suicidaires actives. Le magistrat a ordonné la poursuite de l’hospitalisation jusqu’à une éventuelle levée médicale, pour une durée maximale de six mois, le 3 janvier 2025.

Admission à l’hôpital

[M] [D] a été admise en hospitalisation complète le 25 décembre 2024 à l’EPSM du CHU de [Localité 4] sur décision du directeur de l’établissement, suite à une demande d’urgence formulée par sa sœur, conformément à l’article L3212-3 du code de la santé publique.

Décision de maintien en hospitalisation

Le 28 décembre 2024, après évaluation médicale à 24 et 72 heures, il a été décidé de prolonger son hospitalisation complète. Le 30 décembre, le directeur de l’établissement a saisi le magistrat pour un contrôle de la mesure, qui devait être examinée 12 jours après son admission.

Position du ministère public et du conseil

Le ministère public a exprimé son avis en faveur du maintien de l’hospitalisation sous contrainte. Le conseil de [M] [D] a indiqué qu’elle ne demandait pas la levée de la mesure et a souligné son souhait de rester à l’hôpital, ce que [M] [D] a confirmé.

Évaluation médicale et décision judiciaire

Selon l’article L.3212-1 du code de la santé publique, l’hospitalisation sans consentement est justifiée si les troubles mentaux rendent impossible ce consentement et nécessitent des soins immédiats. Le juge ne peut pas contester l’évaluation médicale. Les pièces médicales et l’avis du docteur [Y] ont conduit à la conclusion que l’hospitalisation sous contrainte devait être prolongée en raison de la persistance des troubles et de l’incapacité de [M] [D] à consentir aux soins.

État de santé de [M] [D]

L’évaluation a révélé que [M] [D] souffre d’angoisses majeures, d’un ralentissement moteur important, et verbalise des idées suicidaires actives. Elle a également menacé de passer à l’acte à plusieurs reprises, ce qui témoigne d’une rigidité cognitive l’empêchant de prendre du recul par rapport à ses idées suicidaires.

Ordonnance du magistrat

Le magistrat a ordonné la poursuite de l’hospitalisation complète de [M] [D], précisant que cette mesure resterait en vigueur jusqu’à une levée médicale ou une décision de placement sous soins ambulatoires sans consentement, et ce, pour une durée maximale de six mois. La décision a été prononcée le 3 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions légales pour l’hospitalisation sans consentement selon le Code de la santé publique ?

L’article L3212-1 du Code de la santé publique stipule que :

« Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur décision du directeur de l’établissement que si ses troubles rendent impossible son consentement et que son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier. »

Ainsi, pour qu’une hospitalisation sans consentement soit légale, deux conditions doivent être remplies :

1. Les troubles mentaux du patient doivent rendre impossible son consentement.

2. L’état du patient doit nécessiter des soins immédiats et une surveillance constante.

Dans le cas de [M] [D], il a été établi que son état de santé justifiait une hospitalisation sous contrainte, car elle présentait des symptômes graves, notamment des idées suicidaires et une incapacité à consentir aux soins.

Quel est le rôle du juge dans le cadre de l’hospitalisation sous contrainte ?

Le rôle du juge est précisé par la jurisprudence, notamment dans l’arrêt de la Cour de cassation, civ 1ère, du 27 septembre 2017 (pourvoi n°16-22.544), qui indique que :

« Le juge ne peut substituer son avis à l’évaluation par les médecins tant des troubles psychiques du patient que de son consentement aux soins. »

Cela signifie que le juge doit se baser sur l’évaluation médicale pour décider de la prolongation de l’hospitalisation.

Dans le cas présent, le magistrat a pris en compte l’avis motivé du docteur [Y] et les éléments médicaux présentés, confirmant ainsi la nécessité de maintenir l’hospitalisation de [M] [D] en raison de la persistance de ses troubles.

Quelle est la durée maximale d’une hospitalisation sous contrainte sans consentement ?

L’article L3212-12 du Code de la santé publique précise que :

« La mesure d’hospitalisation complète emporte effet jusqu’à levée médicale ou décision médicale de placement sous soins ambulatoires sans consentement et, à défaut, jusqu’à un délai de six mois suivant le prononcé de cette décision. »

Dans le cas de [M] [D], la décision du magistrat a ordonné que l’hospitalisation complète se poursuive jusqu’à la levée médicale ou, à défaut, pour une durée maximale de six mois.

Cette disposition vise à garantir que les patients soient régulièrement réévalués et que leur situation soit examinée par des professionnels de santé, afin de protéger leurs droits tout en assurant leur sécurité.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

Magistrat Délégué
Dossier – N° RG 24/02361 – N° Portalis DBZS-W-B7I-ZDN3

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ORDONNANCE DU 03 Janvier 2025

DEMANDEUR
M. LE DIRECTEUR DU CHU DE [Localité 4] – HOPITAL [3]
[Adresse 5]
Non comparant

DEFENDEUR
Madame [M] [D]
CHU DE [Localité 4] – HOPITAL [3]
[Adresse 5]
Présente, assistée de Maître Audrey HESPEEL, avocat commis d’office

TIERS
Madame [V] [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Non comparant(e)

MADAME LA PROCUREURE DE LA REPUBLIQUE
Non comparant – conclusions écrites du procureur de la République

COMPOSITION

MAGISTRAT : Aurore JEAN BAPTISTE, Magistrat Délégué
GREFFIER : Laure-Anne REMY

DEBATS

En audience publique du 03 Janvier 2025 qui s’est tenue dans la salle d’audience de L’EPSM de L’AGGLOMÉRATION LILLOISE, la décision ayant été mise en délibéré au 03 Janvier 2025.

Ordonnance contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2025 par Aurore JEAN BAPTISTE, Magistrat délégué, assisté de Laure-Anne REMY, Greffier.

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;Vu la requête en date du 30 Décembre 2024 présentée par LE DIRECTEUR DU CHU DE [Localité 4] – HOPITAL [3] et les pièces jointes ;Vu les pièces visées par l’article R 3211-12 du code de la santé publique ;Vu la présence d’un avocat pour l’audience de ce jour ;Vu les conclusions du Ministère Public ;
Les parties présentes entendues.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

[M] [D] a fait l’objet le 25 décembre 2024 d’une admission en hospitalisation complète à l’EPSM du CHU de [Localité 4] sur décision du directeur d’établissement selon la procédure prévue à l’article L3212-3 du code de la santé publique soit sur la demande d’un tiers (sa soeur) en urgence.

Sur la base des certificats médicaux établis aux échéances de 24 et de 72 heures son maintien en hospitalisation complète a été décidé le 28 décembre suivant.

Par requête en date du 30 décembre 2024, le directeur de l’établissement psychiatrique a saisi le magistrat du siège désigné par le Président aux fins de contrôle à 12 jours de la mesure.

Par mention écrite au dossier, le ministère public a fait connaître son avis requérant le maintien de l’hospitalisation sous contrainte.

***

Entendu le conseil de [M] [D] ne demande pas la mainlevée de la mesure et développe les moyens suivants : souhaite rester au sein de l’hopital.

[M] [D] confirme qu’elle veut rester hospitalisée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article L.3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur décision du directeur de l’établissement que si ses troubles rendent impossible son consentement et que son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier.

Le juge ne peut substituer son avis à l’évaluation par les médecins tant des troubles psychiques du patient que de son consentement aux soins (Cour de cassation, civ 1ère, 27 septembre 2017, pourvoi n°16-22.544).

En l’espèce, il résulte des pièces médicales, de l’avis motivé établi par le docteur [Y] le 30 décembre 2024 et des débats de l’audience que l’hospitalisation sous contrainte de l’intéressé doit être prolongée, en l’état de la persistance des troubles et de l’impossibilité pour le patient de consentir valablement aux soins nécessités par son état de santé.

Il ressort en effet de l’avis motivé précité que [M] [D] présente une tension interne palpable avec des angoisses majeures. Elle verbalise elle-même des difficultés au quotidien avec une recrudescence de sa symptomatologie dépressive. Elle présente un ralentissement moteur important. Elle verbalise des idées suicidaires actives avec scénario par strangulation et a menacé de passer à l’acte à de multiples reprises dans le service et lorsqu’elle sortira d’hospitalisation. Il existe une rigidité cognitive importante empêchant toute critique et toute mise à distance possible des idées suicidaires.

PAR CES MOTIFS,

Le magistrat délégué statuant après débats, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort

ORDONNE la poursuite de l’hospitalisation complète de Madame [M] [D].

DIT que cette mesure emporte effet jusqu’à levée médicale ou décision médicale de placement sous soins ambulatoires sans consentement et à défaut jusqu’à un délai de six mois suivant le prononcé de cette décision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Janvier 2025.

Le Greffier, Le Magistrat Délégué,

Laure-Anne REMY Aurore JEAN BAPTISTE


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