Prolongation d’isolement : irrégularités et droits du patient en question

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Prolongation d’isolement : irrégularités et droits du patient en question

L’Essentiel : M. [U] [P] [I] a été admis en soins sous contrainte le 16 janvier 2025, à la demande d’un tiers. Le même jour, il a été soumis à une mesure d’isolement, confirmée par le tribunal le 20 janvier. M. [U] [P] [I] a interjeté appel le 21 janvier, soulevant des irrégularités, notamment l’absence d’un certificat médical requis pour le renouvellement de l’isolement. L’appel a été jugé recevable. Selon la législation, l’isolement doit être justifié par une évaluation médicale, mais seuls deux certificats ont été fournis. La décision de prolongation de l’isolement a été infirmée, ordonnant sa cessation.

Admission en soins sous contrainte

M. [U] [P] [I] a été admis en soins sous contrainte le 16 janvier 2025, à la demande d’un tiers, et a été placé en hospitalisation complète.

Mesure d’isolement

Le même jour, à 22h00, il a été soumis à une mesure d’isolement, qui a été confirmée par une ordonnance du magistrat du tribunal judiciaire de Rouen le 20 janvier 2025.

Appel de la décision

M. [U] [P] [I] a interjeté appel de cette décision le 21 janvier 2025, dans le délai de 24 heures, en soulevant des arguments concernant la contradiction entre les motifs et le dispositif de la décision, ainsi que l’irrégularité du renouvellement de la mesure d’isolement en raison de l’absence d’un certificat médical requis.

Conclusions du ministère public

Le ministère public a présenté ses conclusions écrites, tandis que M. [U] [P] [I] a exprimé, lors d’un entretien téléphonique, son incompréhension quant aux raisons de son hospitalisation et son manque d’information sur son état de santé.

Recevabilité de l’appel

L’appel a été jugé recevable, car il a été formé dans les formes et délais requis.

Contrôle du juge des libertés et de la détention

Selon l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique, l’isolement et la contention ne peuvent être appliqués qu’en dernier recours et doivent être justifiés par une évaluation médicale. La mesure d’isolement doit être renouvelée dans des conditions strictes, avec des évaluations régulières.

Irrégularités constatées

Dans le cas présent, seuls deux certificats médicaux ont été fournis, alors que trois étaient requis, ce qui constitue une irrégularité et empêche une évaluation médicale adéquate.

Décision finale

En conséquence, la décision autorisant la prolongation de la mesure d’isolement a été infirmée, et il a été ordonné de mettre fin à cette mesure. L’appel a été déclaré recevable, et les dépens ont été laissés à la charge du Trésor public.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’appel interjeté par M. [U] [P] [I] ?

L’appel interjeté par M. [U] [P] [I] est déclaré recevable car il a été formé dans les formes et délais requis.

En effet, selon l’article 901 du Code de procédure civile, « l’appel est formé par déclaration au greffe de la cour d’appel dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision. »

Dans ce cas, M. [U] [P] [I] a interjeté appel le 21 janvier 2025, soit dans les 24 heures suivant la décision du juge, ce qui respecte le délai légal.

De plus, l’appel est motivé, ce qui est également une condition de recevabilité.

Ainsi, l’appel est jugé recevable par le tribunal.

Quelles sont les irrégularités constatées dans la mesure d’isolement ?

Les irrégularités constatées dans la mesure d’isolement concernent l’absence d’un des certificats médicaux exigés.

Selon l’article L.3222-5-1 du Code de la santé publique, « la mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures. »

En l’espèce, seuls deux certificats médicaux ont été fournis, ceux des 17 et 18 janvier 2025, mais le certificat intermédiaire requis n’a pas été produit.

Cette absence constitue une irrégularité qui empêche M. [U] [P] [I] de bénéficier d’une évaluation médicale appropriée, ce qui est un droit fondamental.

Quelles sont les conséquences de ces irrégularités sur la décision de prolongation de la mesure d’isolement ?

Les irrégularités constatées entraînent l’infirmation de la décision ayant autorisé la prolongation de la mesure d’isolement.

L’article L.3222-5-1 stipule que « si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. »

Dans ce cas, l’absence du certificat intermédiaire a conduit à une évaluation incomplète de l’état de santé de M. [U] [P] [I], rendant la prolongation de l’isolement illégale.

Ainsi, le tribunal a décidé d’infirmer la décision de prolongation et d’ordonner la levée de la mesure d’isolement, sans avoir besoin d’examiner les autres moyens soulevés par l’appelant.

Cette décision souligne l’importance du respect des procédures légales en matière de soins psychiatriques.

N° RG 25/00237 – N° Portalis DBV2-V-B7J-J3RH

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 22 JANVIER 2025

Nous, Brigitte HOUZET, Conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désigné par ordonnance de la première présidente pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont attribuées, statuant en matière de procédure d’isolement et de contention dans le cadre des mesures de soins psychiatriques sans consentement (articles L. 3211-12-1 et suivants, L. 3222-5-1, R. 3211-32 et suivants du code de la santé publique)

Assistée de Mme DEMANNEVILLE, Greffière ;

APPELANT :

Monsieur [U] [P] [I]

né le 16 mai 2002 à [Localité 6] (76)

Résidence habituelle :

[Adresse 1]

[Localité 3]

Lieu d’admission :

Centre hospitalier [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

personne concernée par la mesure

assisté par Me Me Cécile DAVID, avocat au barreau de ROUEN

INTIMÉS :

Monsieur DIRECTEUR DU CH [5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Non représenté

Vu l’admission de M. [U] [P] [I] en soins psychiatriques au centre hospitalier [5] à compter du 16 janvier 2025, sur décision de son directeur prise à la demande d’un tiers ;

Vu la mesure de mise en isolement concernant Monsieur [U] [P] [I] à compter du 16 janvier 2025 à 22h00, sur décision du docteur [Z] [Y];

Vu la saisine en date du 19 janvier 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de ROUEN par Monsieur le directeur du centre hospitalier [5] ;

Vu l’ordonnance rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de ROUEN en date du 20 janvier 2025 disant que la mesure d’isolement dont M. [U] [P] [I] fait l’objet peut se poursuivre ;

Vu la déclaration d’appel formée à l’encontre de cette ordonnance par M. [U] [P] [I] et reçue au greffe de la cour d’appel le 21 janvier 2025à 11h47 ;

Vu les avis d’observations adressés par le greffe ;

Vu la transmission du dossier au parquet général ;

Vu les réquisitions écrites du substitut général en date du 21 janvier 2025,

Les pièces, réquisitions et conclusions ont été mises à la disposition des parties;

Vu la demande d’audition de M. [U] [P] [I],

Vu l’audition de M. [U] [P] [I] le 22 janvier 2025 à 10h20 réalisée par audio-conférence du fait de l’impossibilité matérielle de recourir à un moyen de télécommunication audiovisuelle, l’équipement du centre hospitalier étant exclusivement dédié à la télémédecine ;

***

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [U] [P] [I] a été admis en soins sous contrainte sous la forme d’une hospitalisation complète à la demande d’un tiers le 16 janvier 2025.

Il a fait l’objet d’une mesure d’isolement à compter du même 16 janvier 2025 à 22h00, mesure maintenue par ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen le 20 janvier 2025.

M.[U] [P] [I] a interjeté appel le 21 janvier 2025, dans le délai de 24h.

Au soutien de son appel, il fait valoir :

-la contrariété entre les motifs et le dispositif de la décision du juge;

-l’irrégularité de la décision de renouvellement, en l’absence de l’un des certificats médicaux exigés à raison de deux par vingt-quatre heures.

Le ministère public a communiqué ses conclusions écrites.

Entendu par téléphone, M.[U] [P] [I] a exposé ne pas comprendre les raisons de son hospitalisation et ne pas avoir été informé sur son état de santé.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel, motivé, a été formé dans les formes et délais requis, il est recevable.

sur le fond

Sur le contrôle du juge des libertés et de la détention’:

Il ressort de l’article L.3222-5-1 du code de la santé publique que :

« I.- L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en oeuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures, et fait l’objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l’objet de deux évaluations par douze heures.

II- A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d’isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I.

Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures.

Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d’office pour y mettre fin.

Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l’établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l’expiration de la 72ème heure d’isolement ou de la 48ème heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de 24 heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d’éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d’autres modalités de prise en charge permettant d’assurer sa sécurité ou celle d’autrui. Le directeur de l’établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d’isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II.

Toutefois, si le renouvellement d’une mesure d’isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le juge des libertés et de la détention statue avant l’expiration de ce délai de sept jours.

Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l’expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l’information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention.

Pour l’application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu’une mesure d’isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu’une précédente mesure d’isolement ou de contention a pris fin, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement ou de contention qui la précèdent.

Les mêmes deux premiers alinéas s’appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.

Les mesures d’isolement et de contention peuvent également faire l’objet d’un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l’article L. 3211-12-1. Un décret en Conseil d’Etat précise les conditions d’application du présent II.

III.- Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d’hospitalisation, la date et l’heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Le registre, établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux 3 parlementaires.

L’établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l’évaluation de sa mise en oeuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l’article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l’article L. 6143-1. »

La recommandation de la Haute Autorité de Santé prise en février 2017 (page 11) relativement à la pratique de l’isolement et de la contention en psychiatrique générale indique « En cas de décision prise par un interne ou un médecin non psychiatre, et durant les périodes de garde, cette décision doit être confirmée par un psychiatre dans l’heure qui suit. Cette confirmation peut se faire par téléphone en fonction des informations échangées. Cette confirmation doit être tracée dans le dossier du patient. »

En l’espèce, ont été joints au dossier de la procédure les certificats médicaux en date des 17 janvier 2025 à 10h28 et 18 janvier 2025 à 10h00, mais non le certificat intermédiaire, de sorte qu’un seul certificat médical au lieu des deux certificats exigés par tranche de vingt-quatre heures est produit.

Ces irrégularités sont nécessairement constitutives d’un grief pour le patient en ce qu’il n’a pu bénéficier d’une évaluation médicale appropriée.

Dans ces conditions, il convient d’infirmer la décision ayant autorisé la prolongation de la mesure d’isolement et d’en ordonner la levée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens soulevés.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel interjeté par Monsieur [U] [P] [I] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 20 Janvier 2025 par magistrat du siège du tribunal judiciaire de ROUEN

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau

Dit qu’il sera mis fin à la mesure

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Fait à Rouen, le 22 janvier 2025 à 11h04

LE GREFFIER, LE CONSEILLER,


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