L’Essentiel : M. [W] [D], né le 31 mai 2002 en Tunisie, est l’appelant dans cette affaire, actuellement retenu au centre de rétention administrative n°[2]. Il conteste la prolongation de sa rétention, décidée par le magistrat le 9 janvier 2025, en raison d’une obligation de quitter le territoire français. La cour a rappelé que la prolongation doit être justifiée par des critères précis, tels que l’obstruction à l’éloignement ou une menace à l’ordre public. Les antécédents judiciaires de M. [W] [D] ont été considérés comme une menace, justifiant ainsi la décision de prolongation.
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Identification des PartiesM. [W] [D], né le 31 mai 2002 à [Localité 1] en Tunisie, est l’appelant dans cette affaire. Il est actuellement retenu au centre de rétention administrative n°[2] et est assisté par Me Sabrina Scolari, avocat au barreau de Paris. L’intimé est le Préfet du Val d’Oise, représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza, avocat au barreau de Val-de-Marne. Contexte de la RétentionM. [W] [D] a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral en date du 9 novembre 2024, fondé sur une obligation de quitter le territoire français (OQTF) émise le 7 octobre 2024. Cette mesure a été prolongée pour la troisième fois par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux le 9 janvier 2025. Appel de la DécisionLe 10 janvier 2025, M. [W] [D] a interjeté appel de la décision de prolongation de sa rétention, arguant que les critères de l’article L742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) n’étaient pas remplis. Arguments de la CourLa cour a rappelé que le magistrat doit vérifier les diligences de l’administration pour que la rétention ne dure que le temps strictement nécessaire. Toutefois, l’administration française n’a pas de pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires. La prolongation de la rétention peut être justifiée si l’une des conditions énoncées dans l’article L742-5 est remplie. Critères de Prolongation de la RétentionLes critères pour prolonger la rétention incluent l’obstruction à l’éloignement, la présentation d’une demande de protection ou d’asile, ou l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement en raison du consulat. La menace pour l’ordre public peut également justifier une prolongation, mais doit être fondée sur des éléments objectifs et démontrés. Éléments de la Menace à l’Ordre PublicDans ce cas, M. [W] [D] a des antécédents judiciaires, avec plusieurs condamnations pénales récentes et un incident au centre de rétention. Ces éléments ont été considérés comme établissant une menace à l’ordre public, justifiant ainsi la prolongation de sa rétention. Conclusion de la CourLa cour a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention, considérant qu’il n’y avait pas d’illégalité affectant les conditions de la rétention. L’ordonnance a été notifiée, et le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former. |
Q/R juridiques soulevées :
Quels sont les critères de prolongation de la rétention administrative selon l’article L.742-5 du CESEDA ?L’article L.742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L.742-4, lorsque l’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours : 1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ; 2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement : a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L.631-3 ; b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3 ; 3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours. Il est important de noter que les critères énoncés ne sont pas cumulatifs, ce qui signifie qu’il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention. Quelles sont les obligations de l’administration en matière de rétention administrative ?L’article L.741-3 du CESEDA impose au magistrat du siège de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour s’assurer que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. Cela requiert, dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour. Cependant, il est crucial de noter que l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, comme l’indique la jurisprudence (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165). Le juge ne saurait imposer à l’administration la réalisation d’actes sans véritable effectivité. Ainsi, l’administration doit démontrer qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour faciliter le retour de l’étranger, tout en respectant les délais et les procédures établies par la loi. Comment est appréciée la menace pour l’ordre public dans le cadre de la rétention administrative ?La menace pour l’ordre public, qui peut être mobilisée par l’administration lors des prolongations de la mesure de rétention, doit faire l’objet d’une appréciation in concreto. Cela signifie qu’elle doit être évaluée au regard d’un faisceau d’indices permettant d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé. La jurisprudence (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X., A ; CE, 12 février 2014, ministre de l’intérieur, n° 365644, A) précise que la commission d’une infraction pénale, à elle seule, ne suffit pas à établir que le comportement de l’intéressé présente une menace pour l’ordre public. L’appréciation de cette menace doit également prendre en compte les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B). Dans le cas de M. [W] [D], plusieurs condamnations pénales récentes et un rapport d’incident au centre de rétention ont été pris en compte pour établir une menace à l’ordre public. Quelles sont les voies de recours possibles contre l’ordonnance de prolongation de la rétention ?L’ordonnance de prolongation de la rétention n’est pas susceptible d’opposition. Cependant, le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention, ainsi qu’au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance. Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur. Il est donc essentiel pour l’intéressé de respecter ces délais et de suivre les procédures appropriées pour contester la décision de prolongation de la rétention. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 11 JANVIER 2025
(1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/00147 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTA6
Décision déférée : ordonnance rendue le 09 janvier 2025, à 11h20, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux
Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Camille Besson, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
M. [W] [D]
né le 31 mai 2002 à [Localité 1], de nationalité tunisienne
RETENU au centre de rétention : [2]
assisté de Me Sabrina Scolari, avocat de permanence, avocat au barreau de Paris
INTIMÉ
LE PREFET DU VAL D’OISE
représenté par Me Me Nicolas Suarez Pedroza, du cabinet Actis, avocat au barreau de Val-de-Marne
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience
ORDONNANCE :
– contradictoire
– prononcée en audience publique
– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;
– Vu l’ordonnance du 09 janvier 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux déclarant la requête recevable et la procédure régulière et ordonnant une troisième prolongation de la rétention de M. [W] [D] au centre de rétention administrative n°[2], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de quinze jours à compter du 08 janvier 2025 ;
– Vu l’appel motivé interjeté le 10 janvier 2025, à 11h20, par M. [W] [D] ;
– Après avoir entendu les observations :
– de M. [W] [D], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;
– du conseil du préfet du Val-d’Oise tendant à la confirmation de l’ordonnance ;
Monsieur [W] [D], né le 31 mai 2002 à [Localité 1] (Tunisie) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 09 novembre 2024, sur la base d’une OQTF du 07 octobre 2024.
La mesure a été prolongée pour la troisième fois par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Meaux le 09 janvier 2025.
Monsieur [W] [D] a interjeté appel de cette décision au motif, selon lui, que les critères de l’article L742-5 du ceseda ne seraient pas remplis.
Réponse de la cour :
S’il appartient au magistrat du siège, en application de l’article L. 741-3 du même code, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour, en revanche, l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165) et le juge ne saurait imposer à l’administration la réalisation d’acte sans véritable effectivité.
En application de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 janvier 2024 :
« A titre exceptionnel, le magistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »
Les critères énoncés ci-dessus n’étant pas cumulatifs, il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention.
Pour l’application du dernier alinéa de l’article précité à la requête en quatrième prolongation, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, il appartient à l’administration de caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public établie dans les 15 jours qui précèdent la saisine du juge.
S’agissant de la menace à l’ordre public, critère pouvant être mobilisé par l’administration à l’occasion des troisième et quatrième prolongations de la mesure de rétention elle impose, compte tenu du caractère dérogatoire et exceptionnel de ces ultimes prolongations, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l’administration. Elle a pour objectif manifeste de prévenir, pour l’avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.
La menace pour l’ordre public doit faire l’objet d’une appréciation in concreto, au regard d’un faisceau d’indices permettant, ou non, d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé.
La commission d’une infraction pénale n’est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X., A ; CE, 12 février 2014, ministre de l’intérieur, n° 365644, A).
L’appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B).
En l’espèce, si les autorités consulaires marocaines n’ont pas reconnu l’intéressé, les autorités consulaires tunisiennes, saisies, l’ont entendu le 12 décembre 2024, ont été relancées à deux reprises, et l’administration établit donc avoir réalisé des démarches de nature à lui permettre d’obtenir un laissez-passer consulaire à bref délai.
En outre, s’agissant de la menace à l’ordre public, il ressort des pièces du dossier que Monsieur [W] [D] a fait l’objet de plusieurs condamnations pénales récentes, prononcées en février et septembre 2023, ainsi que d’un rapport d’incident au centre, le 13 décembre 2024, pour avoir insulté le personnel médical. Ces éléments établissent une menace à l’ordre public.
En l’absence de toute illégalité susceptible d’affecter les conditions (découlant du droit de l’Union) de légalité de la rétention, et à défaut d’autres moyens présentés en appel, il y a lieu confirmer l’ordonnance du premier juge.
CONFIRMONS l’ordonnance,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 11 janvier 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L’intéressé L’avocat de l’intéressé
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