Prolongation de rétention : irrecevabilité de la saisine administrative

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Prolongation de rétention : irrecevabilité de la saisine administrative

L’Essentiel : M. [V] [C], né le 1er juillet 1986 à [Localité 1], est l’appelant dans cette affaire, assisté par Me Ruben Garcia et Mme [O] [P]. Il a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral le 10 décembre 2024, prolongé le 14 décembre. Contestant cette prolongation, il a interjeté appel, arguant que la requête de l’administration était irrecevable, le délai de 26 jours étant dépassé. La cour a jugé la saisine irrecevable, infirmant l’ordonnance de prolongation et rappelant à M. [V] [C] son obligation de quitter le territoire français. Un pourvoi en cassation est possible.

Identification des parties

M. [V] [C], né le 1er juillet 1986 à [Localité 1] et de nationalité burkinabé, est l’appelant dans cette affaire. Il est assisté par Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris, et Mme [O] [P], interprète en bambara. L’intimé est le Préfet de police, représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza du cabinet Actis Avocats.

Contexte de la rétention

M. [V] [C] a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral daté du 10 décembre 2024, notifié à 17h50. Cette mesure a été prolongée pour la première fois le 14 décembre 2024, et son appel a été rejeté par la cour d’appel le 17 décembre 2024. Le 9 janvier 2025, un magistrat a ordonné une seconde prolongation de la rétention.

Arguments de l’appelant

M. [V] [C] a interjeté appel le 10 janvier 2025, contestant la prolongation de sa rétention. Il soutient que la requête de l’administration est irrecevable, arguant que le premier juge aurait été saisi après l’échéance du délai de 26 jours prévu par l’article L.742-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Réponse de la cour

La cour a examiné la recevabilité de la requête, rappelant que les moyens nouveaux peuvent être invoqués en appel. Elle a précisé que le délai d’action est une fin de non-recevoir pouvant être soulevée à tout moment. Selon les articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers, la rétention peut être prolongée au-delà de quatre jours sous certaines conditions.

Calcul des délais

La cour a déterminé que l’arrêté de placement en rétention a été notifié le 10 décembre 2024, et que le délai de quatre jours expirait le 13 décembre. Le délai de 26 jours a commencé à courir le 14 décembre, se terminant le 8 janvier 2025. La requête de prolongation, bien que reçue le 8 janvier, a été signée et envoyée le 9 janvier, soit après l’expiration du délai.

Décision de la cour

La cour a conclu que la saisine du magistrat était irrecevable, car elle était postérieure au délai de 26 jours. Par conséquent, l’ordonnance de prolongation a été infirmée, et la cour a déclaré la requête de la préfecture de police irrecevable. M. [V] [C] a été rappelé à son obligation de quitter le territoire français.

Notification et voies de recours

L’ordonnance a été notifiée, précisant qu’elle n’est pas susceptible d’opposition. Un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?

La procédure de prolongation de la rétention administrative est régie par plusieurs articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Tout d’abord, l’article L.741-1 stipule que l’autorité administrative peut placer un étranger en rétention pour une durée de quatre jours, lorsque celui-ci ne présente pas de garanties de représentation.

Cette mesure est applicable dans les cas prévus à l’article L.731-1.

Ensuite, l’article L.742-1 précise que le maintien en rétention au-delà de cette période de quatre jours doit être autorisé par un magistrat du siège, saisi par l’autorité administrative.

Il est important de noter que l’article L.742-3 indique que si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l’expiration du délai de quatre jours mentionné à l’article L.741-1.

Enfin, l’article L.743-4 énonce que le magistrat statue par ordonnance dans les quarante-huit heures suivant l’expiration du délai fixé.

Ainsi, la prolongation de la rétention administrative nécessite une saisine du magistrat dans les délais impartis, sous peine d’irrecevabilité de la requête.

Quelles sont les conséquences d’une saisine tardive du magistrat en matière de rétention administrative ?

La saisine tardive du magistrat en matière de rétention administrative a des conséquences significatives, notamment en ce qui concerne la recevabilité de la requête.

Selon l’article L.742-3 du CESEDA, le délai de vingt-six jours pour la prolongation de la rétention commence à courir à l’expiration du délai de quatre jours.

Si la requête visant à prolonger la rétention n’est pas déposée dans ce délai, elle est considérée comme irrecevable.

Dans le cas de M. [V] [C], la requête de prolongation a été reçue après l’expiration de ce délai, ce qui a conduit la cour à déclarer la requête irrecevable.

Cela signifie que la mesure de rétention ne peut pas être prolongée et que l’individu doit être libéré, conformément à l’article L.742-3.

En résumé, le respect des délais de saisine est crucial pour la validité des décisions de prolongation de la rétention administrative.

Quels sont les droits de l’étranger en matière de rétention administrative ?

Les droits de l’étranger en matière de rétention administrative sont encadrés par plusieurs dispositions légales.

Tout d’abord, l’article L.741-1 du CESEDA garantit que l’étranger a le droit d’être informé des raisons de son placement en rétention.

De plus, il a le droit d’être assisté par un avocat, comme le stipule l’article L.742-1, qui prévoit que l’étranger peut contester la décision de rétention devant le juge.

L’article L.743-4 précise également que l’étranger doit être informé de ses droits et des voies de recours disponibles.

En outre, l’article 74 du Code de procédure civile permet à l’étranger de soulever des exceptions de procédure, ce qui peut inclure des moyens de contestation relatifs à la légalité de la rétention.

Ainsi, l’étranger a des droits fondamentaux qui doivent être respectés tout au long de la procédure de rétention administrative, garantissant ainsi un équilibre entre la sécurité publique et les droits individuels.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 11 JANVIER 2025

(1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/00146 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTA3

Décision déférée : ordonnance rendue le 09 janvier 2025, à 14h47, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Camille Besson, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANT :

M. [V] [C]

né le 01 juillet 1986 à [Localité 1], de nationalité burkinabe

RETENU au centre de rétention : [2]

assisté de Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris et de Mme [O] [P] (Interpète en bambara) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté

INTIMÉ :

LE PREFET DE POLICE

représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza du cabinet Actis Avocats, avocat au barreau du Val-de-Marne

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience

ORDONNANCE :

– contradictoire

– prononcée en audience publique

– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;

– Vu l’ordonnance du 09 janvier 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant les conclusions d’irrecevabilité et ordonnant la prolongation du maintien de M. [V] [C], dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 30 jours, soit jusqu’au 08 février 2025 ;

– Vu l’appel motivé interjeté le 10 janvier 2025, à 11h42, par M. [V] [C] ;

– Vu les pièces versées par la préfecture le 10 janvier 2025 à 15h07 ;

– Après avoir entendu les observations :

– de M. [V] [C], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [V] [C], né le 1er juillet 1986 à [Localité 1] (Burkina Faso), a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 10 décembre 2024, notifié à 17h50, sur la base d’un arrêté préfectoral portant OQTF du même jour.

La mesure a été prolongée pour la première fois le 14 décembre 2024. L’appel de Monsieur [V] [C] a été rejeté par la cour d’appel le 17 décembre 2024.

Sur requête de l’administration, par ordonnance du 09 janvier 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris a prolongé la rétention administrative de Monsieur [V] [C] pour la deuxième fois.

Monsieur [V] [C] a interjeté appel et demande à la cour de déclarer la requête de l’administration irrecevable au motif que le premier juge aurait été saisi au-delà de l’échéance du délai de 26 jours, prévu par l’article L.742-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Réponse de la cour

Sur la recevabilité de la requête

Rappelons que, sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont recevables en cause d’appel (article 563 du CPC)

Le délai d’action constitue une fin de non-recevoir pouvant être invoquée à tout stade de la procédure.

Il ressort de la lecture de l’article L.741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

L’article L.742-1 du même code prévoit que le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège saisi à cette fin par l’autorité administrative.

L’article L.742-3 du même code retient que si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l’expiration du délai de quatre jours, mentionné à l’article L. 741-1.

L’article L.743-4 énonce, enfin, que le magistrat du siège statue, par ordonnance, dans les quarante-huit heures suivant l’expiration du délai fixé au premier alinéa de l’article L. 741-10 ou sa saisine en application des articles L. 742-1 et L. 742-4 à L. 742-7.

Le 07 janvier 2025, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rendu l’avis suivant sur la computation des délais en matière de rétention administrative et de saisine du magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté aux fins de première prolongation:

« – d’une part, que, conformément aux articles L. 742-1 et R. 742-1 du CESEDA et les articles 641 et 642 du code de procédure civile n’étant pas applicables, le délai de rétention de quatre jours court à compter de la notification du placement en rétention, de sorte que le premier jour doit être décompté;

– d’autre part, qu’exprimé en jours, ce délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures, sans que ne soit applicable la prolongation du délai expirant un dimanche ou un jour férié.

Ainsi, pour un placement en rétention notifié le 1er janvier à quinze heures, le délai de quatre jours s’achèvera le 4 janvier à vingt-quatre heures. »

Il se déduit de l’ensemble des éléments exposés, et au regard des données de l’espèce que l’arrêté de placement en rétention concernant Monsieur [V] [C] a été notifié le 10 décembre 2024 à 17h56 ; que le délai de quatre jours expirait le 13 décembre à 24h00 et que c’est à compter du 14 décembre 2024 à 00h00 que le délai de 26 jours commençait à courir. Ce délai expirait le 08 janvier 2025 à 24h00.

Si la copie du registre a été adressée au magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté le 08 janvier 2025, la requête aux fins de saisine, visant les motifs de prolongation , datée et signée, n’est parvenue que le 09 janvier 2025 à 08h49.

La saisine est donc postérieure au délai de 26 jours ayant commencé à courir à l’expiration du délai de quatre jours conformément à l’article L.742-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et est donc irrecevable.

La décision sera infirmée.

PAR CES MOTIFS;

INFIRMONS l’ordonnance

Statuant à nouveau,

DECLARONS irrecevable la requête de la préfecture de police,

DISONS n’y a voir lieu à prolongation de la mesure de rétention administrative de Monsieur [V] [C],

RAPPELONS à Monsieur [V] [C] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 11 janvier 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’intéressé L’interprète L’avocat de l’intéressé


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