Prolongation de rétention : enjeux de notification des droits et garanties de mise en exécution

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Prolongation de rétention : enjeux de notification des droits et garanties de mise en exécution

L’Essentiel : Monsieur le Préfet a demandé, par une requête du 20 janvier 2025, une prolongation de la rétention de l’intéressé pour vingt-six jours, justifiant la nécessité de le maintenir au-delà de quatre jours. L’intéressé, assisté de son avocat, a été informé de ses droits, mais a exprimé des préoccupations concernant la notification de ceux-ci. Me Arnaud LEROY a soulevé des irrégularités, notamment l’absence d’interprète lors de la première notification. Malgré ces arguments, le recours de l’intéressé a été rejeté, et la prolongation de la rétention a été autorisée jusqu’au 16 février 2025, avec information sur les droits d’appel.

Demande de prolongation de rétention

Par une requête datée du 20 janvier 2025, Monsieur le Préfet a sollicité l’autorisation de prolonger la rétention de l’intéressé pour une durée maximale de vingt-six jours, invoquant la nécessité de maintenir celui-ci au-delà de quatre jours.

Notification des droits

L’intéressé, assisté de son avocat Me Arnaud LEROY, a été informé de ses droits durant la rétention, conformément aux articles L.743-9 et L.743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers. Il a également été entendu sur ses observations concernant sa situation.

Déclarations de l’intéressé

L’intéressé a exprimé son souhait d’être assisté par un avocat, affirmant ne pas avoir été informé de son assignation à résidence. Il a mentionné vivre au CCAS tout en ayant une adresse familiale, et a déclaré ne pas vouloir quitter le territoire, en raison de sa situation personnelle et professionnelle.

Observations de l’avocat

Me Arnaud LEROY a soulevé des irrégularités dans la notification des droits, arguant que la première notification avait eu lieu sans interprète et que la seconde était tardive. Il a demandé la constatation de cette irrégularité et la mainlevée du placement.

Cadre légal de la garde à vue

L’article 63-1 du code de procédure pénale stipule que les droits des personnes placées en garde à vue doivent être notifiés dans une langue qu’elles comprennent. Cela inclut des informations sur la durée de la mesure, les droits d’assistance, et la possibilité de faire appel à un interprète.

Éléments de la procédure

Il a été établi que l’intéressé a été placé en garde à vue le 16 janvier 2025, et que ses droits lui ont été notifiés en français. Bien qu’un interprète ait été sollicité le lendemain, il n’a pas été prouvé que l’absence d’interprète lors de la première notification ait eu un impact négatif sur la compréhension de ses droits.

Garanties de mise à exécution

L’intéressé ne présente pas de garanties suffisantes pour la mise en œuvre de la mesure de reconduite à la frontière, ayant déjà enfreint les obligations d’assignation à résidence par le passé. Cela a conduit à la nécessité de mesures de surveillance.

Décision finale

En raison des arguments avancés par le Préfet, le recours en annulation de l’intéressé a été rejeté. La prolongation de la rétention administrative a été autorisée pour une durée maximale de vingt-six jours, jusqu’au 16 février 2025. L’intéressé a été informé de ses droits d’appel.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par les articles L.743-9 et L.743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile.

L’article L.743-9 stipule que :

« La rétention administrative ne peut excéder quarante-huit heures, sauf si le juge des libertés et de la détention autorise une prolongation. »

Cette prolongation ne peut être accordée que si des éléments justifiant la nécessité de maintenir l’intéressé en rétention sont présentés.

De plus, l’article L.743-24 précise que :

« La prolongation de la rétention administrative peut être demandée par l’autorité administrative pour une durée maximale de vingt-six jours. »

Il est donc essentiel que l’autorité administrative, comme le Préfet, démontre la nécessité de cette prolongation, en tenant compte des circonstances particulières de chaque cas.

Quels sont les droits de l’intéressé pendant la rétention administrative ?

Les droits de l’intéressé pendant la rétention administrative sont clairement énoncés dans le Code de procédure pénale, notamment à l’article 63-1.

Cet article prévoit que :

« La personne placée en garde à vue est immédiatement informée de son placement, de la durée de la mesure, ainsi que de ses droits. »

Ces droits incluent :

– Le droit d’être assisté par un avocat.
– Le droit d’être examiné par un médecin.
– Le droit de faire prévenir un proche et, si nécessaire, les autorités consulaires.

Il est également stipulé que si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète.

En l’espèce, il a été noté que l’intéressé a été informé de ses droits, mais la question de l’interprétation a été soulevée, ce qui pourrait affecter la validité de la notification de ses droits.

Quelles sont les conséquences d’une notification tardive des droits ?

La notification tardive des droits peut avoir des conséquences sur la validité de la procédure de rétention. Selon l’article 63-1 du Code de procédure pénale, la notification des droits doit être faite dans une langue que la personne comprend.

Si cette notification est tardive ou incomplète, cela peut être considéré comme une violation des droits de l’intéressé.

Dans le cas présent, l’avocat a soutenu que la première notification des droits était nulle en raison de l’absence d’interprète, ce qui pourrait justifier une demande de mainlevée de la rétention.

Cependant, le tribunal a estimé que l’absence d’interprète lors de la première notification n’avait pas porté atteinte aux droits de l’intéressé, car il avait compris ses droits lors de la seconde notification.

Quels sont les critères d’évaluation des garanties de mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière ?

Les critères d’évaluation des garanties de mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière sont souvent basés sur le comportement antérieur de l’intéressé.

En l’espèce, il a été noté que l’intéressé ne présentait pas de garanties suffisantes, car il avait déjà bénéficié d’assignations à résidence sans respecter les obligations de pointage.

Cela soulève la question de la fiabilité de l’intéressé en tant que candidat à la reconduite à la frontière, ce qui est un critère essentiel pour l’autorité administrative.

L’article L.743-9 mentionne que la rétention peut être prolongée si des éléments justifiant la nécessité de maintenir l’intéressé en rétention sont présentés, ce qui a été le cas ici.

Quelles sont les voies de recours disponibles pour l’intéressé ?

L’intéressé a la possibilité de contester la décision de prolongation de la rétention administrative. Selon l’article 743-24, il peut faire appel de la décision devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’article précise que :

« L’appel doit être motivé et peut être transmis par tout moyen au greffe de la Cour d’Appel. »

Il est également important de noter que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif, ce qui signifie que la décision de prolongation peut être exécutée pendant la durée de l’appel, sauf décision contraire.

Ainsi, l’intéressé doit agir rapidement pour faire valoir ses droits et contester la prolongation de sa rétention.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Au nom du Peuple Français

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BOULOGNE SUR MER

ORDONNANCE STATUANT SUR UNE DEMANDE DE MAINTIEN EN RÉTENTION ET SUR LE CONTRÔLE DE LA RÉGULARITÉ D’UNE DÉCISION DE PLACEMENT EN RÉTENTION

MINUTE : 25/ 123
Appel des causes le 22 Janvier 2025 à 10h00 en visioconférence
Divétrangers
N° étrN° RG 25/00277 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76DDF

Nous, Madame PIROTTE Carole, Vice Présidente au Tribunal Judiciaire de BOULOGNE SUR MER, juge chargé du contrôle des mesures restrictives et privatives de libertés en droit des étrangers, assistée de Madame TIMMERMAN Marie, Greffier, statuant en application des articles L.742-1, L.743-4, L.743-6 à L.743-8, L. 743-20 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile;

Vu l’article R. 213-12-2 du code de l’organisation judiciaire ;

En présence de [F] [T], interprète en langue arabe, serment préalablement prêté ;

Vu le Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile notamment en ses articles L. 741-1 et suivants ;

Vu les dispositions des articles L.741-10, L743-3 à L743-20, L743-24, R. 741-3 et R743-1 à 743-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Monsieur [X] [Y] [N]
de nationalité Algérienne
né le 24 Août 1998 à [Localité 2] (ALGERIE), a fait l’objet :

– d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français prononcée le 15 mars 2024 par MME LE PREFET DE L’OISE , qui lui a été notifié le 15 mars 2024 à 13h15
– d’un arrêté de placement en rétention administrative pour une durée de quatre jours, prononcé le 17 janvier 2025 par M. LE PREFET DE L’OISE , qui lui a été notifié le 17 janvier 2025 à 18h00 .

Vu la requête de Monsieur [X] [Y] [N] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative en date du 20 Janvier 2025 réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention le 20 Janvier 2025 à 13h50 ;

Par requête du 20 Janvier 2025 reçue au greffe à 16h37, Monsieur le Préfet invoquant devoir maintenir l’intéressé au-delà de quatre jours, demande l’autorisation de prolonger ce délai pour une durée de VINGT-SIX jours maximum.

En application des articles L.743-9 et L. 743-24 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile il a été rappelé à l’intéressé, assisté de Me Arnaud LEROY, avocat au Barreau de BOULOGNE-SUR-MER et commis d’office, les droits qui lui sont reconnus pendant la rétention et a été informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant ; qu’il a été entendu en ses observations.

L’intéressé déclare : Je souhaite être assisté d’un avocat. Je ne savais pas que j’étais assigné à résidence. J’étais au courant de l’OQTF mais pas de l’assignation. Au bout d’une semaine la police m’a dit d’arrêter de venir. Je suis domicilié au CCAS. Mon code postal est au CCAS mais j’habite aussi avec ma famille. C’est mon adresse au CCAS. Je savais pas qu’il fallait donner des documents. J’ai ma copine enceinte. Je travaille. Je ne veux pas quitter le territoire.

Me Arnaud LEROY entendu en ses observations ; in limine litis, Monsieur a eu une première notification des droits sans interprète puis une deuxième avec interprète. Je vous laisse apprécier. Monsieur n’a pas eu d’interprète. La première est nulle et la deuxième notification est tardive. Aucune circonstance insurmontable ne justifie cela. Je vous demande de constater l’irrégularité et d’ordonner la mainlevée du placement. Je ne soutiens pas le recours.

MOTIFS

L’article 63-1 du code de procédure pénale prévoit que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu’elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa :

1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l’objet ;

2° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l’article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ;

3° Du fait qu’elle bénéficie :

-du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l’Etat dont elle est ressortissante, et, le cas échéant, de communiquer avec ces personnes, conformément à l’article 63-2 ;

-du droit d’être examinée par un médecin, conformément à l’article 63-3 ;

-du droit d’être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ;

-s’il y a lieu, du droit d’être assistée par un interprète ;

-du droit de consulter, dans les meilleurs délais et au plus tard avant l’éventuelle prolongation de la garde à vue, les documents mentionnés à l’article 63-4-1 ;

-du droit de présenter des observations au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat se prononce sur l’éventuelle prolongation de la garde à vue, tendant à ce qu’il soit mis fin à cette mesure. Si la personne n’est pas présentée devant le magistrat, elle peut faire connaître oralement ses observations dans un procès-verbal d’audition, qui est communiqué à celui-ci avant qu’il ne statue sur la prolongation de la mesure ;

-du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Si la personne est atteinte de surdité et qu’elle ne sait ni lire, ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.

Si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant après qu’un formulaire lui a été remis pour son information immédiate.

Mention de l’information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal de déroulement de la garde à vue et émargée par la personne gardée à vue. En cas de refus d’émargement, il en est fait mention.

En application de l’article 803-6, un document énonçant ces droits est remis à la personne lors de la notification de sa garde à vue.

En l’espèce, il résulte des éléments de la procédure que Monsieur [N] a été placé en garde à vue le 16 janvier 2025 à 18h05. Par procès-verbal du 16 janvier 2025 à 18h24, ses droits lui ont été notifiés en français. Il est établi qu’il a manifestement compris ses droits puisqu’il a sollicité qu’un de ses amis Monsieur [L] soit avisé et a donné son adresse et son numéro de téléphone, indiquant qu’il vivait habituellement avec cette personne. Il a aussi demandé un examen médical et l’assistance d’un avocat et il a signé le procès-verbal. S’il n’est pas contestable que le lendemain, alors que les services de police s’apprêtaient à entendre l’intéressé, il a été décidé de faire appel à un interprète pour s’assurer d’une compréhension totale et complète des questions et que ses droits lui ont à nouveau été notifiés par l’intermédiaire d’un interprète, il n’est pas démontré que l’absence d’interprète lors de la première notification le 16 janvier 2025 à 18h24 lui ait porté atteinte. Le moyen sera donc rejeté.

L’intéressé ne présente en outre pas de garanties suffisantes pour la mise à exécution de la mesure de reconduite à la frontière, des mesures de surveillance sont nécessaires dès lors qu’il a bénéficié à deux reprises en mars 2024 et en août 2024 d’une assignation à résidence après sa libération du centre de rétention et qu’il n’a jamais respecté l’obligation de pointage qui lui avait été imposée, que ce soit dans le cadre de l’une ou l’autre des mesures.

Eu égard aux nécessités invoquées par M. PREFET DE L’OISE, il convient de rejeter le recours en annulation formé par l’intéressé et d’accorder la prolongation demandée

PAR CES MOTIFS

PRONONÇONS la jonction avec l’affaire n°25/00264

REJETONS le recours en annulation de Monsieur [X] [Y] [N]

AUTORISONS l’autorité administrative à retenir : Monsieur [X] [Y] [N] dans les locaux ne relevant pas de l’Administration pénitentiaire pour une prolongation de rétention administrative d’une durée maximale de VINGT-SIX JOURS soit jusqu’au : 16 février 2025

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance par mail au CRA pour remise à l’intéressé qui, en émargeant ci-après, atteste avoir reçu copie et avisons l’intéressé de la possibilité de faire appel, devant le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt quatre heures de son prononcé ; l’informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 1] ) au greffe de la Cour d’Appel de DOUAI ; lui indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier Président de la Cour d’Appel ou son délégué.

L’Avocat, Le Greffier, Le Juge,

décision rendue à 12h29
L’ordonnance a été transmise ce jour à M. LE PREFET DE L’OISE
Ordonnance transmise au Tribunal administratif de LILLE
N° étrN° RG 25/00277 – N° Portalis DBZ3-W-B7J-76DDF
En cas de remise en liberté : Ordonnance notifiée à Monsieur le procureur de la République à

Décision notifiée à …h…

L’intéressé, L’interprète,


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