Prolongation de rétention : délais et irrecevabilité de la saisine.

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Prolongation de rétention : délais et irrecevabilité de la saisine.

L’Essentiel : M. [J] [Z], né le 04 février 2005 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise, est retenu au centre de rétention, assisté de Me Ruben Garcia. L’intimé est le Préfet de police, représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza. M. [J] [Z] a été placé en rétention administrative le 10 décembre 2024, avec plusieurs prolongations. Il a interjeté appel le 10 janvier 2025, contestant la légitimité de cette prolongation. La cour a infirmé l’ordonnance initiale, déclarant irrecevable la requête de la préfecture et ordonnant la cessation de la rétention. M. [J] [Z] doit quitter le territoire français.

Identité de l’Appelant

M. [J] [Z], né le 04 février 2005 à [Localité 1] et de nationalité sénégalaise, est retenu au centre de rétention, assisté de Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris.

Parties Impliquées

L’intimé dans cette affaire est le Préfet de police, représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza, avocat au barreau de Val-de-Marne. Le ministère public a également été avisé de la date et de l’heure de l’audience.

Contexte Juridique

L’ordonnance a été prononcée en audience publique, conformément au décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024, qui vise à contrôler l’immigration et à améliorer l’intégration. Il a été noté qu’aucune salle d’audience n’était disponible à proximité du lieu de rétention.

Prolongation de la Rétention

M. [J] [Z] a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral le 10 décembre 2024, avec une prolongation initiale le 15 décembre 2024, confirmée par la cour d’appel le 17 décembre 2024. Une seconde prolongation a été ordonnée le 09 janvier 2025.

Appel de M. [J] [Z]

M. [J] [Z] a interjeté appel le 10 janvier 2025, contestant la légitimité de la prolongation de sa rétention, arguant que la requête de l’administration était irrecevable en raison d’un dépassement du délai légal.

Réponse de la Cour

La cour a rappelé que les moyens nouveaux sont recevables en appel, mais que le délai d’action peut être invoqué à tout moment. Elle a examiné les articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et a déterminé que la saisine du magistrat était tardive.

Décision de la Cour

La cour a infirmé l’ordonnance initiale, déclarant irrecevable la requête de la préfecture de police et ordonnant qu’il n’y ait pas de prolongation de la mesure de rétention administrative de M. [J] [Z].

Obligation de Quitter le Territoire

M. [J] [Z] a été rappelé à son obligation de quitter le territoire français, et une expédition de l’ordonnance a été ordonnée à remettre immédiatement au procureur général.

Voies de Recours

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, mais un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la procédure de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?

La procédure de prolongation de la rétention administrative est régie par plusieurs articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

L’article L.741-1 stipule que l’autorité administrative peut placer un étranger en rétention pour une durée de quatre jours, lorsque celui-ci ne présente pas de garanties de représentation.

Cette mesure est applicable dans les cas prévus à l’article L.731-1.

Au-delà de cette période initiale de quatre jours, l’article L.742-1 précise que le maintien en rétention peut être autorisé par le magistrat du siège, saisi par l’autorité administrative.

Il est important de noter que l’article L.742-3 indique que si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l’expiration du délai de quatre jours mentionné à l’article L.741-1.

Enfin, l’article L.743-4 énonce que le magistrat statue par ordonnance dans les quarante-huit heures suivant l’expiration du délai fixé.

Ainsi, la procédure de prolongation est strictement encadrée par ces dispositions législatives, garantissant un contrôle judiciaire sur les mesures de rétention.

Quelles sont les conséquences d’une saisine tardive du magistrat du siège en matière de rétention administrative ?

La saisine tardive du magistrat du siège a des conséquences significatives sur la validité de la prolongation de la rétention administrative.

Selon l’article L.742-3, le délai de vingt-six jours pour la prolongation de la rétention commence à courir à l’expiration du délai de quatre jours.

Dans le cas présent, le placement en rétention de M. [J] [Z] a été notifié le 10 décembre 2024, et le délai de quatre jours a expiré le 13 décembre 2024.

Le délai de vingt-six jours a donc commencé à courir le 14 décembre 2024, et devait expirer le 08 janvier 2025.

Or, la requête de l’administration pour prolonger la rétention a été reçue le 09 janvier 2025, soit après l’expiration du délai.

Cela signifie que la saisine du magistrat était tardive, rendant la requête irrecevable.

Cette situation est conforme à la jurisprudence qui stipule que le délai d’action constitue une fin de non-recevoir pouvant être invoquée à tout stade de la procédure.

Ainsi, la cour a dû infirmer l’ordonnance initiale et déclarer la requête de la préfecture irrecevable.

Quels sont les droits de l’étranger en matière de rétention administrative ?

Les droits de l’étranger en matière de rétention administrative sont protégés par plusieurs dispositions législatives et réglementaires.

L’article L.741-1 du CESEDA précise que l’étranger a le droit d’être informé des raisons de son placement en rétention.

De plus, il a le droit d’être assisté par un avocat, comme le stipule l’article L.742-1, qui permet à l’étranger de contester la mesure de rétention devant le magistrat du siège.

L’article L.743-4 garantit également que le magistrat statue dans un délai de quarante-huit heures, assurant ainsi un contrôle judiciaire rapide de la mesure.

En outre, l’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège le droit à la liberté et à la sûreté, s’applique également.

Cela signifie que toute privation de liberté doit être conforme à la loi et justifiée par des raisons légitimes.

Ainsi, l’étranger a des droits fondamentaux qui doivent être respectés tout au long de la procédure de rétention administrative, garantissant un équilibre entre la sécurité publique et les droits individuels.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 11 JANVIER 2025

(1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/00148 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTBF

Décision déférée : ordonnance rendue le 09 janvier 2025, à 14h46, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Camille Besson, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANT :

M. [J] [Z]

né le 04 février 2005 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise

RETENU au centre de rétention : [2]

assisté de Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance,

INTIMÉ :

LE PREFET DE POLICE

représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza, du cabinet Actis, avocat au barreau de Val-de-Marne

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience

ORDONNANCE :

– contradictoire

– prononcée en audience publique

– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;

– Vu l’ordonnance du 09 janvier 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant les conclusions d’irrecevabilité et ordonnant la prolongation du maintien de M. [J] [Z] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 30 jours, soit jusqu’au 08 février 2025 ;

– Vu l’appel motivé interjeté le 10 janvier 2025, à 10h51 complété à 11h42, par M. [J] [Z] ;

– Vu les pièces versées par la préfecture le 10 janvier 2025 à 15h10 ;

– Après avoir entendu les observations :

– de M. [J] [Z], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [J] [Z], né le 04 février 2005 à [Localité 1] (Sénégal), a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 10 décembre 2024, notifié à 16h46, sur la base d’un arrêté préfectoral portant OQTF du même jour.

La mesure a été prolongée pour la première fois le 15 décembre 2024, décision confirmée par la cour d’appel le 17 décembre 2024.

Sur requête de l’administration, par ordonnance du 09 janvier 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris a prolongé la rétention administrative de Monsieur [J] [Z] pour la deuxième fois.

Monsieur [J] [Z] a interjeté appel et demande à la cour de déclarer la requête de l’administration irrecevable au motif que le premier juge aurait été saisi au-delà de l’échéance du délai de 26 jours, prévu par l’article L.742-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Réponse de la cour :

Rappelons que, sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont recevables en cause d’appel (article 563 du CPC)

Le délai d’action constitue une fin de non-recevoir pouvant être invoquée à tout stade de la procédure.

Il ressort de la lecture de l’article L.741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

L’article L.742-1 du même code prévoit que le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège saisi à cette fin par l’autorité administrative.

L’article L.742-3 du même code retient que si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l’expiration du délai de quatre jours, mentionné à l’article L. 741-1.

L’article L.743-4 énonce, enfin, que le magistrat du siège statue, par ordonnance, dans les quarante-huit heures suivant l’expiration du délai fixé au premier alinéa de l’article L. 741-10 ou sa saisine en application des articles L. 742-1 et L. 742-4 à L. 742-7.

Le 07 janvier 2025, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rendu l’avis suivant sur la computation des délais en matière de rétention administrative et de saisine du magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté aux fins de première prolongation:

« – d’une part, que, conformément aux articles L. 742-1 et R. 742-1 du CESEDA et les articles 641 et 642 du code de procédure civile n’étant pas applicables, le délai de rétention de quatre jours court à compter de la notification du placement en rétention, de sorte que le premier jour doit être décompté;

– d’autre part, qu’exprimé en jours, ce délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures, sans que ne soit applicable la prolongation du délai expirant un dimanche ou un jour férié.

Ainsi, pour un placement en rétention notifié le 1er janvier à quinze heures, le délai de quatre jours s’achèvera le 4 janvier à vingt-quatre heures. »

Il se déduit de l’ensemble des éléments exposés, et au regard des données de l’espèce que l’arrêté de placement en rétention concernant Monsieur [J] [Z] a été notifié le 10 décembre 2024 à 10h46 ; que le délai de quatre jours expirait le 13 décembre à 24h00 et que c’est à compter du 14 décembre 2024 à 00h00 que la délai de 26 jours commençait à courir. Ce délai expirait le 08 janvier 2025 à 24h00.

Or, la requête datée et signée, seule pièce valant saisine du magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté, a été reçue le 09 janvier 2025 à 08h49. L’envoi préalable du dossier, y compris du registre, ne saurait constituer une saisine valable faute pour l’administration de rapporter la preuve de la date de sa réception par le juge.

En conséquence, force est de constater que la saisine du magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté est tardive et la requête de l’administration aux fins de 2ème prolongation, irrecevable.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l’ordonnance

Statuant à nouveau,

DECLARONS irrecevable la requête de la préfecture de police,

DISONS n’y a voir lieu à prolongation de la mesure de rétention administrative de Monsieur [J] [Z]

RAPPELONS à Monsieur [J] [Z] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 11 janvier 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’intéressé L’avocat de l’intéressé


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