Prolongation de rétention administrative : conditions et délais clarifiés

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Prolongation de rétention administrative : conditions et délais clarifiés

L’Essentiel : M. [W] [Z], de nationalité malienne, a été placé en rétention administrative le 10 décembre 2024, suite à une obligation de quitter le territoire français. Sa rétention a été prolongée le 15 décembre, mais le 10 janvier 2025, le magistrat a déclaré irrecevable la demande de prolongation de la préfecture. Le procureur a interjeté appel, entraînant une jonction des appels. La cour a examiné les délais de rétention, confirmant que le délai de quatre jours avait expiré le 13 décembre 2024. En conséquence, elle a confirmé l’ordonnance de non-prolongation, ordonnant la remise immédiate de l’ordonnance au procureur général.

Contexte de l’affaire

M. [W] [Z], de nationalité malienne, a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral daté du 10 décembre 2024, en raison d’une obligation de quitter le territoire français. Cette décision a été notifiée à 15h05 le même jour, sur la base d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) du 11 décembre 2023.

Prolongation de la rétention

La rétention de M. [W] [Z] a été prolongée pour la première fois le 15 décembre 2024, après le rejet de sa déclaration d’appel le 17 décembre 2024. Le 10 janvier 2025, le magistrat du siège a déclaré irrecevable la requête de la préfecture de police visant à obtenir une seconde prolongation de la rétention.

Appels et décisions judiciaires

Le procureur de la République a interjeté appel de l’ordonnance du 10 janvier 2025, demandant un effet suspensif, ce qui a été accordé par ordonnance du 11 janvier 2025. Le préfet de police a également fait appel de cette décision, entraînant une jonction des deux appels.

Arguments des parties

L’avocat général a plaidé pour l’infirmation de l’ordonnance initiale, tandis que le conseil de la préfecture a soutenu cette position, demandant une prolongation de la rétention de 30 jours. En revanche, M. [W] [Z], assisté de son avocat, a demandé la confirmation de l’ordonnance de non-prolongation.

Analyse des délais de rétention

La cour a examiné les délais de rétention administrative, précisant que le délai de quatre jours court à partir de la notification du placement en rétention. Dans ce cas, le délai de quatre jours a expiré le 13 décembre 2024, et le délai de 26 jours a commencé à courir à partir du 14 décembre 2024, se terminant le 8 janvier 2025. Le magistrat a été saisi le 9 janvier 2025, rendant la requête irrecevable.

Conclusion de la cour

La cour a confirmé l’ordonnance du 10 janvier 2025, déclarant la requête de prolongation de la rétention irrecevable. Elle a ordonné la remise immédiate d’une expédition de l’ordonnance au procureur général.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de la rétention administrative selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?

La rétention administrative d’un étranger est régie par plusieurs articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

L’article L.741-1 stipule que l’autorité administrative peut placer en rétention un étranger pour une durée de quatre jours, lorsque celui-ci se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L.731-1.

Cette mesure est applicable si l’étranger ne présente pas de garanties de représentation effectives, propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement, et qu’aucune autre mesure n’est suffisante pour garantir l’exécution effective de cette décision.

L’article L.742-1 précise que le maintien en rétention au-delà de quatre jours peut être autorisé par le magistrat du siège, saisi à cette fin par l’autorité administrative.

De plus, l’article L.742-3 indique que si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l’expiration du délai de quatre jours mentionné à l’article L.741-1.

Enfin, l’article L.743-4 énonce que le magistrat statue par ordonnance dans les quarante-huit heures suivant l’expiration du délai fixé.

Quels sont les délais de saisine du magistrat en matière de rétention administrative ?

Les délais de saisine du magistrat en matière de rétention administrative sont clairement définis par le CESEDA.

L’article L.742-1 stipule que le magistrat du siège doit être saisi pour autoriser le maintien en rétention au-delà de quatre jours.

Il est important de noter que le délai de quatre jours court à compter de la notification du placement en rétention, comme l’indique l’avis de la Cour de cassation du 07 janvier 2025.

Cet avis précise que le premier jour doit être décompté et que le délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures, sans application de la prolongation du délai expirant un dimanche ou un jour férié.

Ainsi, pour un placement en rétention notifié le 1er janvier à quinze heures, le délai de quatre jours s’achèvera le 4 janvier à vingt-quatre heures.

Dans le cas de M. [W] [Z], le placement en rétention a été notifié le 10 décembre 2024 à 15h05, ce qui signifie que le délai de quatre jours expirait le 13 décembre à 24h00.

Le délai de 26 jours a commencé à courir à partir du 14 décembre 2024 à 00h00, et a expiré le 08 janvier 2025 à 24h00.

Le magistrat a été saisi le 09 janvier 2025 à 08h56, ce qui rend la requête irrecevable.

Quelles sont les voies de recours possibles contre une ordonnance de rétention administrative ?

Les voies de recours contre une ordonnance de rétention administrative sont également encadrées par le CESEDA.

Selon l’ordonnance, le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention, ainsi qu’au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance.

Le pourvoi doit être formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Il est important de noter que l’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, ce qui signifie que les parties ne peuvent pas contester la décision par une autre voie que le pourvoi en cassation.

Cela souligne l’importance de respecter les délais et les procédures établies pour contester une mesure de rétention administrative.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 11

L. 743-22 du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 13 JANVIER 2025

(1 pages)

Numéro d’inscription au numéro général et de décision : B N° RG 25/00160 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTC5

Décision déférée : ordonnance rendue le 10 janvier 2025, à 15h32, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère, à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Roxanne Therasse, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANTS :

1°) LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PRÈS LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MEAUX

MINISTÈRE PUBLIC, en la personne de Mme Florence Lifchitz, avocat général, présente en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris

2°) LE PRÉFET DE POLICE,

représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza du cabinet Actis Avocats, avocat au barreau du Val-de-Marne présent en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris

INTIMÉ:

M. [W] [Z]

né le 31 décembre 1994 à [Localité 1] se disant né à [Localité 4] (au Mali)

de nationalité Malienne

RETENU au centre de rétention du [3]

assisté de Me Elena Velez De La Calle, avocat au barreau de Paris, de Mme [Y] [P], élève-avocate et de Mme [L] [O] (Interpète en bambara) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté, présentes en salle d’audience de la Cour d’appel de Paris

ORDONNANCE :

– contradictoire,

– prononcée en audience publique,

– Vu l’ordonnance du 10 janvier 2025, à 15h32, du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux déclarant irrecevable la requête du préfet de police, disant n’y avoir lieu à statuer sur la demande de seconde prolongation de la rétention administrative de M. [W] [Z], rappelant à M. [W] [Z] qu’il a l’obligation de quitter la France ;

– Vu l’appel de ladite ordonnance interjeté le 10 janvier 2025 à 17h31 par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Meaux, avec demande d’effet suspensif ;

– Vu l’appel de ladite ordonnance, interjeté le 11 janvier 2025, à 16h07, par le préfet de police ;

– Vu l’ordonnance du 11 janvier 2025 conférant un caractère suspensif au recours du procureur de la République ;

– Vu la décision de jonction, par mention au dossier, des deux appels ;

– Vu les observations :

– de l’avocat général tendant à l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil de la préfecture lequel, s’associant à l’argumentation développée par le ministère public, nous demande d’infirmer l’ordonnance et de prolonger la rétention pour une durée de 30 jours ;

– de M. [W] [Z], assisté de son conseil qui demande la confirmation de l’ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [W] [Z], né le 31 décembre 1994 à [Localité 4] (Mali), a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 10 décembre 2024, notifié à 15h05, sur la base d’un arrêté préfectoral portant OQTF du 11 décembre 2023.

La mesure a été prolongée pour la première fois le 15 décembre 2024, la déclaration d’appel de Monsieur [W] [Z] étant rejetée le 17 décembre 2024.

Sur requête de l’administration, par ordonnance du 10 janvier 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de [Localité 2] a déclaré irrecevable la requête aux fins de deuxième prolongation de la préfecture de police de [Localité 5].

Le procureur de la République a interjeté appel et sollicité que lui soit accordé l’effet suspensif. Il a été fait droit à sa demande par ordonnance rendue le 11 janvier 2025.

Le préfet a également interjeté appel de la décision.

Réponse de la cour :

Rappelons que, sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont recevables en cause d’appel (article 563 du CPC)

Le délai d’action constitue une fin de non-recevoir pouvant être invoquée à tout stade de la procédure.

Il ressort de la lecture de l’article L.741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

L’article L.742-1 du même code prévoit que le maintien en rétention au-delà de quatre jours à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le magistrat du siège saisi à cette fin par l’autorité administrative.

L’article L.742-3 du même code retient que si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court pour une période de vingt-six jours à compter de l’expiration du délai de quatre jours, mentionné à l’article L. 741-1.

L’article L.743-4 énonce, enfin, que le magistrat du siège statue, par ordonnance, dans les quarante-huit heures suivant l’expiration du délai fixé au premier alinéa de l’article L. 741-10 ou sa saisine en application des articles L. 742-1 et L. 742-4 à L. 742-7.

Le 07 janvier 2025, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rendu l’avis suivant sur la computation des délais en matière de rétention administrative et de saisine du magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté aux fins de première prolongation :

« – d’une part, que, conformément aux articles L. 742-1 et R. 742-1 du CESEDA et les articles 641 et 642 du code de procédure civile n’étant pas applicables, le délai de rétention de quatre jours court à compter de la notification du placement en rétention, de sorte que le premier jour doit être décompté;

– d’autre part, qu’exprimé en jours, ce délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures, sans que ne soit applicable la prolongation du délai expirant un dimanche ou un jour férié.

Ainsi, pour un placement en rétention notifié le 1er janvier à quinze heures, le délai de quatre jours s’achèvera le 4 janvier à vingt-quatre heures. »

Il se déduit de l’ensemble des éléments exposés, et au regard des données de l’espèce que l’arrêté de placement en rétention concernant Monsieur [W] [Z] a été notifié le 10 décembre 2024 à 15h05 ; que le délai de quatre jours expirait le 13 décembre à 24h00 et que c’est à compter du 14 décembre 2024 à 00h00 que la délai de 26 jours commençait à courir. Ce délai expirait le 08 janvier 2025 à 24h00. Le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté a été saisi le 09 janvier 2025 à 08h56.

La requête est donc irrecevable et la décision sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l’ordonnance

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 13 janvier 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Pour information :

L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’interprète

L’avocat de l’intéressé L’avocat général


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