Prolongation de rétention administrative : enjeux de sécurité publique et délais d’éloignement.

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Prolongation de rétention administrative : enjeux de sécurité publique et délais d’éloignement.

L’Essentiel : Le 28 octobre 2024, [X] [I] [L] a été placé en rétention. Le juge des libertés a prolongé cette rétention à plusieurs reprises, jusqu’à une demande exceptionnelle du préfet le 10 janvier 2025. Le 11 janvier, le juge a refusé cette prolongation, mais le procureur et la préfecture ont interjeté appel, invoquant une menace à l’ordre public en raison du passé criminel de [X] [I] [L]. Lors de l’audience du 12 janvier, le tribunal a finalement jugé que la menace était avérée, infirmant l’ordonnance initiale et ordonnant une prolongation de quinze jours de la rétention.

Placement en rétention

Le 28 octobre 2024, l’autorité administrative a décidé de placer [X] [I] [L] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Prolongations de rétention

Le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [X] [I] [L] par ordonnances successives les 1er novembre, 27 novembre et 27 décembre 2024, pour des durées de vingt-six, trente et quinze jours, respectivement.

Demande de prolongation exceptionnelle

Le 10 janvier 2025, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention pour demander une prolongation exceptionnelle de la rétention pour quinze jours supplémentaires.

Décision du juge

Dans son ordonnance du 11 janvier 2025, le juge a déclaré la requête recevable mais a refusé la prolongation de la rétention.

Appel du procureur

Le procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance, arguant que [X] [I] [L] représentait une menace à l’ordre public en raison de son passé criminel, notamment des violences conjugales.

Appel de la préfecture

La préfecture a également formé appel le 11 janvier 2025, soutenant que le retenu constituait une menace pour l’ordre public.

Audience et plaidoiries

Les parties ont été convoquées à l’audience du 12 janvier 2025, où [X] [I] [L] a comparu avec un interprète et son avocat. Le ministère public a soutenu l’appel, tandis que le conseil de [X] [I] [L] a plaidé pour la confirmation de l’ordonnance initiale.

Arguments des parties

Le préfet a demandé la confirmation de l’ordonnance, soulignant la menace à l’ordre public, tandis que la défense a contesté la nécessité de la rétention, arguant de l’absence de réponse des autorités chinoises et de l’absence de condamnation récente.

Motivation des décisions

Le tribunal a jugé que [X] [I] [L] représentait une menace à l’ordre public, citant ses condamnations antérieures et son comportement. L’administration a justifié ses démarches pour obtenir un laissez-passer, et le tribunal a décidé d’infirmer l’ordonnance initiale.

Conclusion

Le tribunal a déclaré recevable l’appel de la préfecture, a infirmé l’ordonnance déférée et a ordonné la prolongation exceptionnelle de la rétention de [X] [I] [L] pour une durée de quinze jours.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité des appels

L’appel de la préfecture a été déclaré recevable conformément aux dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Ces articles stipulent que :

– **Article L. 743-21** : « Les décisions de l’autorité administrative relatives à la rétention peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge des libertés et de la détention. »

– **Article R. 743-10** : « Le recours est formé dans un délai de 48 heures à compter de la notification de la décision. »

– **Article R. 743-11** : « Le juge statue dans un délai de 5 jours suivant la saisine. »

Ainsi, l’appel du ministère public a également été déclaré recevable, respectant les délais et formes légales.

Sur le bien-fondé des appels

L’article L. 741-3 du CESEDA précise que « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet. »

De plus, l’article L. 742-5 énonce que :

« À titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. »

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Dans cette affaire, le ministère public et la préfecture ont justifié que [X] [I] [L] représente une menace à l’ordre public, ayant été condamné pour des faits graves, ce qui justifie la prolongation de sa rétention.

N° RG 25/00238 – N° Portalis DBVX-V-B7J-QDPY

Nom du ressortissant :

[X] [I] [L]

PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE LYON

C/

[L]

PREFETE DU RHÔNE

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE SUR APPEL AU FOND

EN DATE DU 12 JANVIER 2025

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Anne DU BESSET, conseillère à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 2 janvier 2025 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Céline DESPLANCHES, greffière,

En présence du ministère public, représenté par Amélie CLADIERE, susbistut général, près la cour d’appel de Lyon,

En audience publique du 12 Janvier 2025 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

Monsieur le Procureur de la République

près le tribunal de judiciaire de Lyon

représenté par le parquet général de Lyon

Mme PREFETE DU RHÔNE

[Adresse 1]

[Localité 2] (RHÔNE)

Ayant pour avocat Maître Eddy PERRIN/ Morgane MORRISSON-CARDINAUD/ Léa DAUBIGNEY/ Mathilde COQUEL/ Marc AUGOYARD/ Stanislas FRANCOIS/ Cherryne RENAUD AKNI, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON,

ET

INTIMES :

M. [X] [I] [L]

né le 24 Janvier 2001 à [Localité 3]

de nationalité Chinoise

Actuellement maintenu en rétention administrative au CRA 1

Ayant pour conseil Maître Arnaud BOUILLET, avocat au barreau de LYON, commis d’office, en présence de Madame [D] [Y], interprète assermentée en langue Chinoise, inscrite sur la liste CESEDA

Avons mis l’affaire en délibéré au 12 Janvier 2025 à 15H00 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 28 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement de [X] [I] [L] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Par ordonnances des 1er novembre, 27 novembre et 27 décembre 2024 (confirmées en appel pour la première et la troisième), le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [X] [I] [L] pour des durées successives de vingt-six, trente et quinze jours.

Suivant requête du 10 janvier 2025 reçue à 14h48, le préfet du RHONE a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une dernière prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 11 janvier 2025 à 12h03, a déclaré la requête recevable et la procédure régulière, mais dit n’y avoir lieu à prolongation de la rétention.

Le procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance avec demande d’effet suspensif par déclaration au greffe le 11 janvier 2025 à 15h34, appel déclaré recevable et suspensif par ordonnance du 11 janvier 2025 à 19h, en faisant valoir notamment que le retenu constitue une menace à l’ordre public ayant été interpellé et placé en garde à vue le 24 octobre 2024 pour violences conjugales, étant défavorablement connu des services de police et ayant déjà été condamné le 21 juin 2023 par le tribunal correctionnel de Paris à 8 mois d’emprisonnement avec sursis et interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation pour une durée de 5 ans pour dégradation par moyen dangereux et menace de mort sur conjoint, et qu’il ne dispose d’aucune garanties de représentation.

Le procureur de la République a demandé l’infirmation de l’ordonnance déférée et qu’il soit fait droit à la requête en 4ème prolongation de l’administration.

La préfecture a formé appel le 11 janvier 2025 à 17h05, aux mêmes fins, faisant aussi valoir que le retenu constitue bien une menace à l’ordre public.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 12 janvier 2025 à 10 heures 30.

[X] [I] [L] a comparu, assisté d’un interprète et de son avocat.

Le ministère public a été entendu au soutien de son appel aux fins d’infirmation de l’ordonnance et qu’il soit fait droit à la requête de la préfecture.

Le préfet du RHONE, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l’ordonnance déférée, soutenant qu’il existe une menace à l’ordre public et que la délivrance du laissez-passer dépend des relations diplomatiques entre Etats.

Le conseil de [X] [I] [L] a été entendu en sa plaidoirie aux fins de confirmation de l’ordonnance et que le retenu soit remis en liberté, faisant valoir que la délivrance à bref délai doit être démontrée, tel n’étant pas le cas, les autorités chinoises n’ayant pas répondu et ne répondant jamais, selon la pratique essentiellement parisienne, et excipant de l’absence de menace à l’ordre public faute de condamnation pénale récente, la signalisation ne suffisant pas, déplorant que le jugement de 2022 n’ait pas été produit auparavant.

[X] [I] [L] a eu la parole en dernier, contestant les violences conjugales, sa copine étant elle-même violente et l’ayant au surplus piégé en le faisant venir pour qu’il se fasse interpeller.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des appels

Attendu que l’appel de la préfecture relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) est déclaré recevable ; celui du ministère public ayant déjà été déclaré recevable ;

Sur le bien-fondé des appels

Attendu que l’article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet ;

Attendu que l’article L. 742-5 du même code dispose que «A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

(…)

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.»

Attendu qu’il est soutenu à bon droit par le ministère public et la préfecture que [X] [I] [L] représente une menace à l’ordre public ayant déjà été condamné le 21 juin 2023 par le tribunal correctionnel de Paris à 8 mois d’emprisonnement avec sursis et interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation pour une durée de 5 ans pour dégradation par moyen dangereux et menace de mort sur conjoint, et au surplus été déjà signalisé trois fois et interpellé et placé en garde à vue le 24 octobre 2024 pour violences conjugales ;

Attendu que l’administration qui n’est tenue qu’à une obligation de moyens sans pouvoir de coercition sur les autorités étrangères, justifie de ses démarches et relances aux fins de reconduite ; que dans ces conditions, nonobstant l’absence de réponse des autorités consulaires chinoises, il est établi que la délivrance d’un laissez-passer pourra intervenir à bref délai ;

Qu’en conséquence, l’ordonnance entreprise est infirmée et il sera fait droit à la requête de la préfecture ;

PAR CES MOTIFS

Vu l’ordonnance déclarant l’appel du ministère public recevable et suspensif ;

Déclarons recevable l’appel formé par la préfecture ;

Infirmons l’ordonnance déférée,

Statuant de nouveau,

Ordonnons la prolongation exceptionnelle du maintien en rétention de [X] [I] [L] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de quinze jours ;

La greffière, La conseillère déléguée,

Céline DESPLANCHES Anne DU BESSET


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