Prolongation de rétention : absence de justification légale et de menace avérée.

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Prolongation de rétention : absence de justification légale et de menace avérée.

L’Essentiel : M. [H] [R] [T], né le 08 août 1989 en Algérie, est actuellement retenu au centre de rétention. Il conteste la prolongation de sa rétention, arguant que les critères de l’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers ne sont pas remplis. La cour a noté que les autorités consulaires ne reconnaissent pas M. [H] [R] [T] et qu’aucune menace à l’ordre public n’a été établie. En conséquence, la cour a infirmé l’ordonnance du premier juge, rejeté la requête du préfet de police et ordonné la fin de la rétention administrative.

Identité de l’Appelant

M. [H] [R] [T], né le 08 août 1989 à [Localité 1] en Algérie, est retenu au centre de rétention. Il est assisté par Me Sabrina Scolari, avocat au barreau de Paris, et Mme [G] [D], interprète en arabe.

Parties Impliquées

L’intimé dans cette affaire est le Préfet de Police, représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza, avocat au barreau de Val-de-Marne. Le ministère public a également été avisé de la date et de l’heure de l’audience.

Contexte Juridique

L’ordonnance a été prononcée en audience publique, en vertu du décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024, qui vise à contrôler l’immigration et à améliorer l’intégration. Il a été constaté qu’aucune salle d’audience n’était disponible près du lieu de rétention pour l’audience.

Historique de la Rétention

M. [H] [R] [T] a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral le 26 octobre 2024, suite à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) émise le 16 juillet 2024. La mesure a été prolongée pour la quatrième fois par un magistrat le 09 janvier 2025.

Appel de la Décision

L’appel a été interjeté le 10 janvier 2025 par M. [H] [R] [T], qui conteste la prolongation de sa rétention, arguant que les critères de l’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers ne sont pas remplis.

Arguments de la Cour

La cour a rappelé que le magistrat doit vérifier les diligences de l’administration pour que la rétention ne dure que le temps nécessaire. Elle a précisé que l’administration n’a pas de pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires et que le juge ne peut pas imposer des actes sans effectivité.

Critères de Prolongation de Rétention

Selon l’article L.742-5, le magistrat peut prolonger la rétention dans certaines situations, notamment si l’étranger a fait obstruction à l’éloignement ou si la décision d’éloignement n’a pas pu être exécutée. La menace pour l’ordre public doit être établie par des éléments concrets.

Évaluation de la Menace à l’Ordre Public

La cour a noté que les autorités consulaires marocaines ne reconnaissent pas M. [H] [R] [T] et que l’audition consulaire algérienne est prévue seulement le 15 janvier 2025. Il n’a pas été prouvé qu’il a fait obstruction à l’éloignement, et aucune menace à l’ordre public n’a été établie.

Conclusion de la Cour

La cour a conclu qu’aucun des critères de prolongation de la rétention n’était rempli. Elle a infirmé l’ordonnance du premier juge et rejeté la requête du préfet de police, ordonnant la fin de la rétention administrative de M. [H] [R] [T].

Obligation de Quitter le Territoire

M. [H] [R] [T] a été rappelé à son obligation de quitter le territoire français. L’ordonnance a été notifiée, et le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former.

Q/R juridiques soulevées :

Quels sont les critères de prolongation de la rétention administrative selon l’article L.742-5 du CESEDA ?

L’article L.742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L.742-4, lorsque l’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L.631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Il est important de noter que les critères énoncés ne sont pas cumulatifs, ce qui signifie qu’il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier une prolongation de la rétention.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de justification de la prolongation de la rétention ?

L’administration a l’obligation de justifier la prolongation de la rétention en se basant sur des éléments concrets et objectifs. En effet, pour l’application du dernier alinéa de l’article L.742-5, il appartient à l’administration de caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public établie dans les 15 jours qui précèdent la saisine du juge.

S’agissant de la menace à l’ordre public, ce critère doit être fondé sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l’administration. La menace doit être appréciée in concreto, c’est-à-dire en tenant compte d’un faisceau d’indices permettant d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé.

La commission d’une infraction pénale, à elle seule, ne suffit pas à établir que le comportement de l’intéressé présente une menace pour l’ordre public. L’appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public.

Quels éléments doivent être fournis par l’administration pour établir une menace à l’ordre public ?

Pour établir une menace à l’ordre public, l’administration doit fournir des éléments concrets et objectifs. Cela inclut des preuves tangibles qui démontrent la gravité et la récurrence des comportements de l’intéressé.

La jurisprudence a précisé que la simple existence de signalements au FAED (Fichier des Auteurs d’Infractions Étrangers) ne suffit pas à établir une menace. En effet, il est nécessaire de démontrer que ces signalements sont fondés sur des faits récents et pertinents.

De plus, l’administration doit produire des documents tels qu’un bulletin n°2 du casier judiciaire, qui pourrait établir les antécédents pénaux de l’intéressé. L’absence de tels documents peut affaiblir la position de l’administration et rendre difficile la justification d’une prolongation de la rétention.

En l’espèce, la cour a noté que l’administration n’avait pas produit de bulletin n°2, ce qui aurait pu aider à établir la menace à l’ordre public alléguée.

Quelle est la portée de la décision de la cour concernant la prolongation de la rétention administrative ?

La décision de la cour a pour effet d’infirmer l’ordonnance de prolongation de la rétention administrative de M. [H] [R] [T]. En statuant ainsi, la cour a rejeté la requête du préfet de police, indiquant qu’aucun des critères de l’article L.742-5 du CESEDA n’était établi.

La cour a souligné que l’administration n’avait pas démontré d’obstruction volontaire de la part de M. [H] [R] [T] et qu’aucune menace à l’ordre public n’avait été établie par des éléments probants.

En conséquence, la cour a ordonné la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance, rappelant à l’intéressé son obligation de quitter le territoire français.

Cette décision souligne l’importance pour l’administration de fournir des justifications solides et documentées lorsqu’elle demande une prolongation de la rétention administrative, en particulier dans le cadre des mesures dérogatoires et exceptionnelles.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile

ORDONNANCE DU 11 JANVIER 2025

(1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/00153 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKTBQ

Décision déférée : ordonnance rendue le 09 janvier 2025, à 15h19, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Camille Besson, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,

APPELANT :

M. [H] [R] [T]

né le 08 août 1989 à [Localité 1], de nationalité algérienne

RETENU au centre de rétention : [2]

assisté de Me Sabrina Scolari, avocat de permanence, avocat au barreau de Paris

et Mme [G] [D] (interprète en arabe) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté

INTIMÉ :

LE PREFET DE POLICE

représenté par Me Nicolas Suarez Pedroza , du cabinet Actis, avocat au barreau de Val-de-Marne

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience

ORDONNANCE :

– contradictoire

– prononcée en audience publique

– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;

Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;

– Vu l’ordonnance du 09 janvier 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant les moyens soulevés et ordonnant la prolongation du maintien de M. [H] [R] [T] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 15 jours, soit jusqu’au 24 janvier 2025 ;

– Vu l’appel motivé interjeté le 10 janvier 2025, à 14h16, par M. [H] [R] [T] ;

– Vu les pièces versées par la préfecture le 10 janvier 2025 à 15h16 ;

– Après avoir entendu les observations :

– de M. [H] [R] [T], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;

– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [H] [R] [T], né le 08 août 1989à [Localité 1] (Algérie) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 26 octobre 2024, sur la base d’une OQTF du 16 juillet 2024.

La mesure a été prolongée pour la quatrième fois par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris le 09 janvier 2025.

Monsieur [H] [R] [T] a interjeté appel de cette décision au motif, selon lui, que les critères de l’article L742-5 du ceseda ne seraient pas remplis.

Réponse de la cour :

S’il appartient au magistrat du siège, en application de l’article L. 741-3 du même code, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour, en revanche, l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165) et le juge ne saurait imposer à l’administration la réalisation d’acte sans véritable effectivité.

En application de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 janvier 2024 :

« A titre exceptionnel, le magistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »

Les critères énoncés ci-dessus n’étant pas cumulatifs, il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention.

Pour l’application du dernier alinéa de l’article précité à la requête en quatrième prolongation, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, il appartient à l’administration de caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public établie dans les 15 jours qui précèdent la saisine du juge.

S’agissant de la menace à l’ordre public, critère pouvant être mobilisé par l’administration à l’occasion des troisième et quatrième prolongations de la mesure de rétention elle impose, compte tenu du caractère dérogatoire et exceptionnel de ces ultimes prolongations, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l’administration. Elle a pour objectif manifeste de prévenir, pour l’avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

La menace pour l’ordre public doit faire l’objet d’une appréciation in concreto, au regard d’un faisceau d’indices permettant, ou non, d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé.

La commission d’une infraction pénale n’est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X., A ; CE, 12 février 2014, ministre de l’intérieur, n° 365644, A).

L’appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B).

En l’espèce, les autorités consulaires marocaines ont indiqué le 04 décembre 2024 ne pas reconnaître Monsieur [H] [R] [T]. Les autorités consulaires algériennes ont alors été saisies, son audition consulaire n’est, en l’état, prévue que le 15 janvier 2025, soit 10 jours avant la fin de la mesure de rétention administrative ; que dans ces conditions il ne peut être considéré que l’administration établit être en mesure de disposer de documents de voyage à bref délai.

La préfecture n’allègue ni ne démontre un acte d’obstruction volontaire de la part de Monsieur [H] [R] [T] au cours des quinze derniers jours.

Enfin, s’agissant de la menace à l’ordre public, elle n’est établie par aucune pièce de la procédure dès lors que si Monsieur [H] [R] [T] a fait l’objet de plusieurs signalements au FAED, il n’est justifié d’aucune condamnation définitive pour des faits de nature pénale.

La cour observe, par ailleurs, que l’administration s’abstient de la production d’un bulletin n°2 du casier judiciaire alors même qu’elle a la possibilité d’en solliciter un en application des article 776 et R.79-1° du code de procédure pénale, pièce qui serait de nature à établir avec certitude les antécédents pénaux du retenu, et donc à apprécier la menace à l’ordre public alléguée.

En définitive, aucun de critères de l’article 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’étant établi, aucune obstruction n’étant démontrée, c’est à tort que le premier juge à fait droit à la demande de quatrième prolongation. La décision sera donc infirmée et la requête de la préfecture rejetée.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l’ordonnance,

statuant à nouveau,

REJETONS la requête du préfet de Police,

DISONS n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de Monsieur [H] [R] [T] ,

RAPPELONS à l’intéressé qu’il a l’obligation de quitter le territoire français,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 11 janvier 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L’intéressé L’interprète L’avocat de l’intéressé


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