Prolongation de rétention : absence de justification légale – Questions / Réponses juridiques

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Prolongation de rétention : absence de justification légale – Questions / Réponses juridiques

M. [F] [U] [D], de nationalité sénégalaise, a été placé en rétention administrative suite à un arrêté préfectoral du 26 octobre 2024. Son appel, interjeté le 10 janvier 2025, contestait la prolongation de sa rétention, arguant que les critères de l’article L.742-5 n’étaient pas remplis. La cour a souligné que la menace à l’ordre public doit être évaluée objectivement et a noté l’absence de réponse des autorités consulaires. En conclusion, elle a infirmé la prolongation de la rétention, déclarant qu’il n’y avait pas lieu à cette mesure et rappelant à M. [F] [U] [D] son obligation de quitter le territoire.. Consulter la source documentaire.

Quels sont les critères de prolongation de la rétention administrative selon l’article L.742-5 ?

L’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 janvier 2024, énonce les conditions dans lesquelles un magistrat peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention d’un étranger.

Cet article stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L.742-4, lorsque l’une des situations suivantes se présente dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L.631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Il est important de noter que l’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué. Si le juge ordonne la prolongation, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de rétention administrative ?

L’article L.741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile impose au magistrat du siège de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour s’assurer que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

Cela requiert, dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour de l’étranger.

Cependant, il est précisé que l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, comme l’indique la jurisprudence (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165).

Le juge ne saurait imposer à l’administration la réalisation d’actes sans véritable effectivité.

Ainsi, l’administration doit démontrer qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour faciliter le départ de l’étranger, et ce, dans un délai raisonnable.

Comment la menace pour l’ordre public est-elle appréciée dans le cadre de la rétention ?

La menace pour l’ordre public, qui peut justifier une prolongation de la rétention, doit faire l’objet d’une appréciation in concreto. Cela signifie qu’elle doit être évaluée au regard d’un faisceau d’indices permettant d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé.

La jurisprudence (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X. ; CE, 12 février 2014, ministre de l’intérieur, n° 365644) précise que la commission d’une infraction pénale, à elle seule, ne suffit pas à établir que le comportement de l’intéressé présente une menace pour l’ordre public.

L’appréciation de cette menace doit également prendre en compte les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B).

En l’espèce, la cour a constaté qu’aucun élément concret ne justifiait la qualification de menace pour l’ordre public, ce qui a conduit à l’infirmation de la prolongation de la rétention.

Quelles sont les conséquences de l’absence de critères établis pour la prolongation de la rétention ?

Lorsque les critères énoncés à l’article L.742-5 ne sont pas établis, comme dans le cas de M. [F] [U] [D], cela entraîne l’infirmation de la décision de prolongation de la rétention.

La cour a constaté qu’aucune obstruction n’était démontrée et que les conditions de prolongation n’étaient pas remplies.

En conséquence, la décision de prolongation de la rétention a été jugée à tort, et la requête de la préfecture a été rejetée.

Cela signifie que l’individu concerné ne peut pas être maintenu en rétention administrative au-delà de la période initialement prévue, et il est rappelé à l’obligation de quitter le territoire français.

Cette décision souligne l’importance pour l’administration de justifier de manière rigoureuse et documentée les raisons de la prolongation de la rétention, afin de respecter les droits des étrangers et les exigences légales en matière de procédure.


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