Prolongation de la rétention administrative : validité des notifications et recours à l’interprétariat à distance.

·

·

Prolongation de la rétention administrative : validité des notifications et recours à l’interprétariat à distance.

L’Essentiel : Le 16 janvier 2025, [W] [S], originaire d’Algérie, a été placé en rétention par l’autorité de l’Oise suite à un arrêté d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) après un vol à l’étalage. La défense a contesté la procédure, soulignant l’absence d’interprète lors de la notification de l’OQTF et le manque d’horodatage sur la première notification des droits. Cependant, le tribunal a rejeté ces exceptions, considérant que la notification était valide. La prolongation de la rétention de vingt-six jours a été jugée justifiée, des démarches pour un laissez-passer consulaire étant en cours.

Exposé du Litige

Le 16 janvier 2025, l’autorité administrative de l’Oise a décidé de placer [W] [S], né en Algérie, en rétention suite à un arrêté préfectoral d’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) pris le même jour, après son placement en garde à vue pour vol à l’étalage. Le 19 janvier 2025, l’autorité a demandé au juge de prolonger cette rétention de vingt-six jours pour exécuter l’arrêté préfectoral.

Arguments de la Défense

Le conseil de [W] a soulevé plusieurs points, notamment l’absence d’interprète lors de la notification de l’OQTF, ainsi que le fait que la première notification des droits n’était pas horodatée, et qu’une seconde notification à 21h20 était tardive. En réponse, l’autorité préfectorale a affirmé qu’il n’y avait pas d’atteinte substantielle aux droits de l’intéressé, car il avait signé les documents nécessaires.

Décision sur l’Interprétariat

Concernant l’exception de nullité liée à l’interprétariat par téléphone, la loi permet l’utilisation de moyens de télécommunication pour la communication d’informations. Par conséquent, cette exception a été rejetée, considérant que l’administration n’avait pas à justifier l’absence d’interprète en personne.

Notification Horodatée

Sur le défaut de notification horodatée, il a été établi que l’arrêté de placement en rétention avait été notifié à 17h00, et bien qu’un second formulaire ait été signé sans horodatage, cela n’a pas affecté la validité de la notification des droits. L’exception de nullité a donc également été rejetée.

Situation de l’Intéressé

Des démarches sont en cours pour obtenir un laissez-passer consulaire auprès des autorités algériennes, et une demande de routing a été formulée. Étant donné que [W] [S] n’a pas fourni d’éléments pour justifier une assignation à résidence, la prolongation de sa rétention a été jugée justifiée.

Conclusion de la Décision

Le tribunal a déclaré recevable la requête de prolongation de la rétention administrative et a ordonné la prolongation de la rétention de [W] [S] pour une durée de vingt-six jours à compter du 20 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Sur l’exception de nullité résultant du recours à l’interprétariat par téléphone

L’article L 141-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) dispose :

“Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu’une information ou qu’une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu’il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l’intermédiaire d’un interprète.

L’assistance de l’interprète est obligatoire si l’étranger ne parle pas le français et qu’il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l’assistance de l’interprète peut se faire par l’intermédiaire de moyens de télécommunication.”

Dans cette affaire, le recours à l’interprétariat par téléphone a été contesté. Toutefois, la loi prévoit expressément cette possibilité, ce qui signifie que l’administration n’est pas tenue de justifier des circonstances exceptionnelles pour y recourir.

Ainsi, l’exception de nullité soulevée par le conseil de Monsieur [W] sera rejetée, car le recours à l’interprétariat par téléphone est conforme aux dispositions légales en vigueur.

Sur le défaut de notification horodatée

Le conseil de Monsieur [W] a également soulevé un défaut de notification horodatée concernant la première notification des droits du placement en rétention.

Il est établi que l’arrêté de placement en rétention a été notifié à Monsieur [W] le 16 janvier 2025 à 17h00, et qu’un formulaire de notification des droits a également été notifié à la même date.

Cependant, ce formulaire ne portait pas d’horodatage, ce qui a été contesté. Malgré cela, un second formulaire, horodaté à 17h00, a été signé par l’intéressé.

Il en résulte que Monsieur [W] a été informé de ses droits dès la notification de son placement en garde à vue, et ce, par l’intermédiaire d’un interprète.

Dès lors, l’exception de nullité soulevée à ce sujet sera également rejetée, car la notification des droits a été effectuée de manière valide et conforme aux exigences légales.

Sur le fond de la prolongation de la rétention

Concernant le fond de l’affaire, il a été noté que des démarches sont en cours auprès des autorités algériennes pour obtenir un laissez-passer consulaire.

Une demande de routing a également été formulée le 17 janvier 2025.

La situation de Monsieur [W], qui n’a pas produit d’éléments permettant de fonder une assignation à résidence, justifie la prolongation de la mesure de rétention.

Ainsi, la requête de l’administration pour prolonger la rétention de Monsieur [W] pour une durée de vingt-six jours à compter du 20 janvier 2025 à 17h00 est déclarée recevable et sera ordonnée.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
___________________

Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judicaire

NOTE D’AUDIENCE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Audience publique

DATE D’AUDIENCE : 20 Janvier 2025

DOSSIER : N° RG 25/00126 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFCJ – M. LE PREFET DE L’OISE / M. [S] [W]

MAGISTRAT : Amaria TLEMSANI

GREFFIER : Maud BENOIT

DEMANDEUR :
M. LE PREFET DE L’OISE
Représenté par Maître JACQUARD

DEFENDEUR :
M. [S] [W]
Assisté de Maître GLINKOWSKI, avocat commis d’office,
En présence de M. [B] [Y], interprète en langue arabe,
__________________________________________________________________________

DEROULEMENT DES DEBATS

L’intéressé confirme son identité.

L’avocat soulève les moyens suivants :
– Personne placée en garde à vue : l’interprète n’est pas présent au moment de la notification de l’OQTF (par téléphone et il n’est pas indiqué le motif de l’indisponibilité de l’interprète). Dans le PV de notification des droits en rétention : il y a la date mais pas l’heure. On lui a re-notifié le PV à son arrivée au CRA : atteinte à ses droits fondamentaux, procédure viciée.

Le représentant de l’administration répond à l’avocat :
– Mon confrère ne m’a pas communiqué son moyen sur le recours à l’interprète.

Le dossier est suspendu.

L’audience reprend à 10h27.

Le représentant de l’administration répond à l’avocat :
– pas de nullité sans texte : le recours à l’interprète physiquement n’st pas de droit pour la notification de l’arrêté de placement et des droits. Il n’est pas démontré une atteinte substantielle aux droits de Monsieur. Monsieur a de plus signé tous les documents.
– Pas de mention horaire de la notification des droits : notification de l’OQTF et des droits à 17h00 ; réitération au CRA à 21h20 (l’heure est sur la 4ème page ; mon confrère se réfère à la page 2). Dans le corps de l’arrêté, les droits figurent.
– Diligences effectuées : demande de laissez-passer effectuée le 16/01, ainsi qu’une demande de vol.

L’intéressé entendu en dernier déclare : je suis venu ici pour me soigner. Je vis en Espagne, j’ai trois filles à ma charge. Je suis handicapé à 50 % au niveau de ma main droite. J’ai l’aide médicale ici en France ( Monsieur nous montre des documents : aide médicale d’Etat avec une domiciliation administration au titre de la solidarité). J’ai effectué des démarches pour régulariser ma situation. C’est en cours. J’ai pas encore introduit de dossier, mais j’ai préparé des documents de domiciliation en Espagne. Concernant le vol au supermarché : c’est une faute.

DÉCISION

Sur la demande de maintien en rétention :
X RECEVABLE o IRRECEVABLE
X MAINTIEN o REJET o ASSIGNATION A RÉSIDENCE

Le greffier Le magistrat délégué

Maud BENOIT Amaria TLEMSANI
COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
──────────
LE MAGISTRAT DELEGUE
────

Dossier n° N° RG 25/00126 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFCJ

ORDONNANCE STATUANT SUR LA PROLONGATION D’UNE MESURE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Nous, Amaria TLEMSANI, magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire de LILLE, assisté de Maud BENOIT, greffier ;

Vu les articles suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :
– L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20
– L. 741-1, L.741-4, L.741-5, L.741-7, L.744-1, L.751-9, L.751-10
– L. 743-14, L.743-15, L.743-17
– L. 743-19, L. 743-25
– R. 741-3
– R.742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 16 janvier 2025 par M. LE PREFET DE L’OISE ;

Vu la requête en prolongation de l’autorité administrative en date du 19 janvier 2025 reçue et enregistrée le 19 janvier 2025 à 12h09 (cf. Timbre du greffe) tendant à la prolongation de la rétention de M. [S] [W] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours ;

Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article
L. 744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;

PARTIES

AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION

M. LE PREFET DE L’OISE
préalablement avisé, représenté par Maître JACQUARD, représentant de l’administration

PERSONNE RETENUE
M. [S] [W]
né le 27 Octobre 1981 à [Localité 1] (ALGERIE) [Localité 1]
de nationalité Algérienne
actuellement maintenu en rétention administrative
préalablement avisé et présent à l’audience,
assisté de Maître GLINKOWSKI, avocat commis d’office,
en présence de M. [B] [Y], interprète en langue arabe,

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, préalablement avisé, n’est pas présent à l’audience.

DÉROULEMENT DES DÉBATS

A l’audience publique, le magistrat délégué a procédé au rappel de l’identité des parties ;

Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;

L’intéressé a été entendu en ses explications ;

Le représentant du préfet a été entendu en ses observations ;

L’avocat a été entendu en sa plaidoirie ;

Le représentant du préfet ayant répondu à l’avocat ;

L’étranger ayant eu la parole en dernier ;

EXPOSE DU LITIGE

Par décision en date du 16 janvier 2025 notifiée le même jour à 17h00, l’autorité administrative de l’Oise a ordonné le placement de [W] [S] né le 27 octobre 1981 à [Localité 1] en Algérie en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, en exécution, notamment, d’un arrêté prefectoral portant OQTF pris le même jour, dans les suites de son placement en garde à vue pour des faits de vol à l’étalage.

Par requête en date du 19 janvier 2025, reçue au greffe le même jour à 12h09, l’autorité administrative de l’Oise, a saisi le juge aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours pour permettre la mise à exécution de l’arrêté préfectoral.

In limine litis, le conseil de Monsieur [W] soulève :
– que pour la notification de l’OQTF du placement en rétention que l’interprète n’était pas présent et que la notification par téléphone a été effectuée sans aucun motif justifiant le recours à un service à distance;

-que la première notification des droits du placement en rétention n’est pas horodatée, qu’une deuxième notification est intervenue à 21h20 ce qui est tardif et porte atteinte aux droits de l’intéressé

En réponse, le conseil de l’autorité préfectorale considère qu’il n’y a pas d’atteinte substantielle au recours à l’interprétariat par téléphone? ce d’autant plus que l’intéressé a signé les arrêtés préfectoraux ainsi que la notification des droits ;

S’agissant de l’absence de la notification horaire, il est soutenu que la notification de L’OQTF a valablement été effectuée à 17h00 et que, dans le corps de l’arrêté, figuraient les mentions relatives à l’exercice des droits en CRA, il en résulte donc que la réitération à 21h20 est superféfatoire et ne peut être considérée comme tardive, les droits ayant valablement été notifiés en même temps que l’arrêté.

A l’appui de sa requête, le conseil de la préfecture soutient que les diligences sont en cours et notamment une demande de routing.

[W] [S] indique être venu en France pour suivre des soins et vivre en Espagne. Il dit être handicapé au niveau de la main droite. Il indique être titulaire de l’aide médicale d’Etat avec une domiciliation administrative Boutique de la solidarité à [Localité 2].

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l’exception de nullité résultant du recours à l’interprétariat par téléphone.

L’article L 141-3 du CESEDA dispose: “Lorsque les dispositions du présent code prévoient qu’une information ou qu’une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu’il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l’intermédiaire d’un interprète. L’assistance de l’interprète est obligatoire si l’étranger ne parle pas le français et qu’il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l’assistance de l’interprète peut se faire par l’intermédiaire de moyens de télécommunication”

La loi prévoyant expressément le recours à des moyens de télécommunication, il ne saurait être exigé de l’administration qu’elle justifie de circonstances insurmontables pour y avoir recours.

Cette exception de nullité sera donc rejetée.

2) Sur le défaut de notification horodatée

Le conseil de Monsieur [W] soutient que la première notification des droits du placement en rétention n’est pas horodatée, qu’une deuxième notification est intervenue à 21h20 ce qui est tardif et porte atteinte aux droits de l’intéressé.

En l’espèce, il résulte des pièces de la procédure que l’arrêté de placement en rétention a valablement été notifié à Monsieur [W] le 16 janvier 2025 à [Localité 5] soit dans les locaux de garde à vue à 17h00 ; qu’à la suite de l’arrêté figure un formulaire de notification des droits notifié à Monsieur [W] à [Localité 5] le 16 janvier 2025 (page 22/73 ADM 2) ; que cependant, ce formulaire ne mentionne aucun horodatage ; que pour autant un second formulaire horodaté à 17h00 a valablement été signé par l’étranger (page 64/73) à [Localité 5] ;

Qu’il est résulte que [W] [S] a valablement été informé de ses droits dès la notification de son placement en garde à vue par l’intermédiaire d’un interprète ;

Dès lors, l’exception de nullité soulevée comme tel sera ici rejetée.

2) Sur le fond

Sur le fond, des démarches sont en cours auprès des autorités algériennes afin d’obtenir un laissez-passer consulaire. Une demande de routing a également été formulée le 17 janvier 2025.
Dès lors, la situation de l’intéressé, qui ne produit pas à ce stade les éléments permettant de fonder une assignation à résidence, justifie la prolongation de la mesure de rétention.
Dans cette attente, il sera fait droit à la requête de l’administration.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

DÉCLARONS recevable la requête en prolongation de la rétention administrative ;

ORDONNONS LA PROLONGATION DE LA RETENTION de M. [S] [W] pour une durée de vingt-six jours à compter du 20 janvier 2025 à 17h00.

Fait à LILLE, le 20 Janvier 2025

Notifié ce jour à h mn

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES

DOSSIER : N° RG 25/00126 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZFCJ –
M. LE PREFET DE L’OISE / M. [S] [W]
DATE DE L’ORDONNANCE : 20 Janvier 2025

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance aux parties, qui en émargeant ci-après, attestent en avoir reçu copie et les avisons de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; les informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 4]); leur indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.

Information est donnée à M. [S] [W] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence. Durant cette période, l’intéressé peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

Traduction orale faite par l’interprète.

LE REPRESENTANT DU PRÉFET L’INTERESSE
Par mail le 20/01/25 Par visio le 20/01/25

L’INTERPRETE LE GREFFIER

L’AVOCAT
Par mail le 20/01/25

___________________________________________________________________________

RÉCÉPISSÉ

M. [S] [W]

retenu au Centre de Rétention de [Localité 3]

reconnait avoir reçu notification de ladite ordonnance en date du 20 Janvier 2025

date de remise de l’ordonnance :
le :

signature de l’intéressé


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon