Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’ordre public et des garanties procédurales.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’ordre public et des garanties procédurales.

L’Essentiel : Le 28 octobre 2024, la Préfecture du Vaucluse a notifié une obligation de quitter le territoire français à Monsieur [V] [G]. Le lendemain, une décision de placement en rétention a été prise. Malgré un appel interjeté le 28 décembre, Monsieur [V] [G] n’a pas comparu à l’audience. Son avocate a soulevé des arguments sur l’absence d’obstruction à l’éloignement et le manque de documents de voyage. Toutefois, le tribunal a jugé qu’il représentait une menace pour l’ordre public, ayant des antécédents criminels, et a rejeté la demande d’assignation à résidence, confirmant ainsi l’ordonnance de rétention.

Contexte Juridique

Les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) régissent les procédures d’éloignement et de rétention des étrangers en France. Dans ce cadre, une obligation de quitter le territoire français a été émise par la Préfecture du Vaucluse le 28 octobre 2024, notifiée le lendemain.

Décisions de Rétention

Le même jour, une décision de placement en rétention a été prise, également notifiée le 29 octobre 2024. Des ordonnances des 2 et 28 décembre 2024 ont confirmé le maintien de Monsieur [V] [G] alias [V] [N], [D] [N], [K] [E] en rétention pour des périodes de 26 et 30 jours.

Appel et Comparution

Monsieur [V] [G] a interjeté appel le 28 décembre 2024, mais n’a pas comparu à l’audience, refusant de s’entretenir avec son avocate. Celle-ci a été entendue et a soulevé des arguments concernant la méconnaissance des conditions de fond de l’article L 742-5 du CESEDA.

Arguments de la Défense

L’avocate a fait valoir l’absence d’obstruction à l’éloignement, le manque de documents de voyage délivrés rapidement, et a demandé une assignation à résidence en raison de l’absence de menace pour l’ordre public.

Position de la Préfecture

Le représentant de la préfecture n’a pas comparu à l’audience. Cependant, l’autorité préfectorale a justifié ses démarches pour l’éloignement de Monsieur [V] [G], soulignant que la décision d’éloignement n’avait pas pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat.

Évaluation des Risques

Le tribunal a noté que Monsieur [V] [G] représentait une menace pour l’ordre public, ayant été condamné à 18 mois d’emprisonnement pour vol aggravé. De plus, il avait déjà fait l’objet de deux obligations de quitter le territoire sans les respecter.

Assignation à Résidence

La demande d’assignation à résidence a été rejetée, le tribunal considérant qu’il existait un risque sérieux de non-exécution de la mesure d’éloignement, compte tenu des antécédents de l’intéressé.

Confirmation de l’Ordonnance

L’ordonnance du magistrat pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention a été confirmée, permettant à Monsieur [V] [G] de se pourvoir en cassation dans un délai de deux mois suivant la notification de cette décision.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon l’article L742-5 du CESEDA ?

L’article L742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L742-4, lorsque certaines situations se présentent dans les quinze derniers jours.

Ces situations incluent :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L754-1 et L754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Quelles sont les implications de l’assignation à résidence selon l’article L743-13 du CESEDA ?

L’article L743-13 du CESEDA, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2024, précise que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L’assignation à résidence ne peut être ordonnée que si l’étranger remet à un service de police ou à une unité de gendarmerie l’original de son passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité.

Ce récépissé doit mentionner la décision d’éloignement en instance d’exécution.

De plus, si l’étranger s’est préalablement soustrait à l’exécution d’une décision mentionnée à l’article L700-1, l’assignation à résidence nécessite une motivation spéciale.

Selon l’article L741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, et l’administration doit exercer toute diligence à cet effet.

Quels sont les critères pour établir une menace pour l’ordre public dans le cadre de la rétention ?

La jurisprudence indique que pour établir une menace pour l’ordre public, il est nécessaire d’examiner le comportement passé de l’individu et les circonstances entourant ses condamnations.

Dans le cas de Monsieur [V] [G], il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 18 mois pour des faits graves de vol aggravé, ce qui constitue une indication claire d’une menace pour l’ordre public.

De plus, le fait qu’il ait fait l’objet de deux précédentes obligations de quitter le territoire français et qu’il n’ait pas respecté un arrêt portant assignation à résidence renforce l’argument selon lequel il représente un risque pour l’ordre public.

La cour a également noté que cette grave condamnation s’inscrit dans un contexte plus large où l’individu éprouve des difficultés à respecter la loi, ce qui justifie la décision de maintenir la rétention.

Quelle est la procédure d’appel contre l’ordonnance de rétention ?

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée.

Les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité, ce qui signifie que l’appel est recevable.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de la notification.

Le pourvoi doit être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au Conseil d’État ou de la Cour de cassation.

Cette procédure garantit que les droits des parties sont respectés et que les décisions prises peuvent être contestées dans un cadre légal approprié.

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 30 DECEMBRE 2024

N° RG 24/02150 – N° Portalis DBVB-V-B7I-BOFFZ

Copie conforme

délivrée le 30 Décembre 2024 par courriel à :

-l’avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention de [Localité 6] en date du 28 Décembre 2024 à 12h34.

APPELANT

Monsieur [V] [G] alias [V] [N], [D] [N], [K] [E]

né le 02 Janvier 1990 à [Localité 5] ou le 02 janvier 1990 à [Localité 7] (Maroc)

de nationalité Algérienne

 

Non comparant

Représenté par Maître Lucile NAUDON,

avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, commis d’office.

et de Madame [Z] [T], interprète en langue arabe , inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

INTIMÉ

PREFECTURE DU VAUCLUSE

Avisé et non représenté

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L’affaire a été débattue en audience publique le 30 Décembre 2024 devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère à la cour d’appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Carla D’AGOSTINO, Greffier,

ORDONNANCE

Par décision réputée contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 30 Décembre 2024 à 16h15,

Signée par Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère et Mme Carla D’AGOSTINO, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) ;

Vu l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français assorti d’une interdiction de retour pris le 28 Octobre 2024 par la PREFECTURE DU VAUCLUSE , notifié le 29 octobre 2024 à 8h47 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 28 octobre 2024 par la PREFECTURE DU VAUCLUSE notifiée le 29 octobre 2024 à 8h47;

Vu les ordonnances des 2 et 28 décembre 2024 rendues par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention décidant le maintien de Monsieur [V] [G] alias [V] [N], [D] [N], [K] [E] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour des durées de 26 et 30 jours,

Vu l’appel interjeté le 28 Décembre 2024 à 18h45 par Monsieur [V] [G] alias [V] [N], [D] [N], [K] [E];

Monsieur [V] [G] alias [V] [N], [D] [N], [K] [E] n’a pas comparu, ayant refusé de comparaître et de s’entretenir également avec son avocate.

Son avocate a été régulièrement entendue; elle conclut à :

-la méconnaissance de toutes les conditions de fond de l’article L 742-5 du CESEDA , notamment l’absence d’obstruction et de menace pour l’ordre public, l’absence de délivrance de documents de voyage à bref délai, l’absence de laissez passer à bref délai,

-au bénéfice à défaut d’une assignation à résidence.

Le représentant de la préfecture a été convoqué à l’audience et n’a pas comparu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article L742-5 du CESEDA :A titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours.

Conformément au premier alinéa du IX de l’article 60 de la loi n° 2

Sur la recevabilité de l’appel :

La recevabilité de l’appel contre l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention n’est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d’irrégularité.

Sur la réunion des conditions autorisant une troisième prolongation du placement en centre de rétention administrative

Contrairement à ce que soutient l’étranger, l’autorité préfectorale justifie de nombreuses et recentes démarches pour parvenir à l’éloignement de ce dernier de la France, étant précisé que la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

En effet, le 24 décembre 2024, la préfecture relançait les services consulaires algériens pour connaître les suites réservées à la procédure d’identification en cours, suite à l’audition du retenu par les services consulaires le 4 décembre 2024.

Par ailleurs, l’intéressé présente une menace actuelle et persistante pour l’ordre public, ayant , en premier lieu, été condamné le 23 août 2023 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence à une importante peine d’emprisonnement de 18 mois pour des faits graves de vol aggravé. S’il s’agit d’une seule condamnation, la peine prononcée est très importante et les faits sont graves. Toujours concernant la caractérisation d’une menace pour l’ordre public, la cour relève que cette grave condamnation s’inscrit dans un contexte plus général dans lequel de M.[V] [G] éprouve de vraies difficultés à respecter la loi, ce d’autant qu’il a fait l’objet de deux précédentes obligations de quitter le territoire français en date des 27 mars 2020 et 7 mars 2021 et n’a pas respecté non plus un arrêt portant assignation à résidence le 30 mars 2020.

Certaines des conditions de fond prévues à l’article L 742-5 du CESEDA sont donc réunies.

Sur l’assignation à résidence :

Selon les dispositions de l’article L743-13 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2024, ‘le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ordonner l’assignation à résidence de l’étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.L’assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu’après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d’un récépissé valant justification de l’identité et sur lequel est portée la mention de la décision d’éloignement en instance d’exécution.Lorsque l’étranger s’est préalablement soustrait à l’exécution d’une décision mentionnée à l’article L. 700-1, à l’exception de son 4°, l’assignation à résidence fait l’objet d’une motivation spéciale..’

Aux termes des dispositions de l’article L741-3 du CESEDA, ‘Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet.’

L’appréciation de l’opportunité d’accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d’éloignement.

Or, comme la cour d’appel l’a précédemment énoncé, M.[V] [G] a fait l’objet de deux précédentes obligations de quitter le territoire français en date des 27 mars 2020 et 7 mars 2021 et n’a pas respecté un arrêt portant assignation à résidence le 30 mars 2020.. Dans ces conditions, une assignation à résidence constituerait un risque sérieux de non exécution de la mesure d’éloignement et la demande sera rejetée.

Aussi, l’ordonnance querellée sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l’ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d’éloignement et de rétention en date du 28 Décembre 2024.

Les parties sont avisées qu’elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [V] [G] alias [V] [N], [D] [N], [K] [E]

Assisté d’un interprète

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 8]

Téléphone : [XXXXXXXX02] – [XXXXXXXX03] – [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 30 Décembre 2024

À

– PREFECTURE DU VAUCLUSE

– Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 6]

– Monsieur le procureur général

– Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE

– Maître Lucile NAUDON

NOTIFICATION D’UNE ORDONNANCE

J’ai l’honneur de vous notifier l’ordonnance ci-jointe rendue le 30 Décembre 2024, suite à l’appel interjeté par :

Monsieur [V] [G] alias [V] [N], [D] [N], [K] [E]

né le 02 Janvier 1990 à [Localité 5]

de nationalité Algérienne

Je vous remercie de m’accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu’il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


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