Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’éloignement et des droits des étrangers.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’éloignement et des droits des étrangers.

L’Essentiel : M. [V] [Y] a reçu un arrêté préfectoral le 25 septembre 2024, lui ordonnant de quitter la France dans un délai de 30 jours. Après sa mise en rétention administrative le 28 novembre, une prolongation a été ordonnée par un magistrat le 3 décembre, confirmée par d’autres décisions. M. [V] [Y] a interjeté appel, arguant de l’absence de perspective d’éloignement vers l’Afghanistan. Le préfet a évoqué des difficultés d’exécution liées à la non-reconnaissance des laissez-passer par le gouvernement taliban. Le tribunal a jugé l’appel recevable et a confirmé la prolongation de la rétention, considérant qu’une perspective d’éloignement existait.

Contexte de l’affaire

M. [V] [Y] a été soumis à un arrêté préfectoral le 25 septembre 2024, lui imposant de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, avec une interdiction de retour d’un an. Cet arrêté lui a été notifié le 7 octobre 2024. Par la suite, il a été placé en rétention administrative le 28 novembre 2024, notification faite le même jour.

Prolongation de la rétention

Le 3 décembre 2024, un magistrat a ordonné la prolongation de la rétention administrative de M. [V] [Y], décision confirmée par d’autres ordonnances les 5 et 28 décembre 2024. Cette prolongation a été décidée pour une durée de 30 jours, à compter de l’expiration d’une précédente période de 26 jours.

Appel de M. [V] [Y]

M. [V] [Y] a interjeté appel de l’ordonnance du 28 décembre 2024, demandant sa remise en liberté immédiate en raison de l’absence de perspective d’éloignement vers l’Afghanistan. Il a fait valoir qu’il avait demandé une aide au retour et obtenu un document de rapatriement, mais que l’éloignement n’était pas réalisable.

Arguments du préfet

Le préfet des Hautes Pyrénées a soutenu la confirmation de l’ordonnance, indiquant des difficultés d’exécution de l’éloignement en raison de la non-reconnaissance des laissez-passer consulaires par le gouvernement taliban. Il a également mentionné des possibilités d’éloignement vers d’autres pays, à condition d’obtenir un certificat médical attestant du consentement de M. [V] [Y].

Décision judiciaire

L’appel a été jugé recevable, et il a été rappelé que la rétention ne peut être prolongée que pour le temps strictement nécessaire à l’éloignement. Le tribunal a constaté qu’il existait une perspective raisonnable d’éloignement, justifiant ainsi la prolongation de la rétention administrative.

Conclusion de l’ordonnance

Le tribunal a confirmé l’ordonnance du 28 décembre 2024, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de M. [V] [Y]. L’ordonnance a été notifiée aux parties concernées, y compris à la préfecture et à M. [V] [Y].

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour le placement en rétention administrative d’un étranger ?

Le placement en rétention administrative d’un étranger est régi par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Selon l’article L. 741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

Cet article précise que la rétention ne doit pas être une mesure punitive, mais doit viser à garantir l’exécution de la décision d’éloignement.

Il est donc essentiel que la rétention soit justifiée par des éléments concrets concernant l’éloignement de l’étranger.

En l’espèce, M. [V] [Y] a été placé en rétention administrative après avoir fait l’objet d’un arrêté préfectoral d’obligation de quitter le territoire français.

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative ?

La prolongation de la rétention administrative est encadrée par l’article L. 742-4 du CESEDA.

Cet article stipule que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de 30 jours dans certains cas.

Les conditions de prolongation incluent :

1. En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2. Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation de son identité ou de l’obstruction volontaire à son éloignement ;

3. Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat ou de l’absence de moyens de transport.

Il est donc crucial que l’autorité administrative justifie la demande de prolongation par des éléments tangibles.

Dans le cas de M. [V] [Y], la prolongation a été justifiée par l’absence de possibilité d’éloignement vers l’Afghanistan, mais aussi par des démarches entreprises pour organiser son départ.

Quels sont les droits de l’étranger en matière de rétention administrative ?

Les droits de l’étranger en matière de rétention administrative sont également protégés par le CESEDA.

L’article L. 742-2 précise que l’étranger a le droit d’être informé des raisons de sa rétention et de contester cette mesure devant un juge.

De plus, l’article L. 743-13 impose que la remise d’un document d’identité valide soit une condition préalable à toute assignation à résidence.

Cela signifie que l’étranger doit avoir accès à des recours effectifs pour contester la légalité de sa rétention.

Dans le cas de M. [V] [Y], il a interjeté appel de l’ordonnance de prolongation de sa rétention, ce qui est un droit fondamental reconnu par la loi.

Quelles sont les implications de l’absence de perspective d’éloignement ?

L’absence de perspective d’éloignement est un argument souvent utilisé pour contester la légalité de la rétention administrative.

L’article L. 741-3 du CESEDA stipule que la rétention ne peut être maintenue que pour le temps strictement nécessaire à l’éloignement.

Si l’étranger peut prouver qu’il n’existe aucune possibilité d’éloignement, cela pourrait justifier sa remise en liberté.

Dans le cas de M. [V] [Y], il a soutenu que l’éloignement vers l’Afghanistan n’était pas possible, ce qui a été contesté par l’autorité administrative qui a présenté des éléments montrant qu’un départ vers d’autres pays était envisageable.

Ainsi, la question de la perspective d’éloignement est cruciale pour déterminer la légalité de la rétention.

Comment se déroule la procédure de contestation de la rétention administrative ?

La procédure de contestation de la rétention administrative est régie par le CESEDA et doit respecter certaines étapes.

L’article L. 742-2 permet à l’étranger de saisir le juge pour contester la mesure de rétention.

L’étranger doit être informé des raisons de sa rétention et a le droit d’être assisté par un avocat.

Dans le cas de M. [V] [Y], il a interjeté appel de l’ordonnance de prolongation de sa rétention, ce qui a été fait dans les délais légaux.

L’audience a permis aux deux parties de présenter leurs arguments, et le juge a ensuite rendu sa décision.

Cette procédure garantit que les droits de l’étranger sont respectés et que la rétention est justifiée par des éléments concrets.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 24/1399

N° RG 24/01394 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QW2M

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 30 décembre à 16h30

Nous M-C. CALVET, Conseillère, magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 12 décembre 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 28 décembre 2024 à 14H55 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :

[V] [Y]

né le 01 Janvier 2000 à [Localité 3]

de nationalité Afghane

Vu l’appel formé le 30 décembre 2024 à 15 h 49 par courriel, par Me Léa COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE,

A l’audience publique du 30 décembre 2024 à 14h00, assisté de C. CENAC, greffier, lors des débats et C. KEMPENAR, adjoint faisant fonction de greffier, pour la mise à disposition, avons entendu :

[V] [Y]

assisté de Me Léa COHEN, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [L] [S], interprète, qui a prêté serment,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M. [R] représentant la PREFECTURE DES HAUTES PYRENEES, ayant fait parvenir un mémoire ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

M. [V] [Y] a fait l’objet d’un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire de 30 jours, assortie d’une interdiction de retour d’une durée d’un an pris le 25 septembre 2024, qui lui a été notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le 7 octobre 2024.

Il a fait l’objet d’un arrêté de placement en rétention administrative pris par le préfet des Hautes Pyrénées le 28 novembre 2024 qui lui a été notifié le même jour à 18 heures 18.

La prolongation du placement en rétention administrative de M. [V] [Y] a été ordonnée par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse suivant ordonnance du 3 décembre 2024, confirmée par l’ordonnance du magistrat délégué de la cour de céans du 5 décembre 2024, puis par ordonnance du 28 décembre 2024 à 14 heures 55 pour une durée de 30 jours à compter de l’expiration du précédent délai de 26 jours.

M. [V] [Y] a interjeté appel de l’ordonnance du 28 décembre 2024 par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 29 décembre 2024 à 15 heures 49, soutenu oralement à l’audience, auquel il convient de se référer et aux termes duquel il sollicite l’infirmation de l’ordonnance entreprise et sa remise en liberté immédiate pour le motif suivant : l’absence de perspective d’éloignement.

Il expose qu’il a fait une demande d’aide au retour le 19 septembre 2024 et a obtenu un document de rapatriement délivré par les autorités afghanes le 14 novembre 2024 ; qu’il a fait l’objet d’une décision de placement en rétention administrative le 28 novembre 2024 ; que le préfet des Hautes-Pyrénées a fait une demande de routing le 29 novembre 2024 avec une relance le 23 décembre 2024 ; que la DIPN 31 a informé la Cimade de ce que le préfet lui avait indiqué que l’éloignement de l’étranger vers l’Afghanistan n’était pas possible et ce jusqu’à nouvel ordre ; qu’à ce jour, il n’existe aucune perspective d’éloignement vers ce pays ; que dans ces conditions, son maintien en rétention était injustifié.

L’appelant a comparu, assisté de son conseil entendu en sa plaidoirie à l’audience du 30 décembre 2024 à 14 heures.

Le préfet des Hautes Pyrénées représenté a été entendu en ses explications orales, celui-ci sollicitant confirmation de l’ordonnance entreprise. Il a indiqué avoir été avisé par M. [O] de la difficulté à exécuter la mesure d’éloignement compte tenu de la non-reconnaissance des laissez-passer consulaires délivrés en France par le gouvernement taliban. Il a exposé qu’après prise de contact avec les services de l’O.F.I.I. le 12 décembre 2024, la P.A.F. pouvait organiser le départ de l’étranger vers [Localité 4] (Inde) ou [Localité 1] (Turquie) et l’O.F.I.I prendre en charge la réservation du transport entre [Localité 4] et [Localité 2] ou [Localité 1] et [Localité 2] ; que seul manquait le certificat médical attestant du consentement libre et éclairé de M. [V] [Y] au départ volontaire pour la mise en ‘uvre de son éloignement, de sorte que son maintien en détention était justifié.

Vu l’absence du ministère public, avisé de la date d’audience, qui n’a pas formulé d’observation,

SUR CE

L’appel interjeté par M. [V] [Y] est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.

Il est rappelé qu’en application de l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

L’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de nouvelle prolongation du maintien en rétention au-delà de 30 jours dans les cas suivants:

«1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’articleL.742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. »

L’autorité administrative requiert une deuxième prolongation de la rétention administrative sur le fondement de l’article L. 742-4 du CESEDA précité.

Elle expose que :

– M. [V] [Y], qui est entré sur le territoire français le 4 juin 2024 de manière irrégulière sans document transfrontalier ou visa exigé par les conventions internationales et les règlements en vigueur, a fait une demande d’asile puis s’est désisté le 19 septembre 2024 et a sollicité l’aide au retour volontaire afin de regagner son pays d’origine l’Afghanistan ;

– à la suite de l’arrêté portant obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, la section consulaire de l’ambassade de la République islamique d’Afghanistan en France a délivré un document de rapatriement au profit de M. [V] [Y] le 14 novembre 2024 ;

-M. [V] [Y], qui était hébergé dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile à [Localité 5] et a fait l’objet d’un signalement en raison de son comportement perturbé, a été placé en rétention administrative, ne disposant pas d’une adresse stable sur le territoire français et de garantie de représentation ;

-un routing a été sollicité le 29 novembre 2024.

L’autorité administrative établit que la section consulaire de l’ambassade de la République islamique d’Afghanistan en France a délivré un document de rapatriement au profit de M. [V] [Y] le 14 novembre 2024. Elle produit l’accusé de la demande de routing aux fins d’éloignement de ce dernier faite le 29 novembre 2024 par la Division nationale de l’éloignement de la D.N.P.A.F. qui comporte la mention d’un vol à prévoir à destination de [Localité 4] en Inde, l’O.F.I.I. se chargeant de la réservation d’un moyen de transport vers l’Afghanistan sous la coordination de la D.G.E.F. Elle produit en outre le courriel en date du 26 décembre 2024 du chef de la section laissez-passer consulaires de direction de l’immigration de la D.G.E.F. qui reste dans l’attente du certificat médical établissant que les facultés mentales de M. [V] [Y] lui permettent de consentir à son retour volontaire dans son pays d’origine.

Ainsi, l’autorité administrative justifie de l’accomplissement de diligences pour organiser le départ de l’étranger dont les modalités restent à organiser à la suite de sa demande de routing après délivrance d’un certificat médical.

Il en résulte que si la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée avant l’expiration du délai de la première prolongation de la rétention administrative, il existe une perspective raisonnable d’éloignement de l’étranger. En conséquence, il y a lieu de considérer que les conditions de l’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sont réunies.

Il résulte de la procédure que M. [V] [Y] ne détient ni passeport ni un autre document d’identité en cours de validité. Or, la remise de l’original d’un passeport ou de tout document d’identité en cours de validité constitue une formalité préalable prescrite par l’article L. 743-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour une assignation à résidence.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a ordonné la prolongation de la rétention administrative de M. [V] [Y].

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l’appel interjeté par M. [V] [Y] à l’encontre de l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse du 28 décembre 2024 ;

Confirmons l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse du 28 décembre 2024 ordonnant la deuxième prolongation de la rétention administrative de M. [V] [Y] ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE DES HAUTES PYRENEES, service des étrangers, à [V] [Y], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

C.KEMPENAR M-C. CALVET, Conseillère

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