Prolongation exceptionnelle de la rétention : enjeux d’identification et d’obstruction administrative

·

·

Prolongation exceptionnelle de la rétention : enjeux d’identification et d’obstruction administrative

L’Essentiel : Monsieur [R] [Y], en rétention administrative depuis le 5 novembre 2024, a déjà bénéficié de deux prolongations. La préfecture du Calvados a demandé une troisième prolongation, invoquant son obstruction à l’éloignement. Les autorités tunisiennes ne le reconnaissant pas comme ressortissant complique son identification. Monsieur [Y] a refusé de se soumettre à un relevé d’empreintes, arguant d’un manque de compréhension. Son comportement, incluant l’utilisation de plusieurs identités, a été perçu comme une entrave. Le tribunal a accordé une prolongation de quinze jours, conformément à l’article L.742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers.

Contexte de la rétention

Monsieur [R] [Y], également connu sous les noms de [L] [B] et [Y] [S], est en rétention administrative depuis le 5 novembre 2024. Il a déjà bénéficié de deux prolongations de sa rétention, la première de 26 jours et la seconde de 30 jours, toutes deux confirmées par la cour d’appel d’Orléans.

Demande de prolongation de la rétention

La préfecture du Calvados a sollicité une troisième prolongation de la rétention, arguant que Monsieur [Y] a fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement. Selon les autorités consulaires de Tunisie, il n’est pas reconnu comme ressortissant, ce qui complique son identification et son éloignement.

Obstruction à l’identification

Monsieur [Y] a refusé de se soumettre à un relevé d’empreintes, prétextant qu’il ne comprenait pas la nécessité de ce prélèvement. Cependant, son comportement, qui inclut l’utilisation de plusieurs identités, a été interprété comme une tentative d’entraver son identification, rendant ainsi impossible l’exécution de la mesure d’éloignement.

Décision du tribunal

Le tribunal a décidé d’accorder la prolongation de la rétention administrative pour une durée maximale de quinze jours, en raison de l’obstruction volontaire de Monsieur [Y] à l’exécution de la décision d’éloignement. Cette décision est fondée sur l’article L.742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile.

Notification et droits de l’intéressé

La décision a été notifiée à Monsieur [Y], qui a été informé de son droit de contester cette ordonnance par appel dans les 24 heures. Il a également été rappelé qu’il peut demander l’assistance d’un interprète, d’un médecin, ou d’un avocat, et qu’il peut communiquer avec son consulat.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon l’article L.742-5 du CESEDA ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L.742-5 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile (CESEDA). Cet article stipule que, à titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L.742-4, dans certaines situations.

Ces situations sont les suivantes :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L.631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

La prolongation de la rétention, si ordonnée, court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.

Si l’une des circonstances mentionnées survient au cours de cette prolongation, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions, sans que la durée maximale de la rétention n’excède quatre-vingt-dix jours.

Quel est le rôle de la préfecture dans la procédure de prolongation de la rétention administrative ?

Selon l’article 6 du Code de procédure civile, il incombe à la préfecture d’alléguer les faits propres à fonder sa demande de prolongation de la rétention administrative. Cela signifie que la préfecture doit fournir des éléments de preuve et des arguments juridiques justifiant la nécessité de prolonger la rétention de l’étranger.

Dans le cas présent, la préfecture du Calvados a sollicité une troisième prolongation de la mesure de rétention en alléguant que Monsieur [Y] avait fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement.

Cette obstruction a été caractérisée par le refus de l’intéressé de se soumettre à un relevé d’empreintes, ce qui a empêché l’autorité administrative d’identifier correctement l’individu et de procéder à son éloignement.

La préfecture doit donc démontrer que les conditions prévues par l’article L.742-5 sont remplies pour que le juge puisse ordonner la prolongation de la rétention.

Quels sont les droits de l’étranger en rétention administrative ?

L’étranger en rétention administrative dispose de plusieurs droits, qui sont essentiels pour garantir le respect de ses droits fondamentaux.

Dès le début de son maintien en rétention, il peut demander l’assistance d’un interprète, d’un médecin, d’un conseil, et il a le droit de communiquer avec son consulat ainsi qu’avec une personne de son choix.

Ces droits sont cruciaux pour assurer que l’étranger puisse se défendre efficacement et comprendre les procédures qui le concernent.

Il est également important de noter que l’étranger a le droit d’être informé dans une langue qu’il comprend des décisions qui le concernent, y compris la possibilité de faire appel de la décision de prolongation de sa rétention.

Cette information doit être fournie de manière claire et accessible, afin que l’étranger puisse exercer ses droits de manière éclairée.

En résumé, les droits de l’étranger en rétention administrative sont garantis par la législation et doivent être respectés tout au long de la procédure.

COUR D’APPEL
D’ORLEANS

TRIBUNAL JUDICIAIRE
D’ORLEANS

Rétention administrative

N° RG 25/00026 – N° Portalis DBYV-W-B7J-G7O7
Minute N°25/00018

ORDONNANCE
ORDONNANCE DE TROISIEME PROLONGATION DE LA RETENTION ADMINISTRATIVE

rendue le 04 Janvier 2025

Le 04 Janvier 2025

Devant Nous, Julien SIMON-DELCROS, Juge au Tribunal judiciaire d’ORLEANS,

Assisté de Olivier GALLON, Greffier,

Etant en audience publique, au Palais de Justice,

Vu la requête motivée du représentant de PREFECTURE DU CALVADOS en date du 03 Janvier 2025, reçue le 03 Janvier 2025 à 10h11 au greffe du Tribunal,

Vu l’ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire d’ORLEANS en date du 10/11/2024 ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé.

Vu l’ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire d’ORLEANS en date du 05/12/2024 ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé.

(Le cas échéant en cas de quatrième prolongation)Vu l’ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire d’ORLEANS en date du ordonnant la prolongation du maintien en rétention administrative de l’intéressé.

Vu les avis donnés à Monsieur [R] [Y]
Alias :- [L] [B], – [Y] [S], à la PREFECTURE DU CALVADOS, au Procureur de la République, à Me Sylvie CELERIER, avocat choisi ou de permanence,

Vu notre note d’audience de ce jour,

COMPARAIT CE JOUR ,
par le biais de la VISIO CONFERENCE avec le centre de rétention administrative d’[Localité 4]:

Monsieur [R] [Y]
Alias :
– [L] [B]
– [Y] [S]
né le 25 Août 2003 à [Localité 3] (TUNISIE)
de nationalité Tunisienne

Assisté de Me Sylvie CELERIER, avocat commis d’office, qui a pu consulter la procédure, ainsi que l’intéressé.

En l’absence de PREFECTURE DU CALVADOS, dûment convoquée.

En présence de M [K] [E], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste de la Cour d’appel d’Orléans.

En l’absence du Procureur de la République, avisé ;

Mentionnons que la PREFECTURE DU CALVADOS, le Procureur de la République dudit tribunal, l’intéressé et son conseil ont été avisés, dès réception de la requête, de la date et l’heure de la présente audience par le greffier.

Mentionnons que les pièces de la procédure ont été mises à la disposition de l’intéressé et du conseil.

Vu les dispositions des articles L.741-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile

Après avoir entendu :

Me Sylvie CELERIER en ses observations.

M. [R] [Y]
Alias :
– [L] [B]
– [Y] [S] en ses explications.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l’article L.742-5 du code de l’entré et du séjour des étrangers et du droit d’asile, « A titre exceptionnel, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »

En application de l’article 6 du code de procédure civile, il incombe à la préfecture d’alléguer les faits propres à fonder sa demande.

Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut ainsi, à titre exceptionnel et dans les seules hypothèses précitées, ordonner une nouvelle prolongation de la rétention pour un délai maximal de 15 jours, renouvelable une fois.

Monsieur [S] [Y], né le 25 août 2003 à [Localité 1], alias [Y] et [S] [F] [L] né le 25 août 2002 ou encore [R] [L] né le 25 août 2003, est en rétention administrative depuis le 5 novembre 2024. Il a déjà fait l’objet d’une première prolongation de cette rétention pour une durée de 26 jours par décision du magistrat du tribunal judiciaire en date du 10 novembre 2024 confirmée par la cour d’appel d’Orléans le 13 novembre suivant, d’une deuxième prolongation de la rétention pour un délai de 30 jours par une décision en date du 5 décembre 2024 également confirmée le 6 décembre.

Conformément aux dispositions de l’article L.742-5 précité, une troisième prolongation de la rétention administrative ne peut être sollicitée par la préfecture et ordonnée par le magistrat du siège du tribunal judiciaire qu’à titre exceptionnel et uniquement dans les cas limitativement énumérés par cet article.

Sur l’obstruction volontaire à l’exécution d’office de la décision d’éloignement :

La préfecture du Calvados sollicite une troisième prolongation de la mesure de rétention alléguant que Monsieur [Y] a fait obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement.

En l’espèce, les autorités consulaires de Tunisie ont déclaré le 12 décembre 2024 ne pas reconnaître Monsieur [Y] comme l’un de leurs ressortissants. L’administration a demandé à la direction nationale de la police aux frontières de soumettre Monsieur [Y] à un relevé d’empreintes aux bornes EURODAC )fichier de données dactyloscopiques( dans l’objectif d’identifier un pays susceptible d’admettre l’intéressé. Il ressort des échanges de courriels du 24 décembre 2024 que Monsieur [Y] a refusé de se soumettre au relevé d’empreintes.

L’intéressé prétend à l’audience qu’il ne s’agissait pas d’un refus mais qu’il n’avait pas compris pourquoi ses empreintes devaient de nouveau être prélevées alors que la police en disposait déjà. Son conseil estime que le recours à EURODAC n’est au demeurant pas adapté car il n’est pas question d’une demande d’asile.

Cependant il apparait qu’en jouant sur trois identités différentes, en indiquant d’abord qu’il était tunisien puis ressortissant algérien, en refusant une prise d’empreintes, Monsieur [Y] fait obstacle à son identification, obligeant l’autorité administrative à effectuer de nouvelles diligences.

Dès lors que la mesure d’éloignement n’a pas pu être exécutée en raison de l’impossibilité actuelle d’obtenir un laissez-passer et la délivrance des documents de voyage du fait de l’obstacle posé par Monsieur [Y], il y a lieu de faire droit à la demande de prolongation présentée par la préfecture du Calvados sur le fondement de l’article L.742-5 1° du CESEDA et d’ordonner la prolongation de sa rétention administrative pour une nouvelle période de 15 jours maximum.

PAR CES MOTIFS

Ordonnons la prolongation du maintien de Monsieur [R] [Y] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de QUINZE JOURS à compter du 05/01/2025 .

Notifions que la présente décision est susceptible d’être contestée par la voie de l’appel interjeté dans les 24 heures du prononcé de la présente ordonnance, devant le Premier Président de la Cour d’Appel d’ORLEANS ([Courriel 2]), et par requête motivée.

Rappelons à Monsieur [R] [Y] que dès le début du maintien en rétention, il peut demander l’assistance d’un interprète, d’un médecin, d’un conseil et peut, s’il le désire, communiquer avec son consulat et avec une personne de son choix.

Décision rendue en audience publique le 04 Janvier 2025 à

Le Greffier Le Juge

Reçu notification et copie de la présente ordonnance le 04 Janvier 2025 à ‘ORLEANS

L’INTERESSE L’AVOCAT L’INTERPRETE

Copie de la présente décision est transmise par courriel au procureur de la République, au Tribunal Administratif d’Orléans, à la Préfecture dePREFECTURE DU CALVADOS et au CRA d’Olivet.

RECEPISSE DE LA DELIVRANCE D’UNE COPIE DE L’ORDONNANCE A L’INTERESSE
(à retourner au greffe de la chambre du contentieux des libertés)

Je soussigné(e), M. [R] [Y]
atteste :

– avoir reçu copie de l’ordonnance du juge judiciaire en date du 04 Janvier 2025 ;

– avoir été avisé(e), dans une langue que je comprends, de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé, appel non suspensif ;

– avoir été informé(e), dans une langue que je comprends, que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel d’Orléans.

L’INTERESSE L’INTERPRETE
M. [R] [Y]
Alias :
– [L] [B]
– [Y] [S]


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon