Prolongation de la rétention administrative : conditions et limites

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Prolongation de la rétention administrative : conditions et limites

L’Essentiel : Le 11 novembre 2024, l’autorité administrative a placé [N] [X], ressortissant somalien, en rétention. Le 14 novembre, le tribunal judiciaire de Lille a prolongé cette rétention de vingt-six jours. Le 12 décembre, la Cour d’appel de Douai a accordé une nouvelle prolongation de trente jours. Le 9 janvier 2025, une requête pour quinze jours supplémentaires a été déposée, contestée par le conseil de [N] [X] en raison de l’absence de délivrance rapide du laissez-passer. Le tribunal a jugé recevable la demande de prolongation, mais a refusé une prolongation exceptionnelle, rappelant à [N] [X] son obligation de quitter le territoire.

Décision de rétention administrative

Le 11 novembre 2024, l’autorité administrative a décidé de placer [N] [X], un ressortissant somalien né le 1er octobre 1998, en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire. Cette décision a été notifiée le même jour à 17 heures.

Prolongation de la rétention

Le 14 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Lille a ordonné la prolongation de la rétention administrative de [N] [X] pour une durée maximale de vingt-six jours. Par la suite, le 12 décembre 2024, le premier président de la Cour d’appel de Douai a également prolongé cette rétention pour une durée maximale de trente jours.

Nouvelle demande de prolongation

Le 9 janvier 2025, l’autorité administrative a déposé une requête pour prolonger la rétention de [N] [X] de quinze jours supplémentaires. Le conseil de [N] [X] a contesté cette prolongation, invoquant l’absence de délivrance rapide du laissez-passer.

Arguments des parties

Le représentant de l’administration a demandé une prolongation exceptionnelle de la mesure de rétention, tandis que [N] [X] a demandé sa mise en liberté.

Motifs de la décision judiciaire

Selon l’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, le magistrat peut prolonger la rétention dans certaines situations, notamment si l’étranger a fait obstruction à l’éloignement ou si la délivrance des documents de voyage est retardée. Dans ce cas, bien que l’administration ait effectué des démarches pour obtenir les documents nécessaires, elle n’a pas pu prouver que la délivrance interviendrait à bref délai.

Conclusion de la décision

Le tribunal a déclaré recevable la requête de prolongation de la rétention, mais a décidé qu’il n’y avait pas lieu à une prolongation exceptionnelle de la rétention de [N] [X]. Il a rappelé à l’intéressé son obligation de quitter le territoire national.

Notification de l’ordonnance

L’ordonnance a été notifiée aux parties, leur permettant de faire appel dans les vingt-quatre heures suivant son prononcé. [N] [X] a été informé qu’il resterait à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures après la notification de l’ordonnance.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la base légale pour la prolongation de la rétention administrative ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule que :

“A titre exceptionnel, le magistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.”

Dans le cas présent, l’autorité administrative a demandé la prolongation de la rétention de [N] [X] en se basant sur l’absence de délivrance à bref délai du laissez-passer, ce qui est une des conditions prévues par cet article.

Quelles sont les obligations de l’administration en matière de délivrance de documents de voyage ?

L’article L742-5, alinéa 3, précise que la décision d’éloignement ne peut être exécutée si les documents de voyage ne sont pas délivrés par le consulat. Il est stipulé que :

“La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.”

Dans le cas de [N] [X], bien que l’administration ait effectué des relances auprès des autorités consulaires somaliennes, elle n’a pas pu prouver que la délivrance du document de voyage interviendrait à bref délai.

Cela a conduit le tribunal à conclure que l’administration n’avait pas respecté ses obligations, ce qui a justifié le rejet de la demande de prolongation de la rétention.

Quels sont les droits de l’étranger en matière de rétention administrative ?

Les droits de l’étranger en matière de rétention administrative sont encadrés par plusieurs dispositions légales. En particulier, l’article L742-5 et d’autres articles du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile garantissent certains droits fondamentaux.

L’article L742-5 mentionne que l’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué. Cela implique que l’étranger a le droit d’être informé de la situation de sa rétention et de pouvoir contester cette mesure devant un juge.

De plus, lors de la notification de l’ordonnance, il est précisé que l’étranger peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

Ces droits sont essentiels pour garantir que l’étranger puisse exercer ses recours et bénéficier d’un traitement humain durant la période de rétention.

Quelles sont les conséquences d’une décision de non-prolongation de la rétention ?

La décision de non-prolongation de la rétention administrative a des conséquences directes sur la situation de l’étranger. Selon l’ordonnance rendue, il a été déclaré :

“DISONS N’Y AVOIR LIEU A LA PROROGATION EXCEPTIONNELLE de la rétention de M. [X] [N] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.”

Cela signifie que l’étranger doit être libéré de la rétention. Toutefois, il est rappelé qu’il a l’obligation de quitter le territoire national.

En conséquence, l’étranger peut être assigné à résidence ou faire l’objet d’autres mesures administratives, mais il ne peut plus être maintenu en rétention.

Cette décision souligne l’importance de respecter les droits des étrangers et de garantir que les mesures de rétention ne soient pas prolongées sans justification légale adéquate.

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
___________________

Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire

NOTE D’AUDIENCE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Audience publique

DATE D’AUDIENCE : 10 Janvier 2025

DOSSIER : N° RG 25/00051 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZEFK – M. LE PREFET DU NORD / M. [X] [N]

MAGISTRAT : Aurore JEAN BAPTISTE

GREFFIER : Salomé WAINSTEIN

DEMANDEUR :
M. LE PREFET DU NORD
Représenté par Maître Joyce JACQUARD, avocat, cabinet actis

DEFENDEUR :
M. [X] [N]
Assisté de Maître Bélinda BOUBAKER avocat commis d’office
En présence de Mme [L] [C], interprète en langue arabe,
__________________________________________________________________________
DEROULEMENT DES DEBATS

L’intéressé a décliné son identité

Le représentant de l’administration, entendu en ses observations ;

L’avocat soulève les moyens suivants : – Absence de preuve de la délivrance à bref délai du laissez passer.

Le représentant de l’administration répond à l’avocat ;

L’intéressé entendu en dernier déclare : “ Je sollicite ma remise en liberté”.

DECISION

Sur la demande de maintien en rétention :
o RECEVABLE o IRRECEVABLE
o PROROGATION EXCEPTIONNELLE o REJET o ASSIGNATION A RÉSIDENCE

Le greffier Le magistrat délégué

Salomé WAINSTEIN Aurore JEAN BAPTISTE

COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
──────────
LE JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION
────
Dossier n° N° RG 25/00051 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZEFK

ORDONNANCE STATUANT SUR LA PROROGATION EXCEPTIONNELLE D’UNE MESURE DE RETENTION ADMINISTRATIVE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA

Nous, Aurore JEAN BAPTISTE,, magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire de LILLE, assisté de Salomé WAINSTEIN, greffier ;

Vu les dispositions des articles suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :
– L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20
– L. 741-1, L.741-4, L.741-5, L.741-7, L.744-1, L.751-9, L.751-10
– L. 743-14, L.743-15, L.743-17
– L. 743-19, L. 743-25
– R. 741-3
– R.742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21

Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 11/11/2024 par M. LE PREFET DU NORD ;

Vu l’ordonnance de maintien en rétention rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lille, le 14/11/2024 ;

Vu l’ordonnance de prorogation rendue par le magistrat délégué du tribunal judiciaire de Lille en date du 11/12/2024 et prononçant la prorogation de la rétention pour une durée de trente jours ;

Vu la requête en prorogation exceptionnelle de l’autorité administrative en date du 09/01/2025 reçue et enregistrée le 09/01/2025 à 10h48 (cf. Timbre du greffe) tendant à la prorogation de la rétention de M. [X] [N] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de quinze jours ;

Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L.744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;

PARTIES

AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION

M. LE PREFET DU NORD
préalablement avisé, représenté par Maître Joyce JACQUARD, avocat, représentant de l’administration

PERSONNE RETENUE
M. [X] [N]
né le 01 Octobre 1998 à [Localité 3] (SOMALIE)
de nationalité Somalienne
actuellement maintenu en rétention administrative
préalablement avisé et présent à l’audience,
assisté de Maître Bélinda BOUBAKER , avocat commis d’office,
En présence de Mme [L] [C], interprète en langue arabe,

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, préalablement avisé n’est pas présent à l’audience.

DEROULEMENT DES DEBATS

A l’audience publique, le magistrat délégué a procédé au rappel de l’identité des parties ;

Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;

L’intéressé a été entendu en ses explications ;

Le représentant du préfet a été entendu en ses observations ;

L’avocat a été entendu en sa plaidoirie ;

Le représentant du préfet ayant répondu à l’avocat ;

L’étranger ayant eu la parole en dernier ;

EXPOSE DU LITIGE

Par décision en date du 11 novembre 2024 notifiée le même jour à 17 heures 00, l’autorité administrative a ordonné le placement de [N] [X] né le 1er octobre 1998 à [Localité 3] (Somalie) de nationalité somalienne en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Par décision en date du 14 novembre 2024, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Lille a ordonné la prolongation de la rétention administrative de [N] [X] pour une durée maximale de vingt six jours.

Par décision rendue le 12 décembre 2024, le premier président de la Cour d’appel de DOUAI a ordonné la prolongation de la rétention administrative de [N] [X] pour une durée maximale de trente jours.

Par requête en date du 09 janvier 2025, reçue le même jour à 10h48, l’autorité administrative a saisi le magistrat du siège aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée supplémentaire de quinze jours.

Le conseil de [N] [X] sollicite le rejet de la prolongation de la rétention sur les moyens suivants :
– sur l’absence de délivrance à bref délai du laissez-passer ;

Le représentant de l’administration demande la prolongation exceptionnelle de la mesure de rétention.

[N] [X] demande sa mise en liberté.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prolongation de la rétention :

L’article L742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose :
“A titre exceptionnel, lemagistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.”

En l’espèce, les autorités consulaires somaliennes ont été saisies de la situation de [N] [X] le 12 novembre 2024. Des relances ont été faites les 25 novembre 2024, 09 décembre 2024, 18 décembre 2024 et le 07 janvier 2025.

Il ressort de ces éléments que si l’administration a effectué l’ensemble des diligences nécessaires afin d’assurer l’exécution la plus rapide possible de l’éloignement de [N] [X] et de limiter le temps de privation de liberté que constitue la mesure de rétention, elle n’est pas en mesure de démontrer la délivrance à bref délai du document de voyage.

Par conséquent, il ne sera pas fait droit à la requête de l’administration.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

DÉCLARONS recevable la requête en prorogation de la rétention administrative

DISONS N’Y AVOIR LIEU A LA PROROGATION EXCEPTIONNELLE de la rétention de M. [X] [N] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire ;

RAPPELONS qu’il a l’obligation de quitter le territoire national ;

Fait à LILLE, le 10 Janvier 2025

Notifié ce jour à h mn

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

La présente ordonnance mettant fin à la rétention ou assignant l’étranger à résidence, a été notifiée par mail au procureur de la République, ce jour à h mn

LE GREFFIER

NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES

DOSSIER : N° RG 25/00051 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZEFK
M. LE PREFET DU NORD / M. [X] [N]
DATE DE L’ORDONNANCE : 10 Janvier 2025

NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance aux parties, qui en émargeant ci-après, attestent en avoir reçu copie et les avisons de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; les informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 2]; leur indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.

Information est donnée à M. [X] [N] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence. Durant cette période, l’intéressé peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

Traduction orale faite par l’interprète.

LE REPRESENTANT DU PREFET L’INTERESSE
Par mail Par visioconférence puis envoi au CRA

L’INTERPRETE LE GREFFIER

L’AVOCAT
Par mail

______________________________________________________________________________

RÉCÉPISSÉ

M. [X] [N]

retenu au Centre de Rétention de [Localité 1]

reconnait avoir reçu notification de ladite ordonnance en date du 10 Janvier 2025

date de remise de l’ordonnance :
le :

signature de l’intéressé


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