Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’identification et des diligences administratives.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’identification et des diligences administratives.

L’Essentiel : M. [E] [I], ressortissant irakien, a été condamné le 28 mars 2023 à trois ans d’emprisonnement et à une interdiction du territoire français pour aide à l’entrée irrégulière d’étrangers et participation à une association de malfaiteurs. Placé en rétention administrative le 3 décembre 2024, sa prolongation a été validée par le tribunal. Dans son appel, il évoque l’insuffisance des diligences administratives et l’absence de perspectives d’éloignement, mais le tribunal confirme la légalité de la prolongation, soulignant que les autorités françaises ont respecté les procédures nécessaires pour son identification.

Identité et condamnation de M. [E] [I]

M. [E] [I] se déclare ressortissant irakien. Il a été condamné le 28 mars 2023 par la cour d’appel d’Angers à une peine de trois ans d’emprisonnement et à une interdiction du territoire français pour une durée de dix ans. Cette condamnation est liée à des faits d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France, ainsi qu’à sa participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de dix ans d’emprisonnement.

Placement en rétention administrative

M. [E] [I] a été placé en rétention administrative le 3 décembre 2024, à l’issue de sa levée d’écrou. Par ordonnance du 7 décembre 2024, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de sa rétention, décision confirmée le 10 décembre 2024 par un magistrat suppléant. Une seconde prolongation a été accordée le 2 janvier 2025, ce qui a conduit M. [E] [I] à interjeter appel de cette décision.

Arguments de l’appel

Dans son appel, M. [E] [I] soutient l’insuffisance des diligences de l’administration française et l’absence de perspectives d’éloignement. Le dossier a été transmis au parquet général, qui a requis la confirmation de l’ordonnance sans motivation. Le préfet de l’Eure a également communiqué ses observations écrites, et lors de l’audience, le conseil de M. [E] [I] a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel.

Recevabilité de l’appel

L’appel interjeté par M. [E] [I] contre l’ordonnance du 2 janvier 2025 est déclaré recevable. Les éléments de la procédure montrent que la demande de prolongation de la rétention a été correctement formulée et que les conditions légales ont été respectées.

Diligences et perspectives d’éloignement

Selon l’article L 742-4 du CESEDA, le magistrat peut prolonger la rétention en cas d’urgence ou d’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement. M. [E] [I] ne possède pas de documents d’identité, rendant sa nationalité incertaine. Les autorités irakiennes ont été sollicitées pour son identification, et le processus est en cours. L’administration française a effectué les diligences nécessaires, et il n’existe pas d’éléments prouvant une absence de perspectives d’éloignement.

Confirmation de l’ordonnance

En conséquence, l’ordonnance de prolongation de la rétention administrative de M. [E] [I] est confirmée dans toutes ses dispositions. La décision a été rendue publiquement à Rouen le 3 janvier 2025.

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le CESEDA ?

La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L 742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Cet article stipule que :

« Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport. »

Il est également précisé que l’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours.

La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Quelles sont les obligations de l’administration concernant la rétention administrative ?

L’article L. 741-3 du CESEDA précise que :

« Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet. »

Cela signifie que l’administration a l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter le départ de l’étranger dans les meilleurs délais.

Dans le cas de M. [E] [I], il a été constaté qu’il était démuni de tous documents d’identité et de voyage, ce qui a rendu son identification difficile.

Les autorités irakiennes ont été saisies d’une demande d’identification, et plusieurs relances ont été effectuées.

Le processus d’identification était en cours, ce qui montre que l’administration française a exercé les diligences requises.

Quels sont les droits de l’étranger en matière de rétention administrative ?

L’article 973 et suivants du Code de procédure civile prévoient que les parties ont le droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la notification de la décision.

Dans le cas de M. [E] [I], il a été informé de son droit de former un pourvoi en cassation contre l’ordonnance de prolongation de sa rétention administrative.

Cela garantit que l’étranger a la possibilité de contester la légalité de sa rétention et de faire valoir ses droits devant une juridiction supérieure.

Il est essentiel que les droits de l’étranger soient respectés tout au long de la procédure, y compris le droit à un recours effectif.

Ainsi, M. [E] [I] a la possibilité de faire appel de la décision de prolongation de sa rétention, ce qui est un élément fondamental du droit à un procès équitable.

N° RG 25/00011 – N° Portalis DBV2-V-B7J-J3AR

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 03 JANVIER 2025

Brigitte HOUZET, Conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme VESPIER, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la requête du préfet de l’Eure tendant à voir prolonger pour une durée supplémentaire de trente jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise le 3 décembre 2024 à l’égard de M. [E] [I], né le 12 Janvier 1995 en IRAK ;

Vu l’ordonnance rendue le 02 Janvier 2025 à 13h45 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen autorisant le maintien en rétention de M. [E] [I] pour une durée supplémentaire de trente jours à compter du 2 janvier 2025 à 9h25 jusqu’au 1er février 2025 à la même heure ;

Vu l’appel interjeté par M. [E] [I], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 02 janvier 2025 à 19h13 ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 1],

– à l’intéressé,

– au préfet de l’Eure,

– à Me Bilal YOUSFI, avocat au barreau de ROUEN, choisi en vertu de son droit de suite,

– à M. [M] [Z], interprète en langue kurde sorani ;

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [E] [I] ;

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de M. [M] [Z], interprète en langue kurde sorani, expert assermenté, en l’absence du préfet de l’Eure et du ministère public ;

Vu la comparution de M. [E] [I] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 1] ;

Me Bilal YOUSFI, avocat au barreau de ROUEN étant présent au palais de justice ;

Vu les observations écrites du préfet de l’Eure, en date du 3 janvier 2025 ;

Vu le courriel de Me Bilal YOUSFI, avocat au barreau de Rouen, en date du 3 janvier 2025 ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L’appelant et son conseil ayant été entendus ;

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Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

M. [E] [I] déclare être ressortissant irakien.

Il a été condamné le 28 mars 2023 par la cour d’appel d’Angers à une peine de trois ans d’emprisonnement et à une interdiction du territoire français pour une durée de dix ans pour des faits d’aide à l’entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d’un étranger en France et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit puni de dix ans d’emprisonnement.

Il a été placé en rétention administrative le 3 décembre 2024, à l’issue de sa levée d’écrou.

Par ordonnance du 7 décembre 2024, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé la prolongation de la rétention administrative de M. [E] [I], décision confirmée par le magistrat désigné par la première présidente de la cour d’appel de Rouen pour la suppléer le 10 décembre 2024.

Par ordonnance du 2 janvier 2025, le juge du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé une seconde prolongation de la rétention adminsitrative de M. [E] [I].

M. [E] [I] a interjeté appel de cette décision.

Au soutien de son appel, il fait valoir:

– l’insuffisance des diligences de l’administration française et l’absence de perspectives d’éloignement

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 3 janvier 2025, a requis la confirmation de l’ordonnance.

Le préfet de l’Eure a communiqué ses observations écrites.

A l’audience, son conseil a réitéré les moyens développés dans l’acte d’appel.

M. [E] [I] a été entendu en ses observations.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par M. [E] [I] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 02 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable.

Sur le fond

*sur les diligences et les perspectives d’éloignement :

L’article L 742-4 du CESEDA dispose que:

‘Le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut, dans les mêmes conditions qu’à l’article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.’

Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration devant exercer toute diligence à cet effet.

Il résulte des éléments de la procédure que M. [E] [I] est démuni de tous documents d’identité et de voyage, de sorte que sa nationalité n’est pas certaine. Il affirme être ressortissant irakien. Les autorités irakiennes ont donc été saisies d’une demande d’identification dès avant son placement en rétention, le 7 octobre 2024, avisées du placement le 3 décembre 2024, jour de celui-ci et plusieurs relances leur ont été adressées.

Elles ont fait savoir, le 26 décembre 2024, que le processus d’identification était en cours. L’administration française, qui n’a aucun pouvoir de contrainte sur l’autorité étrangère, a ainsi parfaitement accompli les diligences lui incombant.

Rien ne permet de conclure à ce jour à une absence de perspectives d’éloignement.

Le moyen sera donc rejeté.

En conséquence, l’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel interjeté par M. [E] [I] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 02 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen, prolongeant la mesure de rétention administrative le concernant pour une durée supplémentaire de trente jours ;

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 3 Janvier 2025 à 15h46.

LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


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