L’Essentiel : M. [H] [C] [Z], de nationalité sénégalaise, est retenu au centre de rétention. Assisté de son avocat, Me Nasr Azaiez, et d’un interprète, il conteste la prolongation de sa rétention ordonnée par un magistrat. Le préfet de police, représenté par Me Aimilia Ioannidou, plaide pour la confirmation de cette décision. Selon l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, la prolongation peut être justifiée par une menace à l’ordre public. M. [Z], impliqué dans une enquête pour viols, est perçu comme un trouble à l’ordre public, renforçant la décision de prolongation.
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Identité de l’AppelantM. [H] [C] [Z], né le 3 avril 1996 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise, est retenu au centre de rétention. Il est assisté de Me Nasr Azaiez, avocat de permanence au barreau de Paris, et de M. [L] [M], interprète en Woloff, tout au long de la procédure. Parties ImpliquéesL’intimé dans cette affaire est le Préfet de Police, représenté par Me Aimilia Ioannidou du cabinet Mathieu & Associés, avocat au barreau de Paris. Le ministère public a également été avisé de la date et de l’heure de l’audience. Contexte JuridiqueL’ordonnance a été prononcée en audience publique, conformément au décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024, qui vise à contrôler l’immigration et à améliorer l’intégration. Il a été constaté qu’aucune salle d’audience n’était disponible à proximité du lieu de rétention pour l’audience du jour. Prolongation de la RétentionLe 26 décembre 2024, un magistrat du tribunal judiciaire de Paris a rejeté un moyen soulevé et ordonné la prolongation du maintien de M. [H] [C] [Z] pour une durée maximale de 15 jours, jusqu’au 9 janvier 2024. M. [H] [C] [Z] a interjeté appel le 27 décembre 2024. Arguments des PartiesM. [H] [C] [Z], assisté de son avocat, demande l’infirmation de l’ordonnance, tandis que le conseil du préfet de police plaide pour sa confirmation. Conditions de Prolongation de la Rétention AdministrativeSelon l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, le juge peut être saisi pour prolonger la rétention au-delà de la durée maximale dans certaines situations, notamment en cas d’obstruction à l’éloignement ou de menace pour l’ordre public. L’administration doit prouver l’urgence ou la menace. Appréciation de la Menace à l’Ordre PublicLa menace pour l’ordre public doit être évaluée en fonction des comportements de l’intéressé et de sa volonté d’insertion. La jurisprudence indique que la commission d’une infraction pénale ne suffit pas à établir une menace, celle-ci devant être réelle à la date de l’appréciation. Comportement de M. [Z]M. [Z] a été impliqué dans une enquête pour viols et vol aggravé. Bien qu’il conteste le viol, il a reconnu sa présence lors des faits, corroborée par des preuves vidéo et des déclarations de la victime. Son comportement, associé à l’ivresse, est considéré comme un trouble à l’ordre public. Conclusion de l’OrdonnanceL’absence de preuves de volonté d’insertion ou de réhabilitation de M. [Z] renforce la caractérisation de la menace à l’ordre public. Par conséquent, l’ordonnance initiale est confirmée, permettant ainsi la prolongation de la rétention. Notification et Voies de RecoursL’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition, mais un pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative et au ministère public, avec un délai de deux mois pour le former. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions pour une troisième prolongation de la rétention administrative selon l’article L. 742-5 ?L’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile stipule que, à titre exceptionnel, le juge peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L. 742-4, dans certaines situations. Ces situations incluent : 1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ; 2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement : a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ; b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ; 3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, et il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public. Il est important de noter que ces critères ne sont pas cumulatifs, ce qui signifie que la présence d’une seule de ces situations peut justifier la prolongation de la rétention. Comment est appréciée la menace pour l’ordre public dans le cadre de la rétention administrative ?La menace pour l’ordre public, selon l’article L. 742-5, doit être appréciée in concreto, c’est-à-dire en tenant compte d’un faisceau d’indices qui permettent d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace. Cette appréciation doit se baser sur le comportement de l’intéressé et, le cas échéant, sa volonté d’insertion ou de réhabilitation. L’objectif de cette notion est de prévenir les agissements dangereux que pourraient commettre des personnes en situation irrégulière sur le territoire national. Il est également précisé que la commission d’une infraction pénale, à elle seule, ne suffit pas à établir une menace pour l’ordre public. La menace doit être réelle à la date considérée, et il ne s’agit pas simplement de rechercher un acte troublant l’ordre public, mais bien la réalité de la menace à la date de l’appréciation. Quels éléments ont été pris en compte pour confirmer la prolongation de la rétention de M. [H] [C] [Z] ?Dans le cas de M. [H] [C] [Z], plusieurs éléments ont été pris en compte pour confirmer la prolongation de sa rétention. Il a été constaté qu’il faisait l’objet d’une enquête pour des faits de viol et vol aggravé, ce qui a été corroboré par des pièces de la procédure de police. Bien qu’il ait contesté le viol, il a reconnu avoir été présent aux côtés de la victime au moment des faits, en état d’ivresse. Les enregistrements de vidéo surveillance et les déclarations de la victime ont renforcé cette accusation. Un tel comportement, associé à l’état d’ivresse, est considéré comme perpétuant un trouble à l’ordre et à la santé publique. De plus, aucune preuve n’a été fournie pour démontrer une volonté d’insertion ou de réhabilitation de M. [H] [C] [Z], ce qui a conduit à considérer la menace à l’ordre public comme caractérisée au sens de l’article L. 742-5. Ainsi, l’administration a pu se fonder sur cette disposition pour solliciter une troisième prolongation de rétention. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 28 DECEMBRE 2024
(1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/06102 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CKQXP
Décision déférée : ordonnance rendue le 26 décembre 2024, à 10h30, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris
Nous, Laurent Roulaud, conseiller à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Maxime Martinez, greffier aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
M. [H] [C] [Z]
né le 03 avril 1996 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise
RETENU au centre de rétention : [3]
assisté de Me Nasr Azaiez, avocat de permanence au barreau de Paris et de M. [L] [M] (interprète en Woloff) tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté
INTIMÉ :
LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Aimilia Ioannidou du cabinet Mathieu & Associés, avocat au barreau de Paris
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience
ORDONNANCE :
– contradictoire
– prononcée en audience publique
– Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
Constatant qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;
– Vu l’ordonnance du 26 décembre 2024 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant le moyen soulevé et ordonnant la prolongation du maintien de M. [H] [C] [Z], dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 15 jours, à compter du 25 décembre 2024 soit jusqu’au 09 janvier 2024 ;
– Vu l’appel motivé interjeté le 27 décembre 2024, à 10h14, par M. [H] [C] [Z] ;
– Après avoir entendu les observations :
– de M. [H] [C] [Z], assisté de son avocat, qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;
– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;
Sur les conditions d’une troisième prolongation de la rétention administrative
Il résulte des dispositions de l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qu’à titre exceptionnel, le juge peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
Les critères ainsi énumérés ne sont pas cumulatifs.
Pour l’application du dernier alinéa de l’article précité à la requête en troisième prolongation, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, il appartient à l’administration de caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public.
Dans ce contexte, la menace pour l’ordre public fait l’objet d’une appréciation in concreto, au regard d’un faisceau d’indices permettant, ou non, d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé et, le cas échéant, sa volonté d’insertion ou de réhabilitation.
Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l’ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l’avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulières sur le territoire national.
L’appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dont la jurisprudence peut inspirer le juge judiciaire dans un souci de sécurité juridique CE, Réf. N°389959 , 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B).
La commission d’une infraction pénale n’est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public, et, surtout, cette menace doit être réelle à la date considérée, étant précisé que ce n’est pas l’acte troublant l’ordre public qui est recherché, mais bien la réalité de la menace à la date de l’appréciation de cette circonstance.
En l’espèce, il y a lieu de constater que M. [Z] a fait l’objet d’une enquête pour des faits de viols et vol aggravé commis le 21 octobre 2024 à [Localité 2]. Il ressort des pièces de la procédure de police versée aux débats (PV 2024/000606 du 3ème district de Police judiciaire de [Localité 2]) que si M. [Z] contestait le viol qui lui était reproché, il reconnaissait toutefois avoir été présent aux côtés de la victime au moment des faits en état d’ivresse, ce que corroboraient, d’une part, les enregistrements de vidéo surveillance sur lesquels il remontait son pantalon, d’autre part, les déclarations de la victime affirmant que son agresseur l’avait réveillé en lui faisant une fellation puis qu’il avait tenté de le pénétrer et lui avait volé son téléphone portable. M. [Z] reconnaissaissait d’ailleurs avoir revendu le téléphone de la victime.
Or un tel comportement, dont l’actualité n’est pas sérieusement contestée perpétue un trouble l’ordre et la santé publique, notamment lorsque l’état d’ivresse est associé à d’autres conduites infractionnelles.
En outre, aucune pièce n’accrédite de la volonté d’insertion ou de réhabilitation de M.[Z], de sorte que la menace à l’ordre public doit être considérée comme caractérisée au sens de l’article L.742-5 précité à la date à laquelle le préfet a saisi le juge. L’administration peut donc se fonder sur cette disposition, sans qu’il y ait lieu de statuer les autres critères, pour solliciter une troisième prolongation de rétention.
Il y a donc lieu de confirmer, par ce motif substitué, l’ordonnance critiquée.
CONFIRMONS l’ordonnance,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 28 décembre 2024 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L’intéressé L’interprète L’avocat de l’intéressé
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