L’Essentiel : Le 3 décembre 2024, le tribunal judiciaire de Toulouse a prolongé la rétention de M. [Y] [N] pour 26 jours, décision confirmée par la cour d’appel le 5 décembre. M. [N] a interjeté appel le 29 décembre, demandant sa remise en liberté. Lors de l’audience du 30 décembre, le préfet a soutenu la prolongation, tandis que le ministère public est resté silencieux. La cour a jugé l’appel recevable, rejetant les objections sur l’irrecevabilité. Après examen, elle a confirmé la prolongation, considérant que les démarches de la préfecture pour l’éloignement étaient suffisantes et réalistes.
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Contexte de l’affaire[Y] [N], se présentant comme de nationalité algérienne, a été placé en rétention administrative. Me Léa Cohen, avocate au barreau de Toulouse, représente l’intéressé. L’affaire a été examinée en l’absence du représentant du Ministère public, tandis que M. [W] a représenté la Préfecture de l’Hérault. Ordonnances de rétentionLe 3 décembre 2024, le vice-président du tribunal judiciaire de Toulouse a ordonné la prolongation de la rétention de [Y] [N] pour 26 jours. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel de Toulouse le 5 décembre 2024. Une nouvelle ordonnance du 28 décembre 2024 a prolongé la rétention sur demande de la préfecture. Appel de l’intéresséM. [N] a interjeté appel le 29 décembre 2024, demandant la réformation de l’ordonnance et sa remise en liberté. L’appel a été soutenu oralement lors de l’audience du 30 décembre 2024, où les explications de l’appelant et de son conseil ont été entendues. Position de la PréfectureLe préfet, présent à l’audience, a demandé la confirmation de la décision de prolongation de la rétention. Le ministère public, bien que régulièrement avisé, n’a pas formulé d’observations. Motivations de la décisionL’appel a été jugé recevable. Concernant l’irrecevabilité de la requête, il a été établi que les pièces relatives à un précédent placement en rétention ne sont pas nécessaires pour la décision actuelle. La fin de non-recevoir soulevée a été rejetée. Analyse de la rétentionLe juge a examiné si la prolongation de la rétention était justifiée par des perspectives raisonnables d’éloignement. M. [N] a fait valoir qu’il avait déjà été retenu pendant trois mois sans identification. Cependant, la préfecture a démontré avoir effectué des démarches auprès des autorités consulaires algériennes. Conclusion de la courLa cour a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention, considérant que les diligences de la préfecture étaient suffisantes et qu’il n’y avait pas d’éléments établissant que l’éloignement ne pourrait pas être exécuté dans le délai maximal de rétention. L’ordonnance a été notifiée aux parties concernées. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelles sont les conditions de prolongation de la rétention administrative selon le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ?La prolongation de la rétention administrative est régie par l’article L742-4 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule que le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de trente jours dans les cas suivants : 1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public, 2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement, 3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison : a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement, b) de l’absence de moyens de transport. L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2. Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours. Quelles sont les obligations de l’administration en matière de rétention administrative ?L’article L741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise que « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ ». L’administration est tenue d’exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention. Cela implique que l’administration doit démontrer qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour faciliter l’éloignement de l’étranger. Il appartient au juge judiciaire d’apprécier concrètement, au regard des données de chaque situation à la date où il statue, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement. Ces perspectives doivent s’entendre comme celles qui peuvent être réalisées dans le délai maximal de rétention applicable à l’intéressé, soit 90 jours. La démonstration par l’administration d’un éloignement à bref délai n’est exigée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention. Comment la jurisprudence interprète-t-elle les éléments justificatifs nécessaires à la prolongation de la rétention ?Selon l’article R. 743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la requête formée par l’autorité administrative doit être accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu par l’article L. 744-2. Il est important de noter que les pièces relatives à un précédent placement en rétention administrative ne constituent pas des pièces justificatives utiles si elles ne servent pas de fondement à la décision de prolongation de la mesure de rétention critiquée. Dans le cas présent, M. [N] a soutenu que les éléments concernant son précédent placement ne figuraient pas parmi les pièces jointes à la requête en demande de prolongation. Cependant, le tribunal a jugé que ces éléments n’étaient pas pertinents pour la décision actuelle, ce qui a conduit au rejet de la fin de non-recevoir soulevée. Quelles sont les conséquences de l’absence de diligences de l’administration dans le cadre de la rétention ?L’article L741-3 impose à l’administration de prendre toutes les diligences nécessaires pour assurer le départ de l’étranger. Si l’administration ne respecte pas cette obligation, cela pourrait constituer un motif de contestation de la légalité de la mesure de rétention. Dans l’affaire examinée, M. [N] a fait valoir qu’il avait déjà été retenu pendant trois mois sans que les diligences de la préfecture n’aient abouti à son identification. Toutefois, le tribunal a constaté que la préfecture avait effectivement engagé des démarches, notamment en saisissant les autorités consulaires algériennes et en procédant à une audition consulaire. Ainsi, l’absence de résultats immédiats ne suffit pas à établir que l’administration n’a pas agi de manière diligente. Le tribunal a confirmé que rien n’établissait que la mesure d’éloignement ne pourrait pas être exécutée avant l’expiration de la durée maximale de rétention administrative de 90 jours. |
Minute 24/1395
N° RG 24/01392 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QW2B
O R D O N N A N C E
L’an DEUX MILLE VINGT QUATRE et le 30 décembre à 14 h 00
Nous V. BAFFET-LOZANO, conseillère, magistrate déléguée par ordonnance de la première présidente en date du 12 décembre 2024 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Vu l’ordonnance rendue le 28 décembre 2024 à 15 h 56 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :
[Y] [N] alias X se disant [M] [O]
né le 14 Mai 1990 à [Localité 2] (ALGÉRIE)
de nationalité Algérienne
Vu l’appel formé le 29 décembre 2024 à 15 h 42 par courriel, par Me Léa COHEN, avocatet au barreau de TOULOUSE,
A l’audience publique du 30 décembre 2024 à 11 h 00, assistée de M. POZZOBON, greffière avons entendu :
assisté de Me Léa COHEN, avocate au barreau de TOULOUSE
qui a eu la parole en dernier ;
En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
En présence de M. [W] représentant de la PREFECTURE DE L’HERAULT ;
avons rendu l’ordonnance suivante :
Vu l’ordonnance du vice-président désigné par le président du tribunal judiciaire de Toulouse du 3 décembre 2024, confirmée par ordonnance de la cour d’appel de Toulouse du 5 décembre 2024, qui a ordonné la prolongation de la rétention pour une durée de 26 jours de [Y] [N], se réclamant de nationalité algérienne’;
Vu l’ordonnance du 28 décembre 2024 du même juge qui a ordonné la prolongation de la rétention de l’étranger sur requête de la préfecture de l’Hérault du 27 décembre 2024;
Vu l’appel interjeté par M. [N] par courrier de son conseil reçu au greffe de la cour le 29 décembre 2024 à 15h42, soutenu oralement à l’audience, auquel il convient de se référer en application de l’article 455 du code de procédure civile et aux termes duquel il sollicite la réformation de l’ordonnance et sa remise immédiate en liberté.
Entendu les explications fournies par l’appelant et de son conseil, à l’audience du 30 décembre 2024′;
Entendu les conclusions orales du préfet, représenté à l’audience, qui sollicite la confirmation de la décision entreprise ;
Vu l’absence du ministère public, avisé de la date d’audience, qui n’a pas formulé d’observation.
MOTIVATION
L’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et les délais légaux.
Sur l’irrecevabilité de la requête :
Aux termes de l’article R. 743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la requête formée par l’autorité administrative doit être accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu par l’article L. 744-2. Il apparaît donc que ces pièces doivent être distinguées de l’entier dossier.
M. [N] soutient qu’il a fait l’objet d’un précédent placement en CRA du 14 septembre 2024 au 13 novembre 2024 et que les éléments concernant ce placement ne figurent pas parmi les pièces jointes à la requête en demande de prolongation et notamment les diligences effectuées par la préfecture qui auraient pu permettre un éloignement plus rapide.
Or, les pièces relatives à un précédent placement en rétention administrative ne constituent pas des pièces justificatives utiles dès lors qu’elles ne servent pas de fondement à la décision de prolongation de la mesure de rétention aujourd’hui critiquée.
La fin de non recevoir soulevée sera en conséquence rejetée.
Sur le fond :
Selon l’article L742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile le juge des libertés et de la détention peut être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public,
2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la décision d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement,
3° Lorsque la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement,
b) de l’absence de moyens de transport,
L’étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L. 742-2,
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.
Aux termes de l’article L741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, l’administration étant tenue d’exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention.
Il appartient au juge judiciaire d’apprécier concrètement au regard des données de chaque situation à la date où il statue, si la mesure de rétention et sa poursuite sont justifiées par des perspectives raisonnables de mise à exécution de la mesure d’éloignement, étant précisé que ces perspectives doivent s’entendre comme celles qui peuvent être réalisées dans le délai maximal de rétention applicable à l’intéressé, soit 90 jours, la démonstration par l’administration d’un éloignement à bref délai n’étant exigée que pour les troisième et quatrième prolongations de la rétention.
En l’espèce, M. [N] soutient qu’il a déjà fait trois mois de rétention depuis septembre 2024 sans que les diligences de la Préfecture n’aient donné lieu à son identification.
Comme valablement relevé par le premier juge, la préfecture a saisi les autorités consulaires algériennes le 29 novembre 2024, il a fait l’objet d’une audition consulaire le 11 décembre 2024 par le consul adjoint d’Algérie de [Localité 3], ses empreintes et photographies ont été remises aux autorités algériennes à cette occasion et la préfecture a relancé les autorités consulaires par mail du 26 décembre 2024 sur l’avancement de l’identification à la suite de l’audition.
Le mail du 18 décembre 2024 des autorités consulaires algériennes demandant sa fiche décadactylaire en format PDF et Nist, au motif que celle déjà envoyée était illisible, fait suite à un mail du 15 octobre 2024 de Me Lanne, avocat à [Localité 1], et est relatif à la précédente période de placement en CRA de M. [N]. Il ne peut donc en être tiré argument dans le cadre de la présente procédure.
L’administration, qui n’a pas de pouvoir de contraintes sur ces autorités, justifie ainsi des diligences effectuées.
Par ailleurs, rien n’établit à ce stade de la procédure, que la mesure d’éloignement ne pourra pas être exécutée avant l’expiration de la durée maximale de rétention administrative de 90 jours.
Le moyen sera donc rejeté et l’ordonnance entreprise, confirmée.
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Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;
Confirmons l’ordonnance rendue par le vice-président désigné par le président du tribunal judiciaire de Toulouse le 28 décembre 2024,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture de l’Hérault, service des étrangers, à [Y] [N], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
M. POZZOBON V. BAFFET-LOZANO, Conseillère
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