Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’exécution des mesures d’éloignement et de la santé des retenus.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de l’exécution des mesures d’éloignement et de la santé des retenus.

L’Essentiel : Monsieur [V] [B], de nationalité algérienne, est retenu au Centre de Rétention Administrative de [Localité 4]. Le préfet des Hauts-de-Seine lui a notifié une obligation de quitter le territoire français le 30 novembre 2023. Sa rétention a été prolongée par le tribunal judiciaire d’Evry, puis par le juge des libertés de Versailles. M. [B] a interjeté appel, arguant que l’administration n’avait pas pris les mesures nécessaires pour son éloignement. Toutefois, le tribunal a confirmé la prolongation, considérant que les démarches administratives étaient suffisantes et que son état de santé ne constituait pas un obstacle à son éloignement.

Contexte de l’affaire

Monsieur [V] [B], de nationalité algérienne, est actuellement retenu au Centre de Rétention Administrative (CRA) de [Localité 4]. Il a été assisté par son avocat, Me Niels ROLF-PEDERSEN, dans le cadre de sa demande d’appel concernant sa rétention administrative.

Décisions administratives

Le préfet des Hauts-de-Seine a notifié à M. [B] une obligation de quitter le territoire français le 30 novembre 2023. Par la suite, une décision de placement en rétention administrative a été prise le 26 novembre 2024, suivie d’une ordonnance du tribunal judiciaire d’Evry prolongeant cette rétention pour une durée maximale de vingt-six jours.

Prolongation de la rétention

Le 27 décembre 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Versailles a prolongé la rétention de M. [B] pour une durée supplémentaire de trente jours. M. [B] a interjeté appel de cette ordonnance, demandant son annulation et arguant que l’administration n’avait pas pris les mesures nécessaires pour obtenir un laissez-passer et un vol vers l’Algérie.

Arguments des parties

Lors de l’audience, l’avocat de M. [B] a soutenu que les démarches de l’administration étaient insuffisantes et a mentionné des problèmes de santé dont souffre son client. En revanche, le conseil de la préfecture a demandé la confirmation de la décision, soulignant que M. [B] représentait une menace pour l’ordre public en raison de ses antécédents judiciaires.

Évaluation de la recevabilité de l’appel

L’appel a été jugé recevable, car il a été interjeté dans les délais légaux et motivé conformément aux exigences du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Analyse des diligences administratives

Le tribunal a examiné les diligences effectuées par l’administration pour obtenir les documents nécessaires à l’éloignement de M. [B]. Bien que ce dernier ait affirmé que son état de santé n’avait pas été pris en compte, le tribunal a noté qu’aucune preuve médicale n’avait été fournie pour étayer ses dires.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a confirmé que l’absence de documents de voyage justifiait la prolongation de la rétention. Il a également souligné que les démarches entreprises par l’administration étaient suffisantes et que la situation de M. [B] ne constituait pas un obstacle à son éloignement. En conséquence, l’ordonnance de prolongation de la rétention a été confirmée.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’article R 743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que « l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d’appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l’étranger lorsque celui-ci n’assiste pas à l’audience. »

Ce délai est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

L’article R 743-11 du même code précise qu’à peine d’irrecevabilité, « la déclaration d’appel est motivée. »

Dans le cas présent, l’appel a été interjeté dans les délais légaux et est dûment motivé.

Ainsi, il doit être déclaré recevable.

Sur la deuxième prolongation et le moyen tiré de l’insuffisance des diligences de l’administration

L’article L. 742-4 du CESEDA énonce que « quand un délai de vingt-six jours s’est écoulé depuis l’expiration du délai de rétention de 4 jours, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants : »

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité, ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque, la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de l’absence de moyens de transport.

Il est important de noter que l’étranger peut être maintenu à la disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L.742-2 du CESEDA.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours.

La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Il est acquis que l’absence de documents de voyage est assimilée à la perte de ce document.

L’article L 741-3 stipule que « l’étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration exerce toutes diligences à cet effet. »

Dans cette affaire, l’autorité administrative doit justifier des diligences qu’elle a accomplies pendant le premier délai qui lui a été accordé.

M. [B] soutient que l’administration n’a pas pris en compte son état de santé lors de sa rétention.

Cependant, il n’a pas fourni de pièces médicales pour étayer ses dires.

Un avis médical de l’OFII indique que son état de santé ne l’empêche pas de voyager.

Ainsi, l’administration a justifié des diligences suffisantes pour la prolongation de la rétention.

En conséquence, le moyen présenté par M. [B] est rejeté et la décision déférée est confirmée.

COUR D’APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 14H

N° 391

N° RG 24/07901 – N° Portalis DBV3-V-B7I-W5XO

Du 28 DECEMBRE 2024

ORDONNANCE

LE VINGT HUIT DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

A notre audience publique,

Nous, François NIVET, Conseiller à la cour d’appel de Versailles, délégué par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l’article L 743-21 et suivants du code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Jessica MARTINEZ, Greffière, avons rendu l’ordonnance suivante :

ENTRE :

Monsieur [V] [B]

né le 05 Février 2002 à [Localité 3], ALGERIE

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au CRA de [Localité 4]

assisté de Me Niels ROLF-PEDERSEN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 291

DEMANDEUR

ET :

Etablissement Public PREFECTURE DES HAUTS DE SEINE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Bruno MATHIEU de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R079

DEFENDERESSE

Et comme partie jointe le ministère public absent

Vu les articles L.742-1 et suivants, L.743-4 et suivants, et R.743-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA),

Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article L.744-2 du CESEDA émergé par l’intéressé,

Vu l’obligation de quitter le territoire français en date du 29 novembre 2023 notifiée par le préfet des Hauts-de-Seine à M. [V] [B] le 30 novembre 2023,

Vu la décision de placement en rétention administrative dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire prise le 26 novembre 2024 et notifiée par l’autorité administrative à l’intéressé le même jour à 11h02,

Vu l’ordonnance rendue le 1er décembre 2024 par le magistrat statuant en application du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile au tribunal judiciaire d’Evry prolongeant la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-six jours,

Vu la requête de 1’autorité administrative en date du 26 décembre 2024 reçue et enregistrée le 26 décembre 2024 à 09h35 au greffe du tribunal judiciaire de Versailles tendant à la prolongation de la rétention de M. [V] [B] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée supplémentaire de trente jours,

Vu l’ordonnance rendue le 27 décembre 2024 à 12 heures 55 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Versailles, prolongeant la rétention administrative de M. [V] [B] pour une durée de 30 jours, à compter du 26 décembre 2024,

Le 27 décembre 2022 à 16h38, M. [V] [B] a relevé appel de cette ordonnance.

Il sollicite, dans sa déclaration d’appel :

– d’annuler l’ordonnance de prolongation de rétention prise par le tribunal judiciaire de Versailles,

et, à titre subsidiaire, de réformer l’ordonnance de prolongation de la rétention prise par le tribunal judiciaire de Versailles,

– de dire n’y avoir lieu à le maintenir en rétention.

Il fait essentiellement valoir que l’administration n’a pas effectué les diligences nécessaires pour obtenir un laissez-passer et un vol à destination de l’Algérie

Les parties ont été convoquées en vue de l’audience.

A l’audience, le conseil de M. [B] a indiqué s’en rapporter aux moyens et demandes formulés dans l’acte d’appel précité. Quant aux diligences incombant à l’autorité préfectorale, il fait valoir que la demande adressée par cette dernière aux autorités consulaires algériennes et la simple relance de celles-ci constituent des démarches insuffisantes.

Il indique que M. [B] souffre de problèmes de santé et que les traitements dont il peut actuellement bénéficier ne lui réussissent pas.

Le conseil de la préfecture s’est opposé au moyen soulevé et a demandé la confirmation de la décision entreprise, en faisant valoir que M. [B] constitue une menace pour l’ordre public, étant observé qu’il a fait l’objet d’une condamnation pénale et qu’avant d’être placé en centre de rétention il se trouvait en détention pour accomplir cette peine.

M. [B] a eu la parole en dernier. Il indique qu’il souhaiterait voir un spécialiste pour ses problèmes de santé.

Les parties sont avisées que l’affaire est mise en délibéré et que la décision sera rendue le jour même.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel

En vertu de l’article R 743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d’appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l’étranger lorsque celui-ci n’assiste pas à l’audience. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

L’article R 743-11 du même code prévoit qu’à peine d’irrecevabilité, la déclaration d’appel est motivée.

En l’espèce, l’appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.

Sur la deuxième prolongation et le moyen tiré de l’insuffisance des diligences de l’administration

En vertu de l’article L. 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, quand un délai de vingt-six jours s’est écoulé depuis l’expiration du délai de rétention de 4 jours, le magistrat du siège du tribunal judiciaire peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ;

2° Lorsque l’impossibilité d’exécuter la mesure d’éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l’intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité, ou de l’obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque, la décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé, ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l’exécution de la décision d’éloignement ;

b) de 1’absence de moyens de transport.

L’étranger peut être maintenu à la disposition de la justice dans les conditions prévues à l’article L.742-2 du CESEDA.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d’une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas soixante jours.

Il est acquis que l’absence de documents de voyage est assimilée à la perte de ce document.

Il est par ailleurs constant que dans tous les cas, l’article L 74l-3 selon lequel l’étranger ne peut être maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et que 1’administration exerce toutes diligences à cet effet, demeure applicable en cas de demande de deuxième prolongation.

L’autorité administrative doit donc justifier des diligences qu’elle a accomplies pendant le premier délai qui lui a été accordé.

M. [B] soutient dans son acte d’appel que quelques jours avant d’être placé en détention il a « été diagnostiqué positif au VIH ». Il estime que la préfecture n’a pas pris en compte son état de santé en décidant de le placer en rétention administrative.

Il n’a versé aux débats aucune pièce médicale de nature à conforter ses dires.

Il convient de relever que l’état de santé de M. [B] n’a pas été identifié, lors de son entrée dans le centre de rétention, comme posant des difficultés incompatibles avec la procédure de rétention dont il fait l’objet.

Un avis d’un médecin de l’OFII ( l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration) établi le 3 décembre 2024 indique que:

Son état de santé implique une prise en charge médicale et peut entrainer des conséquences d’une exceptionnelle gravité,

Eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier d’un traitement approprié,

Au vu des éléments du dossier et à la date de l’avis, l’état de santé de l’intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers le pays de renvoi.

En l’espèce, M. [B] n’est pas étranger à la prolongation de sa rétention. Il est dépourvu de tout document de voyage de sorte que les conditions prescrites par l’article L742-4 sont remplies pour solliciter une deuxième prolongation.

Une demande de laissez-passer consulaire a été formée, des rendez-vous ont été obtenus pour une première audition consulaire le 6 décembre 2024, puis une deuxième audition le 13 décembre 2024 auxquelles M. [B] ne s’est pas rendu.

Il n’est pas démontré que son refus de rencontrer les autorités consulaires algériennes serait dû à son état de santé.

Il convient de relever qu’une relance du consulat algérien a été effectuée par mail du 19 décembre 2024 pour connaître l’état d’avancement de la procédure de reconnaissance.

L’autorité administrative justifie donc de diligences suffisantes.

L’identification est en cours et l’absence de délivrance de laissez-passer consulaire dans le premier délai de la rétention administrative justifie une deuxième prolongation.

En l’espèce, il est en effet manifeste que malgré les diligences de l’administration, la mesure d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette condition est susceptible d’intervenir à bref délai.

En ce sens, il ne peut être reproché à l’administration de n’avoir pas encore obtenu le laissez-passer consulaire, en dépit de l’ensemble des démarches effectuées, l’administration française ne disposant d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires d’un autre état souverain.

En conséquence le moyen présenté par M. [B] est rejeté et la décision déférée est confirmée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision réputée contradictoire,

Déclarons le recours recevable en la forme,

Rejetons le moyen soulevé,

Confirmons l’ordonnance entreprise.

Fait à VERSAILLES le 28 décembre 2024 à 17h18

Et ont signé la présente ordonnance, François NIVET, conseiller, et Jessica MARTINEZ, greffier.

La Greffière, Le Conseiller,

POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.

Article R 743-20 du CESEDA :

‘ L’ordonnance du premier président de la cour d’appel ou de son délégué n’est pas susceptible d’opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui l’a placé en rétention et au ministère public. ‘.

Articles 973 à 976 du code de procédure civile :

Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de Cassation ;

La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de défendeurs, plus deux ;


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