Prolongation de la rétention administrative et garanties de représentation en question

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Prolongation de la rétention administrative et garanties de représentation en question

L’Essentiel : [M] [E] est en situation irrégulière en France depuis 2022. Le 18 décembre 2023, il reçoit une obligation de quitter le territoire, suivie d’une interdiction de retour. Après son interpellation pour vol le 29 décembre 2024, il est placé en rétention administrative. Le 3 janvier 2025, un magistrat prolonge sa rétention de 26 jours. [M] [E] interjette appel le 4 janvier, et lors de l’audience du 5 janvier, il demande sa remise en liberté. Malgré des garanties de représentation, la cour rejette sa demande d’assignation à résidence, confirmant la prolongation de sa rétention.

Situation irrégulière et notification d’expulsion

[M] [E] est en situation irrégulière sur le territoire français depuis 2022. Le 18 décembre 2023, une obligation de quitter le territoire français, accompagnée d’une interdiction de retour, lui a été notifiée, peu avant sa sortie de détention le 21 décembre 2023.

Assignation à résidence et interpellation

Un arrêté d’assignation à résidence a été édicté le 4 avril 2024. Cependant, [M] [E] a été interpellé pour des faits de vol le 29 décembre 2024 et placé en garde à vue. À l’issue de cette garde à vue, il a été placé en rétention administrative à partir du 30 décembre 2024.

Ordonnance de prolongation de rétention

Le 3 janvier 2025, un magistrat du tribunal judiciaire de Rouen a autorisé le maintien en rétention de [M] [E] pour une durée de 26 jours, jusqu’au 29 janvier 2025. Cette décision a été notifiée au retenu le même jour.

Appel et audience

[M] [E] a interjeté appel de cette décision le 4 janvier 2025. Lors de l’audience du 5 janvier 2025, il a comparu en visioconférence, assisté de son conseil, et a renoncé à un moyen relatif aux diligences de l’administration, tout en sollicitant sa remise en liberté.

Recevabilité de l’appel

L’appel de [M] [E] a été jugé recevable, ayant été interjeté dans les formes et délais prévus par la loi.

Recours à la visioconférence

La cour a examiné la légalité de la visioconférence utilisée lors de l’audience. Les conditions légales ont été respectées, permettant à [M] [E] de s’exprimer dans une salle d’audience appropriée, et l’argument concernant l’accessibilité de la salle a été rejeté.

Demande d’assignation à résidence

[M] [E] a présenté des garanties de représentation, notamment un domicile stable en France, soutenu par une attestation d’hébergement. Cependant, des incohérences ont été relevées concernant son adresse et son respect des précédentes assignations à résidence.

Décision finale

La cour a conclu que les conditions pour une assignation à résidence n’étaient pas remplies et a rejeté la demande de [M] [E]. L’appel a été déclaré recevable, mais la décision de prolongation de la rétention administrative a été confirmée dans son intégralité.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de l’appel interjeté par M. [M] [E] ?

L’appel interjeté par M. [M] [E] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 3 janvier 2025 est déclaré recevable.

Cette recevabilité est fondée sur le respect des formes et délais prévus par la loi. En effet, selon l’article 901 du Code de procédure civile, « l’appel est formé par déclaration au greffe de la cour d’appel dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision ».

Dans cette affaire, l’appel a été interjeté le 4 janvier 2025, soit dans le délai légal, et a été enregistré au greffe à 13h11, respectant ainsi les exigences procédurales.

Il en résulte que l’appel est recevable, permettant à M. [M] [E] de contester la décision de maintien en rétention.

Quelles sont les conditions légales relatives à l’audience en visioconférence ?

L’article L 743-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) stipule que « afin d’assurer une bonne administration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention ».

Dans le cas présent, M. [M] [E] a comparu en visioconférence dans une salle spécialement mise à disposition, confirmant que les conditions légales étaient respectées.

Il a également pu s’entretenir avec son conseil en toute confidentialité avant l’audience, ce qui est essentiel pour garantir le droit à une défense effective.

L’argument selon lequel la salle d’audience devait être accessible depuis la voie publique est inopérant, car la loi ne l’exige pas.

Ainsi, les conditions prévues par l’article L 743-7 du CESEDA ont été respectées, et le moyen soulevé a été rejeté.

Quelles sont les conditions pour une assignation à résidence ?

Pour qu’une assignation à résidence soit accordée, il est nécessaire de démontrer des garanties de représentation, notamment un domicile stable en France.

Dans cette affaire, M. [M] [E] a produit une attestation d’hébergement, mais des incohérences ont été relevées concernant son adresse.

L’article L 512-1 du CESEDA précise que « l’assignation à résidence est prononcée lorsque l’étranger justifie d’un domicile stable et d’une adresse où il peut être contacté ».

Cependant, il a été constaté que M. [M] [E] avait déjà bénéficié de décisions d’assignation à résidence qu’il n’avait pas respectées.

De plus, il n’a pas pu justifier de ses moyens d’existence sur le territoire français et n’était pas en possession de documents d’identité.

Ces éléments montrent que les conditions pour une assignation à résidence n’étaient pas remplies, entraînant le rejet de sa demande.

Quelles sont les conséquences de la renonciation au moyen relatif aux diligences de l’administration ?

La renonciation au moyen soulevé concernant les diligences de l’administration a des conséquences sur l’appréciation de la légalité de la prolongation de la rétention.

En effet, lorsque M. [M] [E] a renoncé à ce moyen, cela signifie qu’il a accepté les actions entreprises par l’administration, ce qui limite les arguments qu’il peut avancer pour contester la décision.

L’article 5 de la Convention européenne des droits de l’homme stipule que « toute personne a droit à la liberté et à la sûreté ». Toutefois, ce droit peut être restreint dans certaines conditions, notamment en cas de non-respect des obligations légales.

Dans ce cas, la préfecture a satisfait à son obligation de diligence, et la prolongation de la rétention administrative a été confirmée pour une durée de vingt-six jours.

Ainsi, la renonciation de M. [M] [E] a conduit à la confirmation de la décision de maintien en rétention, sans possibilité de contester les diligences de l’administration.

N° RG 25/00038 – N° Portalis DBV2-V-B7J-J3CG

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 05 JANVIER 2025

Inès DA CAMARA, présidente de chambre à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Jessica LAKE, Greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu l’arrêté du Préfet de la Vendée en date du 18 décembre 2023 portant obligation de quitter le territoire français pour Monsieur [M] [E]

né le 07 Mars 1998 à [Localité 3] de nationalité Algérienne ;

Vu l’arrêté du Préfet de la Vendée en date du 30 décembre 2024 de placement en rétention administrative de M. [M] [E] ayant pris effet le 30 décembre 2024 à 08h45 ;

Vu la requête du Préfet de la Vendée tendant à voir prolonger pour une durée de vingt-six jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise à l’égard de Monsieur [M] [E] ;

Vu l’ordonnance rendue le 03 Janvier 2025 à 14h06 par le Juge des libertés et de la détention de ROUEN autorisant le maintien en rétention de Monsieur [M] [E] pour une durée de vingt-six jours à compter du 03 janvier 2025 à 08h45 jusqu’à son départ fixé le 29 janvier 2025 à la même heure ;

Vu l’appel interjeté par M. [M] [E], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 04 janvier 2025 à 13h11 ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 5],

– à l’intéressé,

– au [M] [E],

– à Me Diego CASTIONI, avocat au barreau de ROUEN, de permanence,

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 5] ;

Vu la demande de comparution présentée par M. [M] [E] ;

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique;

Vu la comparution de M. [M] [E] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 5] ;

Me Diego CASTIONI, avocat au barreau de ROUEN, étant présent au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;

L’appelant et son conseil ayant été entendus ;

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Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Il résulte des éléments de la procédure que [M] [E] est en situation irrégulière sur le territoire français depuis 2022.

Une obligation de quitter le territoire français assortie d’une interdiction de retour lui a été notifiée le 18 décembre 2023, quelques jours avant sa sortie de détention le 21 décembre 2023.

Un arrêté portant assignation à résidence a été édicté le 4 avril 2024.

[M] [E] a été interpellé et placé en garde à vue pour des faits de vol le 29 décembre 2024.

A l’issue de sa garde à vue, il a été placé en rétention administrative à compter du 30 décembre 2024 à 8h45.

Par ordonnance en date du 3 janvier 2024, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen a, notamment, autorisé le maintien en rétention de [M] [E] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de 26 jours à compter du 3 janvier 2025 à 8h45 soit jusqu’au 29 janvier 2025 à la même heure, notifiée au retenu le même jour à 14h06.

Par déclaration d’appel en date du 4 janvier 2025 parvenue au greffe à 13h11, [M] [E] a fait appel de cette décision par requête motivée.

Lors de l’audience du 5 janvier 2025 à 9h30, [M] [E] a comparu en visio conférence assisté de son conseil, présent dans la salle d’audience de la cour d’appel de Rouen.

Par la voix de son conseil, il a déclaré s’en rapporté sur le moyen soulevé relatif au recours illégal à la visioconférence et a renoncé au moyen soulevé relatif aux diligences de l’administration.

Il a expliqué sa situation personnelle et a argué d’un domicile stable en France.

Il a sollicité la réforme de l’ordonnance de prolongation de la rétention prononcée et a demandé sa remise en liberté , disant n’y avoir lieu à le maintenir en rétention.

MOTIVATION DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par M. [M] [E] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 03 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen est recevable, l’appel ayant été interjeté dans les forme e délai prévus par la loi.

Sur le fond

La cour rappelle que le conseil de [M] [E] a renoncé au moyen soulevé en première instance concernant les diligences de l’administration.

Sur le recours illégal à la visioconférence

L’article L 743-7 du CESEDA dans sa version entrée en vigueur le 1er septembre 2024, applicable en l’espèce, dispose que ‘afin d’assureer une bonne adminsitration de la justice et de permettre à l’étranger de présenter ses explications, l’audience se tient dans la salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité imméditate du lieu de rétention’

En l’espèce, [M] [E] a comparu en visioconférence dans une salle spécialement mise à disposition du ministère de la justice à cet effet à proximité immédiate du lieu de rétention.

Interrogé sur ce point, [M] [E] a confirmé que la salle dans laquelle il se trouvait était ouverte, permettant la publicité des débats, il en était de même de la salle dans laquelle se trouvaient la cour et le conseil de [M] [E].

Par ailleurs, [M] [E] a pu préalablement à l’audience s’entretenir avec son conseil en toute confidentialité.

Il en résulte que les conditions légales prévues par l’article L 743-7 du CESEDA ont été respectées.

L’argument soulevé tiré de la proximité de la salle d’audience avec l’école de police et leur inacessibilité depuis la voie publique est inopérant, la loi ne prévoyant pas que la salle d’audience doit être accessible depuis la voie publique et toute disposition étant prise pour permettre au public d’accéder à la salle d’audience.

Il s’en suit que le moyen sera rejeté.

Sur le fond et la demande d’assignation à résidence

[M] [E] et son conseil font valoir des garanties de représentation et notamment, un domicile stable en France.

Au soutien de sa demande, il produit une attestation d’hébergement de son cousin [V] [U] domicilié au [Adresse 1] à [Localité 4].

Il sera observé que l’adresse figurant sur la carte de séjour de M [U] et sur sa fiche de salaire de novembre 2024 est différente de celle à laquelle il indique vouloir héberger son cousin.

L’adresse indiquée sur le certificat d’hébergement figure cependant sur une facture FREE du 20 décembre 2024.

Toutefois, il sera observé qu’il résulte des éléments du dossier que [M] [E] a déjà bénéficié à deux reprise d’une décision d’assignation à résidence dont il n’a pas respecté les termes.

Lors de sa garde à vue, il a en effet indiqué que dans le temps de son assignation à résidence, il avait résidé plusieurs mois à [Localité 2], avant, selon ses dires, de se rendre en Espagne, puis de regagner [Localité 4] où il se prétend hébergé dans la famille, en donnant l’adresse de sa tante qui est identique à celle figurant sur la carte de séjour et la fiche de salaire de monsieur [U].

Il y a donc, une incertitude réelle sur la réalité du domicile de [M] [E] .

Il n’a pas été en capacité à l’audience, de déterminer ses moyens d’existence sur le territoire français.

Enfin, il n’est pas en possession de documents d’identité, pouvant être remis aux autorités, arguant que son passeport se trouverait cheaz sa tante, sans en justifier.

Il ressort de ces éléments que les conditions du placement sous assignation à résidence ne sont pas remplies, la demande de [M] [E] sera, donc rejetée.

Par ailleurs, [M] [E] ayant renoncé au moyen soulevé sur ce point, il convient de relever que la préfecture a satisfait à son obligation de diligence et de confirmer la prolongation pour vingt-six jours de la rétention administrative en cours.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort,

Déclare recevable l’appel interjeté par M. [M] [E] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 03 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen ordonnant son maintien en rétention pour une durée de vingt-six jours,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions.

Fait à Rouen, le 05 Janvier 2025 à 13h00.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE ,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.


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