L’Essentiel : Le tribunal a examiné la demande de prolongation de la rétention de [U] [E] [O], initialement placée en rétention par l’autorité administrative. Malgré les contestations du conseil sur la régularité de la procédure, le tribunal a jugé que l’avis au procureur, bien que tardif, avait été communiqué avant l’audience, ne causant aucun préjudice. Concernant l’identité de [U] [E] [O], le tribunal a constaté que l’administration avait correctement contacté plusieurs consulats, et que l’absence de preuves de nationalité justifiait la prolongation de la rétention. La requête a été déclarée recevable, prolongeant la rétention de vingt-six jours.
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Exposé du litigeL’autorité administrative a décidé le 31 décembre 2024 de placer [U] [E] [O] en rétention dans des locaux non pénitentiaires. Le 2 janvier 2025, elle a saisi le tribunal judiciaire de Lille pour demander une prolongation de cette rétention de vingt-six jours. Le conseil de [U] [E] [O] conteste la régularité de cette mesure, arguant d’un défaut d’avis à la procureure de la République. Après la communication de l’avis au parquet, le conseil soulève l’irrecevabilité de la requête, invoquant des erreurs dans les démarches administratives concernant la nationalité de son client. Motifs de la décisionConcernant la demande d’irrecevabilité, le tribunal rappelle que la requête doit être motivée et accompagnée de pièces justificatives. Bien que l’avis au procureur ait été transmis tardivement, il a été communiqué avant l’audience, permettant au conseil de se préparer. Le tribunal conclut qu’aucun préjudice n’a été causé par ce retard. En ce qui concerne l’absence d’avis au procureur, il est établi que celui-ci a été informé dans les délais requis, ce qui écarte également ce moyen de contestation. Sur le fondL’autorité administrative a tenté de contacter les consulats tunisien et algérien, après que le consulat marocain a refusé de reconnaître [U] [E] [O] comme ressortissant. Ce dernier, connu sous plusieurs alias, refuse de se soumettre à un relevé biométrique, compliquant son identification. Bien qu’il se revendique marocain, il ne fournit aucune preuve pour étayer ses affirmations. Le tribunal juge que l’administration a agi correctement en interrogeant plusieurs autorités consulaires. Une demande consulaire a été faite, et la prolongation de la rétention est justifiée par l’absence de garanties de représentation et une interdiction judiciaire de séjour. Décision finaleLe tribunal déclare recevable la requête en prolongation de la rétention administrative et ordonne la prolongation de la rétention de [U] [E] [O] pour une durée de vingt-six jours à compter du 4 janvier 2025. L’ordonnance est notifiée aux parties, qui sont informées de leur droit d’appel. [U] [E] [O] est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures après notification de l’ordonnance. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la régularité de la mesure de placement en rétention administrative ?La régularité de la mesure de placement en rétention administrative est encadrée par plusieurs dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). L’article R743-2 du CESEDA stipule que, à peine d’irrecevabilité, la requête doit être motivée, datée et signée, soit par l’étranger, soit par son représentant, soit par l’autorité administrative ayant ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle doit être accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2. Dans le cas présent, l’avis au procureur concernant le placement en rétention de [U] [E] [O] a été communiqué tardivement, mais avant l’audience. L’article L743-12 précise que le juge ne peut prononcer la mainlevée du placement que si l’irrégularité a porté atteinte aux droits de l’étranger. Ici, l’audience a été suspendue pour permettre au conseil de prendre connaissance de la pièce contestée, et aucun grief n’a été caractérisé. Ainsi, la mesure de placement en rétention administrative est considérée comme régulière. Quelles sont les conséquences de l’absence d’avis au procureur de la République ?L’article L741-8 du CESEDA impose que le procureur de la République soit informé immédiatement de tout placement en rétention. Dans cette affaire, il a été établi que Madame la procureure a été avisée du placement en rétention de [U] [E] [O] le 31 décembre 2024 à 09 heures 48, ce qui respecte l’exigence de notification immédiate. L’absence d’avis au procureur ne peut donc pas être retenue comme un motif d’irrégularité dans ce cas précis. Il est important de noter que la notification doit être effectuée dans un délai raisonnable pour garantir les droits de l’individu concerné. Cependant, dans cette situation, l’avis a été donné dans les délais requis, ce qui permet d’écarter ce moyen de contestation. Comment se justifie la prolongation de la rétention administrative ?La prolongation de la rétention administrative est régie par les articles du CESEDA qui encadrent les conditions de maintien en rétention. L’article L. 743-1 stipule que la rétention peut être prolongée si l’éloignement de l’étranger est imminent et que les démarches nécessaires ont été entreprises. Dans le cas présent, l’autorité administrative a saisi les autorités consulaires tunisiennes à plusieurs reprises, et le consulat du Maroc n’a pas reconnu [U] [E] [O] comme son ressortissant. De plus, l’individu a refusé de se soumettre à un relevé biométrique, ce qui complique son identification. L’article L. 743-2 précise que la prolongation de la rétention est justifiée lorsque l’individu ne peut pas prouver son identité ou sa nationalité. Ainsi, la prolongation de la rétention de [U] [E] [O] pour une durée de vingt-six jours est justifiée par l’absence de garanties de représentation et la nécessité de poursuivre les démarches administratives. Le tribunal a donc décidé de faire droit à la requête de l’administration. |
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Le magistrat délégué par la présidente du Tribunal judicaire
NOTE D’AUDIENCE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA
Audience publique
DATE D’AUDIENCE : 03 Janvier 2025
DOSSIER : N° RG 25/00010 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZDQX – M. LE PREFET DU NORD / M. [U] [E] [O]
MAGISTRAT : Emmanuelle BOUYÉ
GREFFIER : Louise DIANA
DEMANDEUR :
M. LE PREFET DU NORD
Représenté par Me KAO, avocat, cabinet Actis Avocat
DEFENDEUR :
M. [U] [E] [O]
Assisté de Maître MOKROWIECKI Michel, avocat commis d’office,
En présence de Mme [J] [C], interprète en langue arabe,
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DEROULEMENT DES DEBATS
L’intéressé confirme son identité et déclare : “c’est mon seul nom. C’est ma seule identité. Ma levée d’écrou était à 9h30.”
Le représentant de l’administration, entendu en ses observations ;
L’avocat soulève les moyens suivants : – suite au placement en rétention nous n’avons pas d’avis à parquet dans le dossier, ce manquement fait nécessairement grief à monsieur et entache la procédure d’irrégularité ; – irrecevabilité de la saisine du préfet, la saisine doit se faire avec l’ensemble des pièces du dossier, or des pièces ont été reçues quelques instants avant l’audience ; – absence de perspective d’éloignement, les autorités tunisiennes ont été saisies alors que monsieur a toujours affirmé ne pas être de nationalité tunisienne ; – défaut de diligences sur la même problématique.
Le représentant de l’administration répond à l’avocat ;
L’intéressé entendu en dernier déclare : “je n’ai pas de papiers d’identité. Je suis marocain, c’est tout ce que je peux dire. J’ai quitté très jeune le Maroc, je n’avais pas de carte d’identité ou de passeport. Mes parents sont décédés et mes frères sont mariés. Moi je vous confirme mon identité. Je suis placé en centre de rétention gratuitement, je ne comprends pas. J’ai déjà sollicité le consulat marocain pour avoir un extrait de naissance mais ils ne veulent pas me donner ce document. Je passe une peine de prison gratuitement. Moi je rentre au Maroc si vous me libérez. C’est très compliqué, c’est un système corrompu, il faut payer 1500 € pour avoir un passeport au consulat.”
DÉCISION
Sur la demande de maintien en rétention :
o RECEVABLE o IRRECEVABLE
o MAINTIEN o REJET o ASSIGNATION A RÉSIDENCE
Le greffier Le magistrat délégué
Louise DIANA Emmanuelle BOUYÉ
COUR D’APPEL DE DOUAI
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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LE MAGISTRAT DELEGUE
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Dossier n° N° RG 25/00010 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZDQX
ORDONNANCE STATUANT SUR LA PROLONGATION D’UNE MESURE DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE
Articles L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20 du CESEDA
Nous, Emmanuelle BOUYÉ, 1ere Vice-Présidente, magistrat délégué par la présidente du Tribunal judiciaire de LILLE, assisté de Louise DIANA, greffier ;
Vu les articles suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) :
– L.614-1, L.614-13, L.741-10, L.743-5, L.743-20
– L. 741-1, L.741-4, L.741-5, L.741-7, L.744-1, L.751-9, L.751-10
– L. 743-14, L.743-15, L.743-17
– L. 743-19, L. 743-25
– R. 741-3
– R.742-1, R. 743-1 à R. 743-8, R. 743-21
Vu la décision de placement en rétention administrative prise le 31 décembre 2024 par M. LE PREFET DU NORD;
Vu la requête en prolongation de l’autorité administrative en date du 02 janvier 2025 reçue et enregistrée le 02 janvier 2025 à 09h21 (cf. Timbre du greffe) tendant à la prolongation de la rétention de M. [U] [E] [O] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée de vingt-six jours ;
Vu l’extrait individualisé du registre prévu à l’article
L. 744-2 du CESEDA émargé par l’intéressé ;
PARTIES
AUTORITE ADMINISTRATIVE QUI A ORDONNE LE PLACEMENT EN RETENTION
M. LE PREFET DU NORD
préalablement avisé, représenté par Me KAO, avocat, cabinet Actis Avocat,
PERSONNE RETENUE
M. [U] [E] [O]
né le 14 Novembre 1993 à [Localité 3] (MAROC)
de nationalité Marocaine
actuellement maintenu en rétention administrative
préalablement avisé et présent à l’audience,
Assisté de Maître MOKROWIECKI Michel, avocat commis d’office,
En présence de Mme [J] [C], interprète en langue arabe,
LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE, préalablement avisé, n’est pas présent à l’audience.
DÉROULEMENT DES DÉBATS
A l’audience publique, le magistrat délégué a procédé au rappel de l’identité des parties ;
Après avoir rappelé à la personne retenue les droits qui lui sont reconnus par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pendant sa rétention et l’avoir informée des possibilités et des délais de recours contre toutes décisions le concernant ;
L’intéressé a été entendu en ses explications ;
Le représentant du préfet a été entendu en ses observations ;
L’avocat a été entendu en sa plaidoirie ;
Le représentant du préfet ayant répondu à l’avocat ;
L’étranger ayant eu la parole en dernier ;
Par décision en date du 31 décembre 2024 notifiée le même jour à 09 h30, l’autorité administrative a ordonné le placement d’[U] [E] [O] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Par requête en date du 02 janvier 2025, reçue au greffe le même jour à 09 heures 21, l’autorité administrative a saisi le le magistrat du siège du tribunal judiciaire de LILLE aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-six jours.
Le conseil d’[U] [E] [O] soulève l’irrégularité de la mesure de placement en rétention administrative pour défaut d’avis à Madame la procureure de la République de ce placement.
Suite au versement aux débats de l’avis fait au parquet par les services de police, le conseil de [U] [E] [O] soulève l’irrecevabilité de la requête sur le fondement des dispositions de l’article R743-2 du CESEDA.
Le conseil de [U] [E] [O] sollicite le rejet de la prolongation de la rétention au motif que les diligences faites par les service de la préfecture afin de permettre l’éloignement de la personne retenue ne sont pas faites auprès du bon consulat, [U] [E] [O] se revendiquant de nationalité marocaine et non de nationalité tunisienne.
Sur la demande d’irrecevabilité de la requête
En application des dispositions de l’article R743-2 du CESEDA, à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l’étranger ou son représentant ou par l’autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l’autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L. 744-2.
Lorsque la requête est formée par l’étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l’administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.
En l’espèce, l’avis au procureur du placement en rétention de [U] [E] [O] a été communiqué au conseil de ce dernier par mail le 03 janvier 2025 à 09 heures 58, soit juste avant l’audience, donc de manière tardive.
Cependant il résulte de l’article L743-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qu’ “En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d’inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d’une demande sur ce motif ou qui relève d’office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l’étranger dont l’effectivité n’a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.”
En l’espèce, si la pièce contestée a été versée tardivement, il convient de relever qu’elle l’a été avant l’audience, que l’audience a été suspendue afin que le conseil de la personne retenue puisse en prendre connaissance et s’entretenir avec son client. Aucun grief n’étant caractériser, ce moyen sera écarté.
Sur l’absence d’avis au procureur de la République du placement en rétention
L’article L741-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que le procureur de la République est informé immédiatement de tout placement en rétention.
En l’espèce il résulte de l’état des envois de mails, que Madame la procureure de la République près le tribunal judiciaire de Lille a été avisée du placement en rétention de [U] [E] [O] le 31 décembre 2024 à 09 heures 48.
Il convient en conséquence d’écarter ce moyen.
Sur le fond
L’autorité administrative a saisi les autorités consulaires tunisiennes le 10 octobre 2024, le 25 novembre 2024 et le 31 décembre 2024 après que le consulat du Maroc n’ait pas reconnu la personne placée en rétention comme son ressortissant le 05 octobre 2019. Les autorités consulaires algériennes ne l’ont également pas reconnu comme leur ressortissant.
[U] [E] [O] est connu par les forces de l’ordre sous au moins six alias. Il refuse de se soumettre au relevé biométrique susceptible de permettre de l’identifier de manière certaine.
Il se revendique marocain mais ne peut verser aucun élément de nature à corroborer ses déclarations, son comportement démontrant au contraire qu’il cherche à dissimuler sa véritable identité afin de mettre en échec la mesure de reconduite.
Il ne peut ainsi reprocher à l’autorité administrative d’interroger plusieurs autorités consulaires dont il serait susceptible d’être le ressortissant.
Le moyen soulevé sera en conséquence écarté.
Une demande consulaire a été formulée. La demande de routing ne pourra intervenir qu’au retour de la réponse des autorités consulaires tunisiennes, et la situation de l’intéressé, sans garanties de représentation effectives et sous le coup d’une interdiction judiciaire de se maintenir sur le territoire national, justifie la prolongation de la mesure de rétention. Il sera donc fait droit à la requête de l’administration.
Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,
DÉCLARONS recevable la requête en prolongation de la rétention administrative ;
ORDONNONS LA PROLONGATION DE LA RETENTION de M. [U] [E] [O] pour une durée de vingt-six jours à compter du 04 janvier 2025 à 09h30.
Fait à LILLE, le 03 Janvier 2025
Notifié ce jour à h mn
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE AUX PARTIES
DOSSIER : N° RG 25/00010 – N° Portalis DBZS-W-B7J-ZDQX –
M. LE PREFET DU NORD / M. [U] [E] [O]
DATE DE L’ORDONNANCE : 03 Janvier 2025
NOTIFIONS sur le champ la présente ordonnance aux parties, qui en émargeant ci-après, attestent en avoir reçu copie et les avisons de la possibilité de faire appel, devant le Premier président de la cour d’appel ou son délégué, de la présente ordonnance dans les vingt-quatre heures de son prononcé ; les informons que la déclaration d’appel doit être motivée et peut être transmise par tout moyen (notamment par mail via la boîte structurelle : [Courriel 2]); leur indiquons que seul l’appel formé par le ministère public peut être déclaré suspensif par le Premier président de la cour d’appel ou son délégué.
Information est donnée à M. [U] [E] [O] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence. Durant cette période, l’intéressé peut, s’il le souhaite, contacter son avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.
Traduction orale faite par l’interprète.
LE REPRESENTANT DU PRÉFET L’INTERESSE
par mail ce jour Par visoconférence
L’INTERPRETE LE GREFFIER
L’AVOCAT
par mail ce jour
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RÉCÉPISSÉ
M. [U] [E] [O]
retenu au Centre de Rétention de [Localité 1]
reconnait avoir reçu notification de ladite ordonnance en date du 03 Janvier 2025
date de remise de l’ordonnance :
le :
signature de l’intéressé
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