Prolongation de la rétention administrative : enjeux de recevabilité et d’urgence dans le cadre des procédures d’éloignement.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de recevabilité et d’urgence dans le cadre des procédures d’éloignement.

L’Essentiel : Le 5 janvier 2025, le Préfet de l’Hérault a saisi le tribunal concernant Monsieur X, un ressortissant guinéen, suite à une ordonnance prolongeant sa rétention administrative. Lors de l’audience, la Préfecture a demandé la prolongation de cette mesure, tandis que l’intéressé et son avocat ont présenté leurs observations. La défense a contesté la recevabilité de la requête, arguant l’absence de décisions antérieures. Cependant, le tribunal a jugé la requête conforme aux exigences légales. Finalement, il a ordonné la remise en liberté de Monsieur X, constatant que les conditions de prolongation n’étaient pas réunies.

Contexte de la procédure

Le 5 janvier 2025, le Préfet de l’Hérault a saisi le tribunal concernant Monsieur X, un ressortissant guinéen né le 10 janvier 1992. Cette saisine fait suite à une ordonnance du Vice-président du Tribunal judiciaire, datée du 7 décembre 2024, qui a prolongé la rétention administrative de l’intéressé, décision confirmée par la cour d’appel le 11 décembre 2024.

Audiences et observations

Lors de l’audience, le représentant de la Préfecture a demandé la prolongation de la mesure de rétention administrative. L’intéressé et son avocat, Me Imme Krüger, ont également présenté leurs observations. L’intéressé a eu accès à la requête et à ses pièces annexes, permettant ainsi un débat contradictoire.

Recevabilité de la requête

La défense a contesté la recevabilité de la requête, arguant que les quatre décisions antérieures de placement en rétention n’avaient pas été produites, ce qui aurait empêché d’évaluer la diligence de l’administration. Cependant, le tribunal a jugé que la requête était motivée, datée et signée, et a déclaré qu’elle répondait aux exigences de l’article R743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Demande de prolongation de la rétention

Le tribunal a examiné les conditions de prolongation de la rétention selon l’article L. 742-5. Il a noté que l’administration avait initié une procédure d’identification pour la Guinée, mais qu’aucune avancée significative n’avait été constatée. En l’absence de preuves que la délivrance des documents de voyage pourrait intervenir rapidement, le tribunal a conclu que les conditions pour une prolongation n’étaient pas réunies.

Décision finale

En conséquence, le tribunal a ordonné la remise en liberté de Monsieur X dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de l’ordonnance au Procureur de la République, sauf décision contraire. L’intéressé a été informé de ses droits et de son obligation de quitter le territoire français. La décision est susceptible d’appel dans un délai de 24 heures.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la recevabilité de la requête aux fins de prolongation de la rétention administrative ?

La recevabilité de la requête aux fins de prolongation de la rétention administrative est régie par l’article R743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article stipule que, à peine d’irrecevabilité, la requête doit être motivée, datée, signée et accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L744-2.

Il est également précisé dans les articles L743-9 et L742-4 que le juge des libertés et de la détention doit s’assurer de la régularité du déroulement de la mesure de rétention, en se basant sur les mentions du registre prévu à l’article L744-2.

Dans le cas présent, bien que la défense ait soutenu que la requête était irrecevable en raison de l’absence des quatre précédentes décisions de placement en rétention, il a été établi que ces décisions n’affectent pas la recevabilité de la requête actuelle.

En effet, les précédentes mesures de rétention sont indépendantes et ne conditionnent pas la recevabilité de la nouvelle requête, tant qu’il n’est pas prouvé qu’il existe une impossibilité juridique de placement en rétention.

Ainsi, la requête a été jugée recevable, car elle répondait aux exigences de motivation, de date et de signature, conformément à l’article R743-2.

Quelles sont les conditions pour prolonger la rétention administrative ?

Les conditions pour prolonger la rétention administrative sont énoncées à l’article L742-5 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet article précise que le juge des libertés et de la détention peut être saisi pour prolonger le maintien en rétention au-delà de la durée maximale prévue à l’article L742-4, dans certaines situations.

Ces situations incluent :

1. L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement.
2. L’étranger a présenté une demande de protection contre l’éloignement ou une demande d’asile dans le but de faire échec à la décision d’éloignement.
3. La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat, et il est établi que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.

Dans le cas présent, il a été constaté que l’administration avait sollicité une procédure d’identification pour la Guinée, mais qu’aucune réponse n’avait été obtenue des autorités consulaires.

Cela signifie qu’il n’existait pas d’éléments sérieux permettant de penser que la délivrance d’un document de voyage pourrait intervenir à bref délai.

Par conséquent, les conditions pour une troisième prolongation de la rétention n’étaient pas réunies, et la requête a été rejetée.

Quelles sont les conséquences de la décision de remise en liberté ?

La décision de remise en liberté de Monsieur X, se disant [Z] [L], a été ordonnée conformément aux dispositions légales en vigueur. Selon l’ordonnance, il doit être remis en liberté à l’expiration d’un délai de vingt-quatre heures suivant la notification au Procureur de la République.

Il est également précisé que Monsieur X est maintenu à disposition de la justice pendant ce délai de vingt-quatre heures, ce qui signifie qu’il peut être assigné à résidence ou faire l’objet d’autres mesures judiciaires.

Durant ce délai, l’intéressé a le droit de contacter un avocat, de rencontrer un médecin et de s’alimenter.

Il est important de rappeler que, malgré sa remise en liberté, Monsieur X a l’obligation de quitter le territoire français, conformément à l’article L611-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Cette obligation demeure en vigueur même après la décision de remise en liberté, et l’intéressé doit être informé des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.

Enfin, la décision est susceptible d’appel dans un délai de 24 heures, ce qui permet à toutes les parties concernées de contester la décision si elles le souhaitent.

COUR D’APPEL DE TOULOUSE
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TOULOUSE

Vice-président

ORDONNANCE PRISE EN APPLICATION DES DISPOSITIONS DU CODE D’ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ETRANGERS
(demande de 3ème prolongation)
_______________________________________________________________________________________
N° de MINUTE N° RG 25/00032 – N° Portalis DBX4-W-B7J-TVFZ

le 06 Janvier 2025

Nous, Béatrice DENARNAUD,, vice-président désigné par le président du tribunal judiciaire de TOULOUSE, assistée de Claude MORICE-CATROS, greffier ;

Statuant en audience publique ;

Vu les articles L742-1, L742-4, L742-5, R743-1 à R743-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu notre saisine par requête de M. LE PREFET DE L’HERAULT reçue le 05 Janvier 2025 à 8 heures 53, concernant Monsieur X se disant [Z] [L] né le 10 Janvier 1992 à [Localité 1] (GUINEE)

Vu la deuxième ordonnance du Vice-président du Tribunal judiciaire territorialement compétent en date du 7 décembre 2024 ordonnant la 2ème prolongation de la rétention administrative de l’intéressé confirmée par ordonnance de la cour d’appel le 11 décembre 2024 ;
Vu l’ensemble des pièces de la procédure ;
Monsieur le Préfet sus-désigné ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Le conseil de l’intéressé ayant été avisé de la date et de l’heure de l’audience ;
Attendu que l’intéressé et son conseil ont pu prendre connaissance de la requête et de ses pièces annexes ;

************

Ouï les observations du représentant de la Préfecture qui a sollicité la prolongation de la mesure de rétention administrative ;

Ouï les observations de l’intéressé ;

Ouï les observations de Me Imme KRÜGER, avocat au barreau de TOULOUSE ;

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SUR CE :

SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE AUX FINS DE PROLONGATION DE LA RETENTION

La défense soutient que la requête est irrecevable en ce qu’il n’a pas été produit les quatre précédentes décisions de placement en rétention administrative ne permettant pas d’apprécier la qualité des diligences effectuées par l’administration.

Selon l’article R 743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l’article L744-2.

Il résulte de la combinaison des articles L743-9 et L 742-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que le juge des libertés et de la détention s’assure lors de l’examen de chaque demande de prolongation d’une mesure de rétention d’un étranger, de la régularité du déroulement de la mesure de rétention, depuis sa précédente présentation, notamment d’après les mentions du registre prévu à l’article L744-2 du même code.

Doivent être considérées des pièces justificatives utiles dont la production conditionne la recevabilité de la requête, les pièces qui sont nécessaires à l’appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dont l’examen lui permet d’exercer son plein pouvoir.

Il n’est pas contesté que l’intéressé a fait l’objet de quatre mesures de placement en rétention antérieures, à savoir du 5/04/2023 au 5/06/203 au centre de rétention de [Localité 3], du 13/06/2023 au 27/08/2023 puis du 1/10/2023 au 13/10/2023 et enfin du 11/04/2024 au 13/04/204 au centre de rétention de Toulouse.

Force est de constater qu’il a déjà été jugé par deux précédents juges que non seulement les procédures sont indépendants entre elles, que dès lors qu’il n’est pas invoqué l’impossibilité juridique du placement en rétention actuel, le fait que l’intéressé ait fait l’objet de différents placements en rétention administrative en avril, juin et octobre 2023 ainsi qu’en avril 2024 n’est pas une circonstance conditionnant la recevabilité de la requête.

Au surplus, s’il peut être entendu que l’existence de précédentes mesures soit de nature à démontrer l’existence d’une difficulté à procéder à l’exécution de la mesure d’éloignement, il importe peu que ces difficultés soient imputables à la régularité des procédures antérieures, à une absence de diligence de l’administration ou de l’autorité étrangère, dès lors qu’en tout état de cause, les perspectives d’éloignement doivent être appréciées au jour de la décision et que les éventuelles carences ou difficultés antérieures peuvent être levées.

Il n’est pas contesté que la requête est pour le surplus motivée, datée et signée.
Répondant aux prescriptions de l’article R743-2 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, elle sera déclarée recevable.

SUR LA DEMANDE DE PROLONGATION

Par application de l’article L. 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le juge des libertés et de la détention peut, à titre exceptionnel, peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 9° de l’article L. 611-3 ou du 5° de l’article L. 631-3;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours »

Il résulte de la procédure que dès le 8 novembre 2024, l’administration a sollicité l’UCI d’une demande de procédure d’identification pour la Guinée, en adressant l’ensemble des pièces nécessaires à celle-ci, que la préfecture a relancé l’UCI le 3 décembre 2024, que par retour de courriel, il a été indiqué qu’un rendez-vous consulaire serait prochainement envoyé.
Le 30 décembre 2024, la préfecture a relancé l’unité centrale d’identification.

Il ressort de ce qui précède qu’en l’absence de réponses des autorités consulaires guinéennes et d’une avancée quant à l’identification de l’intéressé, rien ne permet de s’assurer que les diligences avanceraient et seraient sur le point d’aboutir, de sorte qu’il n’existe aucun élément sérieux permettant de penser que la délivrance d’un document de voyage pourrait intervenir à bref délai.

Les conditions d’une troisième prolongation ne sont donc pas réunies en ce que l’autorité administrative, bien qu’elle se montre elle-même diligente, n’établit pas, alors qu’elle a la charge de la preuve, que la délivrance des documents de voyage pourrait intervenir à bref délai.

Il n’est invoqué aucun autre motif de prolongation prévu à l’article L 742-5 susvisé.
Il en résulte qu’il ne peut être fait droit à la requête aux fins de prolongation de la rétention de l’intéressé.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement en premier ressort, par décision assortie de l’exécution provisoire,

ORDONNONS que monsieur X se disant [Z] [L] soit remis en liberté à l’expiration d’un délai de vingt-quatre heures suivant la notification au Procureur de la République de la présente ordonnance, sauf disposition contraire prise par ce Magistrat.

Informons monsieur X se disant [Z] [L] qu’il est maintenu à disposition de la justice pendant un délai de vint-quatre heures à compter de la notification de la présente ordonnance au procureur de la République, lorsqu’il est mis fin à sa rétention ou lors d’une assignation à résidence.

Informons monsieur X se disant [Z] [L] qu’il peut, pendant ce délai de vingt-quatre heures, contacter un avocat et un tiers, rencontrer un médecin et s’alimenter.

Rappelons que l’intéressé a l’obligation de quitter le territoire français en application de l’article L 611-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Le greffier
Le 06 Janvier 2025 à

Le Vice-président

Les parties soussignées ont reçu notification de la présente décision.
Disons avoir informé l’étranger des possibilités et des délais de recours contre toutes les décisions le concernant.
Rappelons que cette décision est susceptible d’appel dans un délai de 24 heures à compter de son prononcé par par tous moyens au greffe de la Cour d’appel de Toulouse et de manière privilégiée sur la boîte structurelle [Courriel 2]

l’intéressé

la présente ordonnance a été notifiée par voie électronique au représentant de la préfecture et au conseil du retenu
le greffier


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