L’Essentiel : M. [F] [I], ressortissant russe, a été placé en rétention administrative suite à un refus de séjour. Le 04 janvier 2025, un magistrat a prolongé sa rétention pour la quatrième fois, décision qu’il a contestée. Son conseil a argué que l’administration n’avait pas prouvé d’obstruction à son éloignement ni de menace pour l’ordre public. La cour a souligné que l’administration devait démontrer un des critères de prolongation, ce qu’elle n’a pas fait, notamment en raison de l’absence de réponse des autorités consulaires russes. En conséquence, la cour a infirmé la prolongation et ordonné sa remise immédiate.
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Contexte de l’affaireM. [F] [I], un ressortissant russe né le 07 juillet 1998, a été placé en rétention administrative par un arrêté préfectoral en date du 21 octobre 2024, suite à un arrêté de refus de séjour (OQTF) émis le 05 août 2023. Il a été retenu au centre de rétention et a refusé de comparaître à l’audience. Procédure judiciaireLe 04 janvier 2025, un magistrat du tribunal judiciaire de Paris a prolongé la rétention de M. [F] [I] pour la quatrième fois, ordonnant son maintien pour une durée maximale de 15 jours. M. [F] [I] a interjeté appel de cette décision, soutenant que les critères de prolongation de la rétention n’étaient pas remplis. Arguments des partiesLe conseil de M. [F] [I] a demandé l’infirmation de l’ordonnance, tandis que le conseil du préfet de police a plaidé pour sa confirmation. M. [F] [I] a fait valoir que l’administration n’avait pas démontré d’obstruction à l’exécution de la décision d’éloignement, ni établi une menace pour l’ordre public. Analyse de la courLa cour a rappelé que l’administration doit prouver l’un des critères énoncés dans l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers pour justifier une prolongation de la rétention. Elle a noté que l’administration n’avait pas réussi à obtenir les documents de voyage nécessaires à l’éloignement de M. [F] [I] dans un délai raisonnable, les autorités consulaires russes n’ayant pas répondu. Conclusion de la courLa cour a constaté qu’aucun des critères de prolongation de la rétention n’était établi, notamment en ce qui concerne la menace pour l’ordre public, puisque M. [F] [I] n’avait pas d’antécédents judiciaires. Par conséquent, elle a infirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention et a rejeté la requête du préfet, ordonnant la remise immédiate de M. [F] [I] et lui rappelant son obligation de quitter le territoire français. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle est la portée de l’article 145 du code de procédure civile dans le cadre des mesures d’instruction ?L’article 145 du code de procédure civile stipule que : « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. » Cet article permet donc d’ordonner des mesures d’instruction avant même qu’un procès ne soit engagé, ce qui est essentiel pour préserver des preuves qui pourraient être déterminantes pour la résolution d’un litige. Dans le cas présent, l’ordonnance a été rendue commune à des tiers, ce qui est justifié par l’existence d’un motif légitime, en raison de leur implication probable dans le litige. Cela souligne l’importance de l’article 145 dans la préservation des droits des parties. Quelles sont les implications de la prorogation du délai de dépôt du rapport d’expertise ?La prorogation du délai de dépôt du rapport d’expertise est une mesure qui permet à l’expert de disposer de plus de temps pour finaliser son rapport, ce qui est crucial lorsque de nouvelles parties sont impliquées dans le litige. Cette prorogation est conforme aux modalités énoncées dans le dispositif de l’ordonnance, et elle est justifiée par la nécessité d’assurer une instruction complète et équitable du dossier. Il est important de noter que cette prorogation doit être respectée par l’expert, et que toute décision prise après le dépôt du rapport doit tenir compte de cette nouvelle temporalité. Comment l’article 145 élargit-il le champ d’application des mesures d’instruction ?L’article 145 du code de procédure civile, bien qu’il se concentre sur les mesures d’instruction, a vu son champ d’application élargi pour inclure toutes les mesures tendant à conserver ou établir la preuve des faits. Cela signifie que non seulement les mesures d’instruction sont concernées, mais également les mesures de production de pièces. Dans le cas présent, la partie demanderesse a justifié son intérêt à obtenir la communication des attestations d’assurance des sociétés défenderesses, ce qui est en ligne avec l’élargissement du champ d’application de l’article 145. Cette extension permet une plus grande flexibilité dans la collecte de preuves, ce qui est essentiel pour la bonne administration de la justice. Qui supporte la charge des dépens dans cette instance en référé ?Selon la décision rendue, la partie demanderesse, dans l’intérêt de laquelle la décision est rendue, supportera la charge des dépens de la présente instance en référé. Cela est conforme aux dispositions générales du code de procédure civile, qui stipulent que la partie qui succombe dans ses prétentions est généralement condamnée aux dépens. Dans ce cas, la décision a été rendue en faveur de la partie demanderesse, ce qui justifie qu’elle prenne en charge les frais liés à la procédure. Cette règle vise à éviter que la partie gagnante ne soit pénalisée financièrement pour avoir eu raison dans le litige. |
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
L. 742-1 et suivants du Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile
ORDONNANCE DU 08 JANVIER 2025
(1 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/00084 – N° Portalis 35L7-V-B7J-CKSHK
Décision déférée : ordonnance rendue le 04 janvier 2025, à 17h08, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris
Nous, Elise Thevenin-scott, conseillère à la cour d’appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Roxanne Therasse, greffière aux débats et au prononcé de l’ordonnance,
M. [F] [I]
né le 07 juillet 1998 à [Localité 1], de nationalité russe
RETENU au centre de rétention : [2]
ayant refusé de comparaître à l’audience de ce jour
représenté par Me Jeanne Barthod-Compant La Fontaine, avocat de permanence au barreau de Paris
INTIMÉ :
LE PREFET DE POLICE
représenté par Me Ludivine Floret du groupement Tomasi, avocat au barreau de Lyon
MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l’heure de l’audience
ORDONNANCE :
– contradictoire
– prononcée en audience publique
– Vu l’ordonnance du 04 janvier 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Paris rejetant les moyens soulevées et ordonnant la prolongation du maintien de M. [F] [I], dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 15 jours, soit jusqu’au 19 janvier 2025 ;
– Vu l’appel motivé interjeté le 06 janvier 2025, à 16h30, par M. [F] [I] ;
– Après avoir entendu les observations :
– du conseil de M. [F] [I], qui demande l’infirmation de l’ordonnance ;
– du conseil du préfet de police tendant à la confirmation de l’ordonnance ;
Monsieur [F] [I], né le 07 juillet 1998 à [Localité 1] (Russie) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 21 octobre 2024, sur la base d’un arrêté portant OQTF en date du 05 août 2023.
La mesure a été prolongée pour la quatrième fois par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de Paris le 04 janvier 2025.
Monsieur [F] [I] a interjeté appel de cette décision au motif, selon lui, que les critères de l’article L. 742-5 du ceseda ne seraient pas remplis.
Réponse de la cour :
S’il appartient au magistrat du siège, en application de l’article L. 741-3 du même code, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l’administration pour permettre que l’étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour, en revanche, l’administration française ne dispose d’aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165) et le juge ne saurait imposer à l’administration la réalisation d’acte sans véritable effectivité.
En application de l’article L.742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction en vigueur depuis le 28 janvier 2024 :
« A titre exceptionnel, le magistrat du siège peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L. 742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparait dans les quinze derniers jours :
1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;
2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :
a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L. 631-3 ;
b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L. 754-1 et L. 754-3 ;
3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.
Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public.
L’étranger est maintenu en rétention jusqu’à ce que le juge ait statué.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l’expiration de la dernière période de rétention pour une nouvelle période d’une durée maximale de quinze jours.
Si l’une des circonstances mentionnées aux 1°, 2° ou 3° ou au septième alinéa du présent article survient au cours de la prolongation exceptionnelle ordonnée en application de l’avant-dernier alinéa, elle peut être renouvelée une fois, dans les mêmes conditions. La durée maximale de la rétention n’excède alors pas quatre-vingt-dix jours. »
Les critères énoncés ci-dessus n’étant pas cumulatifs, il suffit à l’administration d’établir l’un d’eux pour justifier d’une prolongation de la rétention.
Pour l’application du dernier alinéa de l’article précité à la requête en quatrième prolongation, créé par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, il appartient à l’administration de caractériser l’urgence absolue ou la menace pour l’ordre public établie dans les 15 jours qui précèdent la saisine du juge.
S’agissant de la menace à l’ordre public, critère pouvant être mobilisé par l’administration à l’occasion des troisième et quatrième prolongations de la mesure de rétention elle impose, compte tenu du caractère dérogatoire et exceptionnel de ces ultimes prolongations, une vigilance particulière sur les conditions retenues pour qualifier ladite menace qui doit se fonder sur des éléments positifs, objectifs et démontrés par l’administration. Elle a pour objectif manifeste de prévenir, pour l’avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.
La menace pour l’ordre public doit faire l’objet d’une appréciation in concreto, au regard d’un faisceau d’indices permettant, ou non, d’établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l’actualité de la menace selon le comportement de l’intéressé.
La commission d’une infraction pénale n’est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l’intéressé présenterait une menace pour l’ordre public (CE, 16 mars 2005, n° 269313, Mme X., A ; CE, 12 février 2014, ministre de l’intérieur, n° 365644, A).
L’appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l’étranger en situation irrégulière fait peser sur l’ordre public (CE, Réf. N°389959, 7 mai 2015, ministre de l’intérieur, B).
En l’espèce, l’administration n’établit pas être en mesure d’obtenir des documents de voyage à bref délai dès lors que les autorités consulaires Russes, saisies dès le 21 octobre 2024, n’ont jamais répondu, ni entendu Monsieur [F] [I], et qu’il est donc illusoire d’imaginer qu’un laissez-passer consulaire pourrait être délivré dans les onze prochains jours.
S’agissant de la menace à l’ordre public, la cour constate que si Monsieur [F] [I] a fait l’objet de plusieurs signalements au FAED, il n’est justifié d’aucune condamnation ni d’aucun antécédent judiciaire de quelle que nature, ce que l’administration aurait été à même de prouver ne produisant un extrait numéro 2 du casier judiciaire.
En définitive, aucun de critères de l’article 742-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’étant établi, aucune obstruction n’étant démontrée, c’est à tort que le premier juge à fait droit à la demande de quatrième prolongation. La décision sera donc infirmée et la requête de la préfecture rejetée.
INFIRMONS l’ordonnance
Statuant à nouveau,
REJETONS la requête du préfet
DISONS n’y avoir lieu à maintien de M. [F] [I] en rétention administrative,
RAPPELONS à M. [F] [I] qu’il a l’obligation de quitter le territoire français,
ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d’une expédition de la présente ordonnance.
Fait à Paris le 08 janvier 2025 à
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
REÇU NOTIFICATION DE L’ORDONNANCE ET DE L’EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L’ordonnance n’est pas susceptible d’opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l’étranger, à l’autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d’attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l’avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Le préfet ou son représentant L’avocat de l’intéressé
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