Prolongation de la rétention administrative : enjeux de sécurité et de respect des droits individuels.

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Prolongation de la rétention administrative : enjeux de sécurité et de respect des droits individuels.

L’Essentiel : Le 30 octobre 2024, l’autorité administrative a placé [B] [F] en rétention, prolongée par le juge des libertés à deux reprises. Le 27 décembre, le préfet a demandé une nouvelle prolongation de quinze jours, acceptée le 29 décembre. [B] [F] a interjeté appel le 30 décembre, arguant que les critères du CESEDA n’étaient pas remplis. Lors de l’audience du 31 décembre, son avocat a plaidé en faveur de l’appel, tandis que le préfet a demandé la confirmation de la prolongation. Le juge a finalement conclu que, bien que [B] [F] n’ait pas fait obstruction, une menace pour l’ordre public justifiait la mesure.

Décision de rétention administrative

Le 30 octobre 2024, l’autorité administrative a décidé de placer [B] [F] en rétention dans des locaux non pénitentiaires. Cette mesure a été prolongée par le juge des libertés et de la détention à deux reprises, le 2 novembre et le 29 novembre 2024, pour des périodes de vingt-six et trente jours respectivement. La prolongation du 29 novembre a été confirmée par la cour d’appel de Lyon le 1er décembre 2024.

Nouvelle demande de prolongation

Le 27 décembre 2024, le préfet du Rhône a demandé au juge des libertés et de la détention de prolonger exceptionnellement la rétention de [B] [F] pour quinze jours supplémentaires. Cette requête a été acceptée par le juge le 29 décembre 2024.

Appel de [B] [F]

Le 30 décembre 2024, [B] [F] a interjeté appel de l’ordonnance de prolongation, arguant que les critères du CESEDA n’étaient pas remplis. Il a soutenu qu’il n’avait pas fait obstruction à son éloignement, que l’administration n’avait pas prouvé la délivrance rapide d’un document de voyage, et qu’il ne représentait pas un danger pour l’ordre public.

Audience et plaidoiries

Les parties ont été convoquées à l’audience du 31 décembre 2024. [B] [F] était présent, assisté d’un interprète et de son avocat, qui a plaidé en faveur de l’appel. Le préfet, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l’ordonnance de prolongation.

Recevabilité de l’appel

L’appel de [B] [F] a été jugé recevable, conformément aux dispositions du CESEDA, car il a été effectué dans les formes et délais légaux.

Analyse du bien-fondé de la requête

Le CESEDA stipule qu’un étranger ne peut être maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ. Le juge peut prolonger la rétention dans certaines situations, notamment si l’étranger a fait obstruction à son éloignement ou si des documents de voyage ne peuvent être délivrés rapidement. Le conseil de [B] [F] a soutenu que ces conditions n’étaient pas remplies.

Arguments de l’autorité administrative

L’autorité administrative a avancé plusieurs arguments pour justifier la prolongation de la rétention, notamment le comportement de [B] [F], son absence de garanties de représentation, et son utilisation d’alias pour dissimuler son identité. De plus, il a été noté qu’il n’avait pas de ressources ni de logement stable en France.

Conclusion du juge

Le juge a conclu que [B] [F] n’avait pas fait obstruction à la mesure d’éloignement, mais a également noté qu’il existait une menace réelle pour l’ordre public en raison de son passé criminel et de son comportement. En conséquence, l’ordonnance de prolongation a été confirmée.

Q/R juridiques soulevées :

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel de [B] [F] a été jugé recevable conformément aux dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Ces articles précisent les conditions de forme et de délai pour interjeter appel d’une décision relative à la rétention administrative.

L’article L.743-21 stipule que « l’étranger peut faire appel de la décision du juge des libertés et de la détention dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision ».

Les articles R.743-10 et R.743-11 détaillent les modalités de cette procédure, garantissant ainsi le droit à un recours effectif.

Ainsi, l’appel a été déclaré recevable, respectant les exigences légales.

Sur le bien-fondé de la requête

L’article L.741-3 du CESEDA précise que « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet ».

Cet article établit le principe fondamental de la rétention administrative, qui doit être proportionnée et justifiée par des raisons précises.

De plus, l’article L.742-5 du même code énonce que « à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L.742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours ».

Les situations énumérées incluent l’obstruction à l’éloignement, la présentation d’une demande de protection, ou l’absence de délivrance des documents de voyage par le consulat.

Dans le cas présent, [B] [F] a contesté la légitimité de la prolongation de sa rétention, arguant qu’aucun des critères n’était réuni.

Il a été établi que [B] [F] n’a pas fait obstruction à son éloignement, ni présenté de demande d’asile.

L’administration a cependant justifié sa demande de prolongation en invoquant des éléments tels que son comportement criminel antérieur et l’absence de garanties de représentation.

L’ordonnance a donc été confirmée, car il a été jugé qu’il existait une menace réelle et actuelle pour l’ordre public, justifiant ainsi la prolongation de la rétention.

N° RG 24/09914 – N° Portalis DBVX-V-B7I-QC4Q

Nom du ressortissant :

[B] [F]

[F]

C/

PREFETE DU RHONE

COUR D’APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 31 DECEMBRE 2024

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Nathalie LE BARON, conseiller à la cour d’appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 16 décembre 2024 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d’entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d’asile,

Assistée de Céline DESPLANCHES, greffier,

En l’absence du ministère public,

En audience publique du 31 Décembre 2024 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [B] [F]

né le 06 Avril 2004 à [Localité 1] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Actuellement retenu au CRA 2

comparant assisté de Maître Isabelle ROMANET-DUTEIL, avocat au barreau de LYON, commis d’office

ET

INTIME :

M. PREFETE DU RHONE

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Eddy PERRIN, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l’affaire en délibéré au 31 Décembre 2024 à 14h00 et à cette date et heure prononcé l’ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Par décision du 30 octobre 2024, l’autorité administrative a ordonné le placement d'[B] [F] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire à compter du 30 octobre 2024.

Par ordonnances des 2 novembre 2024 et 29 novembre 2024, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [B] [F] pour des durées de vingt-six et trente jours.

La décision du 29 novembre 2024 a été confirmée par ordonnance de la cour d’appel de Lyon du 1er décembre 2024.

Suivant requête du 27 décembre 2024, le préfet du département du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours.

Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 29 décembre 2024 a fait droit à cette requête.

[B] [F] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 30 décembre 2024 à 11 heures 41 en faisant valoir qu’aucun des critères définis par le CESEDA n’est réuni et que la troisième prolongation de sa rétention administrative est impossible en ce qu’il n’a pas fait obstruction à son éloignement, que l’autorité administrative n’établit pas la délivrance à bref délai d’un document de voyage et qu’il ne constitue pas un danger réel et actuel pour l’ordre public.

[B] [F] a demandé l’infirmation de l’ordonnance déférée et sa remise en liberté.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience du 31 décembre 2024 à 10 heures 30.

[B] [F] a comparu et a été assisté d’un interprète et de son avocat.

Le conseil d'[B] [F] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d’appel.

Le préfet du département du Rhône, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l’ordonnance déférée.

[B] [F] a eu la parole en dernier.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l’appel

Attendu que l’appel de [B] [F] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L.743-21, R.743-10 et R.743-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) est déclaré recevable ; 

Sur le bien-fondé de la requête

Attendu que l’article L.741-3 du CESEDA rappelle qu’un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l’administration doit exercer toute diligence à cet effet ;

Attendu que l’article L.742-5 du même code dispose qu’« à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l’article L.742-4, lorsqu’une des situations suivantes apparaît dans les quinze derniers jours :

1° L’étranger a fait obstruction à l’exécution d’office de la décision d’éloignement ;

2° L’étranger a présenté, dans le seul but de faire échec à la décision d’éloignement :

a) une demande de protection contre l’éloignement au titre du 5° de l’article L.631-3 ;

b) ou une demande d’asile dans les conditions prévues aux articles L.754-1 et L.754-3 ;

3° La décision d’éloignement n’a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l’intéressé et qu’il est établi par l’autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai.

Le juge peut également être saisi en cas d’urgence absolue ou de menace pour l’ordre public ». 

Attendu que le conseil d'[B] [F] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond pas aux conditions de la troisième prolongation ;

Attendu que l’autorité administrative fait valoir dans sa requête que :

– l’intéressé ne justifie pas de garanties de représentation effectives,

– son comportement constitue une menace pour l’ordre public dans la mesure où il a été écroué dès le 19 juin 2024 et condamné le lendemain par le tribunal correctionnel de Lyon à huit mois d’emprisonnement pour des faits de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail,

– il ne peut justifier d’un hébergement stable et établi sur le territoire national, ayant déclaré comme dernière adresse la maison d’arrêt de [Localité 2] et, en situation irrégulière sur le territoire, ne justifiant d’aucune profession ni ressources,

– il fait usage de divers alias afin de dissimuler sa véritable identité pour faire obstacle à son éloignement et fabule sur sa situation familiale lors de ses auditions avec les mêmes intentions,

– il est démuni de tout document de voyage, obligeant l’administration à engager des démarches auprès des autorités algériennes dès le 26 octobre 2024 en vue de la délivrance d’un laissez-passer consulaire, l’intégralité des éléments nécessaires ayant été envoyée aux autorités algériennes le 30 octobre 2024 et des relances effectuées les 28 novembre, et 9 et 18 décembre 2024.

Attendu qu’en l’espèce [B] [F] n’a ni fait obstruction à la mesure d’éloignement, ni présenté une demande de protection ou une demande d’asile pour y faire échec ;

Attendu par ailleurs que si l’administration justifie de diligences réitérées auprès des autorités consulaires algériennes, ces dernières n’ont apporté aucune réponse depuis plus de deux mois à ces sollicitations, et ce alors qu’il est établi qu’un dossier complet leur a été transmis, incluant notamment un jeu d’empreintes dactyloscopiques et des photographies de l’intéressé ; qu’il ne peut donc être retenu que les documents de voyage vont être délivrés dans le bref délai visé à l’article L.742-5 du CESEDA ;

Attendu en revanche qu'[B] [F] a été condamné par le tribunal correctionnel de Lyon dans le cadre d’une comparution immédiate, à une peine d’emprisonnement ferme de huit mois pour des faits de vol avec violence ayant entraîné une incapacité totale de travail n’excédant pas huit jours aggravé par une autre circonstance ; qu’il a bénéficié, le 10 octobre 2024, d’une libération conditionnelle à la suite de laquelle il a été placé en rétention administrative ; qu’il est établi qu’il utilise plusieurs alias afin de faire échec aux mesures de reconduite à la frontière s’imposant à lui et qu’il est donc à craindre, s’il était remis en liberté, qu’il disparaisse et se soustraie à nouveau à son obligation de quitter le territoire français, mais aussi qu’il commette à nouveau des faits délictueux, étant dépourvu de toute ressource et de tout hébergement ; qu’il existe donc une menace réelle et actuelle pour l’ordre public ;

Qu’en conséquence, l’ordonnance entreprise est confirmée ;

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l’appel formé par [B] [F],

Confirmons l’ordonnance déférée.

Le greffier, Le conseiller délégué,

Céline DESPLANCHES Nathalie LE BARON


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